Pourquoi vous inscrire ?
«
»
tome 1, Prologue « Au travail ! » tome 1, Prologue


Petite précision pour ce premier chapitre dans le but de simplifier sa compréhension : les pointillés signifient le changement de point de vue d'un personnage à un autre.

C'est tout, bonne lecture !


“Check ça, elle semble pleine aux as.”

“Meh, je sais pas trop, ça manque un peu de... Comment dire ?...”

La Ville Lumière vivait comme une fourmilière de fonctionnaires à dix-sept heures. Les rues de Paris sont l'un des rares endroits où pauvreté et richesse se mélangent sans trop le savoir. Ou alors tout le monde le sait trop bien mais personne n'ose le dire, de peur d'être puni par les autres qui ont peur d'être punis par les autres.

“Oh la ramène pas ! Tu prends quel côté ?”

“Je prends face.”

C'était l'un de ces jours où Malo et moi avions décidé de travailler un peu, histoire de ne pas mourir de faim avant la fin de la semaine. Nous passions quelques heures à chercher les rues bondées, lors des horaires propices, afin de nous dissimuler dans la foule pour passer à l'action. Et l'action, c'était devenu une raison de vivre.

“Encore ?! C'est la troisième fois aujourd'hui que tu perds avec face !”

“Tu sais ce qu'on dit, la roue tourne va tourner.”

Nous avions grandi au milieu des HLM, de la pauvreté et du désespoir, forcés à nous battre depuis le plus jeune âge pour ne serait-ce que défendre nos vies. Parfois dans les rues, il y avait des chiens morts, des descentes de police, des passages à tabac, des trafics en tout genre. Les collèges et lycées n'avaient pas vraiment leur place chez nous, car ils déclaraient pouvoir nous offrir un avenir alors que nous étions condamnés à nous battre entre nous.

“C'est pas tes références de merde qui vont ramener le pactole !”

“Lance cette pièce, tu veux !”

On venait régulièrement dérober les personnes qui semblaient riches. Rien d'autre qu'un juste retour des choses. Je vois pas comment ces gens pourraient être plus civilisés que nous alors qu'ils ignorent délibérément les SDF qui n'ont littéralement rien pour vivre, alors que certaines familles obéissent aux caprices de leurs enfants pour leur offrir des parfums, des tablettes, des vêtements hors de prix juste pour se sentir exister. Donc on se sert chez eux, vu qu'ils auront encore de la marge à l'avenir.

“Face ! La roue a tourné !”

“Eh ben, elle se sera fait attendre cette face…”

“Laisse moi profiter de ma victoire." Prenant une grande inspiration "Ok c'est bon !

“Tu célébreras lorsque t'auras le pactole en main, bouge !”

“Ça va, ça va, j'y vais !”

C'était enfin mon heure de gloire. La cible était une adulte âgée d'une trentaine d'années, trop maquillée pour ne pas avoir de problème dans sa vie, et trop chère vêtue pour ne pas avoir pioché une ou deux fois dans le compte en banque de ses parents. L'avantage avec ces profils, c'est qu'ils ne cherchent jamais à retrouver les objets perdus, ils en rachètent d'autres et oublient. Malo me suivait afin de m'aider en cas de pépin, et aussi pour ne pas perdre de temps entre deux emprunts longue durée.

C'est un monde à l'opposé du nôtre où tout se joue sur les apparences et l'influence. Vos droits dépendent beaucoup de vos ennemis et de votre statut. Un jour vous avez une entreprise et puis, lors d'un apéro dinatoire auquel vous avez été forcé de venir par l'un de vos actionnaires, vous avez dit une phrase qui a été reformulée, grossie et répétée à l'un des piliers de l'économie, car cette sale balance considère que vous ne méritez ni votre succès, ni votre femme. Le lendemain, vous faites partie des SDF que vous ignoriez la veille.

Chez nous, peu importe votre statut, vous avez des amis. Votre situation dépendra en grande partie de vos couilles et du calibre de l'arme à l'arrière de la voiture.

“Tu sais comment elle s'appelle ?”

“Je sais pas... Noémie ?”

“Non, Victoire. Tu sais pourquoi ? Parce que j'ai gagné !”

“Bosse au lieu de raconter tes conneries.”

Il ne restait que quelques mètres avant d'être à portée du sac de la gosse de riche, surnommée Victoire. À mon habitude avec les cibles faciles, je visais le milieu gauche de la poche centrale, là où se trouve régulièrement le porte-monnaie. Une fois la trajectoire anticipée, je n'avais plus qu'à accélérer légèrement pour atteindre le sac de ma victime. Pendant que ma main faisait son travail, je n'avais pu m'empêcher de m'intéresser aux couches de maquillage. Pour vous dire, j'avais déjà travaillé sur des chantiers d'immeubles, mais là c'était un autre niveau. Elle avait dû faire appel à un grossiste pour de telles quantités. Quelques secondes plus tard, j'avais déjà fondu ma silhouette dans la rivière d'âmes qui nous entouraient.

