Mon nid est installé sur le toit de la boite de nuit, l’Électron libre, un endroit où les humains passent la nuit à écouter des musiques fortes. J'ai un point de vue splendide sur les rues de la ville. J'adore m'infiltrer à l'intérieur et regarder les humains s'agiter sur la piste de danse. Dans la ruelle, chaque soir, je trouve un buffet délicieux pour mes papilles.
Ce soir, pendant mon diner dans la poubelle de la boite de nuit, un livreur de pizza à moto qui passait par là a piraté ma puce de donnée. Comme ça ! Sans provocation ! A mon avis, ce n'était pas un livreur de pizza. Il m'a gentiment expliqué qu'il me débarrasserait du virus installé dans ma puce en échange d'une autre puce pleine de secrets, caché dans un endroit ultra-sécurisé, appartenant à Grozzo, un choucas cybernétisé qu'il ne valait mieux pas énerver. Je l'avais déjà croisé - de loin - et j'aurais préféré ne pas me mêler de sa vie. Mais comme je tiens à la mienne et que ce faux livreur de pizza ne m'a pas laissé le choix, je m'envole droit vers les tours d'habitation. J'aurais mieux fait de rester dans mon nid, ce soir. Et sérieusement, mon gars, c'est quoi ça ? On prend le premier oiseau venu et on l'embarque dans ses faux plans !
En approchant de l'usine de cybernétique, j'aperçois un groupe de pies dans leur nid, en haut de l'un des murs d'enceinte - pas le meilleur choix à mon avis, mais bon, chacun voit midi à sa porte. Je préfère les laisser tranquille et continue ma route, jusqu'à l'entrée de l'usine. Je vais faire un arrêt ici, voir si je peux trouver quelque chose d'intéressant.
Juste au moment où j'atterris, un chat aux pattes bioniques apparait près de la porte. Il ne m'a pas vu, mais ses yeux brillent dans l'obscurité. J'essaie de l'éviter, car je n'ai pas envie de finir dans son estomac. Son poils hirsutes et les rouages de ses pattes ne me disent rien qui vaillent. Ni vu ni connu, je me glisse entre les barreaux d'un soupirail qui mène à un conduit d'aération. Le chat qui m'attrapera n'est pas encore né !
Malheureusement, le conduit se rétrécit de plus en plus et des câbles gênent ma progression. Sérieusement, je ne sais pas qui est l'ingénieur qui a agencé cette usine, mais il aurait mieux fait de mettre ses lunettes ! J'essaie de sautiller par-dessus certains câbles et j'avance péniblement, jusqu'à ce qu'en essayant de me glisser sous un gros conduit, je m'emmêle les pattes et les ailes avec des fils électriques. Me voilà coincé ! Pourquoi je me suis arrêté dans cette usine de l'enfer, déjà ?
Au bout de je ne sais combien d'heures de contorsions douloureuses, je réussis à m'extraire de l'amas de fils, non sans y laisser quelques-unes de mes magnifiques plumes. Quand j'aurais récupéré cette puce, je vais faire passer un sale quart d'heure à ce faux livreur de pizza ! Je quitte le conduit d'aération en passant par une grille laissée grande ouverte et je tombe lourdement sur un bureau encombré. J'entends un cri de surprise et j'ai juste le temps de me tourner qu'une main essaie de m'attraper. Un homme vêtu d'une blouse blanche et d'une grosses paires de lunettes me fixe avec des yeux avides. C'est un ... ophtalmologiste ! Sans m'appesantir sur l'incongruité de sa présence dans une usine de cybernétique, je fais un bond en arrière pour éviter ses mains avides. Il se prend les pieds dans la chaise qui tombe sur le sol. Je fonds sur lui toutes griffes dehors. Mon coup est si puissant que je brise ses lunettes et lui lacère le visage. Avec un cri, il bascule en arrière et s'effondre, inerte. .
Je ne reste pas pour vérifier son état. Je file de cet endroit maudit pour essayer d'atteindre ma destination. Je survole la gigantesque usine et aperçoit au loin la tour des télécommunications qui brille de mille feux et qui culmine à cinq-cents mètres. Soudain, je suis entouré par de nombreux oiseaux blancs et gris : un troupeau d'hirondelles. Après avoir voyagé un moment ensemble - et que je leur aie raconté mes misères -, elles me proposent de m'aider à rejoindre ma destination. Ravi de la compagnie de mes congénères babillards, agréables - bien qu'un peu naïfs -, je continue ma route avec eux.
