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- Attends. Déplace ton doigt. Je ne sens absolument rien là.

François, grimaçant, enfonce un peu plus son index puis le fait glisser sur la gauche.

- C'est vraiment répugnant, Claudine. Tu aurais pu me fournir des gants.

- C'est vrai que ça aurait été préférable. On ne sait jamais ce que tu peux choper. En même temps ce n'est que ton doigt, non?

Il s'apprête à lâcher toute une série d'insultes et de mots déplacés, mais elle enchaine vite.

- C'est bon je le sens maintenant. Ne bouge plus, on bascule à trois. Un, deux, trois!

La dépouille insolite bascule de côté sur la table d’autopsie, dos tourné vers Claudine, poitrine vers François.

-Ne relâche pas, ou ça va encore gicler. Je ne voudrais pas que tu y prennes goût. Maintiens bien la pression, je vais clamper.

Elle s'empare d'une petite pince posée sur un champ bleu lavande, l'enfonce profondément jusqu’au point de contact entre son propre doigt et celui de François.

- Aie, bordel, ça fait mal, hurle-t-il en retirant précipitamment sa main!

- Oups, j'ai libéré la pince un peu vite

- Bordel, je saigne. Mon sang s'est mélangé à cette mélasse infâme qui coule dans leurs veines à ces putains d'aliens! Je vais choper un sale truc.

- Une question d'habitude. Ça brule un peu au début et après on s'y fait. Et c'est toujours jouissif de le refiler aux autres.

- Tu es vraiment obscène Claudine.

- Merci. Bon, on continue. On le repositionne sur le dos maintenant. On va pouvoir ouvrir.

Elle saisit un scalpel et d’un mouvement régulier, appuyé, elle découpe un carré de quarante centimètres de côté au milieu de l’abdomen. Un filet fluide mais légèrement visqueux s’écoule de l’entaille, partout où l’instrument s’est un peu enfoncé. Elle glisse de biais l’outil sous la peau tranchée, comme pour faire levier, puis commence à soulever. Le carré se décolle dans un bruit mélangé de banane épluchée et de cuir déchiré. La fenêtre est ouverte sur son intimité. Il reste juste un rideau, légèrement occultant, fait de muscles somptueux et de tendons saillants : un treillis impeccable qui prouve que là-haut la mode est au fitness, aux crunchs et aux abdos.

Elle prend note mentalement de la structure visible, des couches différentes, croisées ou décroisées, et de leurs insertions, puis découpe à nouveau un carré identique pour accéder enfin aux organes vitaux. Libérés de leur gaine qui les maintenait en place, ils s’étalent sur la table, débordent sur les côtés, se répandent grassement, libèrent des parfums, des odeurs écœurantes, émettent des sons ignobles à faire tourner le sang.

- Au putain! Le pied! Du grand art!

Claudine est excitée. Faut-il s’en étonner?

- Tu veux que je te laisse seule avec lui quelques instants? Je m'en voudrais de me mettre entre vous. Tu vas bien réussir à trouver un ou deux organes à ton goût, je suppose.

- C’est probable. En attendant, regarde ce travail: un chef d'œuvre de viscères et de tissus adipeux, glandes, stromas et lobules enlacés tendrement, une étreinte charnelle de textures, de couleurs, de formes baroques et sophistiquées. Crois en mon expérience, ce sont les parties molles qui sont les plus difficiles à falsifier. Pourtant les parties molles, toi, aussi tu connais!

- Tu veux dire que c'est un faux en fin de compte?

- Peut-être. Ou pas. Et si c'est un faux, il est parfait. Meilleur que tous ceux que j’ai moi-même crées.

Elle se saisit d’un dernier bistouri, plus petit, et libère une masse à peine moins grosse qu’un poing.

- Tu vois cet organe couleur abricot?

- Tout est couleur abricot!

- Non, le reste est orange. Celui-là est couleur abricot. En forme de chaudron.

- En forme de chaudron? Et puis les deux citrouilles et la sorcière crasseuse qui te ressemble un peu, le cul sur son balai!

- Rappelle moi pourquoi ta mère t'a mis au monde déjà?

- Ok, c'est bon. Je ne tiens pas à m'en prendre plein la gueule. Celui-ci? Il désigne un organe en forme de bocal, bien bombé d’un côté et ouvert de l’autre, attaché solidement au tissu qui l’entourne par un réseau tressé de petits filaments fixés sur ses côtés.

- Oui. Tu vois l'ouverture? Mets ton majeur à l’intérieur.

- Pourquoi moi ? Vas-y toi ! Et pourquoi le majeur ?

- Parce que c’est interdit au moins de dix-huit ans et que j’ai besoin d’avoir les mains libres.

- IL va m'arriver quoi?

- Mais rien, dis Claudine agacée. Je veux juste vérifier quelque chose. Fais-moi un peu confiance.

- Non.

- Tu veux que je parle à ta sœur de la fois où...

- C'est bon, je le fais. François ne sait même pas de quoi parle Claudine. Mais c'est inutile. Vérité ou mensonge elle va encore chercher à le faire passer pour un pervers frustré.

Du plus grand de ses doigts il pénètre l’orifice avec regret. C'est en touchant le fond qu'un doux mouvement reflexe commence à s'enclencher. La glande se déforme. Le sphincter d’entrée se referme et se love autour de sa peau claire pour former un anneau enveloppant et serré. Le tout ainsi formé se met à onduler, se gonfler, se détendre et ainsi imiter un mouvement de sucion humide et régulier. Une pression idéale, un glissement lubrifié, une sensation folle qui ne veut pas cesser.

- Je crois que j'ai trouvé.

- Quoi? dit François parfaitement apaisé, enivré, défoncé.

- Tu ne devines pas ? Tu as dû oublier la raison d'être de ce type d’organe, ça fait un certain temps que tu n'y as pas fourré quoi que ce soit.

- François n’écoute pas. Il se sent envahit d'une douce euphorie. Il est comme envouté, son bras et ses épaules, sa tête et tout son corps, complétement aspirés. Dans cet état second, il ne soupçonne même pas la panique de Claudine et reste sourd à ses cris.

- Michel, Annie, ramenez vos culs, on a un problème!


Texte publié par Arthyyr, 31 juillet 2024 à 07h47
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