Malo m'avait rejoint dans une rue adjacente afin de découvrir le pactole.

“Alors, elle était chargée la Noémie ?”

“Alors de une, c’était Victoire. Et de deux, oui, elle avait plus de poudre sur la gueule que ce que les cracks du quartier pouvaient s’envoyer dans le nez.”

“Les pauvres… Allez, ouvre !”

“Eh doucement, tu veux ? Il y a peut-être une bombe au gloss à l'intérieur.”

“J'm'en fous, ouvre ! Au pire, on fera la une des journaux.”

Ma main se glissa dans ma poche de sweat pour attraper la trousse que j’avais facilement dérobée à ma Victoire, en prenant bien le temps pour faire baver Malo, puis je la mis sur la paume de la main pour la lui présenter.

“À vous l’honneur, très cher.”

“J’espère que ça vaudra très cher.”

N’ayant pas l’envie de poursuivre dans mon élan, il ouvrit la fermeture éclair comme un chirurgien en stage sous pression qui doit utiliser les notions d’un chapitre qu’il avait mis de côté pendant ses études.

“Oh la vache !”

“Eh, parle autrement de Victoire !”

Il en sortit, d’une brutalité sans précédent, une superbe bague ainsi qu’une paire de bracelets, probablement en or. Sur son visage se lisait l’excitation du chasseur face à sa récompense méritée.

“Evan, je dois admettre que pour le coup tu nous as sorti un sacré coup de maître. Rien qu'avec ça on va probablement pouvoir se la couler douce pour une semaine ou deux.”

“Ouais je sais, c'est dur d'être aussi doué parfois…”

“Hé ho, commence pas à frimer non plus hein.”

Une tape dans le dos et nous avions déjà disparu de la zone, en quête d'une autre source de revenu.

********************************************************

J’observais les ruelles aux alentours. La nuit n’était pas encore tombée, mais le temps commençait déjà à se rafraîchir. Quelques lumières étaient allumées chez quelques habitations, éclairant à peine les recoins sombres dans lesquels je déambulais depuis bien deux bonnes heures.

Après m'être réchauffé un peu les mains, je réajustais tranquillement mes gants, puis pris l’angle vers ma destination.

J’arrivais finalement à l’endroit où mes cibles avaient été localisées durant les dernières vingt-quatre heures. Il s’agissait d’un bâtiment grossier, à la devanture décolorée et aux fenêtres brisées dans leur majorité. Une vraie planque de criminels en cavale. Je fis dans ma tête un bref récapitulatif des profils que je devais éliminer.

Les deux premiers étaient des jumeaux, Diego et Camila Garcia. Relativement jeunes, pas plus de vingt-cinq ans, mais farouchement motivés à gagner leur vie par tous les moyens, et ce dès le plus jeune âge. Vu leur position actuelle dans le monde du crime, il semblait que cela leur avait réussi. Leur fougue et leur tendance à se salir les mains sans aucune hésitation faisaient d’eux des criminels en herbe prometteurs, des criminels qu’il fallait mettre hors d’état de nuire, histoire de mettre un point final à leur montée fulgurante.

Mais la menace qu’ils représentaient restait minime comparée à celle de celui qui était avec eux en ce moment même : Martis Kane.

Âgé de trente et un an, ancien militaire d’élite, il avait été impliqué dans de nombreuses histoires très louches. Auteur d’une dizaine de meurtres prémédités, participant actif à des trafics en tous genres, contrebande de poisons, de gaz de combat et d’armes chimiques, assassinats rémunérés… Bref, Martis n’avait pas le profil typique d’un enfant de chœur.

J’observais le bâtiment une fois de plus, et vis que des lumières étaient allumées à l’étage. Ils devaient probablement se trouver là, et sûrement accompagnés de leurs sous-fifres.

Je sortais mon arme, un Glock 17 légèrement amélioré, et m'introduisis par la porte de derrière. Personne. Je me déplaçais furtivement de pièce en pièce, avant d’arriver à la conclusion que personne ne se trouvait au rez-de-chaussée. Étonnant. Ils devaient être vraiment confiants pour ne pas faire garder cette partie du bâtiment. Je lâchai un petit sourire, appréciant le fait que mes cibles me facilitaient ainsi la tâche à cause de leur petit égo.

Je montais les escaliers en pierre avec la même discrétion, écoutant attentivement le moindre bruit afin de voir s’il y avait du mouvement. En m’approchant d’un couloir, j’entendis des bruits de pas venant de deux directions différentes. Je les associais rapidement à deux larbins faisant une ronde. Attendant quelques secondes que l’un des deux s’approche de l’angle où j’étais, je rangeais mon arme. Mes poings me suffiraient amplement.

Le moment vint où il passa à mon niveau. Il n’eut pas le temps de réagir ou de dire quoi que ce soit, car ma main gauche vint frapper sa nuque avec une précision chirurgicale, après quoi il perdit connaissance immédiatement. J’accompagnais sa chute afin d’éviter tout bruit suspect, puis entendis les pas du second larbin qui s'approchait. Je me déplaçai alors vers l’angle de l’autre côté du couloir, et le cueillis immédiatement avec un crochet dans la mâchoire. J’avais fini la phase d’infiltration, maintenant j’allais enfin pouvoir m’amuser.

