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Kandorr - Livre I - La Guerre des Éléments
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tome 1, Chapitre 3 « Chapitre III - Dūnon » tome 1, Chapitre 3

1005 E.E.

– coco …

Le son léger commença à sortir Aran de son éprouvant sommeil.

– Cocoo…

Cela faisait maintenant plusieurs jours que ce rituel tortueux se répétait sans fin.

– De grâce, cessez ce supplice, je n’en peux plus … dit-il, désespéré.

Les premiers rayons de Seïros caressaient la cime des arbres de la forêt à l’Est du village et le jeune homme savait bien que cela était l’annonce de ce qu’il redoutait tant.

– COCOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO !!!!!!

Comme tous les matins, le bel et fier galinaube, coqueluche du village, venait en son centre pour donner sa traditionnelle représentation. Au premier contact du jour, l’anima hurlait de tout son souffle et s’enflammait, le faisant passer du noir de jais au rouge incandescent. Aran suspectait fortement que le pilori auquel il était harnaché n’était pas placé ici par hasard.

– Coco.

Une fois sa couleur d’origine retrouvée, le galinaube dévisagea Aran, tête fort penchée et yeux divergents, avant de repartir, d’une foulée incertaine, courtiser quelques chocottes non consentantes.

– Ce drôle d’anima ne se lasse-t-il donc jamais ? pensa Aran à voix haute lorsqu’il entendit le plat métallique à son côté clinquer.

– Les galinaubes semblent être aussi assidus que les princes nagars sont fiers et têtus. Votre altesse compte-t-elle se laisser mourir de faim ? ironisa Fenyx, sorti de nulle part.

Le plat était encore plein de viande de la veille. Depuis qu’il était attaché là, Aran refusait de manger la nourriture qu’on lui amenait. En revanche, la curiosité le titillait en revoyant ce garçon qui l’avait soigné et avait évoqué celui qu’il était venu chercher. Néanmoins il resta méfiant et muet.

– Une vraie tête de bonnah ce prince, lança Fenyx à ce dernier, toujours affublé d’un sourire au coin des lèvres.

Pour le jeune pyrhos, tout était prétexte à sourire. Il ne prenait quasi jamais rien au sérieux. C’est d’ailleurs ce qui le rendait à la fois sympathique et agaçant auprès de ses congénères. Il n'était toutefois pas connu pour être doté d’une grande patience.

– Et bien, Mon cher prince, faisons un marché. Si vous acceptez de manger un petit bout, je vous dirais tout ce que je sais à propos de votre frère, lui dit-il toujours sourire.

Le pyrhos n’était pas idiot. Il avait bien vu la lueur dans les yeux du nagar lorsqu’il avait parlé de son frère quelques jours plus tôt. Néanmoins, après son intervention malvenue, il avait dû se faire oublier et disparaître quelque temps, laissant la colère de son oncle s'apaiser. C’était assez habituel cela dit, Fenyx était un solitaire, il se trouvait plus souvent en dehors du village qu’en son sein, au grand regret de sa jeune cousine avec qui il partageait une relation fraternelle.

– Alors, qu’en dites-vous ? ajouta t-il, insistant.

Aran hésita l’espace d’un instant. Mais en revoyant passer le galinaube, poursuivant une chocotte fuyarde, il se vit contraint de céder.

Néanmoins, un détail, qu’il se tenait bien d’avouer jusque-là et qui l’arrangeait dans sa grève de la faim, le bloquait encore.

Le voyant dévisager le plat d’un air de dégoût, Fenyx tenta à nouveau de nouer le dialogue tant bien que mal :

– Ah, oui, c’est bien moins appétissant après une nuit dehors en effet ! Bon, je veux bien vous en préparer de la fraîche mais pas de gâchis par contre cette fois-ci, j’ai des principes ! La cuisson ne vous convenait peut-être pas cela dit. Nous, on la préfère bien noir, ce n’est peut être pas de votre goût ? Vous préfériez plutôt bleue ? saignante ? lui demanda Fenyx sur un ton quelque peu narquois.

– Non, ce n’est pas la cuisson le problème, enfin, pas que … bougonna Aran. Toujours sur la réserve, il ne décela pas l’ironie du pyrhos.

– Loués soient les Quatre ! Il a retrouvé l’usage de la parole ! Quoi de mieux qu’un pyrhos, après tout, pour raviver la flamme et briser la glace ? Dit il d’un clin d'œil, tout fier de sa plaisanterie qui ne semblait pas faire mouche … Quel est le problème alors ?

– Les nagars ne mangent pas de viande … dit Aran, sur un ton presque honteux.

– Ah, oui, ceci explique cela … Mmh, je dois bien vous avouer quelque chose moi aussi, Mon prince, lui dit-il tout en s’accroupissant pour parler plus discrètement à son oreille, je crois bien qu’ils le savait et l’ont fait exprès … compléta t il en chuchotant.

– Cela se tient, tilta Aran après quelques secondes de réflexion. Ignorer une telle information serait en effet étonnant de leur part.

Durant l’espace d’un instant, la réserve d’Aran s’était relâchée. Mais il se reprit vite et redevint stoïque.

