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tome 1, Chapitre 1 tome 1, Chapitre 1

L’été est doux. L’orage de la nuit a laissé sur son passage l’odeur de terre humide. Le soleil est éclatant et les oiseaux chantent. Maïeul hume l’air avec un sourire satisfait. Il adore ces journées-là, surtout lorsqu’il n’est pas prisonnier d’une classe, comme aujourd’hui. En effet, la veille, la sonnerie mettant fin à son dernier cours de l’après-midi sonnait le glas de l’année scolaire et annonçait joyeusement le début des vacances d’été.

Il avait couru hors de la salle sans écouter les réprimandes de son professeur. Lorsqu’il était rentré chez lui, il avait fait ses valises à la hâte et les avait jetées par sa fenêtre pour ne pas avoir à les traîner dans les escaliers. Puis il avait tambouriné à la porte de chambre de son petit frère, Archibald.

— Bald, ramène ton cul et tes valises fissa, grouille ! On va chez papi et mamie !

Sans attendre de réponse, il s’était lancé sur la rampe et s’y était laissé glisser jusqu’au rez-de-chaussée.

— Tu veux vraiment te casser une jambe avant de partir ! s’était énervé son père, les mains sur les hanches, un tablier de cuisine rose bonbon à cœurs noué autour de la taille. Et tu vas me faire le plaisir de remonter tes valises et de les redescendre en passant par les escaliers, tu crois que je n’ai rien vu ? Tu me prends vraiment pour une truffe, mon fils !

— Mais pap…

— Ya pas de mais qui tienne ! Allez, hop ! Et que ça saute ! Tu croyais quand même pas que j’allais vous refourguer à papi et mamie pour deux semaines sans profiter de ma dernière soirée avec vous et sans les inviter à rester manger ‽

Maïeul avait frétillé d’impatience tout au long du repas. Il avait poussé une profonde inspiration, soulagé, et ses épaules s’étaient libérées de toute tension lorsque ses grands-parents avaient déclaré qu’il se faisait tard et qu’il était temps de partir.

En arrivant, il s’était empressé de régler son alarme sur son téléphone. Au petit matin, il avait couru réveiller Archibald. Ils avaient dégusté ensemble le petit déjeuner que leur grand-mère avait préparé avec amour, leur grand-père lisant son journal, les observait parfois avec tendresse par-dessus ses lunettes à verres épais.

Archibald lui avait demandé pourquoi il ne regardait jamais à travers mais toujours par-dessus. Surpris, le vieil homme avait ri bruyamment en lui ébouriffant les cheveux. Maïeul avait levé les yeux au ciel puis attrapé son petit frère par le tee-shirt pour l’entraîner à sa suite : il avait hâte de jouer foot avec lui. Après tout, ils n’avaient qu’un an et demi d’écart, et ils avaient les mêmes loisirs.

Depuis maintenant plus de deux heures et demie, ils rssayeny chacun leur tour de marquer un but, précairement fabriqué entre deux arbres. C’est à Maïeul de tenter sa chance contre Archibald. Emballé par le bon moment qu’ils passent tous les deux, il imite les voix de commentateurs sportifs, puis il tire dans le ballon.

Pendant un instant, à cause du soleil, il le perd de vue. Il se sert de son bras comme d’une visière. Alors qu’il le repère à nouveau, il prend une mine horrifiée puis se bouche les oreilles en fermant les yeux. Une fenêtre de l’étage de la maison voisine se brise avec fracas.

— Aïe, ça pue pour mon matricule, ça… marmonne-t-il alors qu’Archibald, apeuré, court se réfugier dans sa chambre.

Fébrile, redoutant le pire, Maïeul, un vibrato dans la voix, s’écrie, ses mains en porte-voix :

— Eh oh, y a quelqu’un là-haut ? Je m’excuse pour le ballon, vous pouvez me le renvoyer ? Je payerai les dégâts ! Je suis vraiment désolé !

Il attend quelques secondes, tendant l’oreille.

— Eh oh ?

De nouveau, aucune réaction.

Tremblant de tout son corps, il avance jusqu’à la porte d’entrée. Après une grande inspiration pour s’armer de bravoure, enfin, il se décide à sonner, le cœur battant à tout rompre.

Personne ne répond : il recule et analyse la façade. Ses yeux se posent sur la gouttière, qui longe le mur non loin de la vitre cassée. Il vérifie à droite et à gauche : toujours personne. Il se frotte les paumes pour éviter qu’elles ne glissent.

— Allez, tu peux le faire… s’encourage-t-il tout bas.

Puis il commence à escalader. Tant bien que mal, le souffle court, il accède à la fenêtre, qu’il ouvre en passant la main à l’intérieur, se coupant au bras au passage.

Une fois dedans, il repère immédiatement son ballon et s’empresse de le saisir. Tandis qu’il s’apprête à partir par où il est entré, il entend un faible râle qui lui glace le sang. Il se fige et se retourne lentement. Ses iris se posent d’abord sur la porte, qui est toujours fermée. Le râle le surprend de nouveau. Ses yeux s’agrandissent de stupeur alors qu’il les baisse sur un lit deux places, dans lequel une adolescente malingre le fixe, le teint blafard.

Son ballon lui échappe des mains. Il le laisse rouler sous un meuble : il est incapable de dévier son attention de l’inconnue, et encore plus de faire le moindre geste.

Les secondes, qui semblent des heures, passent pendant qu’il demeure immobile. Un faible sourire se forme sur les lèvres de la jeune fille alors qu’il se détourne d’elle pour se précipiter hors de la pièce.

— Reste… implore-t-elle.

Ce n’est qu’un murmure tremblotant, mais qui a le pouvoir sur lui : il obéit et se retourne pour lui faire face, attendant silencieusement qu’elle reprenne sa respiration.

— Comment t’appelles-tu ? s’enquiert-elle laborieusement.

Son cerveau tourne à plein régime : et si elle demandait son nom pour le donner à ses parents voire à la police ? Il observe chaque trait de son visage, puis il décide qu’il ne risque rien.

— Maïeul, avec un i, pas avec un y, mais je suis pas venu pour voler ou quoi…

Il rougit et se renfonce dans le silence.

— Oui, j’ai entendu. J’ai essayé de répondre. Je me serais bien levée mais…

— Et toi, tu es qui ? ose-t-il demander.

— Myranda, avec un y, pas avec un i, déclare-t-elle, espiègle.

— Très drôle ! s’exclame-t-il en levant les yeux au ciel.

Le silence revient. Il passe d’un pied sur l’autre, gêné.

— Tu…

— Je suis un mystère pour la recherche médicale.

— C...

— Tu n’es pas le premier que je rencontre… mais si ça peut te consoler, tu es le premier à passer par ma fenêtre.

Elle tente de sourire, mais elle est saisie d’une forte quinte de toux et crache du sang sur son épais pyjama.

Il détourne le regard, honteux : c’est entièrement sa faute ! S’il n’avait pas cassé sa fenêtre, elle n’aurait pas froid et…

— Ça m’arrive très souvent, le rassure-t-elle une fois la crise passée, comme si elle pouvait lire dans son esprit. Décris-moi l’extérieur : je ne sors jamais de cette chambre…


Texte publié par JAJ, 9 octobre 2024 à 05h14
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