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tome 1, Chapitre 3 tome 1, Chapitre 3

An 1690, Bristol. La maison du père Benjamin.

C'est sous les yeux ébahis du prêtre, de Catherine et de sa mère qu'Edward pénétra dans le salon le soir-même. Sa tête devait faire peur à voir. Ses vêtements étaient déchirés et couvert de sang. C'est essoufflé et tremblant qu'il avança lentement vers l'une des chaises autour de la table en bois où ils dînaient habituellement.

Sa mère se leva précipitamment pour tirer la lui tirer. Edward s'affala dessus, épuisé.

-Edward s'écria-t-elle. Que t'est-il arrivé ?

-Catherine, viens m'aider à récupérer des bandages et fait bouillir de l'eau, ordonna le père Benjamin.

Alors qu'il se faisait soigner, le garçon raconta l'altercation qu'il avait eu avec ces marins. Il vit le choc, puis la colère sur le visage de sa mère. Mais aussi de la culpabilité. Il aurait tellement aimer pouvoir effacer cette expression de son visage. Excepté de nombreuses égratignures et sa fatigue, il allait plutôt bien. Et elle n'était coupable de rien. Personne ne l'était à part ces deux hommes.

Il hésita à lui parler du retour de Philip, mais décida de garder cette information pour lui pour le moment. Elle était déjà suffisamment inquiète.

Maggie fit un dernier nœud sur un bandage autour d'une main d'Edward, puis le regarda dans les yeux.

-Promets-moi que si une chose pareille se produit à nouveau, tu t'enfuis et ne regardes pas en arrière. Peu importe que tu perdes tes affaires, peu importe ce que qui que ce soit dise ; cours !

-Maman, je vais bien, lui assura-t-il.

-Non, Edward. Tu étais en danger, et je n'étais pas là. J'aurais dû. C'est à moi de te protéger et j'ai failli.

-Mais tu n'y es pour rien ! s'exclama-t-il. Et tu ne peux pas me surveiller à chaque instant de la journée.

-Bien sûr que si, répliqua-t-elle. Tu n'es encore qu'un enfant, et je suis ta mère.

-Mais même si tu avais été là ce soir, tu n'aurais pas pu faire grand chose face à ces hommes !

-Oh que si ! rétorqua-t-elle. Ne crois pas que je sois aussi faible que ça. Et si vraiment, je le suis, je peux au moins être un bouclier. Cela t'aurais alors permis de t'enfuir indemne.

-Mais tu serais blessée !

-Ne t'inquiète pas pour moi Edward. C'est toi qui as pris des coups ce soir. Et cela n'aurait jamais dû arriver.

-Mais tu ne pourras pas me protéger pour toujours, maman, lui fit-il remarquer.

Maggie se tût. Il trouvait toujours quelque chose à redire. Elle soupira.

-Tu es beaucoup trop jeune, insista-t-elle. Fin de la discussion.

Il fut presque impossible pour Edward de quitter la maison le lendemain matin. Sa mère était partie travailler, mais Catherine était là, et faisait tout pour qu'il ne franchisse pas la porte principale. Elle passa la journée à lui faire apprendre plusieurs leçons. Habituellement il en serait heureux, mais cela dura plusieurs heures, et il était impensable pour lui de rester une journée entière à l'intérieur. Il savait aussi que sa mère avait fait promettre à Catherine de l'empêcher de quitter le foyer. Et c'est là le moyen qu'avait trouvé sa professeure.

Lorsque Catherine sortit pour rejoindre une de ses élèves, le père Benjamin se chargea de sa surveillance. Cette c'est à du catéchisme qu'il eu droit.

Apparemment, ils avaient décidé de le garder enfermer dans cette maison. Mais pour combien de temps ?

Même s'il savait qu'on cherchait à le protéger, le garçon avait plutôt l'impression d'être puni, voir même d'être un prisonnier condamné à une peine dont il ignorait la durée.

Cette journée passa terriblement lentement, et Edward craignait qu'elle ne soit que le début d'une longue série.

Et effectivement, il passa un semaine entière dans la maison sans en sortir. Toutes ses blessures avaient largement eu le temps de guérir. Il devenait fou à rester à l'intérieur ainsi. Sa mauvaise humeur le rendait irritable, et bientôt les trois autres occupants commençaient à montrer des signes d'agacement. Maggie l'autorisa alors finalement à sortir de la maison, à une condition, cependant ; il devait toujours être accompagné soit du père, soit de Catherine ou d'elle-même.

Edward avait râlé pour la forme, mais au fond, il était soulagé. De toute façon, avec ou sans autorisation, il aurait fini par sortir de cette fichue maison au bout d'un moment ; à force de chasser les souris, il avait appris à se déplacer aussi furtivement et rapidement qu'elles.