Fenyx faisait les cents pas autour du prisonnier, perdu dans sa réflexion. Il savait également que les nagars étaient piscivores mais que le poisson ne courrait pas vraiment la sylve.

– Hmm … Haha ! J’ai une idée ! Mais cela risque de ne pas plaire à mon oncle …

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Les deux comparses que tout oppose marchaient à présent en direction du Nord. Aran faisait une bonne tête de plus que Fenyx et, sans être non plus trapu, sa carrure était considérablement plus imposante que ce dernier.

Ils avaient profité du calme matinal du village pour le quitter discrètement. Fenyx avait récupéré les effets personnels du prince et les lui avait rendus sans une once de méfiance. Il avait prétexté que cela pourrait lui être utile, la Sylve Noire étant connue pour être dangereuse.

– Où m'emmène tu pyrhos ? dit Aran.

Il ne savait pas pourquoi mais il avait accepté de le suivre sans en profiter pour fuir, le pyrhos lui inspirait étrangement confiance. Il n’allait cependant pas lui en faire part pour le moment.

– Ahah, on se tutoie maintenant Mon prince ? répondit Fenyx, toujours moqueur.

– Pff, cesse donc de te moquer de moi. Je ne suis pas ce genre de prince. Où allons-nous ? Veux-tu bien me répondre ?

– C’est une surprise, tu comprendras quand nous arriverons.

Ils traversaient à présent des champs de Linus, une plante herbacée à la fleur de couleur rose incarnat qui leur arrivait environ à la taille. Les pyrhos la cultivaient car celle-ci avait des propriétés apyres, ce qui leur permettait de confectionner des vêtements ne craignant pas le feu. C’est du moins ce qu’expliquait Fenyx qui s’improvisait guide touristique auprès de son hôte.

– Étrange … Comment une plante peut ne pas craindre le feu ? lui répondit Aran, intrigué.

– Haha, ça tu le sauras peut-être un jour. Mais je ne vais pas te gâcher le plaisir de le découvrir par toi-même, répondit Fenyx, fidèle à lui-même.

– Hmm, tu es vraiment un drôle de personnage, rétorqua Aran lorsqu’il entendit un bruit de feuilles derrière lui. Il se retourna rapidement, prit son épée à deux mains et se mit en position de défense, prêt à combattre.

– Ah, tu vas peut-être le savoir plus tôt que prévu finalement …

Des bruissements de feuilles discrets se rapprochaient de plus en plus des deux garçons. Une tâche rousse dépassait légèrement au-dessus des fleurs.

– Ou peut-être pas, corrigea Fenyx à la vue de cette tâche.

Il se rapprocha alors d’Aran et mit une main sur son espadon pour lui signaler qu’il pouvait baisser sa garde.

– On te voit tu sais, petite sœur. Comment arrive tu à être aussi bonne chasseuse en étant aussi peu discrète ?

– Et merde … lâcha-t-elle avant de sortir la tête des fourrées.

– On va mettre ça sur le dos de l’heure très matinale, tu es tombée du lit ? dit Fenyx.

Aran rengaina son arme à la vue de la jeune fille et de sa korrigone agrippée sur son épaule. Les deux tiraient une moue à la fois méfiante et boudeuse. Elle portrait également dans le dos une rondache en bois renforcé d’un acier gris noir ainsi qu’un glaive fait du même métal.

– J’aime pô le matin, grommela-t-elle les yeux cernés tout en se traînant lentement vers les deux autres. Tu vas où avec le prisonnier d’abord ? Tu as envie de te faire aplatir par le vieux ?

– Aran, je te présente Fenicya, ma petite sœur. Enfin techniquement ma cousine, mais comme nous avons été élevé ensemble, c’est tout comme. Ne la trouves-tu pas adorable ? Elle est célibataire …

– Réponds à ma question au lieu de faire l’idiot, le coupa-t-elle sur un ton grinçant. Je ne lui fais pas confiance et tu ne devrais pas non plus.

– On lui dit maintenant ou plus tard que c’est toi qui as failli le tuer du coup ? retorqua Fenyx sur un ton un peu plus sérieux.

A ces mots, le visage de la jeune fille se rabougrit et prit un ton écarlate. Elle ne savait plus où se mettre et son assurance habituelle laissa place à une incommensurable gêne.

– Mais, euh, c’était pas volontaire ! J’ai pas fait exprès ! hurla- t-elle toujours écarlate, l’on aurait même dit que de la fumée lui sortait des oreilles. Et ne change pas de sujet d’abord !

– Crois moi, il a autant, si ce n’est plus, de raisons de ne pas nous faire confiance que nous en avons de nous méfier de lui. Il pourrait s’enfuir ou même nous attaquer et pourtant il ne le fait pas. De plus, il est seul dans un lieu qu’il ne connaît pas, rempli de dragonniers de surcroît. Détends toi petite sœur, on ne craint absolument rien, dit Fenyx sur un rare ton sérieux.

– Mouais, mouais … D’accord. Mais je reste quand même sur mes gardes ! râla-t-elle tout en dévisageant le nagar d’un regard acéré.

– Fais donc ça oui ! Cela étant dit, tu nous accompagnes ou tu continues de hurler et de réveiller tout le village ?

