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volume 1, Chapitre 14 volume 1, Chapitre 14

Gwenledyr soupira et s’essuya le front en s’affalant dans un fauteuil. L’infirmerie empestait la sueur et le sang. Elle jeta un coup d’œil à Turold, allongé dans le lit, les traits tirés et le teint maladif.

Elle avait été horrifiée en voyant qui était l’adversaire de son ami : comment Valrus avait-il pu faire cela ? Comment avait-il pu lâcher un garulf incontrôlable en dissociation dans l’arène ?

Le combat était terminé depuis deux heures, et Turold avait repris conscience plusieurs fois, dans un état de confusion tel qu’il ne reconnaissait personne. Elle appliquait régulièrement du baume de sa mère sur ses plaies, mais elles guérissaient bien plus lentement que d’habitude. Les tissus peinaient à se réparer. La fièvre qui s’était emparée du garulf n’aidait pas. Gwenledyr sentait que quelque chose n’allait pas chez lui ; quelque chose de plus profond que ses blessures physiques.

Turold poussa un petit gémissement et fronça le sourcil. Son œil mutilé était à nouveau caché sous un bandeau. Il se recroquevilla sur le flanc. Elle se leva, remonta le drap et repoussa ses cheveux humides de transpiration. Elle laissa sa main reposer sur son épaule, comme si elle pouvait lui transmettre son énergie. Pourtant, elle-même se sentait mal entre les murs de pierre des arènes.

Des éclats de voix retentissaient depuis la salle centrale. Des gardes avaient surgi, pour emmener le garulf au palais. Hermeline le leur avait interdit, arguant du fait qu’il était trop mal en point pour être déplacé. Gwenledyr avait reconnu des gardes du palais. Que se passait-il donc ? Pourquoi s’intéressaient-ils à Turold ?

Sa mentore la rejoignit quelques minutes plus tard. Elle examina le blessé avec attention, le visage grave et les sourcils froncés.

— Que se passe-t-il ? questionna Gwenledyr.

— Je n’en sais trop rien. La baronne a ordonné que Turold soit transféré dans la prison du palais.

— Quoi ? Mais il n’est pas en état.

Hermeline soupira. Elle passa une main douce sur le visage au teint ocre du garulf.

— Il se passe quelque chose d’étrange, que je n’arrive pas bien à comprendre. Je vais retourner au palais ; les gardes veulent que j’explique moi-même à la souveraine pour quelle raison je n’accède pas à leur requête.

— Il devrait déjà avoir commencé à guérir, souffla Gwenledyr, la gorge serrée.

Hermeline posa sur elle un regard compatissant.

— Je sais. Veille sur lui, jusqu’à ce que je revienne. Ne le laisse pas seule.

— Bien sûr, ma dame.

La jeune fille resta avec Turold encore deux heures, jusqu’à ce que sa mentore revienne pour prendre sa place. Hermeline lui parut soucieuse, mais elle n’osa pas lui poser des questions. Elle regardait le garulf pensivement, comme si elle avait découvert quelque chose sur lui.

— Rentre chez toi, murmura Hermeline. Je vais rester ici toute la nuit.

— Vous êtes sûre que …

— Ne t’en fais pas, fit-elle en souriant. Esmée va m’aider.

— Très bien.

Gwenledyr caressa les cheveux de son patient, puis quitta l’infirmerie. La journée l’avait épuisée. Elle prit une profonde inspiration pour laisser l’air frais de la nuit pénétrer ses poumons et se hâta de rentrer chez elle. Elle se sentait en sécurité à Blanchehaie, mais les impressions inquiétantes qu’elle avait eues toute la journée avaient mis ses nerfs à rude épreuve.

Lorsqu’elle passa le portail menant dans la cour de la forge, une silhouette sortit soudain des ombres et lui bloqua le passage. Elle poussa un petit cri et fit un bond en arrière.

— Pardon, fit une voix qu’elle connaissait bien. Je ne voulais pas vous faire peur.

L’homme découvrit son visage à la clarté de la lune et elle reconnut Aeneas. La jeune fille respira plus facilement.

— Aeneas ? Qu’est-ce que vous faites là ?

Une ombre passa sur le visage fatigué de l’homme.

— J’ai besoin de vous parler.

— Vous n’aviez pas besoin de venir ici. Au palais, nous aurions pu …

— Je vis plus au palais. La baronne m’a remercié.

— Oh ! Je suis désolée d’apprendre ça, répondit-t-elle, surprise. Que s’est-il passé ?

— Je …, hésita Aeneas. Cela n’a pas d’importence. Je voulais juste savoir comment se portait Turold.

— Turold ? Comment le connaissez-vous ?

Le jeune homme jeta un coup d’œil autour de lui comme s’il craignait d’être surveillé. Il se rapprocha.

— C’est mon frère, révéla-t-il.

— Votre … !

La stupéfaction enleva les mots de la bouche de la jeune fille. Une expression de souffrance crispa les traits d’Aeneas et il se passa la main sur les yeux. Il avait l’air épuisé et hanté, bien différent du sénéchal froid et hautain qu’elle côtoyait au palais. Prise d’une résolution soudaine, Gwnemedyr lui prit le bras.

