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tome 1, Chapitre 1 tome 1, Chapitre 1

Il ne me fallut pas longtemps avant de définitivement quitter mon village. De toute façon, plus rien ne m'y retenait. En une nuit, il avait été rayé de la carte et je voulais l'oublier. Je fuis également le pays, étant certaine que le massacre d'Albain ne resterait pas indéfiniment secret. Et je ne désirais pas tellement que les inquisiteurs me mettent la main dessus. Si vraiment je ne pouvais pas mourir, je ne voulais même pas imaginer à quelles atrocités ils seraient capables de me soumettre. Je partis donc pour la Grèce, pays frontalier au mien. La chasse aux sorcières n'y était pas en vigueur, mais ça ne m'empêchait pas de mener une vie discrète, disparaissant chaque fois dès que mon dos était découvert.

Je continuai cette vie de nomade jusqu'en 1745, année où j'arrivai en France. J'avais traversé de nombreux pays au cours des siècles et appris de nombreuses langues, mais c'était bien la première fois que je m'essayais au français. La première ferme dans laquelle je fus embauchée, ce fut un peu par hasard. Les fermiers étaient réticents à donner du travail à une inconnue, ce que je comprenais, mais lorsqu’ils s’aperçurent que je ne rechignais pas face à la besogne, ils m’acceptèrent. Je travaillais en journée avec les hommes et le soir, les femmes m’apprenaient la langue. Ça pouvait sembler être un bon compromis, et cela l’était. Mais ça ne durait jamais longtemps. Combien de villages et de hameaux avais-je dû quitter au cours de la première décennie qui suivit mon arrivée en France ? Et toujours pour la même raison : les hommes en avaient après mon corps et les femmes après ma tête. À chaque fois, j’avais pris sur moi. Jusqu’à celle de trop.

La dernière ferme où j’échouais était tenue par une femme âgée et son fils. Elle m’avait accueillie à bras ouverts, n’étant pas contre de la main d’œuvre supplémentaire. Le fils m’avait toujours paru bizarre, mais c’était surtout la manière dont il me regardait qui me mettait mal à l’aise. Combien de fois l’avais-je surpris à vouloir m’observer lorsque je faisais ma toilette ? Et puis, ses gestes déplacés qui n’étaient soi-disant que des accidents… Ce fut les femmes du village qui me révélèrent ce que je soupçonnais déjà. L’homme était dérangé, il l’avait toujours été et le serait jusqu’à sa mort. Sa mère parvenait à le contrôler, mais toutes craignaient ce qu’il se passerait le jour où elle quitterait ce monde. J’eus la réponse à cette question bien plus vite que ce à quoi je m’attendais. Elle était partie dans son sommeil, presque un mois après cette fameuse conversation. Et son enterrement était à peine fini que le tempérament de son fils changea du tout au tout. Comme un animal qui avait été tenu en laisse toute sa vie, à peine eut-il goûté à la liberté que ses pulsions prirent le dessus. Et malheureusement pour moi, j’en fus la victime. Ou du moins, je l’aurais été si je ne m’étais pas défendue. La dernière chose dont je me souvenais, c’était son regard fou au moment où il avait refermé la porte et lorsque j’étais revenue à moi, il était allongé au sol. Mon haut était déchiré, les meubles renversés et la vaisselle brisée. D’une main tremblante, j’avais glissé mes doigts devant son nez et un soulagement sans nom m’avait étreint en sentant son souffle contre ma peau. Mais de cet incident, j’avais retenu une chose : je ne pouvais plus rester ici. Certes cette fois, j’avais réussi à me défendre ; mais combien de temps cela durerait-il ? Et qui me promettait que je ne le tuerais pas accidentellement en voulant me protéger ? Personne. Sa mère avait été bienveillante avec moi, je ne pouvais prendre la vie du seul membre de sa famille. Je savais que certaines personnes estimaient que ce ne serait que lui rendre service de mettre un terme définitif à son existence ; mais qui étaient-ils pour penser ainsi ? S’ils décidaient d’agir après mon départ et bien qu’il en soit ainsi, mais au moins mon esprit serait en paix. Était-ce lâche de ma part ? Peut-être. Mais après ce que j’avais vécu, je refusais d’être responsable de la perte d’une vie humaine.

