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tome 1, Chapitre 2 tome 1, Chapitre 2

Deux étudiants de second grade échangeaient des coups de poings musclés à leur en déformer la peau. Clayton Prens mitraillait son adversaire d'attaques sur tout le corps tandis que ce dernier les esquivait si rapidement qu'on croyait assister à une symphonie répétée à l'avance. Tout semblait calculé et remarquablement exécuté, si bien que Dave fut légèrement déçu. Il avait déjà assisté à des combats mais qui étaient bien plus spontanés. Malgré leur technique de bataille inégalable, les Altiers étaient d'ailleurs loin d'atteindre le caractère épique des luttes au corps à corps des Torsuois.

Vender esquissa un sourire. Ce serait amusant qu'un Souffleur passe par ici et lâche une brise sur les deux lutteurs. Dave le tira de ses pensées.

- Cela fait plusieurs minutes que nous sommes là, chuchota-t-il, il faut que l'on redescende.

Ils refirent le chemin en sens inverse et rejoignirent aux étages inférieurs un groupe d'élèves en rang partis assister à leur prochain cours. Jocelyne Haumont qui dominait l'attroupement, était comme à chaque rentrée, en retard.

- Allons, dépêchez-vous de vous installer, nous avons beaucoup de choses à voir aujourd'hui, commença-t-elle.

Les élèves se hissèrent sur leurs tabourets et commencèrent à sortir feuilles et stylos dans un brouhaha qui ne tarda pas à faire grincer des dents le professeur Haumont. Elle balaya la salle de son regard perçant annonçant une mise en garde cinglante dont ses étudiants avaient l'habitude.

- En silence ! aboya-t-elle.

Et le silence se fit en un quart de seconde. Mme Haumont avait reçu des capacités en lien avec le son, et sa voix en était l'accomplissement. Personne ne résistait à ses haussements de ton à vous percer les tympans. C'était un don rare, qui n'était pourtant pas très convoité, surtout pour une femme.

- Tout d'abord un point sur les quatre familles historiques de Behors. Je veux que tout le monde répète les quatre termes car j'en ai assez d'entendre les raccourcis dans les couloirs.

Elle s'arrêta un moment en fixant deux étudiants du fond qui semblaient s'amuser discrètement de leurs derniers achats à la foire des sorciers. Ils débarrassèrent vite leurs babioles des pupitres en apercevant les sourcils froncés de leur professeur.

- Comme je le disais, je veux que ces quatre mots soient bien intégrés dans votre cervelle. Quelqu'un pourrait-il me rappeler les mots en question ?

Edmond Taland, un garçon aux cheveux toujours ébouriffés malgré ses tentatives d'aplatir ses nombreux épis, leva la main timidement.

- Arcum, dit-il.

- Bien, qui correspond à quel peuple ?

- Les Wuronnais.

- Correct. Un autre ? demanda-t-elle en se promenant entre les tables.

Edmond hésita à participer de nouveau mais Mme Haumont lui indiqua d'un revers de main qu'elle attendait les réponses d'autres élèves. Edmond était l'élève modèle de la classe. Le nouveau Xanth Montero de l'école, sans le caractère toutefois.

- Je vois qu'il faut vous rafraîchir la mémoire tous les ans. Les quatre noms officiels sont Viventum, Minerum, Arcum, Inginum. Les termes comme aquatiques et combattants sont certes des mots populaires mais ils ne sont pas justes et réduisent les peuples à une catégorie de pouvoir alors qu'ils sont bien plus vastes. Maintenant répétez !

- Viventum, Minerum, Arcum, Inginum, répétèrent les étudiants sous le regard appuyé de leur professeur.

- Encore !

- Viventum, Minerum, Arcum, Inginum,

- Les Minerum viennent de ?

- Mapeltech.

- Correct. Les Viventum ?

- Torsuur.

- Et les Inginum ?

- Alatar.

- Vous reconnaissez au moins leur terre, c'est mieux que l'année dernière.

- Il reste les sorciers. intervint un élève à la mine suffisante, vêtu d'une veste du meilleur artisan de la Capitale.

- Les sorciers ne sont pas un peuple historique, et leur nom officiel, les Behosiens, ne nécessite pas un rappel Monsieur Losois.

- Ils méritent leur place dans votre leçon matinale, non ?

- Vous commencez bien l'année, je ne manquerai pas de faire part de votre insolence à votre professeur principal.

L'air chicaneur de David Losois s'évanouit. Leur professeur principal était M. Seyman. Un Viventum qui avait hérité des traits de caractère du chien des cavernes, une race particulièrement effrayante. Elle était utilisée pour provoquer l'effroi des enfants dans les livres ou lors des fêtes déguisées. Indomptable, agressif et obstiné, le chien des cavernes avait une gueule toujours dégoulinante d'une salive noire et ses crocs étaient réputés pour être les plus aiguisés du monde animal. Les meilleures lames étaient d'ailleurs produites à partir de ses canines.

