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tome 1, Chapitre 21 « Alchimie » tome 1, Chapitre 21

Or donc après un déjeuner sur l’herbe fort agréable et appréciable, Ludylia et Avicennius s’en étaient allés en direction de la ville de Clamart où habitait cette dernière. Ludylia possédait un petit pavillon situé non loin de la forêt, non loin d’un étrange monolithe appelé la Pierre aux Moines. À peine furent-ils partis, qu’Avicennius s’endormit tandis que la voiture roulait doucement à travers les bois. Mais alors qu’il sommeillait profondément, une voix douce raisonna dans sa tête :

– Avicennius ! Avicennius ! Réveillez-vous ! Nous sommes arrivés.

Avicennius ouvrit les yeux en sursaut. Il était toujours dans la voiture que conduisait Ludylia, en face d’eux se tenait un imposant menhir, autour duquel s’étendait une riche forêt. Celle-ci descendit et invita Avicennius à la suivre jusqu’au pied du mégalithe.

– Bonjour Avicennius ! fit une voix haut perchée et ronronnante.

Surpris ce dernier le va les yeux vers le sommet de la pierre et s’écria :

– Ercus !!

– Es-tu si étonné de me voir ici ?

– En fait non, car je rêve n’est-ce pas ?

Ercus lui renvoya l’un de ses sourires énigmatiques dont il avait le secret, à la façon du chat du Cheshire

– Oui Avicennius, nous sommes bien dans un rêve. Mais lequel ?

Ses lèvres le brûlaient comme si de la cire fondue avait coulé dessus pour les sceller à jamais :

– Le mien ou le sien…

Ludylia et Ercus le regardaient avec une intense bienveillance :

– Le nôtre, n’est-ce pas, murmura-t-il en désignant la Tour Noire qu’il apercevait par-delà l’épaisse forêt.

Tout devint alors flou et la voie mélodieuse de Ludylia se glissa dans sa tête :

– Avicennius ! Avicennius ! Réveillez-vous cher ami.

– Nous… nous sommes arrivés. Veuillez me pardonner mon assoupissement.

– Voyons ! Pourquoi vous excusez ainsi ? Je ne vous ai fait nul reproche.

– Bien sûr. Je crois que j’ai encore simplement un trop grand sens des convenances.

– Ce n’est rien Avicennius. Vous ne vous êtes pas encore remis de toutes vos émotions et de tous ces événements. Il est naturel que votre corps et votre esprit puissent se reposer. Venez. Je dois vous montrer quelque chose.

Avicennius descendit de l’automobile et suivit Ludylia vers un petit pavillon aux murs en meulière. Il était à l’image de sa propriétaire : sensible, étrange, mystérieux. Ils passèrent dans une petite allée gravillonnée, serpentant autour de plusieurs massifs fleuris, et arrivèrent sur le flanc gauche de la maison.

– Pourquoi avoir fait l’entrée de votre demeure de ce côté et non face à la rue ?

Ludylia lui répondit par un sourire énigmatique et pointa la fenêtre du grenier. Puis elle ouvrit une lourde porte en chêne et pénétra dans la maison. Dans l’entrée, elle se déchaussa et invita Avicennius à en faire autant, tout en lui tendant une paire de pantoufles.

– Je gage qu’elles seront à votre taille.

Avicennius se déchaussa à son tour et enfila comme il put la paire tendue par Ludylia. Hélas c’est à peine s’il pouvait introduire l’ensemble de ses orteils. Voyant son désarroi, cette dernière farfouilla alors quelques instants dans un placard dissimulé dans le mur, avant de brandir triomphalement une paire d’énormes charentaises. Cette fois, il flottait littéralement mais il se garda de dire quoi que ce soit, pour ne point vexer son hôte. Elle prit ensuite son manteau, qu’elle accrocha à une patère en métal sculpté et lui fit signe de la suivre :

– Venez avec moi au grenier Avicennius. Je vous dois une petite explication.

Intrigué ce dernier la précéda de bonne grâce. Bientôt ils furent dans une pièce sombre, sobre et basse de plafond, enfin surtout pour lui. Là, seule une fenêtre circulaire faisait entrer la lumière. Plié en deux, Avicennius suivit Ludylia, qui ouvrit le hublot, lui permettant ainsi de se pencher plus en avant.

– Mais c’est la Pierre aux Moines !

– Oui. Mais comment la connaissez-vous ? Vous n’êtes jamais venu ici.