Me voilà en vue des mornes tours d'habitation. Je dis au revoir à mes amies et j'observe les environs. Les humains habitent ici. Je les vois déambuler dans les rues sous moi et je préfère éviter de me rapprocher d'eux. Au moment où je m'approche du toit pour trouver un endroit où me poser, une mouette jaillit de je ne sais où et se rue sur moi. Bon sang ! Je déteste les mouettes ! Elles sont incapables de se contrôler et fonce dans le tas au lieu de discuter. Je n'ai vraiment pas de temps à perdre avec elle. Mieux vaut régler ça très vite. Je me précipite sur elle. Mes griffes arrachent quelques plumes et elle lâche un cri perçant, en prenant un peu de hauteur, puis elle fond sur moi et m'assène un coup de bec sur le cou. Je couine et essaie de me débarrasser d'elle, sans succès. Mes coups de griffes ont du mal à l'atteindre. Aussi, dans un sursaut désespéré, je plonge sous elle pour éviter son attaque et utilise ma vitesse exceptionnelle pour me mettre hors de portée. La prochaine fois, j'éviterai cette engeance.
Je me pose sous un auvent, à l'abri des regards, et me pelotonne contre le mur. Après toutes ces aventures, j'ai besoin de repos. J'active le programme de soin de ma puce. Malheureusement, cette saleté de virus a dû l'endommager, car cela ne fonctionne pas. Quand je retrouverai ce livreur de pizzas ... ! Évidemment, penser à lui réveille ma faim. Combien de temps s'est passé depuis mon dernier repas ? Je n'ai même pas pu le terminer. Je furète autour de moi pour essayer de trouver de la nourriture à me mettre sous le bec. Malheureusement, sur ce toit, à part des déjections de mes congénères et des vapeurs nauséabondes, je ne trouve rien. Je me résous donc à continuer avec un ventre vide et aux portes de la mort.
A force de fouiller le toit, je découvre un étrange message fabriqué avec des bâtons de bois. J'essaie de le décrypter, en espérant que ce n'est pas le terrain de jeu d'un oisillon. Mais, j'ai beau y passer un long moment, je n'y comprends rien. Je pense que c'est vraiment un jouet. Au bout d'une heure, mon estomac se rappelle encore à mon bon souvenir. Finalement, ma détermination paie ; je réussis à trouver un sandwich caché dans un tuyau. Étrange ! Mais délicieux.
Je décide de m'aventurer dans l'immeuble pour retrouver mon choucas cybernétique et la puce volée. Je me faufile dans les conduits d'aération - encore -. Ils sont en bien meilleur état que ceux de l'usine heureusement. Au bout d'une heure, je découvre un endroit qui me parait propice : dans un recoin entre deux gros conduits, un blaireau est installé à un ordinateur. Un pirate informatique ! Exactement ce qu'il me faut. Je m'approche doucement de lui. Surpris, il me regarde avec méfiance. Alors, je prends un air pacifique.
-Bonsoir. Je suis content de rencontrer quelqu'un. J'erre dans ce bâtiment depuis des heures. J'ai rencontré une mouette agressive en arrivant et j'en ai réchappé avec des plumes en moins.
Le blaireau répond par un rire tonitruant.
-Ouais. Gered se croit la patronne du coin. Elle ne supporte pas qu'on approche de son territoire. Mais qu'est-ce que tu fais par là ? Je t'ai jamais vu et je connais tous les corvidés du coin.
-J'ai besoin de trouver une puce, volée par Grozzo.
Il fronce ses sourcils épais et blancs ; ses moustaches frémissent.
-Bon, je te trouve sympa. Et j'ai envie d'embêter cette raclure de choucas. La puce est dans le coffre de l'appartement 4Q. Grozzo est absent pour l'instant. Prends cette clé ; elle t'ouvrira le coffre.
-Merci pour tout. Si un jour tu viens à la boite de nuit, passe chez moi, sur le toit.
-Merci à toi !
Je déguerpis vite avant qu'il ne change d'avis et je me rends dans l'appartement indiqué, grâce aux conduits.
Au moment où je m'apprête à me glisser entre les barreaux de la grille, j'entends des petits pas griffer le sol. Je me prépare à fuir ou à me battre, mais lorsqu'un rat surgit et s'arrête en me jaugeant d'un regard suspicieux, je réalise qu'il a sans doute plus peur que moi.
-Bonjour, fais-je.
-Salut. Tu va chez Grozzo ?
-Euh... Oui. C'est un problème ?
-Nan. T'inquiète. L'est pas mon ami. L'est l'ami de personne. Tiens, d'ailleurs, l'autre fois j'ai vu chez lui l'un des gardes du corps du président. Jme demande bien ce qu'il fichait là.
Je cligne des yeux, pas très sûr de ce que je dois faire avec cette information. Le rat me fait un clin d'oeil et continue son chemin. Je me hâte de me glisser dans la pièce ; je me rue sur le coffre et utilise la clé donnée par le blaireau. La puce est bien rangée là. Sans plus aucune discrétion, terrifié à l'idée que le choucas pouvait débarquer à n'importe quel moment, j'ouvre la fenêtre et saute à l'extérieur, tout en jetant un coup d’œil autour de moi pour être certain que la mouette n'allait pas débarquer. Elle n'est pas en vue. Je m'éloigne à tire d'ailes. J'apprécie l'air qui joue avec mes plumes. Plus qu'à rejoindre le livreur de pizza et à lui donner sa puce ... ainsi que mes amitiés !
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