– Tu sais bien que quand il s’agit d’énerver le vieux, je ne dis jamais non. J’en suis, vous allez où, vous allez faire quoi ? répondit-t-elle.

– Nous nous rendons au Rocher des Dragons, la suite, c’est une surprise. Allons-y avant de nous faire remarquer.

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Les trois comparses se trouvaient maintenant dans la sylve, au nord du village. Fenyx marchait en tête pour montrer le chemin, son bâton de défense à la main. Aran, qui marchait derrière lui, remarqua qu’il avait la particularité d’être gaucher. Fenicya marchait quant à elle à sa suite, comme pour le surveiller, ce qu’il n’appréciait pas beaucoup, tandis que Méli, la korrigone, virevoltait au-dessus d’eux.

– Fenyx … et Fenicya ? C’est … original ? lâcha Aran maladroitement, comme pour briser le silence.

– C’est à moi qu’il cause la sardine ? répondit-elle, grincheuse. Et toi, “hareng”, tu trouves ça original peut être ? envoya t elle, sur un ton très agressif.

– Euh, pardonne ma maladresse, je ne disais pas cela pour me moquer … et cela se prononce [aran], pas [arâ], lui répondit il, premier degré.

– N’avais-je pas dit qu’elle était adorable ? intervint Fenyx à moitié retourné et souriant. Bon, cessez de vous chamailler les enfants, on arrive !

La sylve prenait fin. Le chemin qui en sortait les mena à une plaine à flanc de falaise qui surplombait la mer pyrhique. Sur le rocher en son centre, des dizaines de dragons étaient encore endormis.

– Petit conseil, Aran, si tu ne veux pas d’ennui, reste calme. Ils ne devraient pas s’en prendre à toi si tu reste entre Fenicya et moi.

Le prince n’était pas très rassuré. Il se demanda même un instant si cela n’était pas un piège et s’il n’allait pas être jeté en pâture à ces créatures. C’est alors qu’il aperçut sous le rocher une étrange caverne. Il s’arrêta net pour l’observer, intrigué.

– Mais ! Ne t’arrête pas subitement en chemin comme ça ! lui dit Fenicya en le bousculant sans le vouloir. Qu’est ce que tu regardes ? … Ohlala, je te déconseille fortement d’aller par là bas si tu tiens à la vie, cette caverne c’est ce qu’on appelle le Nid. Si tu t’en approches ne serait ce qu’en pensée, ni Fenyx ni moi ne pourront plus les retenir. Ils te boufferont tout cru ! Ça ne serait pas beau à voir … quoi que.

Ils étaient tous les trois au milieu de la zone lorsque soudain, un grand souffle se fit sentir. Les dragons se réveillèrent alors. Un à un ils se rapprochèrent pour encercler les intrus tout en grognant, ce qui ne rassura pas davantage Aran.

– Héhé … Apparemment, notre présence ne suffit pas … répliqua Fenyx sur un ton léger et amusé qui ne se prêtait pas vraiment à la situation. Ravi de t’avoir connu Aran.

Un second souffle se fit à nouveau sentir lorsque se posa devant eux un dragon beaucoup plus imposant que les autres. De couleur rouge, les cornes bleu azur, il faisait au bas mot trente pieds de haut, soit deux fois la taille de ses compères. C’était un dragon-baron, un rudragon, et il n’avait pas l’air de bonne humeur. Il approcha sa tête d’eux tout en fixant le nagar.

– Là, là, Bolla ! Tout doux, il est avec nous, dit Fenyx à sa monture.

Le dragon l’ignora. Il passa à côté de lui pour se rapprocher rapidement d’Aran et se retrouver nez à nez avec lui.

– Ne bouge surtout pas … lui dit Fenicya.

Aran s'exécuta sans broncher tandis que Bolla le renifla tout en grognant. Les autres dragons observaient attentivement la scène tout en restant à bonne distance. Étonnamment, le baron semblait connaître son odeur et cessa de grogner. Il se releva et repartit tranquillement vers l’endroit où il était auparavant couché, et tous les autres dragons en firent de même.

– Héhé, je vous avais dit que ça allait bien se passer … dit Fenyx avec très peu de conviction. Et si on allait un peu plus loin ?

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Un peu plus loin, au bord de la falaise, se trouvait un camp rudimentaire. Y étaient entreposés divers accessoires de dragonniers tels que des harnais, sacs et armes mais surtout ce pour quoi Fenyx avait emmené Aran ici, des filets et des harpons servant à la pêche en mer.

– Tada ! Surprise ! On va pêcher ! cria Fenyx de joie en montrant le matériel à son invité.

Contrairement à ce qu’ils laissaient penser, les pyrhos ne se nourrissaient pas que de viande. Il appréciaient également le poisson frit, d’autant plus que contrairement à la chasse, ils pratiquaient encore la pêche à dos de dragon.

– C’était ça ta surprise ? dit Fenicya, dépitée. Quelle plaie … Il faut en plus qu’on lui attrape sa nourriture ? Sans moi, je me tire, à plus …

– Tu veux pas entendre les règles du jeu avant ? dit Fenyx, sifflotant.

– Il sait comment me parler le fourbe … grogna Fenicya tout en faisant demi-tour. Bon, vas-y, lâche le morceau !

