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tome 1, Chapitre 1 « Décalé » tome 1, Chapitre 1

Quelques mois plus tôt

Tom vivait tranquillement dans une banlieue avec sa mère et son beau-père. Il avait seize ans, et allait au lycée. Il menait une vie relativement normale. Il avait quelques amis avec qui il s'entendait bien, et une meilleure amie ; Lindsey. Il était tout autant un élève ordinaire, et récoltait des notes moyennes lors des contrôles. Comme tout le monde, il était heureux que ces journées se terminent afin de pouvoir enfin rentrer chez lui, et laisser les cours de côtés pour au moins quelques heures.

Il était tout ce qu'il y avait de plus ordinaire. Du moins physiquement ; avec ses cheveux noirs qu'il ne coupait que lorsqu'ils lui arrivaient au niveau des oreilles, cachant souvent ses yeux bruns foncés, et une taille moyenne ; il savait qu'il n'était ni laid, ni spécialement beau. Il était juste un parmi tant d'autres qu'on ne remarquait pas.

Sauf que depuis quelques temps, il n'arrivait pas réprimer une drôle de sensation. Depuis tout petit, il avait toujours eu la désagréable impression de ne pas être à sa place. Comme si toute l'humanité tournait dans un sens, et que lui, allait dans l'autre, tout en essayant de suivre tout le reste de la population. Il avait l'impression d'être bloqué, parce qu'il ne pouvait pas tourner dans deux sens opposés en même temps.

Tout allait pourtant parfaitement bien dans sa vie. Alors pourquoi cette sensation qui ne le quittait pas s'était autant intensifiée ces derniers mois ? Il était comme une radio branchée sur la mauvaise fréquence, ou sur deux fréquences en même temps, et il ne pouvait déchiffrer ce qui se disait sur deux chaînes ; il savait que des choses se passaient, que des paroles étaient échangées, mais il ne comprenait rien. C'était plus compliqué que d'apprendre une nouvelle langue dont il n'avait jamais entendu un seul mot auparavant. Il essayait tout de même. S'il ne le faisait pas, il finirait bloqué dans le temps, alors que le reste du monde continuait à tourner. Sans arrêt, sans pause. Pourtant, il aurait bien voulu une pause ; le temps de retrouver la bonne mesure, et d'essayer de s'adapter au rythme de la vie.

Maudit temps qui ne s'arrête pas.

Il avait finit pas comprendre que le seul moyen de suivre, c'est d'accepter que le temps ne s'arrêterait pas pour une seule personne. Le temps ne s'arrêterait pour personne. Il fallait continuer, et faire du mieux que l'on pouvait. Il n'y a pas de pause et encore moins de retour en arrière. Ce qui le bloquait, c'était lui-même.

Et autre chose.

Il n'allait pas pouvoir trouver ce dont il s'agissait en faisant une pause.

Voilà comment Tom vivait ces journées ; il faisait du mieux qu'il pouvait pour rester concentré durant les cours (et du mieux qu'il pouvait pour ne pas s'endormir dans certains d'entre eux), en ayant l'impression d'être une bouteille de champagne qu'on secouait en permanence. Difficile de rester concentré quand on est continuellement secoué par des distractions. Et ça pouvait être absolument n'importe quoi. Un voisin qui tapotait du pied sans arrêt, une voisine qui mâchait vigoureusement son chewing-gum, les chuchotements de presque toutes les autres personnes dans la salle de classe, et le marmonnement du professeur : « Taisez-vous ! Oh mais taisez-vous », qui ne faisait que rajouter du bruit au bruit. La plus part du temps, il passait les journées sans encombre en supportant tout ce qui l'entourait sans trop problèmes, mais des fois, quand il était un peu moins en forme, il avait simplement envie de se lever, de courir, de hurler : « Bordel de merde ! Fermez-là ! TOUS ! ».