Quelques minutes à peine après que Maggie avait fait promettre à son fils de ne plus sortir seul, il avait demandé à accompagner Catherine au marché. Il était pressé de respirer à l'air libre. Et la jeune femme lui offrait involontairement, un échappatoire indispensable au maintient de sa santé mentale.

Les étals des marchands auxquels était habituée Catherine se situaient près du port ; une chance pour Edward qui adorait contempler les navires accostés, et observer les marins s'affairer à charger ou décharger les cales.

Il ne prêtait pas réellement attention aux achats qu'effectuait la nièce du prêtre, il se contentait simplement de profiter du monde extérieur. Mémorisant le plus de détails possibles. Qui sait s'il ne risquait pas à nouveaux de rapidement se retrouver enfermé. Il ne s'était pas rendu compte à quel point le simple fait de voir la lumière du soleil se refléter sur l'eau de l'Avon pouvait le rendre heureux.

Le marché était très animé même s'il était encore tôt dans la matinée. Une bonne partie des ménagères de la ville venaient ici faire leur course et s’approvisionner en poissons frais. Des hommes d'affaires discutaient vivement entres eux, près des docks, et des jeunes hommes à peine sortis de l'adolescence cherchaient à se faire engager sur ces bâtiments.

Edward et Catherine traversaient le marché en ne s'arrêtant que chez les marchands qui vendaient ce dont ils avaient strictement besoin. Ils n'avaient pas les moyens de s'offrir les belles parures, les étoffes de luxe, ou les produits exotiques présentés sur les étals, où se pressait une foule de jeunes femmes rêvant de voir leur fiancé un jour dépenser une grosse somme, pour leur prouver leur attachement.

Une silhouette, cependant, évoluant au centre de toutes ces jeunes personnes, attira l'attention d'Edward. Il ne s'agissait pas d'une jeune femme ; il s'agissait d'un homme qui les dépassait presque toutes d'une demi-tête, sans être spécialement grand, il semblait imposant parmi elles. En pleine conversation avec l'un de ces vendeurs de produits de luxe, il ne se rendit, une fois de plus, pas compte qu'il avait été reconnu.

Philip. Encore. Drapé dans de beaux et neufs habits. En pleine forme, et en santé. Et qui, visiblement, ne semblait manquer de rien.

Edward sentit la colère monter en lui. C'était injuste. Maggie s'était pratiquement tuée à la tâche pour le nourrir ; il avait ruiné sa vie. Il hantait les cauchemars du garçon ; se rappelant à lui durant les nuits les plus obscures. Jamais ils ne pourraient l'oublier, même s'ils le voulaient.

-Edward ? Tu m'entends ? Edward ?

Le garçon fut arraché à ses sombres pensées par Catherine qui tirait légèrement sur sa manche. Il sursauta, et se retourna vers elle, un peu sonné.

-Est-ce que tout va bien ? le questionna-t-elle.

-Euh oui. Oui oui, bredouilla-t-il.

-Tu en es sûr ? Tu es tout pâle, lui dit-elle en lui prenant le visage entre les mains.

-Ça va, ça va. On peut rentrer maintenant ? Demanda-t-il.

Catherine le regarda avec étonnement, ses yeux bleus grand ouverts.

-Maintenant, je suis certaine que quelque chose ne va pas, dit-elle. Mais ne t'inquiètes pas ; nous rentrons. J'ai acheté tout ce dont nous avons besoin. Tu m'aides à porter quelques petites choses ?

Edward s'efforça d'afficher un sourire en espérant faire oublier à la jeune femme son malaise, et accepta de l'aider.

Une fois de retour à la maison, il l'aida à tout ranger et à préparer le repas de midi. Elle continuait à le regarder avec ce même air préoccupé. Edward en était certain ; elle allait en parler à Maggie, et il n'allait probablement pas échapper à un interrogatoire ce soir.

-Tu es sûr de toi ? L'interrogea sa mère. Ce n'était peut-être que quelqu'un qui lui ressemblait.

-Non, je suis sûr. C'était lui.

Comme il s'en doutait, sa mère avait été mise au courant du comportement étrange d'Edward ; elle avait rapidement réussi à lui tirer les vers du nez. Il pensait avoir revu Philip. Deux fois. Mais d'après les informations qu'avait réussi à obtenir Maggie, son mari avait quitté Bristol.

-Tu as peut-être rêvé, supposa-t-elle avec une pointe d'espoir.

-Non, maman, répéta-t-il agacé. C'était lui. Il est revenu !

Ils étaient tous les deux assis dans deux grands fauteuils aux rembourrages abîmés, devant la cheminée du salon. Catherine et père Benjamin, s'étaient éclipsés dans la cuisine au moment où Maggie avait commencé à questionner son fils.