Le caquet du jeune sorcier rabattu, Mme Haumont put reprendre son cours sans être interrompue. Plusieurs élèves affichèrent une mine amusée de la remarque du professeur sur David, ce que celui-ci remarqua en leur décochant à tous un regard noir avant de se redresser en cherchant à bomber légèrement le torse qu'il n'avait pas.

La journée défila rapidement, beaucoup d'enseignants procédaient à leur introduction de rentrée, palabrant sur les règles et avertissements de l'année à venir. Vender attendait impatiemment la sonnerie de la cloche des seize heures pour se rendre à la sélection du Vadratch Junior de Behos. Dave ne souhaita pas l'accompagner et préféra rentrer au dortoir pour revoir ses bases de magie.

Vender soupira. C'était le premier jour, Dave avait bien le temps de rattraper son retard de l'année dernière. Mais face à la mine renfrognée de son ami, il comprit que ce n'était pas la peine d'insister et ils se séparèrent à la sortie des cours. Plein d'enthousiasme, Vender parcourait les couloirs comme s'il allait entrer sur la scène d'un spectacle. Il s'y voyait déjà. Entrant triomphant sur l'estrade où se regroupaient les joueurs d'une équipe, défiant l'assistance de son air de gagnant qu'il allait être à l'issue de la compétition. Puis il figurerait parmi la sélection de l'équipe nationale et son nom serait scandé dans toutes les rues de la Capitale jusqu'aux provinces et villages les plus éloignés du royaume.

Il emprunta une allée boisée au bout d'un escalier adjacent à l'une des cours extérieures principales de l'école, et huma les différents parfums durant le trajet. La mousse humide, les troncs d'arbres mouillés, les feuilles dessinant un ballet dansant avant de s'évanouir sur la terre boueuse jonchée de branches, le calme ambiant apaisait les nerfs de Vender.

Il interrompit sa marche lorsqu'il vit un ruban doré accroché sur le tronc d'un épicéa. C'était le signe qu'il fallait maintenant patienter que l'on vienne vous chercher. Très peu d'élèves connaissaient le chemin pour se rendre là où étaient sélectionnés les joueurs. Il était trop risqué que n'importe quel étudiant puisse y pénétrer et troubler l'évènement. Les créatures intégrées au sport s'y trouvaient et le moindre dérapage pouvait s'avérer mortel pour quiconque.

Vender vit qu’il n’était pas seul. A quelques mètres, une jeune fille aux cheveux bruns retenus en queue de cheval chatouillait les feuilles d’une plante violette naissante.

- Salut ! lança Vender, tu candidates aussi ?

- Oui, dit-elle en se redressant, poste du teneur de chaîne, et toi ?

- Monteur de Loup, répondit fièrement Vender.

La jeune fille écarquilla les yeux.

- Monteur de loup ? Mais tu as quel âge ?

- Qu’est-ce que ça peut faire ? rétorqua Vender, un poil offensé.

- C’est de loin le poste le plus dur à décrocher, et à tenir, tu sais qu’un élève est mort il y a trois ans lors d’une compétition ?

- Les accidents ça arrive. Ce n’est pas un sport de bisounours.

L’étudiante lui asséna un regard qui parut à Vender comme une attaque personnelle. Qualifier la mort de Julius Cray comme d’un simple accident n’était peut être pas très élégant. Mais bon s’il fallait toujours faire attention aux mots que l’on utilise de peur d’en froisser, on ne dirait jamais rien !

- Tu sais quoi le gros dur, j’espère que tu vas être retenu, lança la candidate qui s ‘avança jusqu’à frôler son visage à celui de Vender.

- Merci, s’étonna ce dernier.

- Et qu’un loup te bouffera là où je pense, ajouta-t-elle en retournant voir les pousses violettes.

- Charmant, mais mérité j’imagine. Et tu t’appelles ?

Avant que Vender puisse constater si la jeune fille allait lui répondre ou s’il était mis encore quelqu’un à dos pour un bout de temps, un craquement de feuille retint son attention. Un léger barronnement parcourut les buissons, sans qu’il puisse identifier d’où venait le bruit. Un animal ? Un insecte ? Les épis d’un Ceanothe se balancèrent frénétiquement jusqu’à qu’une trompe rompe le mystère des sons qui commençaient à inquiéter Vender.

Un Eucalopse sortit de sa cachette et se dandina vers la jeune étudiante qui faisait de drôles de mouvements avec ses mains autour de la même plante violette qui semblait l’obséder. L’animal barrit, faisant sursauter l’écolière qui maugréa :

- Qu’est-ce que.. ?

La mine agacée laissa place à des traits bienveillants quand elle aperçut l’animal. Les Eucalopse étaient particulièrement attachants. Leur corps était semblable à celui d’un chat, leur queue était grande est touffue, leurs oreilles ressemblaient à celles des lapins et ils possédaient une petite trompe qu’ils agitaient constamment dès qu’ils voyaient du monde. Les grands yeux globuleux de l’animal attendrirent aussi bien elle que Vender qui ne put s’empêcher d’esquisser un sourire devant le petit plaisantin.