Et encore, ce n'était pas qu'un problème de bruit. Il y avait la respiration du voisin de derrière, l'odeur de ceux qui avaient abusés de déodorants, et dans certaines salles, des néons qui jouaient à s'éteindre tous les quarts de seconde, accompagné d'un bruit d'abeille. Pour la majorité des gens, tout ça n'était que des stimuli qu'ils ne remarquaient à peine. Ils le percevaient, sans plus. Mais Tom, lui avait l'impression d'en être pénétré.

Après la dernière heure, le bouchon de la bouteille sautait. Il n'avait plus besoin de se concentrer pour ignorer toutes les sensations, en faisant attention au cours. À la fin de la journée, il pouvait tout laisser passer. Enfin ! C'était une libération.

Il n'en avait jamais parlé à ses parents, mais étant donné qu'il avait de plus en plus de difficultés pour se contenir, il avait aussi du mal à faire comme si tout allait bien. Il avait du mal à sourire lorsque sa mère lui demandait si sa journée s'était bien passé. Il avait du mal à rendre le regard de son père quand il demandait si tout ce passait bien.

Tom avait fait semblant trop longtemps ; il atteignait ses limites. Quelque chose n'allait pas avec lui, il ne savait pas ce que c'était, excepté le fait qu'il sentait qu'il allait littéralement exploser. Il y avait quelque chose en lui qui ne demandait qu'à sortir, à se révéler ; une partie de lui qu'il peinait de plus en plus à refréner. Tout devenait trop compliqué. Et retenir la perception de son entourage au fond de lui l'épuisait. Il voyait, sentait le monde différemment des autres. Tout était trop fort. On avait monté le volume à fond, et il était le seul, apparemment, à s'en rendre compte.

Évidemment, ses parents avaient fini par remarquer que quelque chose n'allait pas. Mais il ne leur disait rien ; il ne savait pas comment leur expliquer. Il aurait fallu qu'ils vivent la même chose, qu'ils voient et sentent les mêmes choses que lui. Sans ça, il avait peur que, s'il leur en parlait, ils ne le prennent pour un fou.

Pour l'instant tout ce qu'il pouvait faire était de tenir autant qu'il le pouvait et continuer à avancer, à vivre, ou survivre à ce stade là. Il allait être obligé de leur en parler à un moment ou à un autre ; il le redoutait, mais il valait mieux qu'il le fasse avant qu'il ne finisse par s'écrouler de fatigue.

Aujourd'hui Tom devrait être au lycée, sauf qu'il n'arrivait pas à quitter l'écran de télévision des yeux. Il se trouvait avec sa mère, dans la cuisine de leur maison. Les informations retransmettaient en direct l'incendie qu'avait déclenchée l'immense explosion de l’Hôtel de Ville. Le choc avait était si violent qu'il avait soufflé tout ce qu'il y avait autour ; les véhicules, les arbres, les passants. Des bus avaient même été renversés. Jamais personne ici, ne se souvenait avoir vécu une telle chose. Il n'y avait pas encore de nombre de victimes officiel, et personne ne connaissait la cause de l'explosion.

Le beau-père de Tom se trouvait sur les lieux, en tant que pompier.

De cette journée, il ne garderait en souvenir que l'angoisse qu'il avait ressentit jusqu'à ce qu'enfin, le lendemain, son père ne rentre. Sa mère s'était immédiatement jetée dans ses bras ; le jeune homme l'avait suivit. Son beau-père les avait embrassé comme s'il s'était attendu à ne plus jamais les revoir.

Ce jour là, il c'était passé une chose qu'il n'avait encore jamais ressenti avant. Il ne l'avait jamais réalisé avant, mais, ses sens trop bruyants, il pouvait aussi les faire taire, les bloquer, et se concentrer sur l'essentiel. Il s'en était rendu compte en passant une journée scotché au seul objet qui pouvait lui donner un micro-indice sur les chances de survie de son père. Le reste n'existait plus. C'est comme s'il n'était même plus dans cette cuisine, assit sur le rebord du canapé, penché vers l'écran. Il était tellement absent qu'il y avait eu une sorte de vide en lui ; et tout ne s'était arrêté que lorsque Matthias était enfin rentré.