Rejoindre Paris me prit trois jours. Et comme je m’en doutais, je ne trouvais que des portes closes. Qui voudrait embaucher une femme sortie d’on-ne-sait-où, sale et en guenille ? Et bien justement, personne. Ou des personnes peu fréquentables que je préférais éviter. Tous les moyens étaient bons pour survivre et loin de moi l’idée de me permettre de critiquer leurs métiers, mais fille de joie… Non. Heureusement, j’avais prévu cette éventualité. Si être une femme jouait en ma défaveur, il ne me restait donc plus qu’à devenir un homme. Une fois ma poitrine bandée et revêtue des habits que j’avais « empruntés » au dément, je passais facilement pour un membre du sexe masculin. Certes efféminé, surtout avec les cheveux qui m’arrivaient en bas du dos ; mais tout de même masculin. Je n’avais peut-être pas beaucoup de « peau sur les os » comme ils disaient tous, mais il me suffisait généralement d’un ou deux coups pour qu’ils comprennent que je n’étais pas de ceux qu’on pouvait impunément ridiculiser. C’était bien pratique lorsqu’on vivait plus de larcins que d’un travail honnête et que le seul toit au-dessus de notre tête était la voûte stellaire. Mais j’avais beau vivre à la rue, je me surpris à aimer cette vie. La solidarité qui existait parmi ceux dans la même situation que moi, la joie de vivre que l’on ressentait parmi les habitants de la capitale… Je me sentais en paix. Comme si j’avais enfin trouvé mon chez-moi.

Ma situation changea plus de dix ans après mon arrivée. Je terminais un travail pour le boucher et je profitais du soleil de Juin lorsque nos chemins se croisèrent.

Il se prénommait Pierre. Il avait perdu sa femme, n’avait pas de descendances et la vieillesse le privait peu à peu de la vue. Et malgré cela, la forge familiale était toujours debout. « Son seul et unique enfant », comme il aimait à l’appeler. Je passais devant son commerce lorsque je l’avais entendu réclamer de l’aide. Je l’avais trouvé allongé au sol, un tabouret renversé à côté de lui. J’avais couru chercher un médecin. Sa vie n’était pas en danger, il avait juste la cheville foulée. Mais au vu de son âge, le praticien lui conseilla de fermer boutique. Ne serait-ce que le temps qu’il ne soit plus alité.

J’étais devenue son apprentie avant même de le réaliser. Au début, je n’étais restée que par sens du devoir. Je n’avais pu me résoudre à laisser un vieil homme blessé seul. Je m’occupais de lui et lui préparais ses repas, même s’il m’assurait qu’il pouvait se débrouiller. Un jour j’étais arrivée en retard chez lui le matin, un engagement avec le boulanger que je ne pouvais annuler. J’avais découvert Pierre dans son atelier, forgeant une épée. Son corps n’était pas remis et je l’avais sermonné comme s’il s’était agi d’un enfant. Après l’avoir forcé à s’asseoir et couvert d’une couverture, je l’avais astreint à m’expliquer comment faire. Et depuis ce jour, je ne l’avais plus quitté. Et sans que je ne m’en rende compte, les années passèrent. Ce fut en 1776 qu’une nouvelle rencontre allait à nouveau changer le cours de mon existence.

Comme chaque année, pour célébrer l’arrivée du Printemps, les habitants habillaient les rues de Paris. Pas un toit, pas une devanture, pas une rue n‘échappaient aux guirlandes de fleurs. Peu importe l’endroit, la musique nous atteignait. Comme la chaleur du soleil chassait le froid de l’hiver, les sourires étaient présents sur tous les visages et la bonne humeur se répandait dans toutes les allées. Le festival durait les deux premières semaines d’Avril et c’était sans commune mesure ma saison préférée de l’année.

Durant cette période, Pierre fermait toujours l’après-midi. Son commerce était peut-être nécessaire au royaume, mais ce n’était pas le genre à recevoir beaucoup de visites pendant les festivités. Les premières années, nous déambulions ensemble dans les rues, profitant des vendeurs ambulants et des danses, mais ces derniers temps, il préférait le calme de l’atelier à la liesse populaire. Chaque jour je voyais son visage se creuser un peu plus et ses gestes ralentir. Nous n’en parlions pas, mais chaque soir je me couchais avec une boule au ventre, consciente que c’était peut-être la dernière fois que je lui souhaitais une bonne nuit. Mais je refusais de me laisser abattre par cette idée. Pas aujourd’hui. Je saluais Pierre de la main et sortais rejoindre le reste de la ville. S’il y avait un remède contre la morosité et les idées noires, c’était bien le soleil et la bonne humeur contagieuse.

J’aurais pu passer ma journée assise sur un coin d’herbe à observer les gens s’amuser, mais avant cela, j’avais une partie de cache-cache à remporter. Les étales ambulants proposaient tous la même chose : des couronnes de fleurs, des bouquets, des bijoux, de la boisson, des fruits… Mais un seul recevait ma visite tous les ans. C’était un vendeur de pommes qui vendait sa production uniquement durant le Festival des Fleurs. Mais chaque année sa position changeait et à force, c’était devenu un jeu entre nous. Cette fois, je le trouvais à côté de la Seine, à plus d’une heure de marche de la forge de Pierre. Au moins, je pouvais éliminer cet endroit de la liste pour l’année prochaine. Je lui achetais un sac entier de ses pommes les plus rouges et repartis en direction du centre de la ville après avoir pris de ses nouvelles.