Pendant un court instant Avicennius eut une absence, avant de murmurer d’une voix troublée :

– Dans un songe…

Ludylia hocha la tête puis referma lentement la fenêtre. Dehors la luminosité avait subtilement changé, des iridescences apparaissaient çà et là, à chaque bordure comme pour souligner une frontière. Elles arrivaient par vagues incessantes depuis la Pierre aux Moines jusqu’à ce petit pavillon de briques et de meulières. Avicennius et Ludylia s’étaient entre-temps rendus à la bibliothèque, un lieu aux arômes de vieux bois et de cuir relié et tanné par les âges. Aux murs, ce n’était qu’étagères et présentoirs débordant de livres dissimulés derrière de grandes vitrines. Au milieu trônait une table tout juste assez grande pour accueillir deux lecteurs. Dessus reposait un pupitre sur lequel était disposé un ouvrage à la couverture fatiguée. Avicennius s’approcha du tome et lu d’une voix chevrotante :

– « Réflexions sur l’énergie, fluctuation et multitude des mondes. » Moshé Ebernezer. Carl Gustav Jung.

Interloqué Avicennius se retourna vers Ludylia qui l’observait d’un air bienveillant. Et avant qu’il eut pu entrouvrir les lèvres, elle répondit à sa question :

– Carl Gustav Jung est un médecin psychanalyste et psychiatre, mais surtout il est un pionnier de la psychologie des profondeurs. Il a été un grand un disciple du grand Sigmund Freud avant de rompre avec lui en 1913 lors du XVIIe congrès international de médecine à Londres.

– Mais je croyais la psychologie et la psychanalyse taboue et persona non grata dans l’Empire.

– Assurément. Mais en apparence seulement. Elle est en réalité tolérée et nos élites ne veulent pas voir cette vérité ébruitée. Cependant, la Suisse, du fait de sa stricte neutralité, est un havre de paix à la fois pour les études et les soins des patients.

– Je crois que je commence à comprendre quelques-unes des raisons qui ont conduit à cet ostracisme.

– En partie seulement Avicennius, car ce que contient ce livre est plus radical, hérétique même.

Sans qu’il sache trop pourquoi ses mains tremblaient autant, il prit place devant le pupitre. Une fois assis, Ludylia prit place à son tour et ouvrit le livre. Sur la page de garde figurait un homme, dans une grotte, assis devant un feu. Sur le fond se détachait une ombre en perspective faisant émerger un relief éthéré, tandis qu’au-dehors un ballet de créatures fantastiques se pressait. Néanmoins, un détail le chagrinait et s’en ouvrit :

– Ludylia quelque chose me gêne dans cette illustration. Pourquoi ai-je la sensation en la regardant d’une incomplétude dans ce bestiaire ? Il me semble qu’il leur manque à tous quelque chose ou non. Ah ! je n’arrive pas à deviner.

– Concentrez-vous sur les ombres…

Avicennius prit délicatement le livre pour le regarder en lumière rasante.

– Mais ces ombres… sont en relief

Avicennius suspendit un instant ses mots puis poursuivit :

– Seuls les objets qui leur ont donné naissance… doivent avoir une dimension supplémentaire… Est-ce possible ?

– Pourquoi ne le serait-ce pas ?

– Oui… à la manière du carré de Flatland qui découvre la sphère de Spaceland et qui lui fait part de l’existence possible de personnes en quatre dimensions. Mais quel rapport avec les derniers événements ?

– Contentes-toi de lire, s’il te plaît.

Avicennius releva le passage du vouvoiement au tutoiement, mais n’en fit aucune remarque et commença l’étude du précieux ouvrage. En bas de la page de garde, il pouvait y lire :

Jahrbuch für psychoanalytische und psychopathologisch Forschungen.

1919

Il tourna ensuite quelques pages blanches et découvrit le sommaire :

Première partie : Nature et transformation de l’énergie

Chapitre 1 : De l’énergie à la matière

Chapitre 2 : Définition des archétypes et de l’inconscient collectif

Chapitre 3 : De la libido aux archétypes

Seconde partie : D’un mariage impossible à la multiplicité dimensionnelle

Chapitre 1 : Relativité générale

Chapitre 2 : Théories des quanta

Chapitre 3 : Théorie de Kaluza-Klein

Troisième partie : Inconscient collectif et éther fluctuant

Chapitre 1 : De la multiplicité dimensionnelle à la multiplicité des possibles

Chapitre 2 : Réciprocité des liens énergétiques

Chapitre 3 : L’éther fluctuant, lien entre libido et énergie

Comme il n’allait pas tout retenir, Avicennius sortit un carnet en cuir et demande à Ludylia si elle pouvait lui prêter une plume. Cette dernière se leva et ouvrit l’une des bibliothèques d’où elle tira une superbe plume d’oie avec une pointe en cristal.

