Ce fut le tambourinement frénétique sur la porte de sa chambre qui le fit émerger de son sommeil cotonneux. Avicennius, encore plongé dans la brume éthérée, ouvrit difficilement un œil, puis l’autre pour les refermer aussitôt, vaincu par l’épuisement.
– Avicennius ! Avicennius ! glapissait une voix derrière la porte.
– Ne pouvons-nous pas enfoncer la porte ? surenchérissait une autre voix.
– Hélas madame. Elles sont blindées et le court-circuit général de l’autre nuit a tout bloqué, du moins celles verrouillées de l’intérieur.
Malgré ses difficultés à émerger, Avicennius captait des bribes de conversations et des phrases décousues. Quelque chose l’étonna :
– Pourquoi parler de l’autre nuit et non de cette nuit ? Je me suis endormi seulement hier de bonne heure.
Et tandis qu’il se faisait cette réflexion, il jeta un coup d’œil à son gousset glissé dans la poche de sa veste. Outre l’heure, elle donnait également la date du jour. Mais il eu la surprise de la découvrir inerte et en tomba à la renverse, s’écroulant douloureusement sur le sol. En entendant la chute brutale d’Avicennius, les cris et les martèlements redoublèrent de violence. Mais celui-ci ne les entendait plus, trop abasourdi par ce qu’il venait de réaliser.
– Trois jours ! J’ai dormi trois jours ! Comment est-ce possible ? murmura-t-il pour lui-même.
Puis lui parvinrent de nouveau les coups qui raisonnaient avec violence dans sa tête. Il se releva, s’appuyant sur le chambranle du lit et éructa d’une voix pâteuse un oui qu’il aurait voulu plus intelligible.
– Avicennius ! Avicennius ! Ouvrez-nous ! Avicennius ! reprit de plus belle la voix qu’il avait précédemment entendue.
Posant la main sur le mur tapissé, dont le velours lui renvoyait l’image d’une douceur et d’une tendresse factice, il s’avança comme il put vers la porte. Arrivé à hauteur de la porte, il hésita plusieurs secondes et saisit la clé d’une main tremblante, qu’il aurait voulue plus assurée. Enfin, pendant un temps qui lui semblait s’étirer à l’infini, il tourna lentement la clé, sa main percevant le moindre cliquetis des rouages de la serrure. Enfin la porte put s’ouvrir laissant place à une femme assez grande, à la coiffe échevelée, et à un homme en uniforme. Il ne les reconnut pas, ces deux personnes lui étaient parfaitement inconnues. Mais à peine eut-il commencé à les dévisager, qu’ils se mirent à rougir jusqu’à la racine des cheveux et se retournèrent d’un coup dans une harmonie parfaite.
– Que… commença Avicennius, mais un courant d’air vint lui chatouiller le creux des reins, le ramenant brutalement à la nudité de son état.
Il se recula vivement, trébuchant au passage sur ses chausses, qu’il avait rangé la veille ou plutôt trois jours plus tôt, pour se retrouver aussitôt les quatre fers en l’air n’offrant plus qu’à la vue ses fondamentaux. Heureusement ses visiteurs lui tournaient toujours le dos et ils ne purent jouir de ce spectacle peu glorieux. Avicennius se releva alors tant bien que mal et fila aussi vite qu’il put dans la salle de bain. Il y attrapa une robe de chambre qu’il enfila aussitôt. Une fois qu’il fut un peu présentable, il appela ses visiteurs matinaux, encore qu’il n’ait aucune idée de l’heure exacte.
– Heu… navré de… vous avoir reçu dans le plus simple appareil.
La femme rougit de plus belle ne sachant trop quoi dire. Puis le sérieux et le professionnalisme reprirent le dessus et déclara d’une voix ferme et assurée.
– Nous nous excusons Avicennius, mais cela fait plus de deux jours que nous n’avions plus de vos nouvelles. En fait depuis le gigantesque court-circuit qui a fait sauter l’ensemble de nos installations. A quand cela remonte-t-il déjà Philibert ?
Le dénommé Philibert hésita quelques secondes avant de s’écrier :
– Cela s’est produit dans la nuit de jeudi à vendredi, nous sommes dimanche. En fait quelques heures après le coup de folie de monsieur Delanne.
En entendant ces mots, Avicennius faillit défaillir et choir de nouveau sur le sol, car lui revenait comme une vague de déferlantes le souvenir d’Issam.
– Que vous arrive-t-il Avicennius ? Un nouveau malaise ? s’alarma la dame en le voyant tressaillir violemment.
