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tome 1, Chapitre 5 « Poésies » tome 1, Chapitre 5

5. POESIES

Le Supplice Est Terré Sur La Plage De Sète

(Un jour où le f haine avait souillé de fleurs la tombe de Georges Brassens)

Les fleurs que tu avais posées sur le rebord

De la couche de Georges en un cimetière marin

Ont dû faire frémir bien des copains d'abord

Avant que de faire fuir même la pisse des chiens

Pour ne pas qu'elles fleurissent la pluie se met en deuil

Et le poète couché se retient de goûter

À ces racines brunes qui souillent le cercueil

Sur la plage de Sète le supplice est terré

Avouez femmes et hommes vibrant d'humanité

Qu'il serait bien dommage que pour les protéger

Les tombes d'Aragon, de Brel et de Ferré

De fils barbelés soient alors entourées

Aux fachos de tout crin ou de Drieu les dévots

Aux imbéciles heureux d'être nés par ici

Il faut dire sans relâche qu'à tout prendre mieux vaut

Mauvaise réputation que conscience salie

Niez les génocides appelez-les détails

Allez pousser vos chants de trieurs de races

Avec qui vous plaira menez donc vos batailles

Mais de nos parapluies n'encombrez pas la place.

Escales

Les feuilles mortes répondent plus à l’appel

Elles glissent en un curieux strip-tease

Les musiques suaves d’amours occasionnelles

Les déshabillent sans que rien ne m’attise.

La pluie efface les cyprès

Au loin titubent les après

Les pendants suintent en goutte à gouttes

Faut que j’te r’trouve coûte que coûte.

Je farfouille sous perfusion

Alcool, volutes et confusion

Mes pèlerinages jouent à vide-bouteilles

Ton cœur caché sous quelle treille ?

Chapeaux difformes, têtes à claques

Les enfants trépassent dans les flaques

Je n’ai de toi que quelques frusques

Glissés d’un porte-manteaux en adieu brusque

Des hachoirs sourdent en effeuillage

D’autres amours cramponnées aux passages

Amas de flammes léchant les départs

Et les doigts coupés qui se séparent

J’examine ton visage blotti sous les goulots

Sur le comptoir les verres valsent en ronds

Le barman range les heures en rouleaux

On partira quand nos rêves s’assècheront

En attendant, au quai des gares

Le même train s’essouffle et s’impatiente

Les rails débordent tant les regards

Qu’ils semblent par-delà nos mains tremblantes

J’entends le parfum de danses espagnoles

Déposant sur la vitre des rythmes andalous

Le contrôleur en passant poinçonne une autre gnôle

Jusqu’où résonnent les entrechats à nos corps jaloux ?

Dans ce compartiment on est nombreux, peut-être…

Princes désargentés, matelots, pirates,

Ivrognes sans bannières qui peuvent tout se permettre

La noblesse du cœur sous les tâches de picrate

Nous nous endormirons bordés de nos délices

Lorsque plus tard, saoulé à bout portant

Je n’aurais toujours pas, noires et blanches accrochées, la notice

A portée de ta peau mon archet frissonnant.

En Marche !

Le monde marche sans halte ni repos

Indifférent aux bonheurs, aux misères

Et l’homme dépassé s’accroche à son dos

Tel Sisyphe fourbu collé à sa pierre

Le monde avance, le troisième millénaire

Le 21ème siècle, l’an 2001

Après l’obscurantisme enfin la lumière

Le bien-être de tous est le bien-être de l’un

Mais la nuit regarde les humeurs qui la lassent

Et recommence sans cesse les marées de la fête

Le troisième millénaire, et toujours aux mêmes places

Celui qui commande, celui qui baisse la tête

Le monde n’est pas immobile ; tu dois encore le suivre

Tant pis pour les questions et tant pis pour le doute

Tourne, tourne l’espoir qui lentement t’enivre

Le mouvement est inscrit devant toi sur la route

Collègue, voisin, ami, frère ou simple être humain

Sont restés loin derrière sur le bas à côté

Avec toi courent docilement les rivaux et les chiens

La discipline concurrentielle remplaçant l’amitié

Chacun a son dossard, chacun son étiquette

Il faut être compté parmi ceux qui vont vite

Jouer des coudes et tirer des liquettes

Admettre le règlement comme on admet un rite

Combien de tours de piste à poursuivre tes chimères ?

