Direction la ruelle près de la boite de nuit, là où le faux livreur de pizza m'attend ! Cette fois-ci, je vais éviter l'usine et passer par le quartier gouvernemental. Cela devrait être plus calme.
Alors que je survole la rue principale, ma puce détecte un objet qui m'a l'air intéressant en contrebas : un assistant virtuel. Cependant, si j'en crois la géolocalisation, il se trouve dans une boite de nuit souterraine. Je n'aime pas trop rentrer dans ces boites de nuit. C'est bien trop nauséabond pour mon odorat délicat. Les clients sont un peu trop sauvages à mon goût, comparés à ceux qui fréquentent mon antre. Mais un objet aussi précieux, ça ne se refuse pas. Je me glisse par un soupirail et navigue dans les conduits, en direction du bureau dans lequel l'objet se cache. La musique tonitruante fait vibrer les murs et des éclats de lumière stroboscopique m'aveuglent quand je passe devant une grille. Je me laisse tomber sur le bureau métallique dans la pièce déserte et sautille jusqu'à l'objet. Je l'agrippe dans ma patte gauche et retourne dans le conduit d'aération, juste au moment où la porte s'ouvre.
Traverser le conduit en sens inverse ne me pose aucun problème - je deviens très doué à ce jeu-là - et je me laisse tomber dans la rue, en abandonnant avec plaisir le vacarme musical. Alors que je m'apprête à m'envoler, un gémissement attire mon attention vers une benne à ordures de l'autre côté de la rue. Au milieu de la nuit, celle-ci est déserte. J'agrippe mon précieux avec mon bec et je m'approche avec prudence. Je découvre un oisillon assez jeune, une corneille, recroquevillée contre le mur. Son aile est tordue dans un angle inquiétant. Il me regarde avec des yeux terrifiés. Je pose précautionneusement l'objet sur le sol et lui demande :
-Comment tu t'appelles ?
L'autre reste silencieux et essaie de rentrer dans le mur. Il me fait de la peine, ce petit gars. Je prends mon air le plus charitable et réessaie :
-Je ne te veux pas de mal. Je peux t'aider. Te soigner.
L'autre me regarde avec attention pendant de longues secondes puis hoche la tête. Je manipule doucement son aile et utilise ce que je trouve autour de moi pour l'immobiliser. Une fois que j'ai terminé, il la bouge légèrement et saute sur ses pattes.
-Je me sens bien mieux. Merci beaucoup.
-Qu'est-ce qui t'est arrivé ?
-Je suis en mission. J'ai appris par le réseau que Wyrgo, un robot loup, a eu un pépin lors d'un transfert de données. C'est un ami très proche. Son âme cybernétique a été téléchargée dans le métavers. J'allais rejoindre la ferme de serveurs pour y accéder, mais je n'ai pas été assez prudent et j'ai été attaquée par une mouette.
Je ricane, en pensant à Gered.
-Ouais. Je la connais. Une vraie mégère.
-Bon sang ! lâche-t-il, l'air dégouté. Je ne vais pas pourvoir accomplir ma mission. Wyrgo est un ami et ...
-T'inquiète. Je m'en occupe. J'ai juste un truc à livrer avant.
La corneille me regarde avec de grands yeux.
-Vraiment ? Tu en es certain ... ? Parce que ...
-Oui. Donne-moi ton adresse que je l'enregistre. Puis rentre chez toi.
Mon nouvel ami hésite quelques secondes, puis cligne des yeux. Aussitôt, sur ma puce s'enregistrent son identité et son adresse : Xersia, qui habite sur le toit du QG de M3G corp. Mon nouvel ami me salue et s'éloigne en clopinant. J'espère qu'il parviendra à rentrer chez lui.
