Peu après l’inexplicable drame qui venait de survenir, Avicennius accompagné de Joliot-Curie s’était enfermé dans la grande bibliothèque, où ils purent se ronger les sangs sans craindre les qu’en-dira-t-on. Comme pour se donner bonne contenance, Joliot-Curie avait fait sortir plusieurs volumes rédigés par Moshé Ebernezer et les avait confiés à Avicennius. Ce dernier faisait semblant de se plonger dedans, mais il avait du mal à dissimuler son agitation. Joliot-Curie, quant à lui, s’était réfugié dans son fauteuil, apathique, demeurant là, accablé et abattu par les émotions, une pipe allumée qui n’en finissait pas de consumer le tabac dont elle était bourrée. Plus de deux heures se passèrent quand, enfin, quelqu’un vint frapper à la porte de la bibliothèque.
– Avicennius seriez-vous assez aimable pour aller ouvrir la porte ? Je crains que mes questionnements n’aient que trop consumé mes forces, le pria Joliot-Curie.
Avicennius se leva péniblement de sa table, où il consultait des ouvrages auxquels il n’avait guère porté attention, et s’en fut ouvrir la lourde porte en chêne. Il laissa entrer une femme entre deux âges à la chevelure blanchie et à l’œil pétillant, malgré la gravité empruntée à son visage.
– Bonjour. Vous devez être Avicennius, je présume. Où est donc Frédéric ?
– Par ici madame, et ce dernier l’accompagna dans le fumoir de la bibliothèque.
À son approche, Joliot-Curie leva un sourcil, ouvrit un œil puis se redressa avec la plus grande difficulté.
– Asseyez-vous ! les invita-t-il. Avicennius, je te présente la professeur Eleanor Davies-Colley.
– Enchantée madame, murmura Avicennius en lui tendant une main tremblante.
Elle avait une poigne ferme et sure, dénotant un esprit acéré et endurci au contact d’un univers encore éminemment masculin et misogyne.
– Concernant monsieur Pierzi, savez-vous s’il a de la famille, des frères ou des sœurs, des enfants ?
– Issam est enfant unique et à son grand regret, il n’a jamais pu voir sa vie éclairée par le babillement des enfants, répondit Avicennius. Mais pourquoi cette question, Professeur ?
– Monsieur Pierzi a eu le poumon droit et le foie perforé par la dague, celle-ci à toucher une artère pulmonaire qui a engendré une hémorragie interne massive. Heureusement qu’il ne l’a pas arraché, car il aurait pu déchirer la veine cave hépatique, ce qui lui aurait coûté la vie. Cependant, il a perdu beaucoup de sang. Et même si nous avons pu stabiliser son équilibre physiologique, il a besoin d’urgence d’une transfusion compatible.
– N’avez-vous pas pourtant une banque de sang ici ?
– Si fait. Mais il possède un groupe extrêmement rare et lui transfuser un sang avec la moindre incompatibilité le tuerait immédiatement.
– Alors, prenez mon sang ! s’exclama soudainement Avicennius
– Pardon, mais euh… vous… vous n’appartenez pas à la même… race… ethnie… bafouilla-t-elle.
– Aucune importance ! Testez mon sang, s’il vous plaît.
Eleanor Davies-Colley regarda Joliot-Curie qui avait toujours le regard hagard et haussa les épaules tel un pantin.
– Bon suivez-moi à l’infirmerie Avicennius. Nous allons vérifier cotre compatibilité tout de suite. Monsieur Pierzi ne peut attendre plus longtemps. Je souhaite que vous ayez raison.
Pour se rendre au plus vite au centre médical, ils prirent un véhicule à propulsion éthérée qui les emmena en un éclair jusqu’à l’infirmerie, où s’agitaient bon nombre de blouses blanches. Là Avicennius fut promptement pris en charge, déshabillé, du sang lui fut soutiré et ce dernier fut confronté à la substance vitale d’Issam. Eleanor Davies-Colley recommença une fois, deux fois, trois fois, puis Avicennius fut allongé et on lui soutira avec célérité le précieux liquide. Une fois l’opération terminée Eleanor Davies-Colley se tourna vers lui, l’œil torve et quelque peu soupçonneux.
