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volume 1, Chapitre 2 « Méfiez-vous de Folletto » volume 1, Chapitre 2

Le village, sinistre, semblait abandonné. Les maisons étaient délabrées, les rares arbres présents semblaient morts, complètement nus. On entendait de temps en temps le croassement de corbeaux, rendant l’ensemble encore plus lugubre si cela était possible. Ce n’était pas le genre de décor qui pouvait inspirer de la joie. Et pourtant, on entendit soudain résonner dans les ruelles sinistres des sifflements joyeux, et une voix discordante, chantonner gaiement :

Petit promeneur, prend garde à la lune,

Qu’elle n’éclaire pas trop ton chemin.

Méfie-toi la nuit, car le monstre a faim.

Petit promeneur, prend garde à la brume,

Car elle dissimulera ton cruel destin.

Tu croiseras la goule, qui aura un festin.

Petit promeneur, prend garde au sommeil,

Qui te prendra l’air de rien,

Scellant ainsi la fin de tes lendemains.

De derrière une maison à moitié écroulée, apparut soudain un fantôme. Folletto. Soudain, il entendit un hurlement de peur en provenance du cœur du village. Un sourire extatique prit forme sur son visage spectral.

- Ah ! soupira-t-il d’un air d’extase. Quelle douce mélodie !

Le Gardien, qui était assis au pied d’un arbre à fumer sa pipe, lui demanda, incrédule :

- Mais qu’est-ce que tu as bien pu leur concocter pour ce camp pour qu’on entende ainsi des cris, que dis-je, des hurlements de peur et d’effroi à longueur de journée ?

- Ah, Gardien, mon ami écailleux, si tu savais ! Et ils ne sont pas au bout de leurs surprises, j’ai prévu d’aller crescendo dans mes petites… surprises. Déjà, en premier lieu, je leur ai promis un séjour dans un lieu idyllique…

D’un geste du bras, large, englobant la paysage autour d’eux, Folletto poursuivit avec un sourire carnassier :

- …. mais je n’ai pas précisé selon quel point de vue, le village que je leur ai réservé serait idyllique, sinon, ces ingrats auraient pris leur jambes à leur cou. Ne suis-je pas très attentionné à leur égard ?

A cette question ironique, le Gardien eut un rictus sarcastique, amusé malgré lui de la roublardise de l’esprit frappeur de l’Allée. Se disant qu’après tout, si les habitants avaient encore la naïveté d’accorder leur confiance à cet esprit qui avait déjà fait preuve de son sadisme, c’était leur problème. Et puis, étaient-ils vraiment tous aussi naïfs, ou n’étaient-ils pas un brin masochistes ? Mmm, question intéressante, à étudier très sérieusement.

Un autre hurlement d’effroi retentit, suivi par un grondement de loup-garou affamé en chasse. En l’entendant, Folletto sautilla de joie sur place, riant d’un air maniaque en cachant sa bouche avec ses mains. Le Gardien, lui, regarda le ciel avec scepticisme. Comment ce fantôme s’était-il débrouillé pour obtenir un loup-garou sous sa forme… la moins amicale, dirons-nous, alors même qu’il faisait jour et qu’il était loin d'être un jour de pleine lune ? Mystère !

- Aussi, je ne sais pas qui a eu la brillante idée d'inviter Hadès à notre horrifique camp d’écriture, mais la cohorte de monstres divers et d’âmes en peine qu’il a amenés animent d’une manière merveilleuse les rues de ce splendide village bucolique.

A cette dernière réplique, le Gardien haussa un sourcil écailleux, se demandant au moins si le spectre connaissait la définition du terme bucolique. Car, le sinistre village sans lequel ils se trouvaient était à l'opposé de bucolique. Horrifique, maudit, sinistre, cauchemardesque, étaient des termes qui auraient mieux convenu pour décrire les lieux.

Mais, après tout, ce fantôme était légèrement dérangé, il n’était donc pas étonnant qu’il utilise des termes inappropriés. Mais peu importe, c’est ainsi que le Gardien appréciait cet esprit et, sans lui pour pimenter un peu sa vie, il devait avouer qu’il s’ennuierait beaucoup. Souriant avec amusement, le Gardien demanda à son ami imprévisible :

- Tu n’as pas peur que Serenya vienne te gronder ? Après tout, il me semble qu’elle n’a toujours pas digéré l’histoire des gâteaux à la belladone. Sans mauvais jeu de mots.

Folletto, qui chantonnait tout bas en souriant comme un psychopathe, se tourna brusquement vers son ami écailleux et s’écria, faussement outré :

- Comment ? C’est plutôt moi qui devrais ne pas avoir digéré cette affaire ! Mes gâteaux, mes si beaux, si bons gâteaux, à peine sortis du four, et qui ont atterri à la poubelle ! Quelle cruauté à mon égard !

En disant cette dernière phrase, Folletto calla son visage dans le creux de son coude et pleurnicha d’un air théâtral. Faisant ainsi rire le Gardien face à ces pitreries.

- En parlant de Serenya, reprit l’écailleux, je la vois justement d’ici si tu as envie de lui faire une réclamation.

Se tournant vers là où se dirigeait le regard du Gardien, Folletto constata qu’effectivement il y avait bien la jeune femme. Cependant, celle-ci ne les avait pas encore repérés. Fébrilement, le fantôme lâcha :

- Bon bin moi, j’ai encore pleins de préparatifs sur le feu pour les prochaines semaines de camp. C’est que ça demande du travail, d’organiser un séjour de rêve pour cette bande d’ingrats !

Et, sur ces bonnes paroles, Folletto prit la fuite sans demander son reste. Sous les éclats de rire rauque du Gardien, amusé mais non dupe de la réel raison du départ précipité de l’esprit frappeur.


Texte publié par Miss Lune, 26 mai 2024 à 16h03
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