J’aurais pu rentrer directement chez Pierre, mais la marche et le soleil m’avaient donné chaud, aussi je m’arrêtais dans une taverne, profitant de la fraicheur des lieux et d’une bonne pinte de bière. Je n’avais aucun problème à me présenter au reste du monde comme un homme, les pantalons étant plus pratiques que les jupes ; mais combien de fois avais-je maudit le fait d’avoir une poitrine et de devoir la dissimuler ? Tous les jours, en fait. Dès que la chaleur de la forge devenait insoutenable, je desserrais les liens compressant ma poitrine, retrouvant un souffle nouveau.

Je n’avais jamais eu cette conversation avec Pierre. Je ne lui avais jamais avoué que j'étais une femme mais parfois, je soupçonnais le fait qu’il soit au courant. C’était des petits changements d’attitude anodin, comme lorsqu’il secouait la tête quand je rigolais à une blague grivoise ou que j’annonçais que j’allais à la taverne avec les autres apprentis masculins du quartier.

Je quittais les lieux après avoir payé ma pinte mais alors que je passais la porte, une bagarre éclata. Je me postais contre le mur pour mieux assister au spectacle, criant et rigolant au milieu de la foule. Malgré moi, mes pensées se tournèrent alors vers le passé. Depuis que j’avais quitté la rue, je n’avais plus aucune nouvelle de mes anciens compagnons. Et parfois la bonne camaraderie, les combats, les concours de rots, de pets, la drague ; tout ça me manquait. Peut-être était-ce pour ça que j’aimais autant les deux premières semaines d’Avril. Parce que l’ambiance générale me rappelait cette période de ma vie. La rue était bruyante, j’étais entourée par des éclats de voix et malgré ça, un son me parvint. Comme un appel à l’aide. Mais peu importe l’endroit où je regardais, il n’y avait que joie et liesse. Je crus avoir rêvé, mais la voix revint. En m’excusant, je quittais la foule. Je regardais une nouvelle fois autour de moi, mais rien ne sortait de l’ordinaire. Cela ne pouvait donc signifier qu’une chose : le son provenait des ténèbres de Paris. Je pénétrais dans la ruelle la plus proche, connaissant tous les recoins et artères cachés que possédait cette ville. Et il ne me fallut pas longtemps avant de trouver.

- Je vous ai déjà dit de me lâcher !

- Tu crois vraiment que ta volonté m’importe ?

Malgré moi, un frisson de dégoût me traversa de la tête aux pieds. Je ne l’avais pas revu depuis que Pierre était entré dans ma vie et c’était très bien ainsi. Mes anciens compagnons pouvaient me manquer. Lui ? Certainement pas.

L’homme à qui appartenait la voix se prénommait Bobby, Bobby Larson. Une brute sans foi ni loi qui ne vivait que pour son seul intérêt. Un voleur de la pire espèce que j’avais maintes fois remis à sa place, pour la seule et unique raison que je ne supportais pas le personnage. Et aussi parce que j’étais la seule en avoir le pouvoir, mais cela n’était qu’un détail. Cela ne me surprenait pas qu’il chasse pendant le festival ; boire, coucher et rabaisser étant ses seules occupations dans la vie. Mais jamais je n’aurais cru qu’il soit accompagné lors de ses moments de débauche.

Il aurait été faux de prétendre que je n’avais aucune intention d’intervenir, à l’instant où son appel à l’aide m’avait atteint ma décision était prise. Mais voir à qui j’avais affaire n’avait fait que renforcer ma motivation à agir.

- Messieurs. Il me semble que la demoiselle vous a demandés de la laisser tranquille.

Sans même le vouloir, j’avais modifié ma voix, la rendant plus grave que celle que j’utilisais habituellement. Et à voir la manière dont ils me scrutaient tous, je me trouvais suffisamment dans les ombres pour qu’ils ne puissent pas apercevoir mon visage.

- Quoi ? T’es qui toi ?

- Dégage morveux, on n’a pas besoin de spectateurs.

- Cela est-il vrai ? Quel dommage, soupirais-je. Je suppose donc que vous n’aurez aucun problème à ce que je vous enlève cette jeune personne, ajoutais-je en passant un bras protecteur autour des épaules de la femme. Nous ne voudrions pas après tout vous interrompre.

Et avant qu’ils n’aient le temps de réagir, je la dégageais de l’étreinte de Bobby et commençais à retourner vers la rue animée.

- Non mais attends. Tu crois faire quoi là ?

- Quel est donc le problème ? demandais-je en me retournant partiellement vers le groupe. Après tout, c’est vous qui avez déclaré ne pas avoir besoin de « spectateurs ».

Je ne sus ce qui leur déplut le plus, si c’était la manière dont j’avais prononcé le mot ou la façon dont je les avais regardés, mais ils nous foncèrent dessus comme des bêtes enragées. Sans même la regarder, je mis mon sac de pomme dans les bras de la femme et l’éloignais de moi, la projetant rudement sur le côté. J’espérais seulement qu’elle ne tenterait pas de rejoindre la rue passante par elle-même. Certes nous étions assez proches pour entendre le bruit de la foule, mais ce n’était pas pour autant que le risque de se perdre dans les allées était nul.

