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volume 1, Chapitre 12 volume 1, Chapitre 12

Assis dans la tribune, le visage caché par une capuche, Aeneas jetait un regard dégouté sur la populace installée dans les gradins. Ils étaient pleins à craquer. Des banderoles et des fanions colorés décoraient les colonnes et les murs. Deux immenses braseros avaient été ajoutés dans l’arène. De la fumée verte, orange et parme en jaillissait et colorait l’air saturé.

Détournant les yeux de la foule, le sénéchal considéra un instant la tribune officielle : le seigneur Enguerrant conversait avec la baronne. Dans son aire de jeu favorite, il respirait l’arrogance et le contrôle. Un éclair de haine traversa l’esprit d’Aeneas. Il serra les poings et se composa un visage neutre.

Son attention retourna vers l’aire de combat, dont le sable doré n’avait pas encore été souillé par le sang. L’attente mettait ses nerfs à rude épreuve. L’appréhension pesait sur son estomac : la baronne lui avait dit que Turold ne combattrait pas. Mais pouvait-il lui faire confiance ?

Depuis quatre jours, il louait une chambre dans une pension de famille éloignée du palais. Il n’avait pas pu quitter la ville ; il n’avait cessé de penser à un plan pour faire libérer son frère. Mais la garde avait été renforcée autour des arènes. Et il avait perdu tous ses contacts. Il n’avait même pas osé parler à Uwen.

En pensant à lui, il ne put s’empêcher de l’observer : assis aux côté de sa mère, les bras croisés, il respirait le malaise. Uwen observait tout avec de grands yeux écarquillés. Le sénéchal eut de la peine pour lui : l’afflux de sensations et de bruits devait être difficilement supportable. Aeneas aurait pu aller le voir, tout lui expliquer. Mais son entretien avec la baronne l’avait échaudé. Il ne pouvait plus prendre de risques. Tout ce qu’il espérait maintenant, c’était que Turold ne serait plus en danger, jusqu’à ce qu’il trouve une solution.

Une voix de stentor interrompit le cours de ses pensées. Aussitôt, le brouhaha des spectateurs se calma. Le maitre des arènes, sec et filiforme, dans ses belles robes dorées, s’avança sur son estrade et leva les bras.

— Mesdames et messieurs, aujourd’hui est un jour béni des fées. Aujourd’hui commence une tradition millénaire que tous les citoyens de Blanchehaie chérissent et protègent : les jeux des arènes !

Une salve d’applaudissements ponctua son cri enthousiaste.

— La baronne Eléanora nous a honorés de sa présence et nous avons organisé un combat exceptionnel en son honneur, avant la parade des gladiateurs, hurla-t-il.

Le public se leva et hurla sa joie. Des hommages furent lancés à la baronne, dans la plus grande cacophonie. Aeneas vit le visage d’Eéléaora se crisper fugacement, soulignant son agacement.

Pourtant, l’annonce du maitre de cérémonie troubla Aeneas : ce combat n’était pas prévu. Un mauvais pressentiment lui tordit les entrailles. N’y tenant plus, il quitta son siège et descendit des gradins pour se poster près de la balustrade.

— Mes chers concitoyens, nos deux meilleurs guerriers vont s’affronter dans un combat sans merci. Mais n’ayez pas peur : aucun d’eux ne mourra, pas aujourd’hui.

Un frisson remonta les nerfs du vallois, alors que l’homme faisait un geste vers l’un des gardes, postés à l’extrémité des arènes, près d’un gong. Il eut soudain un mauvais pressentiment. Valrus y donna un grand coup qui résonna entre les colonnes. Un silence de mort se fit.

Un bruit de chaine et de métal annonça l’ouverture d’une porte sur la gauche. Un homme sortit de l’ombre, clignant légèrement des yeux. Torse nu, vêtu seulement de son pantalon et de ses bottes, Turold s’avança jusqu’au centre de l’aire de combat. Il ne regarda pas vers la tribune ou les gradins. Son œil aux sourcils froncés était fixé sur la porte opposée qui s’ouvrit à son tour.

Le cœur d’Aeneas se changea en pierre. La rage l’envahit : elle lui avait menti. Un rugissement monta dans le silence. Il jeta un coup d’œil vers la tribune d’honneur. Enguerrant observait la scène d’un œil avide. La baronne, quant à elle, paraissait furieuse. Le hurlement retentit à nouveau et une créature immense et puissante s’avança à son tour.

Le garulf faisait peine à voir. Son pelage noir et blanc pelait par plaques par endroit ; sa gueule ouverte dégoulinait de bave et il respirait lourdement. Ses yeux rouges brillaient d’un éclat fou. Il balançait la tête comme s’il était confus. Puis il repéra son adversaire, qui, immobile, l’observait d’un air triste.

Le garulf poussa un rugissement et chargea. Turold l’évita d’un bond gracieux et prit du champ. La bête puissante maitrisait mal ses mouvements ; elle était pataude et maladroite. Pourtant, en un éclair, elle fit demi-tour et se rua sur l’autre garulf. Campé sur ses pieds, il attendit la charge, prêt à l’éviter à nouveau. Mais le garulf percuta Turold d’un puissant coup d’épaule et le projeta au loin. Il se jeta sur lui, faisant claquer ses dents à quelques millimètres de sa gorge.

Aeneas, les yeux rivés sur son frère, sentait son sang se glacer à chaque seconde. Turold maintenait tant bien que mal la gueule du monstre à distance. Puis, celui-ci recula de plusieurs pas, bousculé par une puissante force.

A la place de Turold se tenait une créature immense et musculeuse, aux poils argentés. Une balafre traversait le côté gauche de son visage de haut en bas. Il retroussa les babines et gronda furieusement. La foule hurla de joie et applaudit à tout rompre.

Les deux garulfs tournèrent l’un autour de l’autre. Puis le premier se rua sur son adversaire. Il tenta de le griffer, mais Turold esquiva son coup et lui entailla le flanc de ses propres griffes. L’autre grogna de douleur et fit un bond de côté. Turold tenta de prendre du champ mais la bête furieuse bondit et le heurta de tout son poids. Il bascula sur le dos, son bras en travers de la gorge de son adversaire qui essayait de le mordre.

Aeneas, blafard, s’agrippa si fort au rebord de la tribune que ses jointures blanchirent. Les muscles bandés, Turold repoussait lentement la gueule de son adversaire, dont les griffes lui labouraient le ventre.

Puis, le garulf au pelage abimé se décala et enfonça ses crocs dans le bras de son adversaire. Il serra de toutes ses forces. Au moment où les spectateurs hurlèrent de joie et d’horreur, Turold poussa un hurlement de souffrance qui glaça le sang de son frère. L’autre s’accrochait à son bras. Avec une force désespéré, Turold bouscula son ennemi grâce à une puissante poussée de ses pattes arrières. Celui-ci heurta un brasero qui se renversa et répandit son contenu sur le sable.

Turold se releva immédiatement. Son bras gauche, déchiqueté et sanglant, pendait lamentablement. Il fit un pas vacillant en arrière pour s’éloigner de son adversaire, qui dodelinait de la tête, sonné.

On voyait à sa respiration haletante et aux grognements qui jaillissaient de sa gorge l’immense souffrance dans laquelle Turold se trouvait. Il était tombé sur un genou, la tête baissée. L’autre garulf se remettait du choc qu’il venait de subir.

— Non, gémit Aeneas, en regardant, impuissant, la monstrueuse bête avancer vers son frère ainé.


Texte publié par Feydra, 12 mai 2024 à 16h05
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