– Haha, je savais que ça allait te plaire ! Le jeu est simple ! Celui qui pêche le plus de poissons a gagné !

A ces mots, Fenicya retrouva étrangement toute son énergie et fut prête à en découdre. Tandis qu’Aran restait silencieux tout en les observant attentivement.

– Bien évidemment, Aran, comme tu es dans ton élément, on a le droit à un avantage, précisa Fenyx.

– J’imagine, bien que je ne vois pas vraiment ce qui pourrait vous avantager dans ce contexte, répondit Aran, sûr de lui.

– Que d’arrogance, Mon prince … se moqua à nouveau Fenyx.

– Ce n’est point de l’arrogance, simplement une évidence, répliqua-t-il, laissant se dessiner sur son visage un soupçon de rictus.

Et bien, nous allons voir si tu vaux mieux que deux dragonniers … Bolla ! C’est l’heure de manger gros paresseux ! hurla t il à l’adresse de sa monture qui ne réagissait pas.

– Il n’y a qu’une seule vraie dragonnière ici, grand frère, Bolla te supporte uniquement parce que tu es le fils de son défunt maître, tu n’as pas été choisi. Regarde le, il ne t’obéit pas, il ne bougera pas d’un pouce, dit-elle sur un ton plus taquin que hargneux.

Fenicya mit son pouce et son index dans sa bouche pour émettre un sifflement assourdissant. A peine quelques secondes plus tard, un dragon jaune fit son apparition et Méli, la korrigone, alla se poser sur sa tête. Il était trois fois moins grand que Bolla et sa couleur claire était le signe d’un jeune âge. C’était un diardragon, un dragon commun. Ses cornes étaient de couleur bronze et à la différence de son aîné son museau rappelait la forme d’un bec lui donnant un air simplet.

Le rite de passage des dragonniers voulait qu’à leur naissance, sauf rare exception, un dragon-fée leur soit désigné et qu’à l'âge de cinq ans ce dernier les accompagne vers l'œuf de dragon qui leur était destiné. Contrairement à Fenicya, Fenyx n’avait pas été concerné par ce rite étant sous la protection des familiers de ses défunts parents.

– Bon … Et bien il semblerait que ce soit donc un duel ! Dobi et Fenicya contre le prince nagar Aran ! dit Fenyx, en s’adaptant à la situation sans s’en offusquer.

Fenicya sella sa monture, filet et harpon équipés tandis qu’Aran retira son armure, ses bottes et planta son épée au sol, l’air de dire qu’il n’en aurait pas besoin, ce qui eut le don d’agacer fortement la jeune fille.

– Je pars devant, essaye de suivre, dragonnière. Sans même prévenir, Aran courra vers le bord de la falaise, haut de trois cent pieds, et sauta sans la moindre hésitation dans le vide d’un plongeon athlétique.

– Saleté de sardine … Chope-le Dobi.

Le dragon se hâta d’une démarche ondulée et plongea à son tour en piqué, tentant de rattraper sa cible mais il la loupa de peu lorsque celle-ci plongea sous la surface de l’eau.

– Le nagar ne compte pas comme un poisson petite sœur, hurla Fenyx du haut de la falaise.

La phénix qui survolait la scène depuis un certain temps vint se poser sur l’épaule de Fenyx tout en poussant des petits piaulements d’affection.

– Ah, te voilà, Sarya. Au moins tu ne me méprises pas comme ton grognon de frère, toi. Allons faire un petit somme le temps qu’ils reviennent.

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Pendant ce temps-là, le village de Dūnon se réveillait calmement. Dréhak, le chef du clan des dragonniers, qui dormait encore, vivait avec sa femme Daralia, la soigneuse du clan, dans la plus grande des maisons, au fond de l’enceinte fortifiée.

Cette dernière se trouvait dans son atelier où elle préparait divers potions et remèdes élaborés avec les plantes qui poussaient dans la Sylve Noire. Daralia était une femme très belle, élancée, elle avait les yeux violine et ses cheveux étaient d’un rose poudré qu’on disait être apaisant. Sur un perchoir, sa phénix Nari, l’observait très attentivement. L’oiseau semblait étonnamment jeune, c’était là le signe d’une réincarnation récente.

Lorsque Dréhak se réveilla enfin, il enfila un pantalon large et une chemise légère en linus avant de rejoindre sa femme comme à son habitude matinale. Il arriva derrière elle pour la prendre dans ses bras et lui déposer un baiser sur la joue avant de s’installer à une table de l’atelier.

– Bien dormi mon amour ? Lui demanda-t-elle, la voix douce, tout en continuant de préparer ses remèdes. Je t’ai fait du thé de basko, il est sur le feu, sers-toi.

– Que ferais-je sans toi Daralia ? Je ne te mérite pas, répondit Dréhak, de sa voix rauque, avant de se servir une tasse. Ta fille n’est toujours pas levée j’imagine ? ajouta t-il.

– Au risque de t’étonner, si. Je l’ai vu quitter sa dépendance un peu plus tôt ce matin. Elle est probablement allée surveiller le jeune prince nagar. A ce sujet, quand compte tu le libérer ? Ce n’est qu’un enfant après tout.

