Le bureau de Pux, dans l’aile opposée à celle des habitations, étaient rempli de bibliothèques surchargées de parchemins et de volumes. Sa fonction d’intendant du château l’obligeait à gérer la vie quotidienne du roi, de ses serviteurs, des gardes et des autres habitants de la Citadelle, tout en travaillant en étroite collaboration avec le bourgmestre de la ville. Pux était l’ami, le conseiller, le ministre et le sénéchal du roi.
Dans son grand fauteuil, à cet instant précis, il avait l’air d’un vieil homme très fatigué. Erwen, quant à elle, debout à ses côtés, les bras croisés, avait presque une attitude défiante.
— Vous auriez pu attendre les funérailles, avant d’évoquer cela, lâcha Uwen, sur un ton agacé.
Blanche Neige, installée dans l’un des fauteuils confortables, avait l’esprit égaré dans les limbes de ses réflexions. Elle avait l’impression que sa vie venait à nouveau d’être bouleversée, après avoir obtenu un bref répit. Elle était l’unique héritière du roi. Selon la charte du royaume Sylvestre, elle était la reine. Elle n’avait jamais songé à cela, n’avait même jamais envisagé qu’elle puisse occuper une telle fonction. Et pourtant, c’était bien la réalité.
— Sauf votre respect, Votre Altesse, vous n’avez pas à donner votre opinion sur le sujet.
Le ton d’Erwen frisait l’irrespect. Blanche Neige leva les yeux. Debout à ses côtés, Uwen irradiait l’irritation. Il était resté près d’elle depuis l’annonce du décès, maintenant une présence attentive, mais distante. Les lèvres pincées, les bras croisés, il peinait à garder son calme. Elle posa une main apaisante sur son bras. Il baissa les yeux vers elle.
— Ne dépasse pas les bornes, Erwen, commenta la princesse, sur un ton calme.
La chasseresse se figea et regarda la jeune fille avec un air surpris. Elle hocha la tête.
— Mes excuses, votre majesté.
— Ne m’appelle pas ainsi.
— C’est votre titre. Vous êtes la Reine du Royaume Sylvestre, maintenant, continua Erwen, dans un moment où nous en avons grand besoin.
— Je suis aussi mariée au prince de Serestria.
— Étant donné la situation, je suis certain que nous pouvons trouver un arrangement, intervint Pux, en jetant un coup d’œil inquiet à Uwen.
— Pas si mes droits et ceux de mon royaume sont bafoués, fit le prince sur un ton sévère.
— Mon prince, loin de moi l’idée de vous manquer de respect, mais je suis certain que le roi Anthéus verra d’un bon œil…
— Quoi ? lâcha Uwen, à court de patience, l’annulation de notre mariage ?
— Votre Altesse, nous venons de perdre notre roi, reprit Erwen, sur un ton plus calme. Nous avons besoin d’un souverain.
— Je ne peux pas, Erwen. Je ne suis pas prête. Je ne saurais pas comment faire. Mon peuple a besoin d’un vrai dirigeant.
— Nous serons là pour vous soutenir. Vous apprendrez, vous…
Blanche Neige leva la main, interrompant efficacement la maitresse de chasse. Pux observait la jeune fille attentivement.
— Mon père m’a fait des révélations, hier. Il m’a parlé de choses qui font froid dans le dos.
— Cette créature qui serait sortie du miroir et qui l’aurait possédée, intervint Pux. Ce sont les délires d’un esprit perdu.
— Alors vous n’avez jamais entendu parler d’un pacte pour garder en sécurité de puissants artéfacts ? Dans tous ces livres que vous possédez ?
— Ce sont des légendes, votre… altesse.
— J’aimerais le croire. Pourtant, mon père avait des accents de vérité, quand il me racontait cela. Et moi-même, j’ai été témoin de certaines choses.
— Blanche Neige, de quoi parlez-vous ? l’interrogea Uwen, perplexe.
La princesse le fixa intensément.
— Votre père sait quelque chose, d’après le mien. Nous devons vérifier si les dires du roi sont la vérité ou un délire, comme vous dites. Pour l’instant, je ne peux pas régner.
— Mais…, commença Erwen
Blanche Neige se tourna vers elle.
— Je ne peux pas rester Erwen, la situation est complexe. Mais je n’abandonne pas le royaume. En mon absence, Pux et toi seraient les régents.
Pux hocha la tête. Erwen, les yeux écarquillés, fixait la jeune fille avec stupéfaction.
La petite fille qu’elle avait connue était bel et bien morte dans la forêt, ce jour-là, bien des années auparavant. La jeune fille qui avait survécu était maintenant assez déterminée pour prendre ses propres décisions.
— Je suis honorée de vous servir, ma Reine. Je ferai de mon mieux pour tenir les rênes en attendant votre retour. Nous devons annoncer la nouvelle aux villageois, ainsi qu’aux autres villages.
— Demain, au coucher du soleil, nous procèderons aux funérailles de mon père, fit alors la jeune femme. Cependant, je ne souhaite pas que mon retour soit annoncé pour l’instant.
— Nous ferons comme vous le souhaitez, votre majesté.
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