Y a-t-il seulement une ligne d’arrivée ?

Et combien d’abandon, combien dans la poussière ?

Ne pose pas de questions : savoir c’est le danger

La tension se mesure en volt

La solitude en pleurs séchés

L’injustice en cris de révolte…

Le mépris n’a pas d’unité

Allons, pas de colère

Le monde avance, l’homme recule

Comme le dit l’insolent dans son hebdomadaire

Pédale donc plus vite, t’as le progrès au cul !

Avant de nous quitter ce soir…

(Titre et premier quatrain empruntés/inspirés à/de Claude Semal et Romain Didier)

à M.-A. GV et ses ateliers d’écriture si vit(r)aux

Avant de nous quitter ce soir

Qui sait peut-être pour longtemps

Personne ne sait le moment

Où s’allume le soleil noir

C’est des mots dits entre les lignes

Une pudeur qu’on égratigne

Une inconnue derrière un store

Les absents n’ont pas toujours tort

C’est la perte d’une virginité

Une épreuve d’intimité

Une audace posée avec tact

Un fil ténu qui fait contact

Avant de nous quitter ce soir

De fermer la porte du placard

Que reste-t-il dans nos mémoires

De ces instants, de ces histoires ?

Que ces parfums de sémaphore

Ces improbables métaphores

Figent à jamais l’ombre fugace

D’une commune dédicace.

« Bien sûr, je sais depuis longtemps que… »

…je n’irai plus aux folles farandoles d’antan faucher les blés de l’insouciance les matins d’eucalyptus rythmés du crissement des cigales frottant l’archet de leurs pattes musiciennes sur les chemins.

Bien sûr, le métronome éternel du temps marquait la cadence : dans le chant de la rivière, le vent agitant la crécelle des cimes ou résonnant des mille cuivres de la vallée jusqu’aux contreforts de la montagne, l’orage et ses timbales rageuses. Le bruit, partout harmonieux.

Bien sûr, un chef d’orchestre invisible et tout puissant nous emmenait déjà ailleurs. Doucement. Imperceptiblement.

Bien sûr, la même symphonie, ou à peu près, continue de ricocher tels d’opiniâtres galets. Bien sûr.

Mais les bras soyeux de la jeunesse qui caressaient nos peaux ne frôlent qu’involontairement, avec crainte et peut-être dégoût, le cuir rapiécé qui nous enferme aujourd’hui.

Bien sûr, nous allions plonger nus à des minuits passés polir au fond des vagues les couteaux et les bernard-l’ermite. Qu’importe alors si l’océan avait des griffures de froid. Sur le sable encore éteint nous réchauffions nos corps en attendant le jour qui nous trouvait endormis.

Bien sûr, le soleil regarde toujours les mêmes pierres et les gouttes d’eau salée éclaboussent joyeusement les futurs souvenirs qui sont en gestation.

Bien sûr, il y a encore des enfants écoutant distraitement le concert posé sur la portée au chevalet habituel pour des musiciens excentriques et sans instruments. Bien sûr.

J’écoute sans entendre, je regarde sans voir. Je sens, je vis. Je me souviens surtout. Le soleil m’éblouit et les portes qui claquent font un insupportable vacarme.

Bien sûr, je sais depuis longtemps que le bras du saphir, creusant le même sillon, approche de la fin du disque. Bien sûr.

Mais je sais également que d’autres le remettront au début. J’espère qu’ils le trouveront mélodieux. Jusqu’au bout…

Les flaques vides

La pluie qui tombe crève les flaques

Où s’entêtent quelques nuages percés

J’entends miss liberté qui claque

Aux hampes des pavillons dressés

Sur les chaises confortables d’après silence

Sur les coussins moelleux des inévitables cathédrales

L’on prie pour nos propres renaissances

Puisque dans la nuit noire la lune sert de fanal

S’endormir, partir en utopie

Pour échapper à nos égos

Briser les chaînes qui nous lient

Sans rêves ne garder que la peau

Suivre cette lueur sous les soleils

Marcher dans la boue fraîche des pas qui nous précèdent

Ne pas s’aventurer aux bas-côtés vermeils

Choisir une sente sûre et suivre le flot qui nous renforce, nous aide

Et nous pousse à sa guise

Vers le bout du tunnel

Lorsque le doute et la peur aiguisent

Leurs lames éternelles

Ombres totalement charnelles

Peuples vers l’absolu qui marchent

Grimpent, tombent, fuient et déploient leurs ailes

La haine, fraîche, sur l’esprit comme une bâche

Revient alors l’épiderme

Unique plinthe sous les drapeaux

Farouche clair-obscur que ferme

Une clef d’or qu’Alice guette tôt

La pluie qui tombe, fertile entaille

Nourrit en goutte à goutte les lacs

Les mers, les océans, mais où qu’elle aille

La pluie qui tombe crève les flaques.