– D’abord son aîné et maintenant lui, qu'ont t il tous ces nagars à venir dans cette forêt ? Je trouve ça louche, ils préparent quelque chose, j’en suis certain. Cela ne leur a t il pas suffit d’éradiquer notre peuple ? dit-il en sirotant son thé.

– Tu es un peu mal placé pour dire cela tu ne penses pas ? Sans vouloir te vexer bien sûr, dit-elle calmement.

– Grmf. Raison de plus pour ne pas leur faire confiance, ils ont bien des raisons de venir se venger. Le prince Zekh peut bien dire ce qu’il veut et venir parader ici avec ses fausses bonnes intentions, je ne lui fais pas confiance.

– Ton frère lui faisait confiance.

– Et il en est mort. Ta soeur avec lui, dois je te le rappeler ? répondit Dréhak, tout en commençant à hausser le ton.

– Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de me le rappeler, non, je te remercie. Mais ne crois-tu pas qu’il soit enfin temps de pardonner ? dit-elle, tendrement, le nez toujours dans ses potions.

– Jamais je ne leur pardonnerais ! dit-il de colère avant de se lever et d’enfiler son manteau sur ses épaules et de quitter la pièce.

– Je t’aime, mon dragon.

– Moi aussi je t’aime ! hurla t il en claquant la porte de la maison.

Dréhak se rendit sur la place centrale du village en espérant y retrouver sa fille. Lorsqu'il arriva, il fut surpris de ne trouver personne, pas même son prisonnier. Près du pilori, le galinaube picorait les restes de viande, il s’arrêta net et regarda le maître, candide. Les liens du nagar étaient étendus au pied du mât, brûlés aux extrémités.

– Fenyx … dit-il, à la fois agacé et non surpris.

Non loin de la place, se trouvait la maison de Kholkis, la mère de Dréhak et doyenne des dragonniers. Elle était comme à son habitude sur le péron à tisser au métier à pesons de la laine de bonnah et le petit Kato l’assistait. Il s’occupait selon les jours de nettoyer la laine fraîchement tondue en la passant au feu, de la teindre puis de la carder et enfin de la filer au fuseau. Kholkis lui apprenait même à tisser et lui avait offert un métier à grille sur lequel il s'exerçait quelques fois. Il était étonnamment doué dans ces tâches et il aimait aussi assister Daralia dans la préparation des teintures mais également des potions.

Les deux tisserands étaient tellement affairés à leurs tâches qu’ils ne virent pas le chef arriver.

– Tu n’aurais pas vu tes petits-enfants par hasard grand-mère ? dit-il sans même un bonjour et sans préciser que le nagar avait été libéré pour ne pas perdre totalement la face.

Kato ne l’entendit même pas, il se battait à carder la laine, les yeux rivés sur les fibres tout en se mordillant la langue.

– Bonjour mon fils. Quel grand plaisir de te voir rendre visite à ta vieille mère, dit-elle souriante.

– Les as-tu vu, oui ou non ? s'impatientait-il.

– Quelle salamandre t’a piqué ? Tu es de bonne humeur je vois. J’ai vu ta fille plus tôt, elle se rendait voir son oncle à la forge. Voilà tu es content ? Vas donc y faire un tour, avant que je ne me mette moi aussi de mauvaise humeur. Bougre de sang chaud.

Dréhak partit sans un mot en direction de la forge, également non loin de la grande place.

– Kato, mon petit, fais plaisir à ta grand-tante, va voir ce que manigancent tes arrière-cousins avec le nagar. Ils sont au rocher. Mais ne dit rien à ton oncle Dréhak, il risquerait d’en tuer un … demanda Kholkis en faisant attention que son fils soit assez loin pour ne pas l’entendre.

– Dacodac tantine, mission secrète acceptée … dit l’enfant avant de partir rapidement d’un pas feutré.

Lorsque Dréhak arriva à la forge, le tenancier faisait chauffer du métal en utilisant sa magie élémentaire et le modelait directement à mains nues.

– Léhone, tu n’aurais pas vu ta nièce par hasard ? demanda Dréhak, toujours sans un bonjour.

Le forgeron n’était pas un pyrhos ordinaire, c’était un huma, un némésien plus précisément. Ces derniers faisaient partie des premiers peuples du feu créés par le mage Pyrho. On appelait alors animas les créatures élémentaires animales et humas celles qui avaient des attributs à la fois animal et humain. Les Némésiens étaient donc pour leur part mi-homme, mi-lion et avaient transmis autrefois aux pyrhos l’art de la forge.

Léhone quant à lui avait une autre particularité. Il était né albinos, ce qui lui avait valu le rejet de sa meute mais aussi celui du clan des forgerons pyrhos, très proche des Némésiens. Il avait alors été élevé par un autre clan, celui des dragonniers qui ne partageait pas ces superstitions absurdes. Il fut même adopté par Ladhon, le maitre de l’époque, et par sa femme Kholkis, l’année même de la naissance de Dréhak. Son nom lui avait été bien évidemment donné en référence à son appartenance mais sans aucune volonté de lui faire défaut. Il était pour Dréhak comme un frère jumeau et nul au village ne le considérait autrement que comme un membre égal du clan. D’autant plus que Léhone avait passé le rite, comme tous les dragonniers, devenant ainsi le premier némésien à chevaucher un dragon.