– Non, non ! Rassurez-vous ! s’empressa-t-il de souffler. Je réalise simplement le temps que j’ai pu passer à dormir. Sans doute un effet inattendu de mon don de sang.
– Sûrement, mes collègues ont été impressionnés par la quantité de sang récolté. Je comprends mieux ce long sommeil. Cependant pourquoi avoir verrouillé votre chambre ?
– Pourquoi cela ? En temps normal cela ne pose aucun problème d’aucune sorte. Pardon oubliez ce que je viens de dire.
Avicennius soupira de soulagement, car voilà une question à laquelle il lui aurait été fort embarrassant de devoir répondre. Et comme mentir lui répugnait, il aurait été contraint à avouer une vérité qui l’aurait fait passer pour un fou aux yeux de beaucoup.
– Bon Avicennius, je crois que nous pouvons être rassurés. Pourrez-vous simplement, après hum, vous être habillé, aller au centre médical. Nous vous y ferons quelques examens et nous vous donnerons des nouvelles de vos amis.
Sur ceux ses visiteurs se retirèrent le laissant refermer la porte sur eux. Avicennius se reposa un instant sur le chambranle le temps de reprendre quelque peu ses esprits. Il était décidé à ne pas s’attarder en ces lieux. Il sentait qu’il devait s’éloigner d’Issam et de la menace qu’il représentait pour lui, non pas tant physiquement que psychiquement. Cependant pour l’heure, il lui fallait passer un contrôle médical en vue d’obtenir sa permission de sortie. Il passa un long moment dans la baignoire, transformant momentanément la salle de bain en sauna suédois. Outre l’effet purificateur sur son corps de la vapeur brûlante, il se laissa aller à la méditation, ouvrant son esprit pour y laisser affluer et refluer le souvenir. Il revit les ombres, la possession de Delanne par l’ombre d’Issam, sa métamorphose, le crime… Il devina la vulnérabilité de Delanne, due à sa rencontre avec ses propres Ténèbres en ce jour funeste à la Sorbonne. L’espace d’un instant il réalisa que Joliot-Curie avait lui aussi rencontrer ses Ténèbres. Mais tant qu’il resterait éloigné d’Issam et de trop de curiosité à son égard, rien de fâcheux ne lui arriverait. Contemplant le souvenir, ainsi mis à nu, il resta de longues minutes à l’observer, le disséquer à la recherche des derniers indices qui le mettraient sur la voie de la vérité. Enfin il sortit de l’onde tiède et laissa ruisseler l’eau sur son corps permettant aux aiguillons glacés de transpercer sa peau nue. Enjambant la baignoire, il entreprit de se sécher jusqu’à s’en desquamer la peau. Puis il s’avança dans la chambre et s’habilla tournant délibérément le dos au grand miroir mural. Il s’examina encore une fois, vérifia que tout était en ordre, ouvrit la porte de sa chambre et sortit.
– Merci d’être venu aussi rapidement Avicennius.
C’était sa visiteuse inconnue qui s’exprimait ainsi, le docteur Armeline Tombre. Avicennius se contentait de hausser les épaules, tandis qu’elle l’examinait, car il avait bien senti la petite pointe de colère dissimulé derrière son propos. Mais cela ne l’importunait nullement. En revanche la déception qu’il lisait sur le visage du docteur Tombre l’inquiétait, surtout si elle devait lui poser des questions sur son long sommeil trois jours durant. Comme il fronçait les sourcils, le docteur Tombre s’empressa de le rassurer :
– Ne vous inquiétez pas Avicennius. Vous êtes en pleine forme. Je pense que votre long sommeil est dû au choc de l’évènement et au don de sang. Au moins avez-vous échappé au vent de folie qui s’est déchaîné toute la nuit suivant le drame.
– Que voulez-vous dire, madame ? demanda-t-il, un mauvais pressentiment empoignât son cœur.
– Nous ne savons pas exactement ce qu’il s’est produit. Mais aux alentours de six heures le jeudi soir tous les employés se sont mis à avoir des hallucinations d’une véracité et d’une réalité extraordinaire, comme si elles étaient vivantes. Tout le monde, y compris moi-même, virent des ombres. Non des ombres projetées, mais des ombres en relief. Leur aspect allait de la simple masse noire à des choses très élaborées. Un responsable du carrousel de collision est allé jusqu’à parler d’une Manticore. Nous n’avons aucune idée de ce qui a pu produire pareil phénomène, mais j’ai tout de même noté quelque chose de surprenant. Ce sont les personnes les plus rigoristes, les plus matérialistes, les plus cartésiennes, pour ne pas dire des extrémistes de la Science qui firent les hallucinations les plus élaborées.