– Avicennius permettez-moi de m’interroger. N’y a-t-il vraiment aucun lien de parenté entre vous et Issam Pierzi ?
– Aucun, madame. Nous nous sommes connus au cours de nos enfances respectives et mes parents venaient des Antilles françaises. Sa mère était française et son père italien, il ne peut donc y avoir de lien filial entre nous.
– Une dernière question et pardonnez-moi si elle sort quelque peu du cadre de la médecine. Je connais monsieur Pierzi depuis longtemps et l’affection qu’il porte aux enfants. Pourquoi n’en a-t-il jamais eu ?
– J’en ignore moi-même la cause. Mais je sais simplement qu’il ne peut être source de vie. Sa dernière compagne, avec laquelle il est resté environ quatre années, n’a jamais pu avoir d’enfant de lui. Et lorsqu’ils se sont séparés et qu’elle eut trouvé celui qui allait devenir son mari, il apprit quelque temps plus tard qu’elle était enceinte, ce qui le plongea dans la plus grande affliction. Depuis il n’en parle plus, mais parfois je peux percevoir une larme de tristesse lorsque passe un couple avec ses enfants. Enfants qu’il ne pourra jamais avoir lui-même.
– Oh ! Je comprends et pardonnez ma curiosité.
– Je vous en prie madame. Je sais que vous êtes liée par le secret médical et c’est un secret bien trop lourd, pour ne pas être partagé avec une personne de confiance.
– Merci Avicennius.
Eleanor Davies-Colley allait se lever pour se porter aux nouvelles d’Issam, lorsque Avicennius la retint en lui saisissant la main.
– Pardonnez ma brusquerie. Mais qu’est-il arrivé à Gabriel Delanne ?
Aussi sûrement qu’une huître devant un prédateur, Eleanor Davies-Colley se referma et se figea prenant la couleur du marbre.
– Je… je ne puis vous l’expliquer Avicennius.
Elle se tut quelques instants et se reprit :
– Venez avec moi !
Avicennius la suivit d’un pas alerte dans l’entrelacs de couloirs tous plus semblables les uns que les autres. Bientôt ils arrivèrent devant une pièce qui ressemblait à un aquarium géant. Le ton bleuté des murs et les tuyaux, qui s’échappaient du lit relié à une machine chuintante et sifflante, faisaient ressembler l’intérieur à la salle des machines du Nautilus. Eleanor Davies-Colley s’avança et invita Avicennius à la suivre. Elle le laissa s’approcher du lit et celui-ci ne put retenir un cri d’effroi en apercevant la personne gisante. Enfoui sous un amoncellement de draps et de couvertures émergeait un visage de cendre, celui de Gabriel Delanne, d’où la vie semblait avoir pris la fuite. Cependant, il pouvait voir à intervalles réguliers les couvertures se soulever doucement. Se tournant vers Eleanor Davies-Colley et lui demanda d’un ton lugubre :
– Est-il encore en vie ? Ou… est-ce… cette machine qui le maintient ?
– En effet, Avicennius, c’est cette machine qui fait tenir la vie de ce pauvre Gabriel à un fin fil de soie. Nous lui avons perforé la trachée-artère et enfoncé un tuyau de caoutchouc relié à ce respirateur artificiel, que vous voyez ici. Quand je dis que sa vie ne tient qu’à un fil ce n’est pas un euphémisme, seules ses fonctions végétatives sont maintenues, non ses fonctions cérébrales.
– Qu’entendez-vous par là ?
– Je n’aime pas avoir à annoncer ce genre de nouvelle. Mais je crois que Gabriel ne recouvrera jamais toutes ses facultés. Son cerveau a été trop longtemps privé d’air vital et les mesures de l’activité électriques de son cerveau sont restées désespérément vaines. Malheureusement, nous ne pouvons que le maintenir ainsi, en n’espérant rien de moins qu’un miracle.
