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tome 1, Chapitre 2 tome 1, Chapitre 2

An 1690. Bristol, Angleterre.

Maggie et Edward avaient de la chance. Énormément de chance. Cela faisait quatre ans maintenant qu'ils vivaient au presbytère avec le père Benjamin et sa nièce Catherine. Celle-ci était légèrement plus jeune que Maggie, mais plus grande et avait de longs cheveux châtains qu'elle tressait. Elle vivait ici depuis l'incendie qui avait décimé le reste de sa famille. Le père Benjamin, étant le seul membre de la famille qu'il lui restait. D'ailleurs, ce dernier commençait à se faire vieux ; ses courts cheveux bruns s'ornaient de mèches blanches et sa démarche était de plus en plus lente ; il s’essoufflait plus vite.

Au départ, Maggie avait tenté de cherché plus de travail. Elle se sentait extrêmement redevable envers le prêtre, et voulait gagner plus d'argent afin de trouver rapidement un nouveau logement. Toutefois, le père Benjamin lui avait assuré que cela lui faisait plaisir de l'aider. Et qu'il appréciait la compagnie que lui offrait sa présence à elle et à Edward. Quand à Catherine, elle s'en était faite une nouvelle amie.

Le garçon lui, semblait apprécier vivre près de l’église. Son terrain de jeu s'était agrandit. D'ailleurs, il avait fait de son passe-temps une activité lucrative ; il offrait ses service de chasseurs de nuisibles en échange de rémunération. Et il y avait de quoi faire dans une grande ville comme Bristol. Parallèlement, Catherine, qui était professeure de musique pour jeune filles de bonnes familles, avait décidé d'apprendre au jeune garçon à lire durant son temps libre. Il avait été si heureux quand il avait commencé ses premières leçons. Tout semblait aller pour le mieux.

Le dimanche, le garçon en profitait pour passer du temps en compagnie d'Elisabeth avec qui il était toujours ami. Cela faisait des années que la jeune fille avait abandonnée son arc. Quand ils y repensaient, Ed et Eli en riaient. Mais cette dernière ne pouvait passer autant de temps qu'elle ne l'aurait voulu avec lui. Ses parents voyants toujours leur amitié d'un mauvais œil.

-Je me sens tellement plus libre quand je suis ici, avait-elle dit à son ami. C'est bizarre de dire ça, mais si j'aime aller à l'église, c'est parce que je sais qu'on va se revoir.

Edward avait sourit.

-Tu veux toujours quitter cette ville ? avait-il demandé.

Elisabeth soupira.

-C'est sans doute mieux ailleurs, assura-t-elle.

-Je n'en suis pas si sûr, lui dit alors Edward.

La jeune fille lui lança un regard surpris.

-Qu'est ce qu'il t'arrive ? Je croyais que partir était un de tes rêves.

Edward était sur le point de lui répondre quand la mère de son amie l'appela depuis le parvis de l'église.

-Betty ! gronda-t-elle, quand elle remarqua que sa fille était encore en compagnie d'Edward.

-Oh ! Je déteste ce surnom, grogna l'adolescente en se relevant.

Quand le garçon avait du temps libre, il en profitait pour aller se balader près du port. Il cherchait un endroit d'où il pouvait observer la rivière Avon qui se rejetait dans l'océan, et restait là, sans remarquer que le temps s'écoulait, et oubliait le reste du monde. Il n'y avait plus que l'eau. Serpentant très loin, et séparant la région en deux jusqu'à disparaître derrière la courbure de la Terre.

Avait-il réellement envie de quitter cet endroit ? Quand il était plus petit, il le voulait. Maintenant, il n'en était plus aussi sûr. Leur vie, à lui et à sa mère s'était améliorée dernièrement. De toute façon, travailler et vivre sur un navire était difficile et dangereux. Était-ce vraiment ce genre de vie dont il rêvait ?

Du promontoire où il se trouvait, il observait les bateaux qui s'éloignaient, s'approchant lentement de l'horizon. Ils semblaient si petits, perdus dans cette immensité bleue foncée. Si fragiles, comme de simple brindilles se laissant emportées par la force des vents. Et pourtant, les humains avaient finit par dompter cette nature. Cela leur conférait une puissance et une liberté que l'on ne vivrait jamais nulle part ailleurs. À moins de trouver le moyen de voyager jusqu'à la Lune.

Edward souris alors que cette idée saugrenue s'était imposée à son esprit. Peut-être rêvait-il un peu trop. Peut-être que même s'il était conscient des dangers de l'océan, cette promesse de liberté l'attirait.