– Bonjour peut-être ? lança Léhone, d’une voix aussi rauque que celle de son frère tout en continuant de tordre le fer rouge à mains nues.

– Bonjour. Alors ? s’impatientait encore Dréhak.

– Elle est passée me voir tout à l’heure, je lui ai renforcé son bouclier avec de l’isar que Fenyx a rapporté du vieux royaume, elle n’arrêtait pas de l’amocher, il était temps de passer à plus solide. Une vraie brute cette gamine, comme son père. Puis elle est sortie en trombe du village lorsque je l’ai informé que son crétin de cousin était parti en balade avec son copain nagar au levé du jour.

– Donc, si je comprends bien, tu es en train de me dire que tu as vu Fenyx libérer le nagar et que tu les as laissé filer sans intervenir ? grinça Dréhak. C’est bien ça ?

- Absolument. D’autres questions ? J’ai du boulot, lui répondit Léhone tout sourire. Ne t’en fait pas voyons, ce sont des enfants, ils ne vont pas déclencher une guerre, eux.

– Y a t il quelqu’un qui me respecte dans cette famille ? grogna Dréhak en repartant, dépité.

– Brenn Dréhak ! Brenn Dréhak ! hurla Spirah qui arrivait en courant. Le prisonnier, le prisonnier, il s’est enfui ! ajouta-t-il, essoufflé. Dois-je donner l’alerte ?

– Achevez-moi. Je retourne me coucher.

– Heu, hein ? Et le prisonnier ?

– Tu n’as qu’à le chercher, si ça te chante. Il semblerait que ta perspicacité soit exceptionnelle, dit-il très ironiquement.

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Kato arrivait non loin du rocher des dragons. La route n’étant pas toujours sûre, il était accompagné de Naru, son corsach, sorte de renard de feu qui avait permis de pister le trio. C’était même plus précisément le corsach de son père, Falkir. Si Cyndera, la mère de Kato, était bien une dragonnière, Falkir lui n’en était pas un, c’était un cavalier et comme le faisait autrefois son clan au vieux royaume, il s’occupait à Dūnon des élevages et des cultures.

Le jeune garçon resta à bonne distance des dragons. En effet il n’était pas autorisé à s’en approcher puisqu’il n’avait pas passé le rite plus jeune, il en gardait d’ailleurs un très mauvais souvenir. À cinq ans, n’ayant toujours pas de korrigon, il avait malgré son très jeune âge décidé de se rendre au rocher pour chercher par lui-même l'œuf qui lui était destiné mais surtout pour prouver à son grand frère qu’il était lui aussi digne d’être dragonnier. Les dragons n'avaient pas vraiment apprécié son intrusion dans le nid et il aurait probablement fini dévoré si Dobi et Fenicya, alors âgée de 10 ans, ne l'avaient pas rapidement sorti de là. C’était à vrai dire une mauvaise idée de la jeune fille et c’est depuis cet incident, et le savon qu’on lui avait passé, qu’elle avait pris sous son aile le garçonnet. Depuis ce jour, Spirah était devenu totalement détestable à l’égard de son petit frère.

D’où il se trouvait, Kato pouvait voir Fenyx roupiller sur un rocher qui surplombait la mer, mais il ne voyait pas les deux autres et les cherchait du regard en essayant de rester le plus discret possible. C’est alors qu’il sentit le vent souffler et qu’il vit Dobi arriver à toute allure du bas du flanc avant de se poser près de Fenyx. Fenicya tenait à bout de bras un énorme filet débordant de poissons et semblait être très fière d’elle.

Une minute, puis deux, passèrent, sans que le nagar réapparaisse. Fenyx, sorti de sa sieste, échangea un regard dubitatif avec sa sœur. Sans un mot, les deux se demandèrent s’il n’en avait pas profité pour se faire la belle.

– Et bien je crois que l’on a une grande gagnante ! S’exclama Fenyx d’un ton incertain, suivi d’un énorme bâillement.

Quelques instants plus tard, l’on entendit non pas un souffle mais un énorme bruit de vague giflant la falaise juste avant de voir un gigantesque poisson plonger par-dessus la côte pour s’échouer près de Fenicya. Au sommet de l’animal, se tenait le prince nagar, et l’on pouvait discerner sur son crâne la trace d’un gigantesque impact.

– Haha, tu ne fais pas dans la demi mesure je vois Aran ! dit Fenyx tout en se levant de sa sieste. Tu semble être finalement battue petite soeur, ajouta t-il pour agacer Fenicya.

– Je ne crois pas non, répondit-elle. Il me semble que les règles disaient “celui ou celle qui ramènera le plus de poissons gagne”. Tu peux crâner autant que tu veux, la sardine, avec ton gros poisson, il ne compte toujours que pour un !

– Ah, tu es sûre ? Je n’ai pas dû bien entendre cette partie des règles, prétexta Aran, tout en sachant très bien qu’il comptait la laisser gagner sans pour autant perdre la face.

– Effectivement. La rouquine a raison ! Le règlement c’est le règlement après tout, souria Fenyx. Il échangea même un premier sourire avec Aran, comprenant aisément son intention d’apaiser les tensions.