Ainsi, donc, l’agresseur potentiel d’Issam était plongé dans un sommeil sans fin, tandis que ce dernier flottait entre la vie et la mort. Avicennius se souvint de l’Ombre se détachant de la jeune femme et qui plongeait sa main d’éther dans le réacteur. Sa main plongerait et en arrachait le cœur faisant affluer dans sa mémoire les sensations qu’il avait éprouvées dans la salle de conférences. Des sensations mais également la perception d’une force, qu’il ne pouvait qualifier que d’oniriques. Force, énergie qu’il avait reconnue, quand il avait effleuré le morceau de papier dans la pièce, où l’on avait retrouvé Issam et Delanne. Il en était persuadé, les forces à l’œuvre au cours de ces deux événements étaient de même nature. Cette pensée le glaça d’effroi :
– Cette force émanerait-elle d’Issam ? songea-t-il.
Il se rappela aussitôt l’explosion survenue chez son mentor et ami Moshé Ebernezer, ce qu’il y avait perçu raffermi un peu plus l’étreinte glacée de la peur autour de son cœur. Eleanor Davies-Colley vit son désarroi et l’invita à retourner à l’infirmerie. Mais Avicennius déclina, affirmant que le calme et la solitude de sa chambre seraient le meilleur des remèdes. Elle n’insista pas mais l’enjoignit à appeler s’il avait le moindre problème ou la moindre sensation de malaise. Avicennius la remercia chaleureusement et un infirmier le reconduisit jusqu’au seuil de sa chambre, où il lui prodigua d’ultimes recommandations.
Avicennius entra alors dans la chambre silencieuse et ferma derrière lui à clé la porte, frappée du symbole de la Vierge. Il voulait être certain que personne ne puisse entrer, ce qui aurait immanquablement troublé sa concentration. Il se déshabilla complètement, pliant soigneusement ses vêtements avant de les poser sur une chaise. Une fois nu, il s’étendit sur le lit et éteignit la lumière, se laissant pénétrer par le silence de l’obscurité. Bientôt il n’entendit plus que sa respiration et se laissa aller, se calant sur les harmoniques du collisionneur éthérique, qu’il sentait pulser dans les sous-sols de l’institut. Son cœur se ralentit, sa respiration se fit plus rare, son métabolisme entrait en sommeil, tout son être s’étalait dans une flaque infinie de temps. Il laissa la flaque se dilater, se ramifier, étendre ses pseudopodes dans l’espace. Sans même s’en rendre compte, Avicennius s’harmonisait avec le collisionneur pour entrer en résonance avec l’esprit d’Issam. Il s’y glissa avec une aisance déconcertante, sans violence, passivement, presque avec une tendresse maternelle et rassurante, comme un être qui aurait été longuement attendu. Lentement il s’étala dans ses souvenirs, seul celui teint de noir et de sang l’intéressait. Il sentait le danger qu’il y aurait à explorer les autres, aussi resta-t-il en lisière, captant seulement le suintement qui s’écoulait sous la porte de noir et d’écarlate. Il laissa le souvenir l’envahir, engloutir son esprit dans lequel il se déversait tel un flot furieux. Mais alors qu’il se faisait réceptacle de ce savoir, il n’entendit, ni ne vit la porte s’entrebâiller. Alors qu’il captait les dernières bribes de souvenir, il sentit l’Ombre s’étendre, prendre possession de son esprit. Devant lui la porte était grande ouverte sur les Ténèbres, laissant place à un inquiétant personnage au visage de nacre, surmonté de son éternel tricorne.
– Anima ! Que viens-tu donc faire en ces lieux d’ombres ? susurra-t-il. Es-tu venue te fondre à ton tour dans l’Ombre ?
Mais cette dernière ne l’entendait pas ou plutôt ne se reconnaissait pas.
– Anima ! retire-toi immédiatement avant que je ne te blesse ! gronda-t-il, tandis que l’Ombre s’enfonçait toujours plus profondément dans l’esprit d’Avicennius.
Mais ce dernier restait passif laissant l’Ombre l’envahir. C’est alors qu’il entendit le tintement d’une clochette, faisant surgir en lui l’image d’un chat couleur de bois, couleur du sous-bois. Autour de lui le paysage se métamorphosa. La flaque de temps était toujours là, étale, mais les Ténèbres se dissolvaient, se brouillaient et la porte de noir et d’écarlate se refermait sur l’étrange créature au masque de nacre. De nouveau la clochette tintinnabula, plus fort, plus proche et Avicennius reconnut le parc, le parc de l’observatoire avec ses massifs touffus et ses roseraies pleines de vie. Il voulut se lever mais réalisa qu’il flottait au-dessus de celui-ci, embrassant la totalité et plus encore, l’univers entier s’étalait sous ses yeux. À ses côtés, un gros chat vert et marron, aux poils ébouriffés et aux yeux couleur forêt, s’ébrouait faisant tinter de plus belle sa clochette.
