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tome 1, Chapitre 6 tome 1, Chapitre 6

Ce fut avec cette résolution qu’Uwen se réveilla, au petit matin. Il irait parler à Blanche Neige dès que possible. Quand il rejoignit la salle à manger, où le roi était déjà en grande conversation avec elle, il sut que le destin en avait décidé autrement. Elle était d’une pâleur extrême, même pour son teint si diaphane. Son père lui tenait les mains, et le prince voyait bien qu’elle tremblait. Ses yeux brillaient de larmes retenues. Il se hâta auprès d’eux.

— Père ? fit-il.

Celui-ci leva les yeux vers lui.

— Un corbeau est arrivé, expliqua-t-il sans attendre, en désignant un message posé sur la table.

Uwen regarda vers son père avec une expression interrogative.

— Le roi de Sylvemestre est malade.

Uwen reporta son attention sur Blanche Neige. Son regard perdu dans le vide et ses poings serrés soulignaient son inquiétude.

— D’après le message, il est dans un état grave. Son sénéchal demande à Blanche Neige de venir.

Le souverain se leva et posa une main sur l’épaule de son fils.

— Tu vas accompagner la princesse auprès de lui.

Le prince hocha la tête.

— Vous partirez demain au lever du jour. Sébastian t’aidera à tout préparer. La sécurité de Blanche Neige est sous ta responsabilité.

— Évidemment, Père, ne put se retenir de répondre le jeune homme, irrité par le sous-entendu du Roi.

Celui-ci leva un sourcil, mais ne releva pas. Il se pencha vers la jeune fille et déposa un baiser sur ses cheveux noirs.

— Mangez, ma fille. Vous avez besoin de force.

Blanche-Neige hocha la tête en silence. Alors le souverain quitta la pièce. Le prince hésitait : devait-il lui parler maintenant ? Il s’installa à côté d’elle. Il laissa son regard errer dans la pièce. Que devait-il lui dire ? Du coin de l’œil, il voyait son air pensif et triste ; elle triturait le tissu de sa robe de ses fines mains blanches, légèrement tâchée d’encre. Cela lui fit songer à la statuette. Il se pencha vers elle.

— Un jour, je vous raconterai l’histoire du dragon dont la peau orne la salle des trophées, murmura-t-il.

Cette phrase faisait un écho si juste à ses pensées de la veille qu’elle sursauta et souleva sur lui ses beaux yeux noirs, interloquée. À sa grande satisfaction, il l’avait sortie de sa rêverie mélancolique.

— Vous devriez vous sustenter et vous préparer. Demain nous partirons tôt pour un voyage assez long, termina-t-il en se levant.

Elle hocha la tête et laissa un faible sourire illuminer son visage un instant. Comment pouvait-il être aussi insensible pour ne pas aimer une si charmante princesse ? Réprimant les pensées noires qui menaçaient de l’emporter, il lui sourit en retour et quitta la salle à manger. Il avait mille choses à organiser pour leur départ.

Blanche Neige finit son petit-déjeuner en laissant son esprit errer jusqu’à son pays natal. Ses souvenirs agréables étaient peu nombreux et ils disparaissaient dans la masse des épreuves qu’elle y avait vécue. Elle ne savait pas si elle pourrait un jour pardonner à son père, mais elle devait y retourner malgré tout.

Pourtant, son cœur se serrait rien que de penser au voyage et à la forêt qu’ils devraient traverser ; les souvenirs tentaient de forcer le passage. Elle secoua la tête. Elle ne devait pas laisser la mélancolie la contrôler. Elle avait des choses à préparer elle aussi pour le départ du lendemain. Elle irait d’abord voir Hermeline, ainsi que ses amis nains. Puis elle finirait ce projet qu’elle avait commencé il y avait longtemps.

Le reste de la journée fut donc employé à tous ces préparatifs, qui auraient pu être enthousiasmants s’ils n’étaient pas empreints d’urgence et de danger. Le souvenir de la nuit où le chasseur l’avait abandonnée dans la forêt et des heures qu’elle avait passées à y errer, terrifiée, l’avait marquée au fer rouge. Elle se haïssait parfois d’être aussi timorée.

Elle devait donc patienter : organiser un voyage de quelques jours ne se faisait pas en quelques minutes.

Elle profita de l’après-midi pour terminer la tenue qu’elle était en train de coudre : elle aimait beaucoup ses robes, mais pour un voyage comme celui-ci il lui fallait quelque chose de plus confortable. Elle savait d’expérience que courir dans les bois dans ces lourds tissus n’était pas très pratique et que les corsets pouvaient être dangereux.

Elle mangea peu, parla peu et même le bavardage de Pitchenette avait du mal à la sortir de l’angoisse qu’elle ressentait à la pensée de son père mourant – peut-être déjà mort. Qu’avait-il bien pu se passer ? Le message n’avait pas apporté beaucoup d’informations.

Le prince avait été diligent toute la journée et il l’avait tenue au courant des préparatifs, l’engageant dans la prise de décision avec lui, ce qui était surprenant, mais agréable. Elle ne pouvait oublier la phrase murmurée dans la salle à manger, une promesse qu’elle espérait bien qu’il tiendrait. Elle ne savait pas pourquoi, mais le dragon lui semblait avoir une importance capitale maintenant.

Elle passa une nuit agitée et rêva de dragons, de sa belle-mère, d’un château en flammes, d’une épée dans une tour, d’une clé. Toutes ces images mélangées sans queue ni tête accompagnées par le lancinant et horrible son d’une flûte lui laissèrent un goût amer dans la bouche au réveil.


Texte publié par Feydra, 16 juillet 2024 à 00h12
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