Durant quelques jours, tout le monde ne parlait que de l'explosion, on dénombrait une centaine de victimes. Et personne ne savait comment cela avait pu se produire. Une fuite de gaz avait était évoquée aux informations télévisuelles, mais la piste criminelle n'était pas écartée. Qui avait pu poser une bombe pareille sans se faire remarquer ?

Tom n'entendait plus que ça à longueur de journée. Finies les journées soit-disant tranquilles. Il s'était déroulé l’événement le plus dangereux que n'avait jamais connu cette ville, sans doute, depuis la dernière guerre.

Et son vieux problème avait fait son retour ; impossible de se concentrer en classe ; c'était même encore pire. Il en était à hésiter entre se tenir la tête entre les mains pour bloquer de ses poignets les sons, ou se tenir tranquille et faire comme si tout allait bien, au risque de finir par faire une véritable crise en plein cours. Finalement, il opta pour la première solution. Il se boucha les oreilles du mieux qu'il put, les coudes posés sur la tables, la tête penché en avant, les yeux clos, il respirait profondément espérant retrouver son calme.

-M. Sanders ! entendit-il à travers ses mains posées sur ses oreilles.

Il se redressa, en ouvrant les yeux et en ôtant les mains de ses oreilles. Tous les élèves de la salle avaient les yeux posés sur lui. À quelques pas de lui, le professeur le toisait d'un air sévère. Il s'agissait de Monsieur Javier, professeur de mathématiques ; depuis le début de l'année, il semblait vraiment détester Tom. Le pire étant que Tom avait aimé cette matière, jusqu'à cette année, où il redoutait maintenant chaque cours.

-Si vous vous ennuyez tant durant ce cours, nous pouvons vous renvoyer chez vous ; vous aurez alors tout le loisir de dormir, ce sera plus confortable, je vous l'assure.

-Je suis vraiment désolé, répondit Tom de la manière la plus neutre possible. En réalité, il était si exaspéré qu'il se retenait de hurler et de jeter tout ce qu'il y avait autour de lui.

Tout était insupportablement fort.

-Vous êtes désolé ; c'est tout ce que vous trouvez à dire ?

Tom ne savait pas comment réagir à la critique ; il se contenta de rendre le regard du professeur, en attendant la sentence. Ce dernier poussa un soupir, puis dit simplement :

-Venez me voir à la fin de l'heure.

Monsieur Javier se retourna pour se diriger vers l'avant de la salle et continuer son cours.

« Manquait plus que ça ! » se dit l'adolescent.

Lorsque la sonnerie annonça la fin du cours, tous les élèves se levèrent en fourrant précipitamment leurs affaires dans leurs sacs, excepté Tom et sa meilleure amie Lindsay. Il prenait son temps pour ranger les siennes ; il allait forcément être en retard au prochain cours, de plus il était si fatigué.

Lindsay attendait debout face à lui, déjà prête.

-Ne m'attends pas : vas-y, lui dit-il quand il mit enfin son sac sur ses épaules.

-T'es sûr que ça ira ? lui demanda-t-elle inquiète. On dirait que tu vas t'écrouler d'une seconde à l'autre.

Il soupira, il allait lui dire que tout allait bien, mais à ce moment-là, il la vit esquisser un petit sourire. Celui qu'elle faisait quand elle voulait lui dire en silence qu'elle était là quoi qu'il arrive.

-Je te rejoins dans une minute, fit-il d'une voix assuré.

Il ne voulait pas qu'elle s'inquiète. Même s'il savait que ce n'était pas un sentiment qu'on pouvait contrôler, il n'aimait pas la voir inquiète ; il ressentait toujours un besoin urgent de la rassurer dans ces moments-là.

Finalement, Lindsay partit, alors que lui, se rapprocha avec un peu d'appréhension, du bureau du professeur.