Mais ces craintes disparurent de mon esprit lorsque je reportais mon attention sur celui qui me chargeait. J’esquivais aisément le coup du rouquin, l’envoyant au sol après que mon genou ait fait la connaissance de son torse. Le blond voulut m’assommer avec une caisse, son nez se brisa sous mon poing. Et le meilleur pour la fin, Bobby. Jusqu’à présent, j’avais réussi à garder mon identité un secret. Aussi la tête qu’il fit lorsque nos regards se croisèrent après que j’eus interceptée son coup fut comme la plus délicieuse des boissons. Un régal.

- Toi…

- Bonjour Bobby.

Et en guise de salutation, il se prit mon pied dans l’estomac. Mais pendant les années où nous nous étions perdus de vu, il avait encore dû prendre du poids. Mon attaque ne l’avait pas envoyé aussi loin que ce que j’avais escompté. Et à en juger par la vitesse à laquelle il éclata de rire, je me demandais un instant si ce n’était pas moi qui avais perdu en force.

- Je ne le crois pas… Apollin le Déserteur. Si on m’avait dit que nos chemins se recroiseraient de la sorte, je ne l’aurais jamais cru, déclara-t-il en se redressant, un éclat mauvais dans le regard.

- Crois-moi, le sentiment est partagé.

- Alors dis-moi, toujours avec ton forgeron ?

- Tu veux vraiment le savoir ?

- Non, pas vraiment, me répondit Bobby en se remettant sur ses jambes. Mais tu vois, tu ne viens plus nous voir en ce moment. Les gars sont tristes. Ce n’est pas gentil ça. Peut-être qu’on devrait lui rendre une petite visite…

- Je te promets Bobby que si tu l’approches, je t’embroche comme le porc que tu es.

Je savais que je ne devais pas répondre à ses provocations, mais ça avait été plus fort que moi. Et puis en soi, ce n’était pas une simple mise-en-garde. S’il arrivait quoi que ce soit à Pierre, je l’en tiendrais pour personnellement responsable. Et les corrections qu’il avait pu recevoir de ma part dans le passé ne serait plus qu’un lointain souvenir.

- Non mais oh ! Tu te prends pour qui pour lui parler ainsi ? Tu sais qui tu as en face de toi ? Le chef des vagabonds ! Alors un peu de …

Je ne laissais pas le blond finir sa phrase, le faisant taire de ma fameuse droite.

- Quoi ? demanda alors Bobby après m’avoir longuement toisé. T’as l’air de vouloir dire quelque chose.

- C’est une blague, n’est-ce pas ? Une vaste blague. Toi ? Le chef ? Je me souviens pourtant très clairement t’avoir remis plus d’une fois à ta place. Alors que toi… Ah oui c’est vrai : tu n’as jamais réussi à avoir le dessus sur moi.

- Bah oui mais que veux-tu.

Je n’aimais pas du tout la manière dont il me souriait.

- « Le plus fort est chef » et lorsque tu nous as si injustement abandonnés…

Je ne pus m’empêcher de lever les yeux face à son numéro de martyre. Décidément, il avait vraiment un don pour m’horripiler.

- Le trône s’est retrouvé vacant. Il a bien fallu que quelqu’un reprenne la place.

- Et de tous les choix possibles, il a fallu que ce soit toi ?

- Le plus fort est chef.

Je fermais les yeux et me passais une main sur le visage lorsque la signification de ces mots me frappa enfin. J’étais devenue chef parce que personne n’avait réussi à me battre. Jamais. Bobby ? J’eus l’impression de recevoir un seau d’eau froide sur la tête.

- Tu sais, je pense que c’est le destin qui a voulu qu’on se revoit aujourd’hui.

- Ah oui ?

- Oui…

Et sans prévenir, il me chargea. Je réussis à bloquer sa première attaque de mes bras, mais son poing gauche s’abattit sur mon estomac. Ma bouche s’ouvrit sous le coup de la douleur et l’air quitta mes poumons. Maintenant j’en étais certaine : en travaillant à la forge, mes sens s’étaient rouillés. Lorsqu’un don n’était pas entretenu, il se dégradait. Et c’était exactement ce qu’il s’était passé. Je m’étais reposée. Autrement, il n’aurait jamais réussi à m’atteindre.

- C’est moi ou tu viens de mordre la poussière, là ?

- Ne te réjouis pas trop vite, mon gros. C’était un coup chance et ce n’est pas prêt de se reproduire.

Et pour prouver mes dires, j’attrapais sa tête et l’écrasais sur mon genou. Il recula en grognant de douleurs, le nez en sang, mais je ne lui laissais pas le temps de reprendre ses esprits. Je pivotais sur moi-même et abattis mon talon sur sa tempe. Il rencontra le mur de plein fouet avant de s’écrouler au sol.

