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tome 1, Chapitre 9 tome 1, Chapitre 9

Depuis combien de temps n’avait-elle pas mis les pieds ici ? Elle ne se souvenait même plus de l’âge qu’elle avait quand elle avait été entrainée dans la forêt par le chasseur. En observant la silhouette imposante du château et les jolis bâtiments du bourg, Blanche Neige frémit. Le soleil s’enfonçait derrière la cime des arbres, mais ses rayons rasants illuminaient l’endroit, créant des reflets enflammés qui firent frissonner la jeune fille.

Lorsqu’ils approchèrent de l’entrée de la ville nichée au pied des remparts, Blanche Neige aperçut un mouvement sur sa droite. Elle tressaillit : là, entre deux épais troncs, flottait une ombre noire. La princesse sentit une sueur froide couler le long de sa colonne vertébrale : on aurait dit sa belle-mère. Mais c’était impossible ! Dans son angoisse, elle serra un peu plus les rênes et la jument renâcla. Elle reporta son attention sur sa monture et caressa son encolure d’une main. Lorsqu’elle regarda à nouveau, la silhouette avait disparu. Blanche Neige inspira profondément : il fallait qu’elle reprenne le contrôle de son imagination !

Devant eux s’étendait la rue principale et de chaque côté des bâtiments en bois sombre. Des souvenirs flous s’amassaient à la surface de son esprit : le marché aux senteurs délicieuses dont le brouhaha entrait par les fenêtres de sa chambre ; les enfants qui jouaient dans la rue ou les jardinets ; les treilles ployant sous les fleurs aux couleurs chamarrées, lors de la fête de l’été…

Son cœur s’apaisait doucement alors qu’elle observait les citoyens qui vaquaient à leurs occupations dans les rues, les enfants qui couraient en riant le long de leur convoi, ou qui les observaient avec curiosité. Au seuil d’une auberge, quelques forestiers au visage rongé par la barbe et aux yeux enfoncés dans leurs orbites les scrutèrent. Des murmures montaient vers eux, alors que les gens se rendaient compte de leur présence.

Lorsqu’ils atteignirent la porte qui menait à la citadelle, un comité d’accueil les attendait. Le cœur de Blanche Neige se gonfla de joie lorsqu’elle reconnut Erwen la maitresse de chasse et Pux, le sénéchal de son père.

Des mèches blanches parcouraient les longs cheveux blonds tressés dans le dos de la femme. Une cicatrice barrait son visage au teint hâlé, aux traits fins et ridés. Elle était robuste, forte et rassurante. Elle fixait la princesse en souriant, mais ses yeux cernés et son regard hanté contrastaient avec son sourire.

Quant à Pux, dont elle reconnut les traits immédiatement, tellement il n’avait pas changé, derrière son impassibilité – qui n’était pas sans rappeler celle de Sébastian – elle lut la même inquiétude latente.

Uwen et elle s’arrêtèrent à leur niveau. Le sénéchal s’inclina.

— Vos Altesses, les accueillit-il avec un grand respect. Bienvenue à Sylvemestre.

Blanche Neige se laissa tomber de sa monture et serra immédiatement le vieil homme dans ses bras. Un sourire chaleureux illumina son visage et il perdit sa gravité.

— Blanche Neige, comme je suis heureux de vous revoir !

Uwen les rejoignit, mais resta un pas en arrière respectueux de ces retrouvailles. Les nains et la guérisseuse observèrent le spectacle sans bouger.

Lorsque Blanche Neige relâcha Pux, ce fut au tour d’Erwen de la serrer contre elle. La chasseresse se rappelait encore le jour où son frère lui avait avoué qu’il avait abandonné la petite fille sur ordre de la Reine. Elle était si furieuse qu’elle l’avait frappé. Puis elle s’était ruée dans la forêt et l’avait cherchée, en vain. Elle était persuadée qu’elle était morte et avait commencé à faire son deuil. Puis elle avait entendu des rumeurs à propos de la belle femme du prince du royaume voisin. Elle avait voulu vérifier, mais la santé de son roi s’était dégradée et elle avait dû rester.

— Blanche Neige, comme je suis heureuse de te voir en vie ! Ta belle-mère n’a pas eu raison de toi !

— J’ai eu de l’aide, fit la jeune fille en désignant les nains, qui la saluèrent d’un geste de la main.

Puis elle se décala légèrement et tendit la main vers ses compagnons.

— Puis-je vous présenter mon époux, le prince Uwen de Serestria, et mes amis, Skas, Ori et Thif, ainsi que dame Hermeline, la guérisseuse de château ?

Le sénéchal et la chasseresse s’inclinèrent devant chacun d’eux. Puis, Pux se tourna vers le jeune homme.

— Nous sommes heureux de vous accueillir parmi nous, Votre Altesse. Vous ne vous en souvenez sans doute pas, mais je vous ai connu alors que vous étiez jeune homme, lors d’une visite de votre père. Cela fait longtemps que notre souverain n’a pas eu de contact avec son ami, et il est regrettable que vos deux familles se retrouvent dans des circonstances aussi tragiques.

Uwen s’inclina à son tour.

— Merci pour votre accueil. Mon père vous transmet toute sa sympathie.

— Nous avons préparé des appartements pour vous et vos compagnons.

Blanche Neige posa une main sur le bras du sénéchal.

— Puis-je vois mon père ?

— Bien entendu.

— Je vais veiller à l’installation des autres, intervint Erwen.

Blanche Neige jeta un coup d’œil à Uwen, qui hocha la tête. Elle suivit Pux en direction du donjon principal, qui s’élevait au centre de la cour. Arpenter à nouveau les coursives et les cours de cet endroit parut irréel à la jeune fille. Elle croisa des serviteurs qu’elle ne connaissait pas et qui lui jetèrent un regard curieux sans la reconnaitre. C’était étrange d’être une étrangère dans son propre château.

Elle regarda à peine les lieux qu’ils traversèrent, toute entière tournée sur les retrouvailles. Son père n’avait jamais vraiment été présent pour elle. Dès qu’elle avait été en âge de réfléchir, elle avait eu l’impression que la perte de sa mère lui avait enlevé une partie de lui. Finalement, elle l’avait peu connu et elle allait peut-être le perdre. Un frisson la traversa.

Les appartements du roi étaient au dernier étage de la tour rectangulaire. Les escaliers qui y menaient étaient peu larges et peu décorés. Blanche Neige laissa sa main errer sur le mur rugueux et froid. Le château de son enfance n’avait pas la même délicatesse que Jouvenceroi ; il était plus brut, plus martial aussi.

Une fois sur le palier, Pux frappa à la porte et entra sans attendre. La pièce principale, dont les grandes fenêtres ouvertes laissaient entrer l’air frais de la jeune nuit et les senteurs de la forêt, contenait un grand lit à baldaquin d’un côté, et un bureau et une bibliothèque de l’autre côté, au niveau d’une large cheminée. Sur les murs, des portraits et des tentures apportaient une certaine chaleur à l’appartement. Une porte donnait sur une autre pièce à gauche. Blanche Neige essaya de convoquer des souvenirs de cet endroit, mais elle réalisa qu’elle en avait peu.

Pux avança jusqu’au lit et en tira les rideaux. Lorsqu’elle aperçut la silhouette émaciée de son père, perdu au milieu des draps épais, son cœur manqua un battement.

— Par les fées, Père !


Texte publié par Feydra, 16 juillet 2024 à 19h14
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