– Bonjour Avicennius, mais le chat n’avait pas émis le moindre son, ce qui ne le dérouta pas le moins du monde.
– Bonjour Ercus. Que fais-je ici ?
– Il me semblait judicieux de te tirer du mauvais pas dans lequel tu avais sauté à pieds joints. Et cet endroit est idéal pour te plonger dans le souvenir dans lequel tu t’es abîmé.
Avicennius et Ercus flottaient toujours au-dessus du parc. Cependant, l’observatoire avait disparu et à la place s’offrait à la vue la Tour Noire qu’il avait déjà aperçue.
– De quel mauvais pas me parles-tu Ercus ? Je ne saisis pas.
– L’Ombre, Avicennius. Votre Ombre à toi et à Issam. Heureusement, elle n’a pas encore anéanti ou du moins englouti toutes les émotions d’Issam
Avicennius secoua la tête en signe d’incompréhension.
– Ne t’inquiète pas, les choses s’éclairciront d’elles-mêmes. Pour le moment, concentre-toi sur ce souvenir. Tout comme la Tour Noire vers laquelle se coule ton regard. Ce que tu n’as pas vu éclatera dans la lumière lorsque tu auras plongé au plus profond des Ténèbres.
Le ciel encore lumineux s’assombrit brusquement jusqu’à se confondre avec la Tour. Seuls les massifs et les roseraies demeuraient les ultimes tâches de couleurs dans ce paysage de désolation. A présent Avicennius était seul, plongé dans un souvenir que tout teintait d’angoisse et de paranoïa. Ercus avait disparu. Il était dans la salle de conférences au moment de son départ avec Frédéric pour la bibliothèque. Il voyait tout à la fois la pièce dans sa totalité et les personnes l’occupant. Il était devenu le souvenir lui-même, omniscient, omnipotent. Il vit Issam les saluer et réciproquement, en même temps qu’il releva un détail pour le moins troublant. Il se vit lui-même. Mais ses traits semblaient comme adoucis, apaisés, sereins, empreints de sagesse, d’une sagesse ancienne venue du fond des âges. Cependant que ses traits étaient indubitablement féminins, comme si deux visages se fondaient l’un dans l’autre sans jamais ne faire qu’un. Lui-même et Frédéric sortirent ensuite de la pièce, tandis qu’Issam et Gabriel commencèrent à vaquer à leurs occupations respectives. Mais à mesure qu’Avicennius poursuivait son observation, il sentit l’atmosphère s’altérer subtilement, tandis que le décor, bien qu’il fût inchangé, se fit subitement plus menaçant : Une lumière un peu plus agressive, le crissement d’une craie un peu plus râpeux, des murs étouffants un peu plus les sons, un parquet grinçant avec un peu plus d’insistance. Autant de détails angoissants qui envahissaient peu à peu le souvenir, telle une armée minuscule qui prendrait d’assaut une place fortifiée, dont les fondations seraient sapées. Mais tout cela ne semblait nullement troubler les deux protagonistes du drame qui était en train de se nouer. Cependant, si aucun des deux ne paraissait affecté, il en allait tout autrement pour leurs ombres qui en portaient les stigmates. Celle de Gabriel Delanne s’étrécissait quand celle d’Issam s’accroissait démesurément, s’étendant avec une parfaite désinvolture et un parfait mépris. Elle faisait, de plus, preuve d’une hargne sauvage à l’encontre de son homologue, la déchiquetant de part en part. Apparurent alors des marques de Ténèbres dans l’ombre de Delanne, partout où l’ombre d’Issam portait ses crocs acérés. Soudain les ombres se figèrent, cessèrent et redevinrent ce qu’elles étaient. Néanmoins, l’atmosphère se faisait toujours plus pesante, plus poisseuse, plus épaisse, comme si le souvenir d’Issam était contaminé par quelque chose d’indicible. Pendant ce temps Gabriel poursuivait inlassablement ses calculs, couvrant le tableau de signes cabalistiques, effaçant et réécrivant frénétiquement. Pourtant, imperceptiblement sa main se crispait comme s’il avait mis le doigt sur un résultat à la portée funeste. Brutalement il effaça l’ensemble du tableau et se mit à le couvrir d’une écriture rapide et nerveuse, pleine de tics. Puis il s’arrêta brusquement, le visage pâle et décomposé. Il coula un regard anxieux en direction d’Issam qui n’avait toujours rien remarqué, ou feignait d’ignorer les changements opérés chez son ami.