Décidément, il fallait vraiment que je me remette à m’entrainer. Mon corps était lourd après à peine quelques mouvements. J’étais en train de m’étirer le cou lorsque j’entendis un bruit derrière moi. Je bougeais, mais pas assez vite. Et le poing de Bobby s’abattit sur ma joue. Je reculais de plusieurs pas, la douleur irradiant du côté gauche de mon visage. Je sentais les larmes me brûler les yeux, mais pas une seule ne m’échappa. Je m’essuyais le nez de la main et ce fût sans surprise que je vis du sang.

- Tu peux me répéter ce que tu as dit ? « Un coup de chance », c’est ça ? Pourtant tu pisses le sang, là.

- Parce que c’est vraiment une chose dont tu dois te réjouir ? Tu te rends quand même bien compte que la seule et unique raison qui fait que je sois actuellement dans cet état est due à ma propre négligence. Parce que si j’avais continué à m’entrainer, tu serais déjà dans l’incapacité dans te relever.

- Tu peux sortir toutes les belles paroles que tu veux, la preuve. Je suis le plus fort. Ton règne touche à sa fin.

- On en reparlera lorsque je ne pourrai plus me lever.

Sur ces mots, je me jetais sur lui. Il leva les bras pour m’accueillir, comme je l’espérais. Je me baissais et lui fauchais les pieds. Il s’écrasa lourdement sur le sol et je me relevais sans perdre un instant. J’allais jusqu’à sa tête et enroulais mon bras autour de sa gorge, bloquant ses épaules avec mes jambes. Maintenant la question était de savoir lequel de nous deux allait rendre les armes le premier. Parce que j’avais beau avoir la force, il n’en restait pas moins vrai que Bobby restait plus grand et plus lourd que moi. S’il réussissait à riposter, il n'était pas dit que je ne lâcherais pas ma prise la première. Aussi je serrais, aussi fort que je pouvais.

- Ar… arrête.

- Quoi ?

- Arrête.

Je me figeais autour de ma prise, sans pour autant relâcher mon bras. Pour ce que j’en savais, ça pouvait très bien être une ruse.

- Qui me dit que tu es sincère ?

- Pourquoi je te mentirais ? J’ai peut-être réussi à te toucher, mais je n’ai jamais pris le dessus sur toi. Pourquoi ça commencerait aujourd’hui ?

Ses paroles sonnaient juste, mais cet homme était une véritable vipère. Qui pouvait savoir s’il était sérieux ou non ? Méfiante, je ne bougeais pas immédiatement. Et bien m’en pris. Car à l’instant où il sentit que je desserrais mon étreinte, il contre-attaqua. Il m’agrippa par le col de ma chemise et me jeta de l’autre côté de son corps. J’atterris au sol au grognant, la fureur emplissant mon être.

- Très bien. Donc tu as choisi la mort, marmonnais-je entre mes dents.

Je roulais sur le côté au moment où son ombre apparut au-dessus de moi. S’il voulait m’écraser, il allait devoir être plus rapide que ça. Je me redressais sur mes jambes et relevais mes bras devant mon visage, parant son coup.

- C’est quoi ça… ?

Je n’eus pas le temps de chercher de quoi il parlait que je sentis un objet être fracassé à l’arrière de mon crâne. J’avais oublié qu’il n’était pas seul, erreur de débutante… Je sentis mon corps devenir flasque et je secouais la tête, tâchant de reprendre mes esprits. Mais la gifle que je reçus n’aida en rien. Je tombais au sol, épuisée, des points blancs dansant devant mes yeux. Je percevais du mouvement autour de moi, mais j’étais incapable de comprendre ce qu’il se passait.

Je ne sais si je m’étais évanouie ou non, mais j’eus l’impression de regagner lentement mes sens. Le soleil chauffait mon ventre. Qui était censé être couvert. Je pouvais également sentir le vent, mais sur le haut de ma poitrine. Cachée. Ou qui aurait dû l’être. Mais à part le soleil et le vent, je pouvais sentir autre chose sur ma peau. Quelque chose de chaud et de mouillé, sur mon sein gauche. J’avais une sensation bizarre entre les jambes également. Comme si je me trouvais sur le dos d’un cheval, mais l’aspérité irrégulière que je sentais contre mon dos était la terre battue de la ruelle. Alors qu’est-ce que…

C’est alors que je l’entendis. Ce grognement animal qui était typiquement humain. Je revins brusquement à moi, comme lorsqu’on émergeait de l’eau. Et mon sang s’embrasa de nouveau : fureur, dégoût… Même moi je n’aurais su dire ce que je ressentais précisément. À part la colère, tout était trop confus. Mais une chose était sûre : Bobby n’allait pas s’en sortir ainsi. Car c’était bien lui, la masse entre mes jambes et sur mon sein. Au moins il n’avait pas commis l’irréparable, comme je pus le constater en découvrant que nous avions tous les deux respectivement nos pantalons. C’était peut-être la seule raison pour laquelle il ne mourrait pas aujourd’hui.