Ce dernier semblait plongé dans une liasse de copies à corriger.

-Euh, vous vouliez me voir ? fit Tom, alors que Monsieur Javier semblait l'avoir oublié.

Mais il releva finalement la tête vers son élève. Son regard avait changé, il semblait à présent inquiet.

Mais Tom avait toujours été mauvais pour décrypter les émotions sur le visage des gens. Il se trompait sans doute.

-Est-ce que tout va bien, Monsieur Sanders ? demanda-t-il finalement.

-Ben oui, dit Tom ; il ne voyait pas ce qu'il aurait pu répondre d'autre de toute manière.

-Vous avez l'air plus épuisé que d'habitude. J'espère que ce n'est rien de grave.

-Non, ça va, répondit Tom. C'est peut-être le temps, il paraît que ça affecte l'humeur.

-Ce n'est pas de votre humeur dont je parle, mais de votre santé. Si vous avez un quelconque problème ne le laissez pas traîner. Parlez-en à quelqu'un. Mais ne foutez-pas votre santé à l'air.

« Il croit que je me drogue ou quoi ? » pensa Tom.

-Je vous assure que tout va bien. Mais merci de vous inquiéter.

Il y eu une courte pause où le professeur semblait avoir du mal à se décider sur ce qu'il allait dire. Évidemment, il ne croyait pas l'élève une seule seconde.

-Eh bien, si tout va bien, je vous retiens pas plus longtemps, dit-il alors.

Tom était sur le point de s'en aller, lorsqu'il rajouta sans lever son nez des copies :

-Mais que je ne vous reprenne plus à vous endormir durant mon cours !

-Ça n'arrivera plus, assura le jeune homme.

Lorsque le dernier cours s'acheva , Tom avait prit sa décision, il allait avoir une discussion avec ses parents le soir-même.

Il eu la surprise de voir que sa mère l'attendait dans la cuisine ; en général elle rentrait après lui les mardis.

-J'ai eu un appel de l'un de tes professeur, dit-elle énervée.

Tom ne dit rien, et posa son sac sur l'une des chaises de la table de bois ronde, avant de s'installer à côté.

-Eh, tu m'entends ! s’écria sa mère. Maintenant ça ne peut plus durer ! Si quelque chose ne va pas, tu dois nous le dire. On est inquiet ton père et moi !

-Je sais, fit Tom tête baissée.

-Tu sais ? Alors, s'il te plaît, dis-nous ce qui ne va pas !

Comment pouvait-il lui expliquer ? Il avait pourtant l'intention de le faire de lui même ; il s'y était préparé, mais tous les mots qu'il s'était mentalement récité avaient désertés son esprit.

Plusieurs minutes passèrent, sans qu'il ne dise un mot. Sa mère ne le quittait pas du regard, attendant patiemment. Il ouvrit plusieurs fois la bouche avant de la refermer, ne sachant comment amorcer le sujet. Il devait lui en parler, il le savait, il en avait besoin, mais il était terrifié à l'idée de le faire.

-Je crois que je deviens dingue, lui dit-il finalement, relevant les yeux vers elle.

Il ne put se retenir plus longtemps, une barrière en lui rompit. Et des larmes dévalèrent ses joues. Katia Sanders avait les yeux mouillés, elle se précipita vers son fils et le prit dans ses bras.

La tension accumulée ses derniers mois avait atteint son paroxysme, s'en était trop, son cerveau saturait d'informations, et l'épuisait. Il ne savait plus comment faire pour récupérer ne serait-ce qu'un minimum d'énergie. Il était à bout de force, à cran ; il explosait silencieusement, mais douloureusement.

Matthias, le mari de Katia arriva quelques minutes plus tard. Tom tenta de leur expliquer ce qu'il sentait depuis quelques temps. Il fut rassurer de constater qu'aucun des deux ne semblait le prendre pour un fou. Ils l'écoutaient patiemment, sans jugement ; et de temps en temps leur yeux se croisèrent en une discussion silencieuse.

