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volume 1, Chapitre 5 volume 1, Chapitre 5

Ils étaient seuls tous les deux dans ses appartements. Il l’avait trouvé affalée dans un fauteuil, dans l’obscurité, le visage pâle, les traits tirés, le regard perdu dans le vague. Elle avait pleuré. Jamais il ne l’avait vue dans cet état.

— Ils l’ont vendu, lui avait-elle dit, d’une voix chancelante.

— Mère, que vous arrive-t-il ?

— Je n’ai même pas pu le revoir.

— Mère ! avait-il crié en la secouant.

Cela l’avait sorti de son état second. Son regard s’était fixé sur lui et elle avait reprit une certaine contenance.

— De quoi parlez-vous ?

Ses lèvres s’étaient serrées en une fine ligne. Elle s’était redressée dans son fauteuil, dos droit, épaules fermes, poings serrés.

— Tu vas me haïr après ce que je vais te dire. Mais écoute-moi jusqu’au bout.

Interdit, la gorge serrée, il avait attendu en silence.

— Tu n’es pas mon premier né, Aeneas. Tu as un frère, Turold. C’est un garulf.

Aeneas fit un pas en arrière, atterré. Il avait un frère garulf !

— Dès qu’il a manifesté sa condition, je l’ai envoyé en sureté, dans un lieu secret, où il a grandi à l’abri de tout. Mais l’un des serviteurs l’a dénoncé à Erim.

— Qu’est-ce que ce serpent a fait ? siffla-t-il.

Aeneas détestait le ministre. C’était un être vil, qui manigançait toujours quelque chose. Il était le garant des traditions et le fervent défenseur de la politique d’emprisonnement des garulfs. Ménéhilde détourna les yeux.

— Il me l’a pris.

— Il …, balbutia Aeneas, effaré. Et vous l’avez laissé faire.

Le regard glacial de sa mère se riva dans ses yeux.

— Je n’avais pas le choix. C’est la loi, Aeneas. Je ne peux m’y soustraire.

— Votre propre fils, souffla Aeneas, furieux. Mon frère ainé. Vous l’avez jeté dans les griffes du maitre des arènes.

— C’est un garulf, Aeneas.

Il la regarda, incrédule. Elle lui assénait cela comme un fait qui devait tout expliquer et tout excuser. La place d’un garulf est dans les arènes, où il peut laisser aller sa nature sanguinaire sans danger pour les humains. C’était la loi, c’était le credo du Val Ardent. Aeneas croisa les bras.

— Vous savez ce que j’en pense, fit-il.

Il détourna le regard, tremblant sous l’assaut des sentiments qui s’emparaient de lui. Il avait un frère !

— Je vais le voir, dans les arènes. Lui apporter un peu de réconfort.

— Tu ne peux pas.

— Pourquoi ? Qu’est-ce qui m’en empêche ? Vous avez peur qu’il me reconnaisse ?

— Il ne pourra pas, murmura sa mère, d’une voix blanche et fatiguée. Il ne sait pas que je suis sa mère.

— Alors pourquoi ne puis-je aller le voir ?

Ménéhilde se figea, puis se mit à trembler, perdant toute contenance. Aeneas la vit se briser juste sous ses yeux et se recroqueviller sur elle-même, en larmes. Son cœur se serra. Il tomba à genoux et la prit dans ses bras.

— Il n’est plus au Val Ardent, souffla-t-elle. Je viens d’apprendre qu’Erim l’a inclus dans les négociations avec le baron Amphéus. Il est depuis à Blanchehaie depuis déjà un mois.

Aeneas sentit la colère l’envahir à nouveau. Il se contint, serrant davantage sa mère dévastée dans ses bras. Elle s’accrocha désespérément à lui pendant quelques secondes. Il sentait à cet instant tout l’amour qu’elle éprouvait pour son frère et la déchirure de son anima. Puis elle se calma et se détacha de lui. Elle prit son visage entre ses mains et le regarda intensément.

— Tu vas aller comme prévu à Blanchehaie, au service du baron, dans le cadre de nos accords de paix. Tu retrouveras ton frère et tu feras tout pour le sortir de cet enfer.

Aeneas sentit la détermination de sa mère et la fit sienne. Il venait de découvrir qu’il avait un frère et il comptait bien faire sa connaissance.

— Tu as conscience que ce que tu vis, nous l’avons fait vivre à de trop nombreux parents de notre peuple ? fit-il d’une voix douce.

Sa mère se tendit et il crut qu’elle allait se fermer à lui et reprendre sa posture de souveraine. Mais elle n’en fit rien. Un sourire triste effleura ses lèvres.

— Depuis quinze ans, je vis dans cette souffrance, mais au moins j’avais l’opportunité de m’assurer qu’il allait bien et de lui apporter un peu de réconfort. Mon cœur a été arraché aujourd’hui quand j’ai appris qu’il était hors de portée et peut-être mort.

— Nous devons changer ces lois, mère. Elles déshonorent notre peuple depuis trop longtemps.

— Libère ton frère, Aeneas. Cela doit être ton unique priorité. Pour le reste, j’y travaillerai, je te le promets.

Aeneas sourit et déposa un baiser sur le front de la reine. Il lui en voudrait encore longtemps, mais il comprenait aussi que sa mère avait les mains liées.

— Je te promets de tout faire pour lui rendre la liberté.

Cette promesse, cela faisait un an qu’il cherchait à la tenir. Pourtant, il n’avait pas encore trouvé de solution légale pour obtenir la liberté de son frère. Il savait qu’il était en vie ; il l’avait même vu combattre. Il n’oublierait jamais le moment où il était apparu au centre de l’arène. Il l’avait immédiatement reconnu : il était le portrait craché de leur père. Puis son cœur avait saigné face à ses cicatrices. Mais il approchait du but : bientôt, il aurait les informations dont il avait besoin pour faire libérer son frère.


Texte publié par Feydra, 12 mai 2024 à 15h32
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