En regardant autour de moi, je m’aperçus que ses sbires étaient toujours là, montant la garde non-loin de nous. Je ne savais pas même ce qu’il était advenu de la femme, si elle avait réussi à s’enfuir ou si elle était toujours là. J’espérais juste qu’il ne lui était pas arrivé ce que j’avais tenté d’empêcher… Un frisson me parcourut soudain. Bobby avait bougé, pressant mon corps encore plus contre le sien, à tel point que je pouvais sentir son excitation peser contre mon pantalon. J’allais vomir. Vraiment. Un pouce rugueux se posa alors sur ma bouche, jouant un instant avec ma lèvre inférieure. Malgré moi, je me forçais à fermer les yeux, ne voulant pas qu’il comprenne que j’étais réveillée. Si je voulais me dégager, je devais profiter de l'effet de surprise. Je pus sentir ses doigts descendre le long de mon visage, s’arrêtant sur mon menton, qu’il força vers le bas. Je fronçais les sourcils, ne comprenant pas. Jusqu’à ce que l’évidence me frappe. Il n’allait quand même pas… !?

J’eus ma réponse au moment où sa bouche prit possession de la mienne et que sa langue me pénétra. J’allais vomir, je pouvais déjà sentir la nausée monter dans ma gorge. Son entrejambe continuait de se frotter contre la mienne et son poids qui m’écrasait, c’était la goutte de trop dans la coupelle de ma patience. Refoulant la bile comme je le pouvais, je laissais la fureur guider mes gestes.

J’agrippais son poignet avec force, suffisamment du moins pour le sentir sursauter. Sa langue et sa bouche quittèrent la mienne et son visage recula assez pour que nos regards se croisent. Je ne sus ce qu’il découvrit mais personnellement, la terreur dans ses prunelles ne m’échappa pas.

- Bou. Ge. De. Là.

Ma voix n’était plus qu’un grognement, et je ne sais s’il recula de manière consciente ou non, mais je n’en demandais pas plus. Je ramassais mes jambes sous son corps et les propulsais sans vergogne dans son estomac. Il tomba en arrière, le souffle coupé. Et je me serais très certainement jetée sur lui pour l’achever si ses gardes ne s’étaient rappelés à mon bon souvenir. Ils ne m’avaient peut-être pas touché, mais ils avaient cautionné l’acte et cela les rendait tout autant coupables. Aussi, ce fut sans regret que je les envoyais au sol, m’assurant que cette fois, ils ne se relèveraient pas de sitôt.

Puis je tournais de nouveau toute mon attention vers mon agresseur.

Il était toujours inconscient, mais cela l’avait-il empêché de me toucher ? Certainement pas.

Le premier coup partit sans que je ne m’en rende vraiment compte. Tout comme le deuxième, le troisième, le quatrième. Je ne sais combien de temps passa, mais mon corps rendit les armes avant ma tête. Mes poumons me brûlaient, mes mains tremblaient et Bobby avait le visage tellement en sang que je crains un instant de l’avoir tué.

- Tu…

Donc la réponse était non.

- Tu es une femme !?

Au-delà de sa voix rauque que je reconnus à peine, ce fut sa question qui me prit par surprise. Avant de me faire éclater de rire. Décidemment, ce garçon était stupéfiant de bêtise.

- Non. Non, non. Comme tu as pu le constater par toi-même, je suis un homme. J’ai l’anatomie d’une femme, mais je suis un homme.

- Mais comment tu…

- « Comment je » quoi ? Comment j’ai réussi à aussi bien protéger mon secret ? Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, j’ai une excellente droite. Et je sais me défendre. Alors tu vois, je suis peut-être un peu « maigrichon » pour un homme, mais personne n’a jamais eu de doute sur ma véritable identité. Et ça a intérêt à rester ainsi. Je me fais bien comprendre ?

Malgré ses paupières gonflées par mes coups, je pus lire dans son regard qu’il avait compris le message. Si jamais des rumeurs sur mon sexe circulaient, il savait que je l’en tiendrais pour personnellement responsable. Et il n’était pas dit qu’alors, il conserverait sa précieuse masculinité. Ou même sa vie.

Je me levais et le toisais de toute ma hauteur.

- Concernant notre autre problème. N’essaie pas d’usurper mon pouvoir, jamais. Je ne suis peut-être plus là, mais je reste le chef des vagabonds. Et ce, jusqu’à ce que quelqu’un d’autre soit légitime à prendre ma place. En attendant, mes paroles ont force de loi et par la présente, sont indiscutables. On se comprend ?

Je vis son regard dévier avant de revenir se planter dans le mien. Il hocha légèrement la tête, sans proférer une seule parole.

- On se comprend. Donc maintenant, tu prends tes deux petits camarades et vous déguerpissez. J’ai déjà perdu beaucoup trop de temps avec vous.