Je reprends mon assistant virtuel. Alors que je m'apprête à m'envoler, j'entends des cris dans une ruelle voisine. Je m'approche et me penche à l'angle, bien caché dans les ombres. Là, je vois un corbeau qui s'agite entre les mains d'un lourdaud, aux visages couturés de cicatrices, les yeux luisants de convoitise. Est-ce un couteau qu'il a dans les mains ? Dans l'espoir de l'effrayer, je bondis et pousse des cris stridents, en faisant en sorte que mon ombre paraisse gigantesque. L'homme se tourne vers moi et éclate de rire. Il lance le pauvre corbeau qui parvient à éviter de justesse de s'écraser contre le mur et se rue vers moi.
Alors que la victime s'éloigne d'un coup d'aile, je me dis qu'il est temps de fuir à mon tour. Je bondis en arrière et prends mon envol. Les insultes du cuisinier me suivent alors que je grimpe loin au-dessus de la rue. Le corbeau passe juste devant moi et me remercie, avant de s'éloigner dans la direction opposée.
Alors que je passe au-dessus du siège du gouvernement, j'aperçois un groupe de pies installées dans leur nid contre l'une des hautes antennes. Je tourne un instant au-dessus d'elles pour les saluer, mais décide de continuer ma route. Il faut vraiment que je rejoigne cet infâme faux livreur de pizza.
Je me retrouve à nouveau au-dessus d'une rue. Les phrases des véhicules autonomes illuminent les passants et je dois éviter quelques engins volants. Soudain, un objet se précipite vers moi. Alors qu'il se rapproche, je devine un sachet de capsules. Je l'évite en me déportant sur la gauche et le regarde sombrer dans la rue. J'hésite à aller le chercher, mais entre la puce et l'assistant virtuel, je suis déjà trop chargé. Non, il vaut mieux continuer ma route.
Je passe par-dessus l'autoroute qui traverse la ville et je croise un choucas en train de voler tranquillement. Il regarde autour de lui avec curiosité, et alors que je m'apprête à l'ignorer, il se place à mes côtés et m'interpelle :
-Bien le bonsoir, mon ami, c'est une belle nuit pour se promener, n'est-ce pas ?
Je le regarde en coin. Son oeil pétille d'enthousiasme.
-Euh...Oui, sans doute. Quand on ne croise pas de faux livreur de pizza !
-Pardon ?
-Non...Rien.
Le choucas continue à voler près de moi en silence.
-Voulez-vous que je vous accompagne un moment ?
J'hésite, soudain méfiant. Cependant, il n'a pas l'air d'un mauvais bougre.
-Pourquoi pas ...
-Parfait alors !
Un éclat brillant attire mon regard. Cependant, je ne m'y attarde pas, préférant rester concentré sur mon but.
Quelques minutes plus tard, les lasers bleus, rouges et verts qui jaillissent de ma boite de nuit illuminent l'horizon. Je suis bientôt chez moi. Le sympathique choucas me quitte et j'accélère, pressé d'en terminer avec cette mission - et le livreur de pizzas. Les dieux doivent être avec moi, car, soudain, je sens un fort courant d'air passer sous mes ailes et me pousser en avant. En un rien de temps, j'atteins la boite de nuit.
Je me pose dans la ruelle, face au livreur de pizzas qui m'attend tranquillement, appuyé sur sa moto, le casque toujours posé sur sa tête d'abruti. Est-il resté là à m'attendre toute la soirée ? Je laisse tomber la puce juste devant moi. Il se lève et me rejoint. Alors qu'il allait la prendre, je pose ma patte dessus.
-Pas si vite. Enlève-moi cette saleté de virus d'abord.
Un petit rire étouffé sort du casque. Il tapote sur son écran de poignet.
-C'est fait.
Je fais un rapide diagnostic : ma puce est redevenue saine et tous les systèmes fonctionnent parfaitement.
-Allez, prends-la et dégage, fais-je en sautillant en arrière.
Je fais mon mariole, mais je le surveille de loin et pousse un soupir de soulagement quand sa moto pétarade et qu'il quitte la ruelle. Mission accomplie ! Mon estomac gargouille. Je vais faire un petit gueuleton, avant de partir chercher le loup prisonnier de l'univers virtuel.
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