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volume 1, Chapitre 22 volume 1, Chapitre 22

Installé sur le gradin le plus élevé, non loin d’une colonne, Sanatar rivait son regard brillant sur le combat. L’odeur des humains pénétraient par toutes ses pores. Leur fureur et leur joie malsaine le faisait frissonner.

Quand il était entré dans la ville, le matin même, il s’était difficilement contenu face aux sensations qui avaient envahi ses perceptions exacerbés. Après des millénaires de sommeil dans le néant et la terre, il se laissait envahir par les bruits, les couleurs, les goûts et les odeurs de cet univers à la fois si proche et si différent de ce qu’il avait connu.

Pendant des jours, il avait parcouru la forêt, traquant ses semblables et avait découvert un monde où les humains s’étaient développés et pullulaient, alors que les garulfs, les dryades et les autres créatures féériques s’étaient affaiblis, voire avaient disparu.

Il avait enfoui sa haine et sa rage au fond de lui ; il avait visité les petits villages et les communautés forestières, comme l’un d’entre eux, dans l’ignorance totale des humains. Il y avait croisé quelques garulfs vivant parmi eux, qui ne revêtaient jamais leur forme animale, mais au plus profond de la sylve, bien loin de la civilisation, il avait découvert ceux qui vivaient comme des bêtes dans les ténèbres verdoyantes de la forêt.

Partagé entre le mépris pour ce qu’était devenu son peuple et sa peine de voir son espèce si fière réduite à une telle faiblesse, il s’était dévoilé à ceux qu’il avait jugé dignes. La plupart, impressionnés par sa puissance et attiré par ses paroles de liberté et de revanche, l’avaient rejoint. C’était des criminels et des hors-la-lois, vivant en marge de la société humaine. Par eux, il avait entendu parler des arènes de Blanchehaie, où certains de leurs congénères, jugés par les lois humaines, purgeaient une peine de prison. Malgré l’avertissement d’Esheramia, il n’avait pu résister au désir de parcourir cette ville, au vu et au su de tous.

Le combat faisait rage et l’odeur du sang, le vacarme des spectateurs qui rugissaient de joie, les grognements bestiaux des deux garulfs qui combattaient provoquaient des frissons d’excitation chez Sanatar. Les deux étaient de puissants guerriers, même s’il sentait la folie chez le garulf au pelage noir et blanc. Son adversaire, le balafré au pelage argenté, était gravement blessé. Le coup de grâce allait bientôt tomber.

Puis le garulf se releva. Il semblait différent ; son œil d’argent brillait d’un éclat sauvage ; il leva la gueule vers le ciel et poussa un puissant rugissement. Sur son crâne poussèrent deux cornes entrelacées, d’un léger éclat doré. Une crète blanche se forma sur son échine. Un murmure de stupéfaction traversa le public ; l’autre bête parut hésiter, se recroquevillant, comme s’il était pris de peur. Un grognement de rage jaillit de la gorge de Sanatar.

— C’est impossible, murmura-t-il.

La lignée royale avait été exterminée, des milliers d’années auparavant, il s’en était assuré. Comment l’un de ses descendants pouvait-il encore exister si longtemps après ?

L’autre garulf finit par attaquer à nouveau, mais son adversaire en finit très rapidement avec lui. Il s’effondra et finit par mourir.

Le vainqueur se laissa tomber près de lui et reprit sa forme humaine. Sa peau cuivrée, marbrée de cicatrices et de plaies sanguinolentes, ses cheveux argentés, qui lui tombaient sur la nuque, en faisaient un humain aux caractéristiques inhabituelles aux yeux de Sanatar. Il ne connaissait pas ce peuple.

Désireux d’en savoir plus, il descendit les marches qui le séparaient de la balustrade. Deux humaines aidaient le vainqueur à s’éloigner du cadavre de l’autre garulf. Son bras ensanglantés pendaient à ses côtés et son torse étaient parcouru de plaie. Il fut emmené dans les entrailles des arènes. Des gardes et d’autres combattants observaient la scène à une certaine distance. Sanatar repéra une dizaine de garulfs, les gladiateurs, s’il avait bien compris. Son sourire carnassier dévoila ses dents : ceux-ci feraient d’excellents combattants à sa cause, s’ils étaient de la même trempe que les deux autres.

Sanatar observa attentivement les combats suivants, mais son esprit était obsédé par le garulf aux cornes. Sa haine ancestrale envers la famille royale renaissait de ses cendres. Il devait retenir son envie de partir immédiatement à sa poursuite pour l’exterminer.

Calme-toi. Ce n’est pas le moment de te dévoiler. Esheramia voudra savoir ce que tu as découvert. Quand il en eut assez vu, il se faufila dans les couloirs et les arches des arènes et sortit dans la rue, sous le pâle soleil. Les gens le dépassaient sans savoir qu’ils côtoyaient un monstre sanguinaire. Il en éprouvait en même temps une joie cruelle et de la frustration. Il remonta l’avenue principale, examinant les lieux et les habitants de son regard acéré.

Les gardes patrouillaient en nombre; de nombreux marchands, des citoyens et des citoyennes parcouraient les rues et les ruelles. La ville respirait le calme et l’opulence. Il aperçut néanmoins, au fond de quelques ruelles, des hommes aux regards avides et des femmes pauvrement vêtue, aux yeux vides, ainsi que des enfants, mal habillés et sales, qui jouaient dans la poussière. Cela n’avait pas changé : il existait toujours des misérables et des riches qui vivaient sur leur dos. Derrière les dorures et les tissus luxueux, se cachaient les larmes et les haillons.

Sanatar sortit de la ville par la porte est et se dirigea vers la forêt. Dès qu’il fut à l’abri des hauts arbres, il se transforma en un gigantesque loup au pelage noir. De sa foulée légère et silencieuse, il s’enfonça entre les fûts et les buissons, en direction d’Ilysandri. Grâce à ses puissantes pattes, il atteindrait la ville morte d’ici le coucher du soleil.


Texte publié par Feydra, 15 mai 2024 à 17h19
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