Aucun d’entre eux ne chercha à discuter. Ils disparurent aussi vite que leur état le leur permettait et je ne me détendis que lorsque je fus certaine qu’ils ne tenteraient pas à nouveau quelque chose. Seulement alors, je m’autorisais à analyser la situation. Mon bandeau avait disparu je-ne-savais-où et le devant de ma chemise était déchiré sur toute la longueur. Si je m’en étais aperçue avant, je les aurais forcés à me laisser un de leurs vêtements. Faute de mieux et parce que je ne pouvais décemment pas rester éternellement dévêtue, je passais mes bras dans les manches et nouais les deux pans de l’habit au niveau de ma poitrine. Je n’étais pas convaincue par le résultat final, mais ça suffirait le temps que je retourne à l’atelier. Seulement, alors, je rejoignis la femme. Qui était toujours là, à mon grand soulagement, à demi dissimulée derrière des caisses en bois.

- Vous pouvez sortir à présent. Vous ne risquez plus … rien…

Mes mots se perdirent sur ma langue. À aucun moment je n’avais réellement prêté attention à son physique, mais maintenant qu’elle se trouvait en face de moi, je ne pouvais retenir la chair de poule qui se formait sur mes bras. Deux questions s’imposèrent alors à moi : d’abord, qu’est-ce qu’elle faisait là ? Et ensuite, Bobby était-il seulement au courant de l’identité de la femme qu’il avait abordé ? Probablement pas, mais quand même. Il avait été à deux doigts de finir sur le billot. Rien qu’à la pensée que j’avais sauvé la vie de cet imbécile j’avais des frissons.

- … bien ?

- Pardon ?

Elle m’avait parlée, mais j’avais été bien trop choquée pour entendre le moindre mot.

- Je vous demandais si vous alliez bien.

- Oh oui. Croyez-moi, ce n’est pas la première fois que je finis dans cet état.

Faux. Mais ça, elle n’avait pas à le savoir. J’allais très probablement grincer des dents pendant les prochains jours, mais d’ici à la semaine prochaine, il n’y aurait plus une marque. L’un des avantages à vivre de manière prolongée…

Je lui tendis la main pour l’aider à se relever et elle finit par l’accepter, la réticence disparaissant légèrement de ses traits.

Elle épousseta sa tenue et j’en profitais pour l’observer. Quel âge cela lui faisait-il ? Elle avait des traits juvéniles et la candeur des anges, mais elle n’était plus une enfant. Si je me rappelais bien, elle devait au moins avoir vingt ans. Ses cheveux avaient la couleur du soleil et ses yeux la même pureté qu’un lac en hiver. Et si on prêtait attention à ses vêtements, on se rendait vite compte qu’ils étaient d’une matière plus riche que ce dont on trouvait habituellement dans les rues du pays. Aussi, je ne comprenais pas ce qu’elle faisait là. Du moins, sans protection. Je pouvais concevoir que les responsabilités qu’étaient les siennes pouvaient se révéler être étouffantes, et jamais je ne me permettrais de juger ce que je ne connaissais pas, mais je considérais tout de même son comportement comme inconscient.

- Et vous, comment allez-vous ?

- Pardon ? me demanda-t-elle, surprise.

- Comment allez-vous ? répétais-je en m’assurant de bien la regarder dans les yeux.

- Ah. Je vais bien, merci. Il est vrai que je me suis inquiétée un instant de ce qu’il pourrait m’arriver, mais vous êtes arrivée ; et vous avez su mieux gérer la situation que moi, je dois bien l’avouer.

- Oui, mais c’était plus facile pour moi d’intervenir dirons-nous, répondis-je, cette conversation me mettant soudainement mal à l’aise.

- Sans doute… Mais vous avez beau vous vêtir comme un homme, vous n'en restez pas moins une Dame.

Ses paroles me surprirent, mais de manière positive. J'avais cru qu'elle jugerait mon mode de vie et tâcherais de m’imposer les préceptes de l’Eglise, que le travestissement était le chemin certain vers l’Enfer ; mais non. Elle se préoccupait sincèrement de moi, sans aucune malice. Malgré sa fonction, elle était bienveillante. Et c’était peut-être pour cette raison que je ressentis le besoin de la rassurer.

- Ne vous en faites pas. La Vie peut s’acharner autant qu’elle veut, je ne garde aucune séquelle.

Je ne savais exactement quelle expression j’avais actuellement, mais son air choqué ne m’échappa pas.

- Vous…

- VOTRE MAJESTÉ !!

Nous nous étions rapprochées de la rue principale durant notre conversation et ce fut avec une grande clarté que l’appel du garde nous arriva. Il passa peu de temps après devant la ruelle et répéta son annonce, sans nous voir.

Je jetais un regard discret à la femme à côté de moi. Son corps s’était tendu et une expression nerveuse se lisait sur ses traits. Avec un léger sourire amusé, je me penchais devant elle, rompant la connexion visuelle qu’elle avait de la ruelle.