Un soir, alors qu'Edward revenait de la maison de l'un de ses clients, transportant un sac rempli de matériel qu'il utilisait pour construire ses pièges, un cris provenant de l'un des bars de la rue le fit sursauter.

Il connaissait ce cris, cette voix. Un son qui le hantait encore quelques fois durant la nuit. Avec de la chance, il se pouvait que ce n'était pas la personne à laquelle il pensait. Beaucoup d'hommes pouvaient avoir une voix assez similaire. Edward réajusta son sac sur son épaule et se remit en marche ; avançant d'un pas rapide, sans un regard en arrière.

Il faisait encore chaud à cette heure-ci, en plein été. Et assez lumineux pour distinguer ce qui se trouvait devant soit au bout d'une rue d'une bonne longueur. Deux hommes se tenant près de l'entrée d'une auberge au coin d'une intersection, riaient à gorge déployaient. Ils étaient visiblement soul, leurs rires grotesques et bruyants couvraient tous les sons des derniers passants qui longeaient cette rue.

L'un des deux hommes étaient totalement inconnu au garçon, l'autre, en revanche, il savait qui il était.

La crainte d'Edward venait de se confirmer. C'était bien lui. Il avait de la chance de ne pas l'avoir croisé ces dernières années.

Philip avait changé. Il semblait en forme ; ses vêtements étaient neufs et de meilleure qualité. Sans doute avait-il trouvé un travail. Si c'était le cas, ce devait en être un bon.

Edward poursuivit son chemin en prenant garde à ne surtout pas croiser son regard. Son père ne le reconnaîtrait sans doute pas, et il pourrait alors tranquillement rentrer chez lui. Mais alors que le compagnon de Philip glissa une remarque vulgaire concernant l'une des passantes, celui-ci éclata de rire. Un rire fort, qui ressemblait à l'aboiement d'un chien enragé. Edward ne put s'empêcher de sursauter. Il aurait voulu passer inaperçu, tout simplement poursuivre son chemin comme si de rien était. Mais plus il avançait et se rapprochait de cette auberge, plus ses pas devenaient lourds, et plus il sentait son cœur battre vite et fort. Sa peur devenait incontrôlable. Son cauchemar était réel et proche. Pourtant, alors qu'il n'était plus qu'à quelques mètres de lui, Philip ne le reconnu pas. Edward passait devant lui, lentement ; il n'était qu'une silhouette parmi d'autres, dans la foule qui s'affairait d'un bout à l'autre du chemin. Les gens se pressaient en ville, comme des fourmilles qui s'affairaient sans relâche dans leur petit univers qu'était leur fourmilière.

Et le garçon de dix ans qui passait, n'était qu'un étranger parmi d'autres aux yeux de son propre père.

Edward, tourna à l'angle de la rue, et continua sur une centaine de mètres, avant de pousser un énorme soupir de soulagement. Il n'avait plus rien à craindre ; cet homme ne se souvenait même plus de lui. En tout cas, il ne le reconnaissait pas. Ce n'était pas plus mal.

Les ombres s'étaient considérablement allongées alors qu'Edward atteint enfin la place de l'église. Le poids qu'il avait transporté si longtemps lui faisait mal à l'épaule, et ses doigts étaient tout engourdis à force de retenir le sac de tomber. Il ne lui restait plus que quelques pas à parcourir avant qu'il ne puisse se réfugier à l'intérieur de la maison.

Soudainement, un grognement de mécontentement retentit sur sa droite. Il se retourna et vit un jeune homme d'environ vingt ans, une bouteille d'alcool en main, avachit contre la porte en bois d'une maison qui bordait la place.

-Qui c'est qui m'a réveillé de ma sieste ? marmonna-t-il.

Edward raffermit sa prise sur la bandoulière de son gros sac et accéléra le pas. Cet individu n'était clairement pas sobre, et le garçon préférait éviter une confrontation mal venue avant d'être enfin rentré.

-Hé toi ! l’apostropha le jeune ivrogne. C'est toi qui m'a réveillé, hein ?

Edward ne s'arrêta pas, ne dit rien, et se contenta de marcher droit devant lui. Il y était presque !

-Hé ! j'te parle ! reprit le mauvais individu.

Edward se mit à courir. Il avait peur. À nouveau. Mais c'était entièrement différent cette fois. À cette peur se mêlait de l’excitation et un empressement. Il savait qu'il n'allait pas pouvoir s'en tirer aussi facilement, tout en espérant avoir la possibilité de franchir la porte du logement du prêtre avant qu'il n'ait à faire face à cette personne qui lui en voulait apparemment beaucoup.

Et la dernière chose à laquelle il s'attendait fut une complication supplémentaire.