Avicennius buvait littéralement ses paroles, les mémorisant scrupuleusement, car cela lui entrouvrait encore un peu plus la porte sur le monde onirique qui se dissimulait derrière le monde physique. Le docteur Tombre discourut ainsi encore quelques minutes avant d’annoncer à Avicennius qu’il était libre. Ce dernier la remercia chaleureusement et s’en fut vers la bibliothèque. Il allait franchir la porte du cabinet, lorsqu’il se ravisa soudainement.
– Excusez-moi docteur Tombre. Pourquoi ne pas m’avoir donné des nouvelles d’Issam et de Gabriel Delanne.
La mine enjouée d’Armeline Tombre s’assombrit brutalement, mais elle s’inclina devant la détermination d’Avicennius.
– Avicennius. J’aurai préféré vous évité de si sombres nouvelles, mais… L’état de Gabriel Delanne est critique. L’enregistrement du potentiel électrique de son cerveau demeure nul et sans le secours de notre machine, il serait déjà passé de vie à trépas. Quant à Issam Pierzzi, même si mon pronostic reste encore réservé, je puis vous assurer que le sang qu’il a reçu de vous lui a très certainement sauvé la vie. Hélas il n’est toujours pas sorti de sa torpeur et nous ne savons quand il se réveillera.
– Merci, murmura Avicennius.
Il sortit d’un pas lourd, l’esprit enténébré par ce qu’il venait d’entendre. C’est tel un automate qu’il partit vers la bibliothèque, où il fouilla longuement les rayonnages à la recherche d’un vieux manuscrit. Se souvenant de l’énigme en guise de dédicace dans Flatland, il s’était aperçu qu’un anagramme dissimulait le titre d’un ouvrage de Moshé Ebernezer : Dimensionnalité de l’Âme. Il se doutait que cette énigme devait bien receler d’autres secrets, mais les derniers événements ne lui avaient guère laissé le temps de l’approfondir plus.
Alors qu’il musardait entre les piles de livres, un détail attira son attention. Malgré un luxe infini de précaution, les boiseries gardent toujours la mémoire des livres qu’elles avaient jadis porté. Notamment les éraflures et la patine due à la lumière caressant le bois. Il remarqua ainsi que certains ouvrages n’étaient à leur place, dissimulant en réalité l’usurpation d’un ouvrage. Comprenant alors qu’il ne trouverait pas ici ce qu’il était venu chercher, il alla voir le bibliothécaire.
– Excusez-moi de vous déranger. Me serait-il possible d’envoyer un télégramme ? s’enquit Avicennius auprès de l’homme surpris par une demande aussi incongrue.
– Heu… Bien sûr ! bredouilla-t-il, suivez-moi. Nous avons notre propre service postal et de transmission à distance.
Avicennius suivit docilement l’homme, l’esprit toujours prisonnier de ce voile cotonneux. Ce dernier lui indiqua enfin une porte au fond de la bibliothèque. Celle-ci était légèrement entrouverte et Avicennius toqua à la porte, attendant qu’on l’invite à entrer.
– Oui ! Donnez-vous la peine de franchir le seuil, Ô mortel ! fit une voix caverneuse à l’intérieur.
– Sommes-nous dans l’antre de la pythie d’Apollon, rétorqua Avicennius qui se prenait au jeu.
– Avance Ô mortel et professe à l’oracle ce dont tu as besoin.
Avicennius s’avança de quelques pas dans une pénombre savamment entretenue jusqu’à un comptoir en pierre volcanique. Le tout était aménagé en une sorte de grotte artificielle d’où s’échappait une forte odeur d’encens. Avicennius rendit grâce à la personne, qui se tenait devant lui, de ne pas avoir respecté à la lettre le décorum de la véritable grotte, d’où s’échappait non pas de l’encens mais des vapeurs de pétrole toxiques. Lorsqu’il se fut suffisamment avancé, l’homme jusque là tapis dans les ombres se leva et s’en vint à son tour. Il était bâti comme un bûcheron d’une taille plus respectable. Un sourire jovial et des yeux rieurs illuminaient son visage.
– Ô oracle ! Je souhaite par le truchement de ton pouvoir faire parvenir un message à une dame de qualité, annonça Avicennius d’un ton solennel.
– Parle Ô mortel ! Hermès, dieu des messagers, t’es favorable en ce jour.