Tout le monde connaissait l’histoire des Eucalopse, résultats d’une triste expérience en laboratoire. Créés il y a huit ans par un club de sorciers ambitieux qui souhaitaient innover en repoussant les imites toujours plus loin, ils avaient réussi à mêler du sang de plusieurs Viventum qui avaient le don de métamorphose pour chacun à un stade plus ou moins avancé avec celui d’un chat ordinaire. Le résultat n’avait pas été beau à voir. Les chats pris en cobaye, ce qui était par ailleurs contraire à la loi, souffrirent pendant des semaines avant que l’expérience des apprentis sorciers ne fut découverte et qu’ils soient renvoyés de l’école avec pour châtiment, le saut du Pic des Damnés.

Les dégâts étaient considérables, les sorts jetés étaient si complexes et mêlés qu’il fut difficile de redonner aux pauvres bêtes leur état initial. L'académie réussit à annuler une grande partie de la magie qu’il leur avait été injectée. Le reliquat qui coulait encore dans leur veine avait donné des particularités à chaque animal victime de l’expérience dont celle que Vender avait sous les yeux à cet instant.

L’Eucalopse vint se frotter en ronronnant contre les jambes de Vender qui resta immobile de peur de le bousculer.

- Et voici nos derniers candidats, vous êtes vraiment les seuls à passer par ici. Déclara un étudiant qui surgit entre deux troncs d’arbres.

- Nous sommes nombreux cette année ?

- Oh que oui, répondit l’étudiant portant un carquois, il va y a voir de l’écrémage, c’est moi qui vous le dis. Je suis Jack Hollois et je serai votre guide.

Jack attrapa dans son sac en cuir une boule bleutée autour de laquelle flottait un halo poussiéreux et la jeta d’un coup sec sur le sol face aux deux candidats. Une brume les envahit et l’espace d’un instant, ils perdirent la vue, toussant à l’inspiration de grains de poussière. Quand ils purent rouvrirent les yeux, ils virent un pont en bois qui s’élançait dans le vide entouré d’un épais brouillard. Jack se tenait toujours devant eux, mais ils ne voyaient plus la forêt désormais.

- Brume d’illusion, l’effet durera le temps du trajet. En route ! lança Jack en s’avançant sur le pont fictif.

Pendant leur avancée, Vender manqua de trébucher en jetant un œil par-dessus la rambarde du pont, c’était si profond qu’il n’apercevait pas l’ombre d’un bout de terre ou la cime d’un arbre. La jeune candidate derrière Vender dut remarquer sa légère peur du vide car elle pouffa.

Vender fit mine de ne pas avoir entendu et se refocalisa sur le pont. C’était fictif, il le savait mais cela paraissait tellement réaliste. Il ressentait même l’humidité du brouillard bien différente de celle d’une forêt. Les inventeurs de cette boule étaient vraiment des génies.

Au bout d’une dizaine de minutes, l’effet du paysage imaginaire commença à se dissiper, Vender aperçut le feuillage de pins et de chênes autour de lui. Les contours du pont devinrent flous et en quelques instants ils virent de nouveau la forêt autour d’eux. Seule différence, se tenait devant eux, l’embouchure d’un immense bloc de pierre devant lequel Jack fit un arrêt en se tournant vers les écoliers.

- Vous voici devant l’entrée du centre d’entraînement du Vadratch. Je demanderai à tous de ne pas faire de geste brusques, de ne pas hurler ni exercer votre magie. Des créatures rodent en ces lieux. Si nous encadrons tout ce qui englobe les activités de ce sport, nous ne garantissons jamais le risque zéro.

Vender se demanda pourquoi il employait le mot « tous » puis il se retourna légèrement et vit qu’une bonne soixantaine d’étudiants se tenaient face à l’entrée, impatients de tenter leur chance de faire partie d’une équipe. La fille à la queue de cheval passa devant Vender sans lui adresser le moindre regard.

- Eh ! Tu t'appelles comment au fait ?

- Je suis... la fille qui n'a pas de nom. rétorqua-t-elle avant de rejoindre la file.

Super.

Jack s‘engouffra dans le couloir de pierre, suivi par le flot d’écoliers qui se mirent en rang naturellement pour tenir dans l’espace étroit qui les mènerait au camp de recrutement. Un cacardement se fit entendre dans les hauteurs de la roche qui les dominait de chaque côté. Une créature surgit par la fente d'un bloc de pierre à plusieurs mètres au-dessus d'eux et vint se poser sur l’épaule de Jack. Un Souffleur. Plus âgé que celui que l’on apercevait dans les couloirs de l’école. Vender admira la couleur de ses écailles, d’un rouge orangé flamboyant.


Texte publié par Askanulfur, 8 septembre 2024 à 17h58
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