-C'est quoi tout ce raffut ! s'écria un inconnu depuis une fenêtre de la maison contre laquelle était avachit le jeune homme. Des mois qu'on est en mer, et à peine sur terre, on ne peut même pas pioncer tranquille !

Il s'agissait d'un homme d'environ une quarantaine d'année, penché depuis le premier étage, vers l'extérieur.

Le plus jeune, se leva, puis se tourna vers l'homme à la fenêtre.

-C'est ce morveux, cap'taine ! s'écria-t-il en désignant Edward d'un doigt.

Le garçon se demandait s'il ne ferait tout simplement pas mieux d'abandonner ses affaires afin d'échapper plus facilement à ces hommes si jamais ils décidaient de lui donner une correction.

-Hé gamin, tu peux pas faire moins bruit en trimbalant ton sac à merde !

Premièrement, Edward avait été très discret et silencieux en marchant ; et les affaires dans son sac ne faisaient pas de bruit. Deuxièmement, c'est ce jeune moussaillon – ce qu'il était sans doute – qui s'était réveillé, pile au moment où Edward était passé devant lui ; la faute à ''pas de chance''. Troisièmement, ce n'est pas un sac à merde !

En colère, Edward posa son sac à terre et, au lieu de prendre ses jambes à son coup, il se retourna. Il le regretta instantanément. L'homme le plus âgé ne se trouvait plus à la fenêtre, mais était juste en train de sortir de la maison.

Edward avala sa salive. Même s'il se mettait à courir maintenant, ses petites jambes ne parviendront jamais à distancer ces deux adultes. Ces derniers traversèrent la place de l'église à grandes enjambés, rejoignant le garçon, qui se raidit. Celui qui s'était fait appelé ''cap'taine'' un instant plus tôt, le saisi par le col de sa chemise rêche toute sale, et le fixa d'un air mauvais.

-J'ai horreur d'être réveillé quand je dors, gronda-t-il avant de lâcher brutalement l'enfant.

Ayant été bousculé de la sorte une fois posé à terre, Edward trébucha sur son sac et s'étala de tout son long sur les pavés, éparpillant, au passage, toutes ses affaires.

-Et moi, je déteste les gosses aussi mal élevés, ronchonna le plus jeune.

-Oui, approuva le capitaine, il a besoin d'une bonne leçon.

Edward réalisa avec horreur de la galère dans laquelle il s'était fourré. Ses deux personnes étaient vraiment dangereuses. Ses hommes n'étaient même pas réellement en colère ; ils profitaient simplement de l'amusement que leur procurerait la peur qu'ils se sentaient capable d'infliger.

Le capitaine, un homme aux longs cheveux blonds cendrés, attachés au bas de sa nuque, et aux vieux vêtements ; une chemise rouge qui avait perdu de l'éclat et était trouée par endroit, et un pantalon large grisâtre qui devait être blanc au départ, attrapa Edward en le tirant violemment par le bras.

L'enfant poussa un grognement de douleur. Le moussaillon le saisi ensuite, et le secoua.

-Tu vas arrêter de brailler pour rien ! râla celui-ci. Tu n'avais qu'à te comporter comme il faut.

-Alors, tu n'as rien à dire ? tonna le capitaine. Ta mère ne t'a donc jamais appris qu'il faut répondre quand on parle.

Le jeune marin, énervé, le secoua à nouveau.

-Alors ! Parle ! lui ordonna-t-il.

Edward aurait pu se libérer de la prise que celui-ci avait sur lui ; il le retenait à peine par l'épaule. Mais il avait si peur, qu'il s'emprisonnait lui-même. Il n'osait pas bouger. Le moindre de ses gestes pouvait devenir un prétexte supplémentaire pour ces hommes de l’agresser. Il n'osait pas plus prononcer la moindre parole, alors que c'est ce que ces deux-là attendaient. D'un autre côté, les faire attendre n'était pas la meilleure des solutions non plus : s'ils s'impatientaient trop, ils risquaient d'être plus violents.

-Oui, gémit-il finalement doucement.

-Oui, quoi ! tempêta l'officier.

-Oui, Monsieur ! se rattrapa rapidement Edward.

-Ah ben voilà ! C'était pas si compliqué !

Edward qui s'attendait à être libéré, fut soudainement projeté à terre.

-Non, j'en ai pas terminé avec lui ! se fâcha le plus jeune. J'attends toujours des excuses !

Edward se releva en grimaçant, il avait violemment heurté le sol dur couvert de pavés aux tailles irrégulières et aux arrêtes tranchantes. Ses genoux et les paumes de ses mains étaient couverts d'écorchures.