Quand Tom ne sut plus ce qu'il pouvait rajouter, et qu'il eut répondu à leurs questions, Matthias poussa un soupir en reculant dans son siège.

-On aurait du s'y attendre, dit-il en fixant Tom.

S'y attendre ! Tom ne comprenait pas comment qui que ce soit puisse s'attendre à une chose pareille.

-Tu as atteint l'age pour que ta perception soit totalement éveillée.

-Quoi ? s'exclama l'adolescent. De quoi tu parles ?

-Tom, fit calmement Katia, il y a une chose que moi et ton père aurions du te dire depuis longtemps.

Le jeune homme les regarda tour à tour.

-On ne savait pas comment te l'annoncer, reprit Katia.

-Et tu ne devras en parler à personne, compléta Matthias. C'est un secret de famille.

Tom acquiesça silencieusement. Il était plus calme, toutefois la tournure que prit cette discussion ne le rassurait en rien.

-Très bien, en fait cela concerne aussi ton père, lui dit Katia.

Tom la regarda curieusement.

-Ton père biologique, clarifia-t-elle.

Eric Sanders, le père de Tom, qu'il n'avait presque jamais connu, avait disparu alors que le garçon n'avait qu'un an.

-D'accord, fit Tom. Mais qu'est ce que tout ça a à voir avec mon problème ?

-On y vient, fit Matthias.

Katia prit une inspiration, puis elle se lança :

-Ton père était quelqu'un de très particulier, dit-elle. Depuis que je l'ai rencontré, il avait toujours su percevoir son environnement de manière bien plus intense, mais aussi plus précise que le reste de la population.

-Désolé, ricana Tom, mais de mon côté, de la précision, y en a pas du tout ; c'est plus un foutu mélange bordélique qu'autre chose.

-Écoute ce que ta mère a à dire, le réprimanda Matthias.

-Ça n'as pas toujours été simple pour lui, reprit-elle. C'est vrai que je ne l'ai jamais vu avoir de problèmes au niveau de la perception de ses sens, mais il m'avait raconté qu'enfant, il avait eu énormément de mal à apprendre à contrôler cette capacité.

-Cette capacité ? l'interrompit Tom. C'est pas une capacité, c'est une malédiction, et ça ne se contrôle pas. C'est là, c'est tout !

Matthias poussa délibérément un soupir bien bruyant en fixant le jeune homme de ses yeux verts, ce qui le fit se rapetisser sur sa chaise.

-Désolé, je vais me taire, s'excusa-t-il. C'est bon je laisse parler, ajouta-t-il alors que son père le fixait encore de son regard intimidant.

-Eric, ton père, a grandit dans une famille assez particulière. Son père avant lui, possédait des capacités encore plus impressionnantes. Mais pour faire simple ; tous les sens ou certains d'entre eux sont, soit décuplés, soit c'est la façon de les percevoir qui change. Et assez souvent, chez la majorité d'entre eux, l'endurance est plus grande, le système immunitaire est plus performant, sans compter l'apparition d'autres aptitudes particulières. Mais à ce niveau-là, ton père pourra t'expliquer mieux que moi.

-Tu veux parler de celui que je n'ai jamais connu ?

-Tom, ce n'est pas une façon de parler à ta mère, le gronda Matthias.

L'adolescent se renfrogna.

-Je parle de celui que tu as en face de toi, lui fit Katia. Il a ça aussi.

Tom se leva si brutalement que la chaise faillit tomber par terre.

-Quoi ? s'exclama-t-il.

Matthias restait calmement assis dans son siège, les bras croisés sur sa poitrine.

-Eh ! Une minute ! Fit-il de nouveau à l'adresse de sa mère. Tu disais ''la majorité d'entre eux'', c'est qui ''eux'' ?

-C'est toi, moi, ton père, énuméra Matthias. Eryna Valin, Nima de Dergadon, et j'en passe.