ELOGE DU MOUVEMENT

UN DEUX, UN DEUX

ÇA FAIT UNE HEURE QU’ON MARCHE

UN DEUX, UN DEUX

SIX FOIS QU’ON PASSE SOUS CETTE ARCHE

UN DEUX, UN DEUX

JAMAIS DE TROIS, JAMAIS DE QUATRE

UN DEUX, UN DEUX

MARCHER AU PAS, SAVOIR SE BATTRE

MECANIQUEMENT NOS PIEDS SE POSENT

LE MAL AUX DOS, LES ARMES LOURDES

AUCUN NE PARLE, PERSONNE N’OSE

ON DANSE SUR UNE MUSIQUE SOURDE

C’EST DANS LES TETES QUE ÇA BASTONNENT

QUAND T’ES SOLDAT TU NE SENS RIEN

SI LE FROID MORD, SI L’ORAGE TONNE

SERRE LES DENTS COMME UN CHIEN

ET ÇA CONTINUE SANS ARRET

MARCHONS MARCHONS QU’UN SANG IMPUR

ABREUVENT NOS JARRETS

AUX MATINS SOMBRES D’UN BEL AZUR

CEUX QUI AUJOURD’HUI TOMBENT

COUVERTS DE SANG, DE TRIPES ET DE MERDE

S’RONT DEMAIN DES HEROS AUX MILLE TOMBES

LES MEDAILLES ACCROCHEES AUX NUAGES QUI SE PERDENT

CEUX QUI ONT SURVECU, NAGUERE

REVIENDRONT ICI-MEME POUR LA GRANDE ACCOLADE

LA RECONCILIATION, AVANT QU’UNE AUTRE GUERRE

ERIGE SES DRAPEAUX ET PUIS SES BARRICADES

L’HOMME EST UN ANIMAL EN CAGE

LA RELIGION, LA PATRIE, LUI SERVENT DE PENSEES

LORSQU’IL LUI FAUT EVACUER SA RAGE

L’HOMME EST COMME UNE BETE AYANT ENVIE D’BAISER

PROFITER DE LA VIE

Devant mon logis, sur le ciel des jours acides, des nuages et la fumée d’un avion écrivent en lettres imprécises une sorte de pub ironique : « profitez de la vie », ou quelque chose dans le genre.

Au coin du regard d’un nouveau-né repus, aux lèvres émues de la maman assise sur le banc du square le sein encore perlant, à mes dix ans résolus, face au miroir où se reflète un avenir à peine voilé d’un antan désappris, vont les promesses.

Dans l’après-midi confuse d’une rencontre malheureusement exquise, au hasard des amours vaporeuses lorsque les questions ne font pas encore vaciller les réponses, il est singulier d’envisager un quelconque projet de vie.

Le soir approche en félin son heure de regrets. Le vieillard fermement agrippé à ses songes poussiéreux, la tête baissée sous le ciel effacé et vide, se dit qu’il aurait pu vivre mieux, oser, lâcher les convenances en traversant les murs qui balisaient son chemin. Le temps l’a dépassé et va brusquement se rabattre devant lui. Sortie de route. Il n’est ni en colère ni triste. Il est las, fatigué et se couche placidement.

Ailleurs, quelque part, une main sale et blessée chasse les mouches noires du regard d’un enfant. L’avion passait dans le ciel qui écrivait des lettres de feu en profitant de la vie ses bombes bien nettoyées brillent au vent. La mère est allongée un peu plus loin les mamelles faméliques sèches depuis longtemps. Un vieux, tordu, claudique vers le puits.

Profitons de la vie, Mesdames et Messieurs. Attendons que les larmes se tarissent comme le lait. Attendons en profitant de la mort.

Moi, je profite de la vie en éclatant de rires, en caressant des seins de femmes pleins et doux, en jetant quelques pièces que saisissent des mains sales et blessées qui me ferment les yeux. C’est bien : je ne vois pas les mouches noires.