Jusqu'où ces hommes iraient-ils ? Quand allaient-ils s'ennuyer de lui et le laisser tranquille ? S'arrêteront-ils seulement ? Ou avaient-ils déjà prévu de faire bien plus que de simplement le rabaisser ?

Il avait peur. Mais il en montrait le moins possible, et tentait aussi bien qu'il en était capable de garder son calme. Cela ne pouvait pas durer éternellement. Ce n'était qu'un très mauvais moment à passer.

Comme d'habitude quand lui et sa mère vivaient encore avec son père.

Ce dernier le terrifiait bien plus. Il était pire. Ces deux hommes-là, n'étaient que de petites frappes à côté.

C'est en réalisant cela qu'Edward sentit une pointe d'espoir monter en lui. Il était petit et jeune, mais il était aussi un enfant qui avait passé beaucoup de temps dans les rues. Et quand on vit comme ça, comme un paria, il faut vite savoir se défendre sous peine d'avoir une vie très courte.

-Alors tu vas t'excuser ! protesta le marin.

Edward savait qu'il était plus prudent de faire ce qu'ils demandaient. Sauf que cette fois-ci, une étincelle de rébellion s'alluma au plus profond de lui.

Edward se tourna lentement vers cette homme à peine sorti de l'adolescence, et le regarda dans les yeux.

-Non, dit-il clairement.

-Quoi non ! hurla le marin, en se précipitant vers lui avant de le pousser encore une fois à terre. Demande pardon ! MAINTENANT !

Derrière lui, Edward entendit le capitaine rire. Apparemment, voire son subordonné se faire ridiculiser par un gamin de dix ans était drôle.

Le garçon resta à genou quelques instants au milieu de son matériel éparpillé. Un gros clou rouillé traînait non loin de lui. Il s'en saisit discrètement, et le cacha dans sa manche avant de se relever.

Il fut à nouveau saisit par les épaules et secoué.

-Je vais t'apprendre les bonnes manières, moi, si ta mère en est incapable !

C'en était trop pour Edward. Le clou, il ne l'avait pris que dans un cas d'urgence si jamais cet agresseur dépassait et les bornes et risquait de le blesser gravement ou pire. Mais là, sa colère prit le dessus sur sa peur. Encore une fois. Et il allait sans doute, à nouveau, le regretter. Sauf qu'il n'en pouvait plus. Sa mère avait subit tant d'injustices, et cela sans jamais se plaindre. Il n'en pouvait plus. Il avait tant de fois rêver de revanche. Face à son père ou face à la famille de sa mère dont il ne savait presque rien. Il leur en voulait parce qu'ils auraient au moins dû être là pour la défendre, pour ne pas la laisser au main de cette brute violente. Pourtant, personne n'était là. Ils étaient abandonnés, lui et sa mère. Ils n'avaient pourtant rien fait de mal. Ils travaillaient tous les deux du levé du soleil à son couché. Ils remerciaient Dieu tous les jours de les avoir mis sous la protection du père Benjamin. Malheureusement, il y avait toujours quelqu'un pour les mépriser. Ils étaient pauvres, incapables de vivres par eux-même, abandonnés par un père et un mari ; c'était une honte. Ils étaient faibles et seuls. Des parias. Ils étaient ceux dont on détourne le regard pour ne pas être gêné.

Le jeune homme le jeta à terre. Edward lâcha un cris de douleur. Il saignait tellement maintenant, qu'il ne savait même plus de quelles blessures sortait le sang.

Le marin se rapprocha à nouveau du garçon. Quand il fut assez proche, Edward mit son genoux gauche à terre face à l'ennemi, et empoigna fort le grand clou dans sa main gauche, avant de s'élancer en prenant appui sur sa jambe droite. Il balança son bras armé en arrière, et planta le clou dans le pli du genou du marin qui hurla de douleur. Edward ensuite, usa de toutes ses forces pour retirer le clou ; un giclement de sang lui tâcha la figure. Un nouveau cris retenti. L'homme était à terre en tenant sa jambe.

-Sale putain de morveux ! Je vais te tuer ! pleura-t-il.

Le capitaine, lui, étrangement, se contenta de sourire. Il soupira avant d'aller aider son subordonné à se relever, puis se tourna vers Edward.

-T'es un p'tit gars vraiment intéressant toi, dit-il.

Les deux hommes s'éloignèrent en direction de la maison d'où ils venaient. Edward les observa disparaître à l'intérieur, avant de ramasser ses affaires et de rentrer dans ce qu'il pouvait peut-être appeler ''chez lui''.


Texte publié par Daisy Lin T, 19 mai 2024 à 22h20
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