-Eryna, Nima, … ? C'est quoi ça ? demanda Tom, perdu.

-Elles ont été les elysiennes les plus connues de leur temps.

-Euh … Quoi ? fit Tom.

-C'est ce que tu es, lui expliqua Katia en prenant la relève. Tu es ce qu'on appelle un elysien.

-Attendez une minute, là d'un coup, j'ai l'impression de me retrouver dans un épisode des X-Men. Vous êtes pas sérieux ?

-Si on est sérieux, lui assura son beau-père. Et c'est bien réel. Ce que tu appelles une malédiction ; ce sont tes capacités qui grandissent. Ce n'est pas une mauvaise chose, si tu apprends à les contrôler, tu te rendras compte qu'il s'agit en fait, d'un don.

-Mais, toi, t'as pas l'air si différent, lui fit remarquer Tom.

Matthias se leva et se positionna face à lui.

-Les elysiens ont aussi des capacités qui leur sont propre, expliqua-t-il. Et moi, je sais faire ça.

Sans prévenir, Matthias posa une de ses mains sur le front de Tom qui cru s'évanouir avant de se ressaisir ; au moment où il rouvrit les yeux, il se vit lui-même juste en face de lui ; comme s'il était face à un miroir. Il se vit une main posé sur son front. Avec stupeur, il se rendit compte qu'il se voyait à travers les yeux de son père, littéralement !

Puis sa vision disparu ; Matthias ferma les yeux, et un son de pas se fit entendre, les yeux s'ouvrirent à nouveau, il n'était plus dans la cuisine, chez lui ; il était dans le long couloir, éclairé aux néons, d'un bâtiment qu'il ne connaissait pas. Une personne avançait vers eux, à travers ce couloir aux murs blancs, et aux portes métalliques. C'était une femme brune d'environ vingt cinq ans à la blouse blanche. Elle s'approchait de lui, sans s'arrêter, sans ralentir, jusqu'à ce qu'elle ne le traverse littéralement.

La vision changea encore ; cette fois, il se retrouvait au niveau de la station de tram la plus proche de chez lui. Il lui fallait un peu plus de cinq minutes pour l'atteindre, habituellement. Il commençait déjà à faire sombre, la nuit tombait, et il y avait peu de personnes aux alentour. Mais il entendait et voyait le lieu comme s'il y était réellement. C'était un simple arrêt avec de vieux bancs en plastique gris, le seul éclairage provenait d'un lampadaire, installé au milieu de la station, juste à coté de la machine à tickets.

Et encore une fois, tout devint noir avant que Tom ne se retrouve enfin physiquement chez lui, dans la cuisine, aux briques apparentes, de ses parents, et dans son propre corps.

Il dut se rattraper au dossier de la chaise la plus proche pour ne pas tomber.

-Bordel ! jura-t-il. C'était quoi, ça !

Il était à bout de souffle, comme s'il venait de terminer un marathon.

Il remarqua qu'en face de lui, Matthias n'en menait pas large non plus. Il était directement aller se rasseoir en se massant le crâne.

-Ça fait décidément très longtemps que je n'ai plus fait ça, marmonna-t-il.

Katia quand à elle restait calmement assise en face d'eux.

-S'il a bien fait ce que je pense, on peut dire que c'est de la perception avancée, et partagée. Il me l'a déjà fait une fois. Mais comme je ne suis pas elysienne, je l'ai assez mal supporté.

-Et j'en suis encore désolé, d'ailleurs, fit Matthias. Mais oui, c'est ça.

-C'est complètement dingue ! s'exclama Tom qui avait encore du mal à en revenir.

Lorsqu'il eut recouvré ses esprit, il écarquilla ses yeux et demanda :

-Attends ! Est ce que je serais capable de faire ça, un jour ?

-Je n'en sais rien, répondit-il sincèrement. Comme je l'ai dit, certains elysiens ont des capacités qui leur sont propres, et pour ma part, il s'agit de partager ma vision du monde. Au départ, je ne pouvais qu'établir une sorte de lien télépathique avec des êtres vivants, mais au fil des années, j'ai pu développer ce don.