– Héhé, c’est moi la meilleure ! sauta de joie Fenicya sans s’en rendre compte.

– Bon et si on mangeait ? changea de sujet Fenyx. Aran as-tu déjà goûté le poisson braisé ? Il me semble que vous mangez le poisson cru chez vous non ? s’interrogea t il.

– En effet. Mais je n’ai rien contre essayer, répondit le prince sur un ton solennel.

– Très bien, tu peux donner le gros aux dragons, ils en seront ravis, on a bien assez de quoi faire avec la prise de Fenicya.

Aran s’exécuta et envoya donc sa prise, d’un geste étonnamment aisé, au milieu des créatures qui s’empressèrent de la calciner et de se la partager. Seuls les quelques rudragons ne bougèrent pas, estimant probablement qu’ils étaient assez nobles et fiers pour chasser eux-mêmes leur nourriture.

Les deux pyrhos allumèrent un feu par magie dans l'âtre central du camp. Ils piquèrent ensuite quelques poissons sur trois broches qu’ils mirent au-dessus des flammes et les trois s’installèrent en cercle autour du festin à venir. Kato, les voyant détendus, comprit alors qu’il n’y avait pas de quoi s’inquiéter et repartit pour en informer Kholkis.

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Le feu était encore fumant, les trois broches plantées en son centre. Il ne restait plus un seul poisson et les trois élémentalistes semblaient fort repus, le ventre bien tendu. Les dragons avaient également fini de dévorer leur gigantesque offrande et étaient retournés à leur sieste de matagot. Le silence et la quiétude régnaient sur le Rocher des Dragons.

Aran, Fenyx et Fenicya rassemblèrent leurs affaires et repartirent en direction du village de Dūnon.

– Dis moi Fenyx, sans vouloir paraître impoli, il me semble que tu me dois quelques explications au sujet de mon frère, comment l’as tu rencontré ? Et que t’as t il dit à mon sujet ? demanda Aran, sur le chemin du retour.

– Tu ne perds pas le Nord, toi ! Mais tu as raison, je te dois des explications et je vais te les donner. Ton frère est bien venu ici il y a plusieurs mois et mon oncle ne l’a pas reçu à bras ouverts. S’il n’avait aucun respect pour la mémoire de mon père, Dréhak l’aurait probablement tué. C’est du moins ce qu’il lui a dit avant de lui demander de partir.

– La mémoire de ton père, comment ça ? Quel rapport avec mon frère ? répondit Aran, confus.

– Haha, j’ai eu la même réaction que toi lorsque j’ai entendu mon oncle dire ça. Je n’en ai compris le sens que plus tard, j’y reviendrai, gardons un peu de suspens. Avant de repartir, mon oncle et lui ont eu un vif échange. Zekh voulait comprendre ce qu’il s’était passé il y a seize ans, malgré son poste il disait n’avoir pas eu les réponses qu’il cherchait au royaume nagar.

– Les réponses ? Les réponses à quoi ? Je ne comprends pas. Mon père m’a toujours dit qu’après une visite diplomatique de la reine Feanora, les dragonniers nous avaient attaqués sans raison, profitant de notre baisse de vigilance après leur départ.

– Sans raison ? Ce n’est pas la version que nous connaissons chez les pyrhos. Mon père a son caractère mais ce n’est pas un assassin ! s’énerva Fenicya.

– Ton frère ne semblait pas croire non plus en ta version, Aran. Il y avait bien une raison à l’acte de mon oncle, mais Zekh semblait également avoir la certitude que les nagars n’en étaient pas les responsables. C’est pour démêler cela qu’il est venu ici …

Leur conversation fut interrompue par un étrange bruit venu des profondeurs de la sylve. Un cri aigu et strident se rapprochait tandis que la terre tremblait et se craquelait dans leur direction.

– Cette fois-ci ce n’est pas moi, lança Fenicya, peu rassurée.

– Finalement tu vas l’avoir ta réponse sur le linus, Aran, ironisa Fenyx.

Une horrible créature, haute de quinze pieds, surgi brutalement devant eux, hurlant de tout son souffle. Au sommet de son long et épais pédoncule brun trônait une immense fleur aux pétales rouges ouverte sur plusieurs rangées de dents végétales acérées. A sa base, planté dans le sillon qu’elle formait sur son passage, se trouvait un énorme bulbe rougeoyant duquel sortaient deux longues lianes griffus qui lui servaient à se traîner au sol. Sans crier gare, le premier coup de “patte” parti dans la direction d’Aran, qui l’esquiva d’un bond.

– Qu’est ce que c’est que ce truc ? hurla-t il en en perdant son langage princier.

La créature semblait à présent regarder dans sa direction, bien qu’elle n’avait pas d'œil. Le bulbe à sa base se mit à briller et à devenir de plus en plus incandescent. Un dégradé de rouge remonta lentement du tronc vers sa fleur et lorsque la plante prit entièrement la couleur flamboyante, elle cracha une salve de flammes dans la direction du nagar qui se protégeait derrière son arme. Lorsque le jet cessa, la créature reprit ses couleurs d’origine et le nagar se mit en position d’attaque.