— Venez !

Elle l’entraina jusqu’à la maison illuminée ; Aeneas se laissa faire. Ils contournèrent le bâtiment et passèrent par l’entrée arrière. Une bonne odeur de nourriture les accueillit. Thif passa la tête par la porte de la cuisine et parut surpris de voir le vallois.

— Je suis tombée sur Aeneas en arrivant. Je crois qu’il a besoin d’un bon repas.

— Je …, balbutia l’ancien sénéchal.

Le dywengar sourit et les invita d’un geste. Ils pénétrèrent dans la cuisine, dans laquelle une table mise pour cinq accueillait un gros poêlon fumant. Thafu, Skas et Ori étaient déjà installés et se servaient directement dans le plat. Thif ajouta une assiette. Gwenledyr déposa sa cape sur une chaise et prit celle d’Aeneas. Puis, elle le poussa doucement vers la chaise libre et s’installa à ses côtés.

Le vallois, visiblement stupéfait, les regarda tour à tour, puis enfouit son visage entre ses mains. Les dywengars se regardèrent, effarés. Gwenledyr posa une main sur l’épaule d’Aeneas.

— Turold est gravement blessé. Le combat a été rude. Dame Hermeline veille sur lui cette nuit, expliqua-t-elle.

— Elle avait dit qu’il ne se battrait pas, lâcha-t-il d’un ton rageur.

— Qui ?

— La baronne. J’ai …Je suis allée la voir pour lui demander de m’aider. Pendant un an, j’ai enquêté ; j’ai cherché un moyen de sortir mon frère de cet endroit… Je pensais qu’Eléanora m’aiderait, mais …

Sa voix se brisa et il se passa une main tremblante dans les cheveux. Gwenledyr commençait à comprendre. La voix d’Aeneas s’éleva à nouveau.

— Jusqu’à il y a un an, je ne savais pas que j’avais un frère ainé. Ma mère me l’avait caché. Évidemment, elle est reine du Val Ardent ; avoir un garulf comme fils était un déshonneur.

— Votre mère est … ?

Décidément, elle allait de surprise en surprise. Aeneas continua comme s’il n’avait pas entendu l’interruption, comme s’il ne pouvait plus s’arrêter.

— Je dois le sauver des arènes. Il y a été emprisonné sous de fausses charges. Ni lui, ni aucun garulf du Val Ardent n’a mérité de passer une vie en prison. C’était ma mission. Je pensais que la baronne m’aiderait. Au contraire, elle a décidé que prendre mon frère en otage comme moyen de pression sur ma mère était une meilleure idée !

Gwenledyr écarquilla les yeux et échangea un regard stupéfait avec ses amis. Aeneas ricana.

— Ne soyez pas surprise, cracha-t-il. Eléanora est une souveraine, elle maitrise parfaitement la politique et a à cœur le bien de son peuple. Et si elle doit passer par des manœuvres moralement ambivalentes, elle n’hésitera pas à le faire.

Il se tut et se prit le front entre ses deux mains. Gwenledyr le considéra un long moment, puis elle regarda les dywengars. Une décision était en train de prendre forme dans son esprit. Elle appréciait Turold ; elle pensait même être son amie. Sa situation était injuste.

— On peut l’aider, lança-t-elle, en regardant chacun des dywengars.

Ils ne parurent pas surpris. Aeneas, cependant, la regarda avec de grands yeux.

— Et Uwen ? se contenta de dire Skas.

Gwenledyr grimaça. Oui, Uwen. D’un côté, elle pensait que ce serait un soulagement pour tous les deux ; de l’autre, elle savait qu’elle se comportait lâchement en s’enfuyant sans lui parler avant.

— Ce sera mieux pour nous deux, croyez-moi. Mais, vous ? Je ne veux pas que vous en pâtissiez…

— Ori et Thif resteront à la boutique, déclara Thafu.

— On doit récupérer un chargement dans les Sept Pics, continua Skas. C’est ce qu’ils diront si on leur pose la question.

— Et ce sera vrai, renchérit Thif.

Aeneas, médusé, ne cessait de les regarder. Cependant, l’espoir commença à se lire sur son visage.

— Comment le fait-on sortir des arènes ?

— Par les souterrains, intervint Aeneas. J’ai étudié les plans. Dans les sous-sols des arènes, au niveau des geôles, il y a un accès à des tunnels désaffectés, qui mènent à un ancien entrepôt. C’est juste que…L’accès est fermé de l’intérieur.

Tous les regards se tournèrent vers Gwenledyr.

— Hermeline acceptera de t’aider ? fit Thafu.

— Je la convaincrais. On trouvera un moyen de faire descendre Turold dans les geôles. J’ai déjà une idée.

— Demain matin ? lâcha Skas.

— Demain matin, décida Gwenledyr.

— Mais ? Où ira-t-on ? fit Aeneas.

— A Sylvemestre, dans la forêt.


Texte publié par Feydra, 12 mai 2024 à 17h38
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