– Voici Avicennius. C’est avec cette plume que fut rédigé l’objet que vous tenez entre vos mains.

– Je n’oserai accepter pareil objet Ludylia. Je ne peux m’en servir.

– J’insiste, minauda-t-elle tout en lui remettant la plume et l’encrier.

Et Avicennius commença à prendre frénétiquement des notes :

Première partie : Nature et transformation de l’énergie

Chapitre 1 : De l’énergie à la matière

En 1909, Albert Einstein publie une série de quatre articles qui est l’annonce de futurs révolutions à venir et surtout donne un cadre théorique à des phénomènes exploités jusque-là empiriquement. Il me semble que le point le plus essentiel à retenir est l’équivalent masse-énergie, relié par l’équation E=mc². Nouvelle définition de l’espace et du temps : ils sont un tout indissociables l’espace-temps.

Chapitre 2 : Définition des archétypes et de l’inconscient collectif

Le mot archétype vient du grec arkhêtupon : l’image primordiale. Jung le définit par la tendance humaine à utiliser une même « forme de représentation donnée a priori » renfermant un thème universel structurant la psyché, commun à toutes les cultures mais figuré sous des formes symboliques diverses. En soi, on ne peut lui donner d’image propre, celle-ci sera propre à chaque individu, groupe, collectivité ou civilisations mais le motif sous-jacent sera identique. Il influence les valeurs et les expériences de la conscience d’un sujet, en retour celui-ci pourra influencer l’archétype. C’est une dynamique à double sens.

Selon Jung, les instincts et les archétypes constituent l’ensemble de l’inconscient collectif. Il l’appelle “collectif” parce que, au contraire de l’inconscient personnel, il n’est pas fait de contenus individuels plus ou moins uniques ne se reproduisant pas, mais de contenus qui sont universels et qui apparaissent régulièrement.

Chapitre 3 : De la libido aux archétypes

La libido est l’énergie psychique et comme toute énergie, elle peut se transformer. L’archétype est une condensation, une agrégation de libido au sein de l’inconscient collectif, qui s’étend sur six dimensions d’espace. En soi, il n’est pas directement accessible à la conscience et vit son temps propre, mais on peut par certaines techniques en percevoir les énergies et les amener à se condenser en soi. La différenciation des archétypes s’explique par le fait que leur géométrie intrinsèque ne leur permet que de capter que certaines énergies et renvoient les autres. De la même façon qu’un pigment donné va absorber seulement certaines longueurs d’onde ou niveaux d’énergie et renvoyer alors une couleur donnée, correspondant à l’onde ou le niveau d’énergie non absorbée. L’archétype a une topologie donnée, doté de pouvoirs dont nous l’investissons. Mais ceux-ci ne sont intégrés à l’archétype que si et seulement si ces derniers entrent en résonance avec sa topologie. De cette façon on peut y voir une analogie avec l’équivalence matière-énergie d’Einstein. La question qui se pose alors est la suivante : existe-t-il une équivalence libido-énergie, sont-ce les deux facettes d’une même chose ? L’inconscient collectif est immuable et est composé d’archétypes et d’instinct. Or les archétypes sont une condensation de la libido, les instincts sont le medium de la transformation. L’inconscient collectif est composé de pure libido et pourvu qu’un être vivant possède un instinct, alors il pourra utiliser la libido. Facteur d’équilibre, un homme coupé de la libido sera victime d’un grave déséquilibre psychique. Est-ce transposable à l’échelle de l’humanité ? Explications aux grands déséquilibres actuels ?

Deuxième partie : D’un mariage impossible à la multiplicité des dimensions

Chapitre 1 : La relativité générale

La relativité générale est une généralisation et une extension de la relativité restreinte à la gravitation et aux objets en mouvement accélérés. La gravitation est une propriété de l’espace-temps, l’un et l’autre sont indissociables, alors la matière et l’énergie contenue influence ce tissu. Chaque point possède sa métrique propre, le temps et les coordonnées spatiales lui sont propres. Il y a rétroaction du couple matière énergie et du couple espace-temps.

Chapitre 2 : La mécanique quantique

Elle décrit les propriétés de la matière à son niveau le plus fondamental. À ce niveau rien ne distingue une onde d’une particule. L’énergie est fonction de la longueur d’onde. La superposition des états est une propriété intrinsèque de la matière à cette échelle. Ici un objet peut-être dans deux états différents à la fois, mais un seul se réalise, le plus stable ? Le monde connu émerge de la réalisation de tous les états possibles de l’univers, qui reste l’entité fondamentale contenant tous les possibles. Expérience de pensée avec un chat par Schrödinger. À cette échelle, existe-t-il vraiment une distinction des états ? Cette vision ne serait-elle pas « une vue de notre esprit ». Voir les probabilités bayésiennes ?

