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tome 1, Chapitre 5 « In Oblivion Veritas » tome 1, Chapitre 5

Quand l’homme se réveilla, tout était noir ou presque autour de lui, seul un maigre filet de lumière exsudait des murs. Mais cela lui suffisait pour deviner où il se trouvait, dans une cellule, une oubliette dont il distinguait les barreaux. Encore endolori par sa chute, il explora à tâtons sa cellule ne sachant quoi y trouver. Plusieurs fois ses mains plongèrent dans un remugle de boue et de champignons spongieux, qui éclataient comme des fruits trop mûrs, lui arrachant à chaque fois des cris de dégoût. Renonçant à son exploration calamiteuse, l’homme s’adossa au mur et s’assoupit quelques instants, le temps que la douleur sourde dans ses articulations disparaissent. Quand enfin il put se mettre debout, il se dirigea vers la grille de sa cellule. Il l’eut à peine effleuré qu’elle tomba en un tourbillon de poussière aux éclats orangés sur le sol humide. Franchissant d’un pas décidé ce qu’il restait du portail, il s’arrêta net. Il regarda ses mains puis son haillon déchiré, l’Œuf avait disparu. Il avait soigneusement  fouillé son cachot un peu plus tôt, mais il lui fallait se rendre à l’évidence, l’Œuf était tombé alors qu’il essayait d’échapper aux griffes avides. Toutefois, il s’en formalisait pas, ni n’en ressentait la moindre gêne, il restait simplement serein. Préférant remettre à plus tard cette recherche, l’homme se lança à la découverte de ce qu’il devinait être les oubliettes du château. Se guidant à l’aide des filaments lumineux qui suintaient hors des murs, l’homme commença à s’enfoncer dans le dédale sans fin. Combien de temps erra-t-il ainsi, il n’en avait aucune idée. Il se nourrissait comme il le pouvait de mousses et de champignons qui prospéraient en ces lieux. Certes cela ne le sustentait que peu, mais au moins était-il désaltéré et survivait dans sa prison perdue.

Alors qu’il traversait l’une des trop nombreuses coursives du lieu, un éclat métallique inhabituel attira son regard. S’approchant du mur pourrissant couvert de lichen semi-liquéfié à l’odeur douceâtre, il devina un fissure artificiellement scellée avec de la boue. Dégageant délicatement ‘ouverture de sa gangue de terre séchée, il en extrait un petit carnet en cuir, rehaussé d’un tour de métal argenté en mauvais état. Il le nettoya avec précaution, décollant la boue et la moisissure qui accrochait çà et là, mettant à nu le cuir et le métal rongé. Une fois à peu près propre, il l’ouvrit pour essayer de le lire, mais le peu de lumière l’en empêchait. Rangeant le carnet dans une poche intacte de sa veste, il se mit en quête d’une hypothétique source de lumière plus à même de lui permettre la lecture. Comme si le souterrain pouvait lire dans les esprits, l’homme, qui n’avait traversé que jusqu’à maintenant des corridors et des salles sombres et humides, se retrouva bientôt nez à nez, au bout d’une galerie tortueuse, avec une salle à la luminosité aveuglante. S’avançant avec prudence jusqu’à la source, il découvrit une pièce de la taille de son ancienne geôle, entièrement recouverte d’une mousse phosphorescente. Pris d’une subite inspiration, il se retourna et longea le couloir jusqu’à un angle de manière à se couper de la source lumineuse. Reposant quelques instants ses yeux pour les habituer à l’obscurité, il les rouvrit et compris d’où provenait les suintements lumineux des murs. Il gratta légèrement le mortier entre les moellons et mis à nu des fragments de cette mousse phosphorescente. Elle poussait là, se nourrissant sans doute de quelque substrat présent dans la roche. Satisfait, il s’en revint vers la salle qu’il avait quittée quelques instants auparavant. Il examina alors d’un peu plus près le mystérieux ouvrage. Il était encadré par un métal argenté, désormais oxydé, et la couverture partait en lambeau. Il passait délicatement le doigt dessus, que la couverture se désagrégea aussitôt le privant de ce qui y était inscrit. Cependant une petite plaque métallique s’en échappa, mais elle s’effrita dès qu’il voulut s’en saisir. De dépit il ouvrit alors le carnet et se mit à rire incoercible, un rire bêlant qui n’en finissait pas. Le carnet était vide, vierge de tout caractère, de toute trace d’écriture. Il le remit tout de même dans sa poche, sachant pertinemment que toutes ses questions trouveraient leurs réponses à l’intérieur, même si il ne pouvait encore le lire. Sachant qu’il n’y avait rien dans cette pièce, il s’en fut mais alors qu’il en dépassait le seuil, un malaise l’étreignit un court instant. Jetant un coup d’œil en arrière, il ne vit qu’un mur de pierres lépreuses là où il se trouvait un instant plus tôt. Nullement troublé, l’homme reprit le fil de ses explorations, parcourant les méandres tortueux des catacombes.

Soudain, surgissant de nulle part une lueur familière se fit jour au travers d’une grille cachée par un effondrement rocheux. Se dirigeant précautionneusement vers les barreaux, il dégagea sans effort les roches qui l’obstruaient. Quelle ne fut sa surprise quand il jeta un coup d’œil par le soupirail ainsi dévoilé. Sous ses yeux se déployait la pièce où il s’était réveillé la première fois, il aperçut également Ardok, mais changé, comme rajeunit. Cependant ce n’était pas là le plus surprenant, car au milieu de la pièce trônait en bonne place l’Œuf. L’Œuf perdu réapparaissait devant ses yeux et servait de déjeuner à Ardok.

L’homme arracha alors la grille et saut en hurlant comme un forcené dans la salle, sous les yeux d’un Ardok médusé par le spectacle. Et avant qu’il ne réalise ce qui venait de se produire, l’homme lui arracha l’Œuf soigneusement décalotté et se mit à en boire le contenu goulûment. Une fois vide, l’homme attendit quelques instants, mais rien ne se produisait, sauf peut être les gargouillis d’une digestion un peu difficile. L’atmosphère était toujours aussi lourde et oppressante. Comme il restait quelques gouttes de liquide dans la coquille, l’homme la pencha au dessus de sa tête afin d’en récupérer le précieux nectar. Mais alors qu’il regardait, son visage se figea d’un coup, se mit à fouiller frénétiquement dans ses poches et en extrait le précieux manuscrit.

L’homme hésitait, il tenait là, dans ses mains, le mystérieux carnet, l’homme hésitait.

L’homme hésitait, il sentait, il devinait la nature, le secret de ce carnet, l’homme hésitait.

L’homme hésitait, les écrits de ce carnet, familiers, terriblement familiers, trop peut-être, l’homme hésitait.

L’homme hésitait, oserait-il ouvrir ce carnet, l’ouvrir il savait, mais le lire, le lire au travers su prisme, oserait-il seulement, l’homme hésitait.

L’homme hésitait, car ce carnet, ce carnet renferme un dangereux secret, l’homme le sait, il hésite.

L’homme hésite, il tient dans une main le carnet ouvert et dans l’autre le fragment, l’homme hésite.

L’homme hésite, ses mains se rapprochent, révélant ce secret, ce secret le plus profond, le plus intime, l’homme hésite.

L’homme hésite, veut-il se connaître ou demeurer à jamais un inconnu pour lui-même, l’homme hésite.

Fin


Texte publié par Diogene, 28 novembre 2014 à 20h34
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