- Au fait, je ne vous ai jamais vu auparavant. C’est votre première fois au festival ?

- Oui. Exactement.

Les mots s’échappaient de manière incertaine de sa bouche, comme si son esprit était piégé entre son devoir et son mensonge. Je me mordais l’intérieur de la bouche pour retenir mon sourire.

- J’en ai tellement entendu parler que j’ai voulu voir par moi-même…

- Et vous avez subi cet incident. Au nom des parisiens, je tiens à m’excuser.

- Oh non, non. N’en faites rien. J’étais sur le chemin du retour quand cet… incident s’est produit.

La manière dont elle avait prononcé le mot me figea, avant de nous faire éclater de rire. Il était sorti de la même façon de nos deux bouches et je la soupçonnais fortement de l’avoir fait exprès.

- Si cela est possible, j’aimerais beaucoup vous revoir.

Mes mots me surprirent et elle aussi je pus le voir, mais aussi surprenant que cela puisse paraitre, j’étais sincère. Au-delà de qui elle était et si nos vies étaient différentes, j’étais certaine que nous aurions pu être amies.

- J’aimerais également beaucoup, mais malheureusement, je ne sais pas si cela sera possible. Je ne suis pas d’ici et il m’est assez compliqué de faire la route.

- Je comprends. Laissons donc notre prochaine rencontre au destin. Nous verrons bien s’il est capable ou non d’à nouveau nous réunir, déclarais-je en lui tendant la main, avec un sourire entendu.

La manière dont elle rigola me fit penser au bruit du vent dans les carillons du maitre verrier qui habitait en bas de la rue de Pierre.

- Oui, faisons donc cela. Je m’appelle Marian, se présenta-t-elle en serrant ma main, le regard franc, son être entier rayonnant de confidence.

- Diane.

Je n’avais pas eu l’intention de lui révéler ma véritable identité, mais quelque chose dans son attitude m’avait poussée à être honnête. Peut-être le fait qu’elle-même ait eu assez confiance en moi pour me donner son prénom. Ou du moins, une partie…

- Diane et … Apollon ?

Son commentaire me figea.

- Apollin, corrigeais-je avec un sourire entendu.

Je ne savais si elle avait fait l’erreur de manière consciente ou non, mais le petit sourire discret que je devinais sur ses lèvres m’amenait plutôt à considérer la première option. Visiblement, elle était assez instruite pour connaitre l’origine de mon prénom masculin. Mais comprenait-elle vraiment pourquoi j’avais choisi cette identité-là ? Ça, je ne pouvais le dire.

- Majesté…

Si un chiot avait pu avoir une voix, elle aurait eu ce timbre-là. Le garde semblait vraiment en piteux état et, j’avais beau être loin, j’avais l’impression qu’il était sur le point de se mettre à pleurer.

- On dirait bien qu’un membre de la famille royale est lui-aussi venu assister au festival.

- Oui. On dirait bien…

C’était mesquin de ma part. Elle ne voulait pas révéler son identité, aussi elle était mal à l’aise. Et plus le temps passait plus le garde semblait à deux doigts de la crise de nerf.

- Vous devriez y aller avant qu’il ne fasse quelque chose qu’il soit amené à regretter plus tard.

Elle tourna la tête vers moi si rapidement que je crains un instant qu’elle ne se soit brisée le cou. C’était méchant et ce n’était vraiment pas voulu, mais devant son air horrifié, j’éclatais de rire. C’était le genre qui vous pliait en deux et vous coupait la respiration. Mais il était également de ceux qu’on ne pouvait pas feindre. Et c’était peut-être pour cette raison que la Reine de France avait l’air aussi embarrassé. Parce que j’avais beau savoir, à aucun moment mes actions n’eurent été intéressées. Nous n’étions que deux femmes, liées par une amitié aussi soudaine qu’inattendue. Devant son expression boudeuse, je me forçais à me reprendre. Je me raclais la gorge et lui offrit une large révérence digne d’une Dame de la Cour. Mais parce que j’étais également homme, je me penchais en avant et portais sa main à ma bouche.

- Si le destin le veut, rappelais-je après m’être redressée, plantant mon regard dans le sien.

- Si le destin le veut, me confirma Marian avec un sourire entendu.

Je la saluais une dernière fois d’un mouvement de tête avant de me détourner.

Je pouvais rejoindre l’atelier de Pierre par les ruelles et je doutais d’y croiser à nouveau quelqu’un. Aussi je me permis de détacher mes cheveux, ce que je ne faisais jamais. J’appréciais ce sentiment de liberté, loin des entraves habituelles que je m’infligeais quotidiennement. C’est alors que le vent s’engouffra dans les ruelles. Soulevant mes cheveux, gonflant ma chemise, il exposa mon dos et sa marque au monde.


Texte publié par RayanneD, 2 septembre 2024 à 00h14
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