Finalement, tous les mondes possibles existent, un individu serait la somme et la complexation de tous ses possibles.

Chapitre 3 : Théorie de Kaluza-Klein

Proposition d’ajout de dimensions supplémentaires pour marier les forces subatomiques et la gravitation. Elles ne sont pas perceptibles car trop petites ou sont dans univers à côté du nôtre, dans lequel ce dernier serait plongé, ou encore seraient-elles enroulées sur elles-mêmes. Kaluza ajoute six dimensions d’espace et une de temps. Klein développe, lui, les outils pour compactifier les dimensions supplémentaires.

Troisième partie : Inconscient collectif et éther fluctuant.

Chapitre 1 : De la multiplicité dimensionnelle à la multiplicité des possibles

L’univers est un ensemble supra-dimensionnel à 11 dimensions, neuf dimensions d’espace et deux dimensions de temps orthogonales l’une par rapport à l’autre. Notre univers quadridimensionnel est ainsi plongé dans l’Univers majuscule. La superposition des états est une perception tronquée de la réalité. Il s’agit en fait de superpositions d’univers ou d’univers posés les uns à côté des autres à mesure de leur apparition. Certains meurent, d’autres vivent indépendamment les uns des autres, d’autres enfin fusionnent. Chaque objet peut-il être assimilé à un univers ?

Chapitre 2 : Réciprocité des liens énergétiques

Tout est énergie, l’énergie ne fait que se transformer en une autre forme d’énergie. Libido et énergie dite physique sont deux facettes de l’Énergie qui baigne l’Univers. À la naissance de notre univers, énergie et libido se sont dissociées car l’énergie nécessaires à leur maintien en une seule entité n’était plus suffisante. Ainsi, matière et archétype sont deux facettes de la Matière, l’un et l’autre peuvent s’échanger et s’incarner dans un sens ou dans l’autre. L’archétype peut ainsi s’incarner dans la matière et la matière peut donner un corps à l’archétype.

Chapitre 3 : L’éther fluctuant, lien entre libido et énergie

L’éther fluctuant permet la conversion de la libido en énergie et inversement, ce qui permet l’incarnation des archétypes. Les propriétés de l’éther proviennent de l’énergie potentialisée par la non-réalisation des trois dimensions lors de l’incarnation de l’archétype. Il est une passerelle entre les univers et l’Univers.

Ni Ludylia, ni Avicennius, n’avaient échangé la moindre parole et ce dernier n’avait pas remarqué l’incongrue présence d’Ercus sur ses genoux. Quand enfin il eut fini de prendre ses notes, plusieurs heures s’étaient écoulées et la fatigue mêlée à une chose indéfinissable se lisait sur ses traits tirés.

– Désirez-vous un thé Avicennius ? Je vous propose les Perles de la Nuit, je crois qu’elles sont de circonstances.

– Volontiers… Oh ! Mais que fais-tu là ? Tu n’as quand même pas pu faire le trajet à pattes.

Puis attrapant Ercus pour le poser devant le pupitre, il poursuivit :

– Quand bien même serais-tu venu à pattes ? Tu ne pouvais nous suivre et comment connais-tu cet endroit ?

À sa grande surprise Ercus ouvrit ses grands yeux et miaula du plus intelligiblement qu’il put :

– Qui a dit que j’étais venu à pattes ? Et peut-être partageons-nous plus de choses que tu ne le soupçonnes, n’est-ce pas Ludylia !

Ce fut comme si la foudre venait de s’abattre aux pieds d’Avicennius. Derrière lui Ludylia arrivait en souriant et gourmanda Ercus :

– Crois-tu que ce sont des manières avec notre invitée ?

– Oh ! Pourquoi es-tu toujours si rabat-joie ?

– Tu le sais aussi bien que moi. Elle n’est que partiellement avec nous

– Oui. Mais il n’empêche que tu es vraiment bêcheuse quand tu le veux.

Avicennius avait suivi bouche bée le dialogue surréaliste. Tandis que tout au fond de lui-même quelque chose semblait s’être mis en branle. Des souvenirs, des images, des sensations, des événements, tout cela lui revenait par vagues. Éclairé par ce qu’il venait de lire, tout prenait un sens nouveau, lui-même commençait à douter de ce qu’il était.

– Suis-je vraiment… Avicennius… ou…, mais il laissa mourir sa phrase.

Dehors l’irisation avait gagné tout l’environnement et la Pierre aux Moines en était l’épicentre.


Texte publié par Diogene, 11 avril 2016 à 19h36
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