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Nathalie avait l’esprit cotonneux. Elle était totalement désorientée, ne sachant pas ce qui lui était arrivé. La jeune femme ouvrit les yeux, ne comprenant pas ce qui lui arrivait, pourquoi elle avait une perfusion dans le bras. Elle était recouverte de bandages. Aussi, au vu de la douleur diffuse qu’elle éprouvait à travers le brouillard cotonneux, elle se demandait si elle n’avait pas eu des fractures. Mais elle n’arrivait pas à déterminer ce qui avait pu lui arriver pour atterrir sur ce lit d’hôpital.

La porte s’ouvrit avec discrétion, laissant entrer une infirmière. Celle-ci ne remarqua pas tout de suite le réveil de la patiente, le nez baissé sur le dossier qu’elle feuilletait. Relevant enfin la tête, elle eut un mouvement de recul.

- Je vais chercher le médecin qui vous suit, dit-elle avant de se précipiter vers la porte.

Détournant la tête de la porte, Nathalie attendit donc en regardant le plafond. Essayant de se souvenir de ce qui pouvait expliquer sa présence en ces lieux. Très vite, l’infirmière revint accompagnée d’un médecin, un homme d’un certain âge. Ce dernier avait une expression neutre sur le visage, presque distante. D’une voix purement clinique, il lui dit :

- Vous avez eu un accident de voiture avec une jeune femme du nom de Faith il y a une semaine. Vous avez été admises rapidement à l'hôpital où nous avons soigné vos multiples fractures et blessures diverses. Vous n’aurez aucune séquelle. On ne l’explique toujours pas, mais vous avez été dans le coma pendant une semaine avant de vous réveiller aujourd’hui. Le conducteur de la camionnette qui a percuté votre véhicule n’a eu aucune blessure, il a donc été mis en examen. Sa responsabilité ayant été clairement établie lors de l’incident. Je suis désolée, mais votre amie n’a pas survécu à ses blessures. Elle est morte. Je vous souhaite mes plus sincères condoléances pour votre perte, Nathalie.

Nathalie encaissa difficilement la nouvelle de la mort de Faith. D’autant plus que, son dernier souvenir avant son réveil, était d’être montée en voiture avec Faith. Elle n’avait aucun souvenir de l’accident lui ayant arraché son amie. Elle avait donc du mal à réaliser que celle-ci était morte.

Respectant son silence, le médecin ressortit de la chambre sans bruit. L’infirmière se chargea de prendre les mesures qu’elle était venue récolter à la base, puis, elle ressortit avec autant de discrétion que son supérieur.

Nathalie était amorphe, le regard vaguement tourné vers la fenêtre. Ne prêtant aucune attention aux différentes infirmières qui passèrent afin de s'occuper d’elle. Refusant de manger. Elle était plongée dans ses propres pensées, essayant de se souvenir de ce qui avait bien pu se passer.

Au vu de son attitude, l’équipe médicale se résigna à la nourrir par perfusion, voyant qu’elle ne s’alimentait plus par elle-même. On toqua à sa porte mais, n’obtenant aucune réponse, une femme rentra dans la chambre. Celle-ci regarda la patiente pensivement, puis la direction prise par son regard, se demandant ce qui pouvait avoir attiré éventuellement son attention. Il n’y avait qu’un ciel gris, pluvieux, rien d’intéressant donc.

La nouvelle venue entra dans la chambre et vint s'asseoir sur une chaise à côté de Nathalie. Prenant une profonde inspiration, elle brisa le silence pesant qui régnait dans la chambre :

- Bonjour Nathalie, dit-elle d’une voix douce. Je m’appelle Lucie et je suis psychologue. On m’a demandé de venir te rendre une petite visite afin de voir comment tu allais, si tu avais besoin de quoi que ce soit.

La jeune femme n’obtint aucune réponse. La patiente qu’elle venait voir n’avait même pas sourcillé. Elle ignorait donc si elle avait ne serait-ce qu’entendu ce qu’elle venait de dire. Mais, au vu de ce qu’elle avait vécu, il était normal qu’elle soit prostrée pour le moment. Ainsi, Lucie ne se laissa pas découragée par le manque de réaction de sa nouvelle patiente.

- Pour le moment, continua-t-elle donc, je viendrais te voir dans ta chambre une fois par jour. Puis, quand tu seras autorisée à te déplacer, on se verra à mon bureau une heure par jour. Selon l’évolution de ton état, on pourra espacer nos rendez-vous ou, au contraire, les maintenir en l’état. Après, s’il s’avère que tu n’es pas à l’aise avec moi, tu auras la possibilité de demander à voir un autre thérapeute. Pour ça, il te suffira juste de nous le dire. On fera comme tu voudras, le principal étant que tu sois à l’aise afin d’assurer ta guérison.

Lucie se tut un moment, attendant de voir si Nathalie aurait une réaction à son discours. Ce ne fut pas le cas. La jeune femme n’avait pas sourcillé, continuant de regarder vers l’extérieur sans vraiment le voir. A ce constat, Lucie soupira silencieusement. Elle n’aimait pas le début des thérapies, surtout quand ses patients étaient aussi peu loquaces. Elle détestait se sentir aussi impuissante pour venir en aide à des gens en souffrance.

Pendant toute la séance, Lucie babilla d’une voix rassurante, paisible, en espérant voir une petite réaction. Mais sans résultat. Ce fut de même pour les séances suivantes. Elle finit par réellement s’inquiéter de ne pas réussir à attirer l’attention de Nathalie. Peu importe le temps passé, elle ne constatait pas l’ombre d’une amélioration. Le problème, c’est qu’elle ne pouvait pas non plus brusquer sa patiente.

Lucie commençait à se demander s’il ne valait pas mieux confier ce cas à un psychologue plus expérimenté qu’elle ne l’était elle-même. Car, elle avait l’impression de ne pas réussir à aider la jeune femme qu’on lui avait confié. Nathalie semblait s’être totalement isolée dans son propre monde, se coupant totalement de la réalité. Se complaisant dans sa solitude.