Profitez de la vie, chuchotent les nuages, profitez de la fumée et des bombes qui volutent si loin.

Bouteille Amère

La lune de ses mains blanches pose sa pâle écume

Sur la crête des vagues d’immobiles caresses

Le vent complice se tait et laisse dire la brume

Doucement estompés les rivages disparaissent.

Dans cette mer-cuvette cernée de toutes parts

Ricochent et s’affrontent les vies simultanées

D’Espagne et d’Algérie où crie encore un phare

Sur mes lèvres s’est posée la Méditerranée.

Un doute d’avalanche qui s’envole des flots

Où mes neiges d’antan ont joué à se fondre

Le mistral parfois allume des brûlots

L’avenir révolu finit de s’y confondre.

Pour des femmes et des hommes qui s’enfuient de la guerre

Dans un sombre poudrin qui coupe tel un couteau

Les mêmes sirènes chantent comme pour Ulysse naguère

Mais il n’y a pas d’Ithaque tout au bout du bateau.

Accrochés aux rondins, frêles navires de fortune

Ils sont cent, ils sont mille qui exhalent sur la mer

Les cris et la souffrance de leurs vies importunes

Au vent froid qui récolte de l’écume leurs vers.

Je suis l’homme des navires ruisselant de salive

Je suis l’homme soufflant au milieu des nuages

Les pieds nus écorchés et l’oreille attentive

Dont l’illusion d’un port cède un futile hommage.

Les cyclones ne sont que de légères brises

Le soleil se meurt sous l’assaut de la vague

Et sur le chaste cœur où se fissure la bise

Se pose encore l’empreinte de l’éternelle dague.

Nos révoltes trop sages, leurs peaux déracinées

Vont telles des branches poussées par d’inutiles voiles

Il est des catéchismes qu’il faut assassiner

Et éteindre à jamais nos abusives étoiles.

La lune de ses mains blêmes pose encore sa carcasse

Fatiguée et tranquille sur le bleu sanctuaire

Miradors de vases les bastilles font surface

Je suis l’homme de l’eau, je suis un homme amer.

INDECENDIT

J'écris pour plaquer mes mots sur les feuilles trop légères du temps qui glisse

J'écris pour ralentir le rythme des pages qui tournent et tombent, et se ramassent plus loin à la pelle mécanique

J'écris pour éponger ma peine, pour recueillir les larmes qui adoucissent les angles

J'écris pour un sourire, pour un jeu drôle.

J'écris tard

J'écris tôt

J'écris en coups droits pour prolonger l'échange au fond du ring

Les yeux fixés sur tes poings

J'écris pour le moment

J'écris pour la rencontre

Et agrafer les ailes trop délicates des colombes, les plomber comme au bout d’un fusil

Je leste les secondes et emmaillote les minutes pour en faire de grandes heures qui pèsent