Enfin Gabriel Delanne se retourna complètement vers son ami comme pour s’apprêter à lui poser une question. Mais le son qui sortit de sa gorge n’avait absolument rien d’humain. Issam leva alors les yeux en direction du bruit qui se répercutait de part en part et vit alors ce qui avait pris la place de son ami. Devant lui se tenait un être chimérique, produit du croisement de tous les monstres fabuleux de l’antiquité. Issam reconnut des fragments de Méduse, de l’Hydre de L’Herne, du Sphinx, de la Manticore, du Griffon, du Léviathan et tant d’autres encore, qu’il aurait été bien en peine de les nommer. Et tout cela se mouvait en un mouvement de perpétuelle métamorphose. Au milieu de ce magma mythique et mythologique, des yeux, des yeux qu’il reconnut entre tous. Les yeux d’un amour déchu d’un amour perdu, d’un amour cruel. De rage et de douleur, il se mit à hurler et se mit en devoir de faire reculer la mythique créature. Il se recula tout en ramassant tous les objets qui lui tombaient sous la main pour aussitôt les lui envoyer. Mais la chimère n’en avait cure, écartant ou esquivant nonchalamment les divers projectiles. C’est alors que vif comme l’éclair, la chimère précipita vers lui sa queue au dard acéré. Mais Issam ne put l’esquiver et celui-ci s’enfonça dans son épaule gauche. Ivre de douleur et de haine, aveuglé par la folie ambiante, Issam prit au dépourvu la chimère en se précipitant vers elle les mains tendues pour se saisir de ce qui s’apparentait le plus à son cou. Et Issam serra, serra toujours plus fort, ses mains se violaçaient, la queue de la chimère fouettait, déchirait vivement l’air, claquant tel un fouet, et alors qu’il sentait les cartilages céder, une vive douleur lui déchira le flanc droit. Il agrippa le dard qui s’arracha de la queue et fut projeté contre le mur par un ultime sursaut de la chimère. Il demeura ainsi prostré, du sang jaillissant de sa bouche en flots écarlates, qui forma bientôt une flaque sur le parquet. En face la chimère agonisait la gorge broyée, en même temps qu’elle se dissolvait dans l’éther, tout comme son dard enfoncé profondément sous les côtes d’Issam. La chimère redevenait Gabriel Delanne et le dard une dague effilée, dont seul le manche en ivoire émergeait des chairs. À son tour la pièce fut dissoute, laissant réapparaître le paysage enchanteur et rassurant du parc, à mesure que la conscience d’Issam s’éteignait.
De nouveau Avicennius flottait au-dessus du parc, la forte luminosité lui blessait les yeux et lorsque enfin il put les ouvrir, le soleil était désormais dissimulé par un épais feuillage. Il réalisa alors qu’il était assis en tailleur sur le panorama de l’arbre surplombant le jardin. Autour de lui des papillons voletaient à la recherche d’une fleur à butiner et tandis qu’il observait leur ballet incessant, il aperçut, flottant dans le feuillage, une paire d’yeux aux couleurs de la forêt. Il se leva pour s’en approcher, mais ils disparurent aussitôt dans un grand éclat de rire malicieux, qui contamina Avicennius. Il en trouva un grand soulagement et un grand réconfort après sa plongée d’épouvante dans le souvenir d’Issam. Se laissant aller, il ferma les yeux et fut bercé par le rire cristallin d’Ercus, qui se répercutait dans l’univers du songe. Le courant onirique l’emportait telle une barque sur une rivière impétueuse, la flaque de temps, elle, réintégrait le corps qu’elle avait quitté. Bientôt Avicennius ouvrirait les yeux et pourrait alors se plonger dans un sommeil réparateur, hanté par les couleurs chatoyantes de l’azur.
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