Avicennius lui glissa un papier entre les mains. L’oracle s’en empara vivement, le contempla quelques instants, son sourire s’étira encore un peu plus.
– Va Ô mortel ! Ton message part sur le champ, et l’homme se retira.
Avicennius le suivit du regard quelques instants et s’en alla à son tour. Retournant à la bibliothèque, il chercha l’homme qui l’avait guidé ce tantôt. Il ne le trouva pas, mais à la place une femme affairée dans l’un des rayonnages. Trop absorbé par la recherche d’un livre qu’elle ne trouvait pas, elle ne le vit pas s’approcher jusqu’à ce qu’elle le bouscule violemment.
– Excusez-moi monsieur ! je ne vous avais point vue. Que puis-je ? s’exclama-t-elle abruptement.
– Ne vous excusez pas. Mais pourriez-vous m’indiquer où je pourrais trouver le professeur Joliot-Curie.
– Bien sûr. Lequel Irène ou Frédéric ?
– Euh… Frédéric.
– Vous les trouverez tous au poste de contrôle du carrousel, le coupa-t-elle.
– Merci !
Et Avicennius s’en alla sur le champ, non sans lui avoir demandé son chemin. Chose qu’elle lui donna sur un ton qui ne souffrait aucune contestation.
Un quart d’heure et de nombreux détours plus tard, Avicennius arrivait enfin en vue de la salle de contrôle. Une pièce tout en acier et en verre où se disputaient les tableaux suspendus, des tables encombrés de papiers et autres instruments dont il ignorait tout. A l’intérieur les gens allaient et venaient donnant au lieu l’impression d’être une ruche permanente. Impressionné par tant de remue-ménage, Avicennius n’osa pas frapper à la porte et demeura derrière la vitre blindée. Il était fasciné par le va et vient continu des femmes et des hommes qui s’affairaient, qui sur les tables couvertes de feuilles griffonnées, qui sur un tableau couvert d’équations, qui les résultats crachés par un étrange bloc de métal d’où jaillissait d’innombrables câbles. Alors qu’il demeurait ainsi devant la grande baie vitrée, il n’entendit pas un technicien l’interpellé. Il ne remarqua ce dernier que lorsqu’il lui posa une main sur l’épaule pour le tirer de sa torpeur.
– Oh pardon ! Je ne vous avais pas remarqué, bégaya Avicennius. Je suis confus.
– Ce n’est rien monsieur. Mais à vous voir ainsi figé devant cette vitre, j’ai deviné que vous n’osiez pas entrer à l’intérieur.
– Euh oui. Je n’ai pas osé pénétrer dans votre sanctuaire de peur de troubler l’atmosphère studieuse du lieu.
Avicennius se demandait intérieurement si studieuse était vraiment le mot approprié pour qualifier l’ambiance.
– Rassurez-vous ce n’est pas tous les jours ainsi. Mais la grande panne de l’autre nuit, nous avons toutes les peines du monde à tout remettre en ordre. Venez donc, ne vous laissez pas impressionné ainsi.
Et l’homme, précédant Avicennius, l’introduisit dans une pièce, où régnaient le plus grand désordre et la plus grande indiscipline. En bruit de fond, un étrange ronronnement ressemblant au cliquetis de milliers de minuscules engrenages. C’est alors que Joliot-Curie aperçut Avicennius et se précipita vers lui.
– Avicennius ! Quelle joie de vous revoir ! Vous pourrez dire que vous nous avez fait de sacrées frayeurs. Enfin vous semblez en pleine forme. Que puis-je pour vous ?
– En fait je venais vous demander l’autorisation de sortir du CIE, maintenant que je suis rassuré sur le sort d’Issam. Même si je ne puis en dire autant au sujet de Gabriel Delanne.
Devant la mine contrite de Joliot-Curie, Avicennius s’empressa de dévier la conversation vers un sujet plus léger.
– Cependant avant de me retirer j’aurai une question à vous poser. Hum… d’ordre technologique je crois.
– Ne m’en veuillez pas Avicennius si je vous arrête tout de suite. Mais nombre de technologies sont ici protégés par le secret militaire.
– J’en conviens parfaitement. Néanmoins j’aimerai tout de même voir si il n’est pas possible de satisfaire, même partiellement, ma curiosité. Je ne connais pas l’entièreté de vos travaux en ce lieu. En revanche il me semble qu’il nécessite une puissance de calcul sans commune mesure avec les capacités humaines. Je serai même tenté d’affirmer que le ronronnement que j’entends ne doit pas y être étranger.