J’écris passionnément en brises d’océans quelques mots immatures

Qui me ressemblent moi qui ne suis pas lourd

J'écris comme s'impatientent nos faiblesses à ma peau

J'écris pour qu'on me couche entre tes seins douillets et m’endormir

J'écris en essayant d’effeuiller lentement nos marguerites

J'écris mon fantasme à l'instant de te faire l'amour

J'écris comme un fleuve puissant charrie d’intenses fatigues

J'écris sur les buissons, sur les arbres et l'oiseau se moquant de nos rêves

J'écris au milieu de la ville sur la pluie et le vent

J'écris sur les trottoirs, j'écris sur le béton

J'écris en tremblant sur l'enfant qui se couche une histoire qui l'endort

Et je calligraphie à la craie mon appétit avec application

J'écris pour les femmes dansant à petits pas chassés

J'écris pour celles qui passent doucement indolentes

L'ardeur en bandoulière, Cupidon et son carcan à leurs hanches agrippé

J’écris pour celles qui fuient, insouciantes et légères

J'écris une caresse, un souffle sur leurs cils en témoin indélicat

J’écris pour celles qui s’arrêtent par leur ombrelle à mes yeux cachées

J'écris comme on dénude un sourire à leur bouche

J'écris comme on presse des gâchettes

J'écris pour le chasseur conquérant en tenue camouflage

Qui s'en va faire sa guerre insolite et vaine comme toute guerre

J'écris devant l'arène où le sang s'évapore

Puis se mêle aux émois des rires putassiers

J'écris comme l'on cogne sur des gueules abîmées

J’écris cent et vingt fois ton antique prénom défloré au burin de mon désir

Comme un sourd frappe encore et encore et encore

J'écris pour une virgule et sa respiration

J'écris pour repousser le moment de déposer à tes pieds le point final

J'écris les parenthèses sans rien y mettre autour

J'écris pour le papier qui râpe ma langue

Sur le fil barbelé des convenances usuelles

J'écris comme on chute lourdement sur le sol dur et froid des certitudes

J'écris le venin du cobra et la ruse de la mangouste

Le vif argent de la toile qui se hisse

J'écris alors que ma folie en éclats se brise, mon cœur

J'écris contre un mur qui se construit pour y poser le dos

Épuisé mais heureux de la halte permise

J'écris pour me tenir debout

J'écris à l'odeur fugace, au son qui me titille, au goût de ta beauté qui me détruit

J'écris lorsque les couleurs du jour pâlissent en sourdine

J'écris parce que la nuit darde mes angoisses

Mes inutilités chéries

Et que grincent les vieilles lunes-girouettes au vent discordant

J'écris pour obtenir le goutte à goutte salutaire

Des jours à tes rondes blancheurs, des nuits à tes coteaux

J'écris pour ton absence qui me mord jusqu'au sang

Et tes indifférences venimeuses que j’ai peur de comprendre

J'écris des prières d'athées, j'écris aux pierres datées

Sur les cathédrales moites de tes grâces féminines

J'écris de mes mains sales, impures et punissables

J’écris pour la honte de me taire et la crainte de parler

J'écris pour implorer ton châtiment

J'écris comme on hurle quand ton sommier déshabille le silence

J'écris en te regardant me cracher ton dédain

J’écris pour toi sans aucune autre vanité que de posséder ton affection en retour

Toi qui aurais dû m’être essentielle

J’écris pour le masque que je porte puisque ton air m’est défendu.

J'écris et ne dirai rien

À personne, c'est promis

J'écris et ne dirai rien

À personne, c'est juré

J'écris et ne te dirai rien.

VOYAGE

Cris en esquisses qui tracent un récit improbable

La première page si blanche ressemble à une volte-face

Avec juste le contour d’un sein indispensable

Ton nom, déjà, en titre majuscules vivaces.

Vient l’heure des premiers pas, tu trébuches sous la table

Les chutes écrivent en bleus sur tes jambes les échasses

Tu apprends la moiteur des tapis confortables

Et la douleur qui fixe sur toi sa dédicace.

Puis te voilà qui court, tu te sens increvable

A traverser pieds nus hors des clous de la place

En posant sur ton dos le poids de ton cartable

Tu pars apprendre le monde ne laissant aucunes traces.

La mer pour horizon derrière toi lèche le sable

Pendant qu’à plein goulot tu bois la même tasse

Ton coude mal arrimé sur le bord de la table

Tu navigues et tu pars, tu bois à marée basse.

La bouteille se vide te berçant de ses fables

Mais déjà dans la nuit tu cherches une préface

Une fille t’aborde au corps si improbable

Contre lequel, pourtant, ta tête se fracasse.

Goutte-à-goutte l’alcool en formes équitables

Te répète l’histoire qui jamais ne s’efface

De pages encore tournées par le souffle de diables

Et tu jouis sans plaisir tout au fond de l’impasse.

Ecoutilles

Regardant par-delà le mur, assis contre la mer

Il se laisse aller, il se laisse aller

A haler ses repentis gisant au fond de puits

Parmi les printemps décousus des fils du temps

Il rapporte les blessures coupantes des voleurs de diamants

Et le gris blafard recollé sous le sable mouvant

Comme on pardonne aux miroirs l’absence de mensonge

Un peu d’éclats de sang qu’ils avaient partagés

Pour quelques rêves d’oiseaux creusant profondément leurs cages

Avec, sans cesse, les rayures argentées sillonnant les ciels orageux

Quant aux cicatrices désinfectées, quant aux parachutes soigneusement pliés,

Ils gisent

Contre la mer appuyée, bien au-delà du mur

Ce soir son amertume demeure et se laisse aller

Tueuse sollicitude

D’une âme triste se posant alanguie à la voracité des lames.

