«

La sonnerie retentit, c’est l’heure de la récréation. Je sors de la salle d’anglais avec mes amies et nous nous dirigeons vers les casiers.

- Pourquoi tu n’étais pas là hier Louise ? Demande Julia tandis que nous descendons les escaliers.

Oh non, je savais qu'une d’entre elles finirait par poser la question.

- Eh bien, euh …

Elles me regardent toutes avec insistance, attendant que je m’explique. Je me croirais à un interrogatoire.

- Je … J’avais un rendez-vous, je finis par bégayer.

- Encore ! Mais c’est la troisième fois cette semaine ! s’exclame Estelle.

- Tu viens de moins en moins au collège, remarque Léa.

C’est vrai que je suis souvent absente à cause de mes T.O.C d’hygiène, car ritualiser me prend toute mon énergie, et je suis parfois trop fatiguée pour venir. Ou alors, mon absence peut être aussi dûe à une crise, quand l’angoisse est plus forte que moi.

- Oui mais ce n’est pas moi qui choisis les horaires, je réponds, essayant désespérément de me sortir de cette situation.

- Si tu avais une maladie ou je ne sais quoi tu nous le dirais n’est ce pas ? dit Estelle, en me regardant d’un air inquiet.

- Mais oui, je vous assure que ce n’est rien de grave.

Toutes les trois m’observent un instant, perplexes, puis changent de sujet de conversation.

Je respire à nouveau.

Mentir n’est pas dans mes habitudes, je déteste ça. Mais même si ça fait trois ans maintenant que je suis malade, je ne me sens pas encore prête à le leur dire. J’ai essayé plusieurs fois, mais je n’y arrive pas. Que diraient-elles de moi ? Cette maladie est absurde, mes rituels n’ont pas de sens. Elles ne comprendraient pas. Quelqu’un qui ne vit pas la même souffrance au quotidien ne peux pas savoir tout ce que j’endure.

Nous arrivons au rez-de chaussée et nous nous dirigeons vers nos casiers. Comme nous sommes en troisième, ce sont les plus hauts, et si ils sont faciles d’accès pour les garçons qui font une tête de plus que nous, c’est une autre histoire pour les filles. Alors que nous tentons de les atteindre, Julia et les autres croisent un groupe de filles qui étaient dans notre classe l’année dernière.

- Salut, ça va ? dit Yuna, son sac à dos sur une seule épaule et un chewing-gum dans la bouche, un look qu'adoptent la plupart des élèves de mon collège.

- Non, pas vraiment… Thomas m’a posé un lapin à notre rencard samedi et il m’a envoyé un message pour me dire qu’il me larguait.

Et c’est reparti… Julia nous a déjà bassinées avec cette histoire toute la semaine et voilà qu'à la première opportunité qui se présente elle recommence. J’aime bien mes amies, parfois on rigole et on s’amuse, mais c’est toujours les mêmes sujets de conversation avec elles : les garçons ou les vidéos Tik Tok. Parfois j’aimerais bien parler des livres que j’ai lus, ou du dernier film que j’ai vu, mais on ne partage pas vraiment les mêmes passions. Certains diraient que je suis une “geek”. C’est vrai que je suis passionnée par le cinéma et que j’adore la lecture, mais je cache cette partie de ma personnalité au collège, car j’ai peur de perdre mes amies. Elles aiment peut-être les films de romance pour ados, mais moi j’aime aussi les univers fantastiques, avec des elfes, des nains et des orques qui s’affrontent dans des batailles à l'issue incertaine pour savoir qui gouvernera. Ou encore les films de science-fiction où les machines ont pris le contrôle de la Terre, les humains doivent alors se rebeller pour retrouver leur liberté. Voilà ce qui me passionne, et j’ai peur de ce qu’elles penseraient de moi si elles l’apprenaient. Je pense qu’il faut mieux que ça ne se sache pas.