– Ça, Aran, c’est un linus. Un linus égaré depuis trop longtemps. Un Linus Maxima, version mobilis. Tu comprends mieux maintenant pourquoi cette plante ne craint pas le feu ! expliqua Fenyx qui se trouvait à bonne distance de la créature loin derrière Fenicya.

En effet, le linus n’était pas qu’une simple plante mais bien une plante élémentaire, un type de créature assez rare. Les pyrhos le cueillaient sous sa forme larvaire bien avant que celui-ci ne forme sa chrysalide et ne devienne une plante cracheuse de flammes. Néanmoins, il arrivait que les spores des champs s’envolent et que des linus poussent sans surveillance dans la sylve, malgré les précautions que prenaient Falkir, le garde champêtre du village. Lorsque cela arrivait, les pyrhos se voyaient contraint de devoir les détruire afin d’éviter que ces derniers n’embrasent toute la forêt dans leur folie destructrice.

Un deuxième coup de griffe parti cette fois-ci dans la direction de la jeune fille qui le para aisément de la main gauche d’un coup vertical de rondache. Le bras végétal rebondit en l’air avant de revenir mais la pyrhos se précipita vers la créature, fit une glissade au sol et trancha d’un coup de glaive la liane qui s’agitait au-dessus d’elle. Elle lança ensuite son bouclier qui sectionna de son arête tournoyante le second bras de la créature avant de se planter dans un arbre quelques pas plus loin.

La créature hurla de douleur et de ses lianes qui lui faisaient office de bras, une sève brûlante coulait. Son bulbe recommença à briller, son corps à rougir mais avant qu’il ne puisse cracher ses flammes, il sentit son énergie repartir en arrière, vers son point d’origine.

– Tout doux petit, c’est bientôt fini.

Sans que personne ne l’ait vu se déplacer, Fenyx se trouvait au pied de la créature, la main posée sur elle. Le feu de cette dernière la quittait, absorbé par la main du jeune pyrhos. Le linus s’apaisa lentement, reprenant progressivement des attraits de plante ordinaire et lorsque son feu fut entièrement drainé, il se redressa et sa fleur rouge devint blanche.

– Et voilà, une bonne chose de faite ! Aran, toi qui est costaud, aurais tu l’amabilité de le déraciner pour l’emmener au village, on en fera du bon cuir apyre ! demanda Fenyx, les mains sur les hanches, fier de lui.

– Avant cela j’aimerais que tu m'expliques comment tu es arrivé là si vite, lui rétorqua Aran.

– Haha, ça c’est mon petit secret, répondit Fenyx, tout sourire.

Fenicya décrocha sa rondache de l’arbre où il s’était planté et les trois comparses repartirent en direction du village, Aran portant les restes du linus sur son épaule, le laissant traîner au sol derrière lui.

Ils s’arrêtèrent un peu plus loin, aux abords d’une culture de basko. Fenyx alla en cueillir un, cela ressemblait à une épaisse et courte carotte rouge vive.

– Tiens Aran, goûte moi ça, c’est une spécialité de chez nous, tu m’en diras des nouvelles, dit Fenyx en lui tendant le légume.

– Oui oui goûte tu vas voir, c’est super bon ! Ajouta Fenicya, totalement hilare, contrairement à son habitude.

Le nagar ne décela aucunement le sarcasme et s'exécuta en bon invité.

– Mmh, c’est effectivement fort goutû qu’est ce-d…

Il fallut quelques secondes pour que le basko fasse effet. Aran devint tout rouge, les larmes coulèrent de ses yeux, ses joues se gonflèrent et il mit ses deux mains devant sa bouche avant de ne plus pouvoir se retenir. C’est alors qu’il hurla et cracha littéralement des flammes.

– Hahaha, tu ressembles au linus de tout à l’heure la sardine ! explosa de rire Fenicya, sur un ton gentiment moqueur.

– Haha, mange un bout de fane, ça devrait t’apaiser, conseilla Fenyx, tout de même fier de sa petite plaisanterie.

Aran hésita, tout en faisant la moue, mais lui fit tout de même confiance et s'exécuta à nouveau. Il fallut quelques secondes pour que la fane de basko fasse également effet et l’apaisa bien finalement.

– J'admets que tu m’as bien eu pyrhos. Néanmoins, je peux te garantir une chose. J’aurais un jour ma revanche, je t’en fais le serment, dit-il, esquissant le début d’un sourire.

Un peu plus loin, ils passèrent près d’un troupeau de bonnah. Fenicya s’approcha d’eux discrètement pour les faire sursauter ce qui eut pour effet de leur provoquer des flatulences brûlant les pâturages derrière eux et cela les fit beaucoup rire tous les trois.

Ils arrivèrent enfin à l’entrée du village, bien plus enthousiastes qu’ils ne l’étaient à leur départ, mis à part Fenyx qui l’était toujours.

– Et donc, pour reprendre où nous en étions restés au sujet de mon frère, quelle était donc la raison qu’avait ton oncle pour attaquer mon royaume ?

– Comment peux tu ignorer cela ? Je vais te la raconter moi, la raison, grogna Dréhak, qui les surplombait du haut des remparts.

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Quel est donc le secret

De ce lointain passé

Qui a faux, qui dit vrai

N y a t il qu’une vérité

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Texte publié par Jerry Sting, 17 août 2024 à 17h38
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