Une ligne saigne le long d’un paragraphe

Le bruit d’un papier qui se froisse

Un encrier au loin rejeté, à la marge

Plume moirée revenant du large, puis vers l’horizon oublié

Car ne lui reste de ses instants futiles,

Que les ricochets de l’écho à l’envi,

Et le sentiment impalpable de cœurs sous oxygène

Ressac battant, battant encore sur l’enclume enserré

Le poids irrévocable d’insolentes certitudes

Allons, allons,

Lorsque Robinson réinvente le monde, le monde n’existe pas !

Ricochent un moment ses illusions, formelles caravanes

Jaunes et cendrées sur le flot aboyant après

Sa mémoire qui délaye la réalité. Halez, halez,

Mais qu’importe les histoires précises, après tout, seule l’émotion surnage

Nage encore et puis se pose

Tout contre l’armure sur laquelle

S'éclate en tournoyant l’amer doute des respectueuses solitudes

Où, tristement ce soir

Il se laisse aller, il se laisse à les

Il se lasse à les écouter…

Marcher lentement...

Chercher les fleurs au-dessus de nos têtes, moissonner les étoiles au milieu d'un champ de ruines, au moins repérer les lumières, étincelles ou lucioles : danser, ivre et nu, parmi les cadavres et sourire en attendant la pluie familière.

Ne pas baisser les yeux, guetter par-dessus des terriers, traîner et marauder le regard en musarde, enjamber quelquefois, trébucher souvent, tomber dans les crevasses sèches, laisser un peu de soi au fond de quelques sentes, se relever, toujours, puis boire encore inextinguiblement au goulot des moments offerts pour trouver enfouis au fond de certaines amphores le suc précieux qui réchauffe et nourrit.

Courir dîtes-vous ? Courir comme le vent en balayant les plaines, qui suit les reliefs, s'attarde puis repart, s'enroule autour des souches, s'en va loin ailleurs avant de revenir renifler, placide, l'humeur stagnante ou endormie ?

Ou courir poussé par des bras puissants au long de cloisons étroites vers d'incertains et pâles reflets ? Sprinter plus vite encore, sans un regard perdu lancé aux alentours, les yeux au ras du sol et le souffle raccourci, comme un athlète fourbu avançant par reflex au milieu d'autres ombres, tous guettant le refuge éphémère d'une ligne d'arrivée, fin de semaine ou début de vacances ?

Courir, oui, mais vers où ? Quelle destination, quel but, quelle fin ? Courir avec qui, au milieu de quoi ? Courir, enfin pourquoi ? Mauvaise question, mauvaise intention, mauvais esprit. Je suis une âme désarmée qui vous emmerde.

Courir, dîtes-vous, sans remettre, jamais, en cause le dogme. Courir en rond, autour de la butte où le drapeau est planté. Courir parce qu'il le faut, parce qu'on le doit. Sans demander son reste, le dû est calculé. Courir les pieds bien calés dans la voie tracée, sans même y penser. Courir, dîtes-vous.

Courir, et puis enfin s'arrêter. Au bout de la piste le chemin se perd dans les passages touffus, là où la végétation reprend possession des venelles. Alors, seul, il faut avancer la machette à la main, se perdre avec prudence dans la jungle foisonnante, plonger hors de la butte comme une ultime naissance. C'est l'heure grise de la retraite. S'arrêter. dîtes-vous. Repos bien mérité, ajoutez-vous avec gentillesse.

Et marcher lentement, loin du bout de la piste ? Respirer, prendre appui, minute après minutes, aux cailloux du chemin. Lever le front, populaire à jamais, et goûter aux instants olfactifs, tactiles et sonores, sans plus accélérer. Prendre le temps comme on prend une femme désirée.

Lancer au caniveau les chiffres et les classements. Arracher les drapeaux. Ouvrir les fenêtres, les portes et les cloisons étroites. Piétiner la hiérarchie, les chefs, les montreurs de routes aux péages rutilants.

Et. marcher lentement. le pas peu assuré. Sans certitude, sans motivation. Sans calcul.

Chercher les fleurs au-dessus de nos têtes, moissonner les étoiles au milieu d'un champ à reconstruire, au moins partager les lumières, étincelles ou lucioles. Danser, ivre et nu, parmi les vivants sourire en goûtant avec délectation la pluie familière et te refaire l’amour comme le prochain jour.


Texte publié par DenisJaje, 19 septembre 2024 à 20h53
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