Comme il s'y attendait, il vit l'inquiétude naître sur le visage de sa mère. Au fond, lui aussi aurait voulu que ce ne soit qu'un rêve, ou qu'il l'ait confondu avec quelqu'un d'autre. Après-tout, quatre années étaient passées ; il ne devrait plus être aussi facilement reconnaissable.

Quelques jours plus tard, Edward reprit ses tournées. Mais comme aucun des trois autres résidents n'avaient le temps de l'accompagner à chacun de ses déplacements, il demanda la permission à sa mère de se partir seul. Intransigeante, elle le lui refusa ; elle n'avait toujours pas changé d'avis. Il se mit à penser à fuir la maison en cachette, mais c'était impossible ; il y avait quasiment toujours au moins une personne à l'intérieur, il se ferait remarquer.

Il se rendit à l'évidence ; quand tout le monde était occupé ; il devait rester à la maison.

Il lui arrivait donc aussi de se retrouver seul dans la demeure ; lorsque Catherine était chez l'une de ses élèves, le prêtre dans l’église, et Maggie nettoyait les locaux de l'un de ses clients. Même s'il avait de quoi s'occuper ; faire le ménage, la cuisine, reprendre certaines de ses leçons, il crevait d'envie de juste partir. Pourtant, il l'aimait cette maison, et il adorait le père Benjamin et Catherine ; il tenait à ce que sa mère n'ait plus à angoisser à l'idée de le quitter tous les jours.

Alors il restait. Des fois, il s'assit devant une fenêtre et rêvait de faire une chose très simple ; juste se balader dans la rue. Parcourir la ville, et se rendre sur l'une de ses collines ; observer les bateaux longer la très longue rivière Avon, et disparaître à l'horizon.

Sauf que dans cette maison, ses yeux ne voyait pas plus loin que les bâtiments de l'autre côté de la place.

C'était en plein milieu de l'été, et Edward était seul installé à son poste d'observation habituel, sur l'une des chaise du salon posée devant une fenêtre. Quelques personnes traversaient la place en milieu d'après-midi. Il faisait vraiment très chaud. Mais même malgré cette chaleur, il ressentait le besoin d'aller plus loin que ce que ses yeux voyaient. Alors il laissa son esprit s'évader. Il s'imagina voguer le long du canal qu'empruntaient les navires après avoir voyager durant des mois dans l'océan. Sauf que lui faisait le trajet en sens inverse. Il tenta de se représenter l'océan. Mais il n'avait pour modèles que quelques images qu'il avait eu la chance d'apercevoir. L'océan, c'est grand, et vaste, puissant et dangereux. Des navires y disparaissent pour toujours. C'est de l'eau à perte de vue, et rien d'autre : le grand bleu.

Edward soupira, et alors que son esprit reprit place dans le monde réel, ses yeux eux s'agrandirent de stupeur.

Maggie traversait la place à grande enjambées. Elle rentrait beaucoup plus tôt que d'habitude. Elle était affolée, en regardait souvent en arrière. Elle était presque arrivée devant la porte d'entrée, qu'Edward vit parmi la foule plus nombreuse en cette fin d'après-midi, un individu apparaître au coin d'une des rues qui débouchait sur la place. Philip.

Le garçon entendit la porte d'entrée s'ouvrir et se refermer aussitôt. Mais ses yeux restaient plantés devant cette fenêtre. Il vit Philip traverser la place, cherchant quelque chose du regard. Il s'arrêta brusquement en plein milieu de l'espace. Puis il fit demi-tour. Derrière lui, Edward entendit Maggie soupirer de soulagement.

Catherine rentrait quelques minutes plus tard elle aussi. Les deux femmes se mirent à préparer le dîner en discutant, comme à leur habitude. Edward, lui mit la table. Puis il se repositionna sur sa chaise, et fixait la rue en direction de l'église, attendant que le père Benjamin n'en sorte.

Il vit plusieurs fidèles quitter le lieu saint. Et après que le dernier paroissien disparut de son champs de vision, le prêtre, lui n'était toujours pas visible. La pénombre commençait à s'installer. Le dîner refroidissait. Quelque chose n'allait pas.

Il ne dit rien, et encore moins une autorisation. Il se leva de sa chaise, et se dirigea vers la porte d'entrée. Maggie n'eut pas le temps de le rattraper. Il l'entendit juste s'écrier :

-Edward !

Il était déjà dehors. Mais ce n'était pas grave : l'église n'était qu'à quelques pas. Il ne pouvait rien lui arriver.

Alors qu'il se saisit d'une des poignets des lourdes doubles portes, celles-ci s'ouvrirent brusquement devant lui.

Il eut un mouvement de recul, quand il vit l'homme qui venait de les ouvrir. Philip était juste là. Devant lui.

Edward eut à peine le temps de réagir qu'un violent coup s'abattit sur son crâne.


Texte publié par Daisy Lin T, 26 mai 2024 à 15h57
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