Joliot-Curie le fixa longuement, comme à l’affût d’une révélation, qui ne vint pas, et son visage se fendit d’un sourire :
– Avicennius, avez-vous jamais entendu parler de Charles Babbage ?
– Oui, il est l’inventeur d’une machine à calculer programmable. Machine qu’il a mise au point vers la fin du siècle dernier.
– Remarquable, élève Avicennius.
Joliot-Curie allait poursuivre, quand Avicennius l’interrompit :
– Si je devine correctement, vous avez construit et installé ici une version miniature de la machine de Babbage.
– Vous aurez dix sur dix. Mais n’en dites pas plus où je serai obligé de vous mettre au secret.
– Merci pour la mise en garde. Cependant ma curiosité étant désormais satisfaite, puis-je me retirer ?
– Naturellement Avicennius. Adelbert vous raccompagnera au manoir Pierzzi. Et tenez, prenez ceci, lui dit-il en lui tendant une carte, faites d’un matériau aux reflets irisés.
– Ceci est un passe qui vous permettra de revenir sans danger au CIE. Conservez-le précieusement. A bientôt Avicennius !
Celui-ci se retira, non sans avoir serré les mains de toutes les personnes présentes. Adelbert l’attendait à l’extérieur de la pièce.
– Bonjour Avicennius. Suivez-moi, voulez-vous. Je vais vous servir de guide dans ce dédale, puis je vous raccompagnerai jusqu’à Sceau.
– Merci Adelbert. C’est très aimable de votre part.
Ce dernier acquiesça puis commença à se frayer un chemin au travers du labyrinthe sans fin. Bientôt ils émergèrent sur l’immense plate-forme qui les avait amenés sous terre, quelques jours plus tôt. La Trompettante n’avait pas quitté sa place, tout juste c’était elle un peu empoussiéré.
– Un instant Adelbert. Je suis un peu fâché à l’idée de laisser la Trompettante ici. Je crains qu’elle ne se grippe.
Adelbert eut une moue embarrassé, mais un haussement d’épaule chassa ses scrupules.
– Je ne vais pas vous donnez tort Avicennius. Allez-y, je fermerai les yeux.
Tous deux s’approchèrent dudit véhicule et Avicennius prit la place du conducteur. Se souvenant des gestes effectués la première fois par Issam, il prit le cornet acoustique en cuivre et s’écria :
– Marche !
Aussitôt le moteur se mit à ronronner comme un matou satisfait de son sort.
– Bon. Je crois que je vais pouvoir rentrer et ramener la Trompettante au manoir.
– En effet. Prenez place sur la plate-forme d’élévation. Je vous rejoins pour vous guider dehors.
– Merci.
Adelbert prit place à côté d’Avicennius et la plate-forme commença à s’élever dans un léger zonzonnement. Après un temps, qui lui sembla plus long qu’à l’aller, ils sortirent enfin hors des entrailles de la terre devant le bâtiment de béton, élevé à la gloire de la Science.
– Avez-vous bien sur vous la carte que vous a remise monsieur Joliot-Curie ?
Avicennius tapota le haut de sa redingote en guise de réponse.
– Très bien, alors prenez la direction du sud jusqu’à une route goudronnée. Là vous irez en direction de l’ouest en direction du centre de Saclay. Ensuite je ne doute pas que vous saurez retrouver votre chemin.
– D’accord Adelbert et une dernière chose avant que je ne quitte le centre. Comment puis-je vous joindre pour prendre des nouvelles d’Issam ou de Gabriel ?
– Tout est indiqué sur la carte que Frédéric vous a remise. Il vous suffira de la lire à la lueur d’une lampe éthérée.
– Merci ! Au revoir !
Et ce dernier sauta à terre, regardant Avicennius s’éloigner dans la plaine du plateau. Lorsqu’il eut disparu de son champ de vision, il fit demi-tour et entra dans le bâtiment. Pendant ce temps, Avicennius, qui conduisait à une allure modérée, se demandait pourquoi la Trompettante lui avait obéi, alors même qu’Issam n’avait procédé à aucun réglage d’aucune sorte. De même pourquoi avait-il autant insisté pour faire ce don de sang à Issam, n’ayant jamais su s’ils étaient compatibles ou non. Et cette facilité avec laquelle il était entré dans son souvenir. Et surtout cette Ombre au masque de nacre qui le connaissait, sans l’ombre d’un doute. Quels liens extraordinaires les unissaient et qui étaient ces personnages qui semblaient le connaître, plus que lui-même même ?
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