-Ouais, t'as même pas besoin de te déplacer pour aller voir ce qu'il y a ailleurs, remarqua Tom.

Il allait beaucoup mieux maintenant. Il avait enfin pu parler à ses parents, et en plus, il savait qu'il n'était pas seul. Les choses allaient s'arranger.

-Jusqu'où tu peux aller, comme ça ? demanda Tom, curieux.

-Ça, je ne te le dirais pas. Sache seulement, que je peux ''voir'' jusqu'à très, vraiment très loin.

-Est-ce que tu pourrais essayer de m'apprendre ?

Matthias se gratta pensivement le menton, en observant l'adolescent.

-Je pourrais t'apprendre à contrôler tes perceptions pour commencer. Après tout dépend de toi.

Tom ne savais pas quoi dire. La situation lui avait au départ semblé impossible à résoudre ; alors qu'une simple discussion avec ses parents avait démêlé une majeur partie du problème.

Katia finit par se lever.

-C'est déjà pas si mal, non ? fit-elle.

Tom acquiesça.

Puis elle rajouta :

-Bon, maintenant qu'on a enfin pu mettre ça au clair, est-ce que ça vous dirait de commander des pizzas ?

Elle avait posée la question comme si c'était la chose la plus importante du moment à faire.

-Euh OK, je vais le faire, fit Tom. Mais en général, il faut vraiment que je te supplie pour que t'accepte qu'on en commande.

-Ne t'y habitues pas, c'est vraiment exceptionnel ce soir, puis elle ajouta en marmonnant ; et je ne suis vraiment pas motivée pour cuisiner.

-Moi non plus, lui chuchota Matthias, en observant Tom, téléphone fixe en main, du coin de l’œil.

Il savait que pour l'adolescent, ce n'était que le début d'un long et difficile apprentissage. Des elysiens, il y en a un paquet sur Terre ; dont la majorité en sont totalement inconscients. Par contre, pour des personnes comme Tom, ou de cette famille ; ne pas savoir contrôler cette particularité pouvait être fatale.

Le soleil était sur le point de se coucher, et le soir apportait avec lui un air frais qui ravi les habitants, épuisés par ces journées trop chaudes et étouffantes. Dans la maison de Tom, pratiquement toutes les fenêtres furent ouvertes afin d'en profiter au maximum. L'adolescent avait ouvert en grand le velux de sa chambre. Il resta accoudé un moment au rebord de la fenêtre, ses yeux posés sur la rue sans vraiment la voir. Quelques véhicules circulaient encore, avant que l'allée ne soit désertée. Au moment où il décida de s'écarter de la fenêtre, il remarqua le SUV noir au vitres teintées qui passa lentement dans la rue. Il n'y porta pas plus d'attention que cela, et se dirigea vers son bureau ; il avait un commentaire de texte à terminer pour le lendemain ; et il n'était pas certain que le professeur accepte une excuse telle que le syndrome de la page blanche.

Avec un bras sur l’accoudoir du siège et l'autre posé nonchalamment à côté d'elle, la dame, au maquillage léger et aux cheveux noirs impeccablement coiffés, regardait, sans réellement les voir, les maisons du quartier défiler. Ce qu'elle cherchait ne pouvait se voir ; on ne pouvait que le ''sentir'', si l'on en avait la capacité.

Tandis que le véhicule passa lentement dans le quartier, d'où venait la petite décharge d'énergie qu'elle avait ressentie un peu plus tôt dans la soirée ; la dame, assise à l'arrière de la voiture, se tendit alors qu'un flot d'énergie concentrée fut traversé par le véhicule. « C'est ici » se dit-elle. C'est de cette maison que ça venait. Quelqu'un ici, tentait de contenir de manière presque dangereuse, ses pouvoirs elysien.


Texte publié par Daisy Lin T, 31 mai 2024 à 00h55
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