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Le temps que je rejoigne l’atelier de Pierre, le nœud qui enserrait ma poitrine s’était par deux fois défaits. Lorsque j’avais dû le refaire, j’avais pris une décision radicale. Les manches avaient quitté mes bras et j’avais drapé le vêtement autour de mon corps comme je le faisais habituellement avec mon foulard. Heureusement que les ombres me protégeaient, je ne tenais vraiment pas à expliquer la situation au premier passant venu. Et je n’avais jamais autant apprécié la condition de Pierre… J’avais à peine franchi la porte de l’atelier qu’il se trouvait là, comme s’il m’attendait. J’avais tenté de m’éclipser, mais il avait tenu à me parler aussi j’étais restée, le sourire crispé.

Il avait dû sentir mon malaise car il m’offrit un sourire rassurant, avant de se diriger vers son établi. Il en sortit une boite qu’il me tendit sans plus d’explications, juste avec un mouvement d’encouragement de la tête. Avec des gestes lents, j’avais retiré le couvercle, écarté le papier protecteur… Et j’en avais perdu tous mes mots. Avec précaution, je sortais le vêtement de son cocon protecteur. Le bustier était blanc avec des manches courtes. Mais ce qui avait réellement attiré mon attention, c’était la jupe. D’un vert aussi foncé que la forêt en hiver, j’eus un instant l’impression d’être de retour chez moi. Presque malgré moi, je portais le vêtement à mon nez. Il sentait la terre.

Comment Pierre avait-il fait ? Comment avait-il su… ? Avec hésitation, je relevais la tête vers lui. Il m’observait, appuyé contre son établi, avec l’œil brillant d’un homme satisfait.

- Il est temps de redevenir toi-même, tu ne crois pas… Apolline ?

Mon rire sortit sur un souffle, dans une bouillie de larmes et de gorge nouée. Depuis quand pleurais-je ?

- En réalité, je me prénomme Diane, rectifiais-je d’une voix enrouée.

- Ah. Toutes mes excuses en ce cas.

Je chassais mes larmes d’un revers de la main tandis que mes lèvres s’élargirent en sourire. Au vu du prénom qu’il utilisait tous les jours, il était normal de supposer que mon pendant féminin serait proche.

- Diane.

Je relevais mon regard vers lui. Il m’attendait, les bras grands ouverts. Sans plus de cérémonie, je me réfugiais dans son étreinte, le poing toujours refermé sur l’habit féminin.

- Mais Apollin, tu as une poitrine !?

Sa question me prit au dépourvu, avant de me faire éclater de rire. Avec tout ça, j’avais totalement oublié la tenue indécente dans laquelle je me trouvais.

Après que j’eus revêtis mes habits de nuits, nous avions passé le reste de la soirée à parler. Je lui avais raconté ma journée dans les moindres détails, décrivant par le menu la correction à laquelle j’avais soumis Bobby. La seule chose que je tus fut l’identité de la femme que j’avais aidée. Pierre me pardonnerait bien ce petit écart, j’en étais certaine. Puis il avait voulu savoir ce qui m’avait conduit à me travestir et là encore, je lui contais mon passé, à un ou deux secrets près.