Je soignai mon entrée en ouvrant la porte brutalement d’un coup de pied. Tout le monde dans la grande salle fut surpris, et les quelques gardes qui étaient présents furent tous descendus d’un tir précis entre les deux yeux avant même qu’une balle n’ait été tirée sur moi.

"À terre !"

Je vis Martis et les jumeaux me regarder comme s’ils avaient vu un fantôme. Leurs expressions choquées me firent presque ricaner tant elles étaient clichées.

"Lewis !?"

Martis fut le premier à réagir, prenant son flingue et tirant deux coups. J’avais anticipé son action en faisant une ruée sur le côté et ouvrit le feu sur Diego qui n’avait pas eu le temps de se mettre à l'abri. Celui-ci s’effondra par terre, se tenant la jambe en hurlant.

"Frérot, nan !"

Comme on pouvait s’y attendre, sa sœur se précipita vers lui. Cela faisait deux menaces en moins, pour le moment.

"Martis, descends ce taré ! Il mérite de crever comme une pourriture de…"

"Fais quelque chose au lieu de chouiner, sale conne ! beugla-t-il."

Mon attention se retourna immédiatement sur Martis qui n’en démordait pas. Il tira à nouveau plusieurs fois, et une balle frôla mon bras pendant que j'exécutais une roulade avant, me protégeant derrière le canapé.

"Sors de ta cachette, Lewis ! Viens te battre comme un homme."

Je pris un vase à portée de bras, posé sur une table basse, et le lançai pour faire une diversion rapide. Martis tomba dans le piège et tira instinctivement dessus. Pendant cette très courte période, je me levai, tirai avec précision et touchai son arme, le désarmant.

"Tu touches pas à mon p’tit frère !"

Après cela je frappai Camila d’un coup de pied en pleine poitrine, qui s’était rapprochée dans une tentative vaine de me poignarder. Elle tomba au sol en lâchant un cri, tentant de reprendre son souffle. Je me retournai alors et vit que ce lâche de Martis avait décidé de prendre la fuite, car je l’entrevis quitter la pièce pendant une fraction de seconde.

‘Viens te battre comme un homme’, tu parles…

Je décidai de le laisser partir. Je connaissais très bien l’endroit où il allait se terrer, j’irai donc le déloger plus tard. J’avais des cibles à rentabiliser.Je me retournai pour faire face aux deux jumeaux, au sol et respirant lourdement. Notre petit jeu les avait manifestement épuisés. Tant mieux, ça me facilitera les choses.

"Le nom du commanditaire."

"…Quoi ?"

Je claquais sèchement la joue droite de Diego, ne voulant pas perdre plus de temps.

"Je ne répéterai pas."

"O-On n’en sait rien ! répondit Camila"

Une deuxième claque siffla.

"J’vous jure, on n’en sait absolument rien, on suivait juste les directives de Kane !

Oui, Camila dit la vérité ! "

Je les analysais. À mon grand regret ils semblaient dire la vérité. Je tentais malgré tout un coup de pression. Je repris mon Glock et le pointa sur le front de la sœur.

"Je vous conseille de coopérer, et rapidement."

Camila explosa en sanglots. Bien, c’était idéal pour faire craquer son frère.

"On vous assure, on vous dit la vérité ! hurla-t-il paniqué, se tenant toujours la jambe."

Faisant semblant de presser sur la détente, le pur désespoir dans ses yeux me fit comprendre qu’il ne savait effectivement rien. Je baissai mon arme. Quelle poisse. Je commençais à me diriger vers la sortie lorsque je me rappelai ma mission : les éliminer tous les deux.

Je me retournai alors pour leur faire face encore une fois. Diego saignait toujours de la jambe et son sang avait tâché une bonne partie du tapis sur lequel il était affalé. Camila prenait son frère dans ses bras en lui chuchotant doucement qu’il allait survivre et que tout allait bien se passer. Ses pleurs trahissaient sa panique intérieure.

C’était un tableau pathétique, presque touchant.

Cependant, je me souvins que ces deux-là restaient des criminels, et qu’ils avaient commis des actes horribles. Tuer un enfant devant ses parents comme punition pour un retard de paiement était monnaie courante pour eux, aussi insignifiant que de se laver les mains ou d’enfiler une veste.

Ils restaient des pourritures. Et les pourritures, c’est mon travail de les éliminer.

Alors que les frère et sœur tentaient de se rassurer futilement l’un et l’autre, je rangeais mon pistolet et pris ma machette, idéale pour ne pas gaspiller de munitions et aussi brutale dans son apparence que dans son usage régulier. Aucun des deux ne me vis venir, jusqu’à ce que la lame ne traverse la poitrine de Camila par derrière.

Les pupilles de Diego rétrécirent plus vite que le corps de sa sœur n’était tombé au sol. Le sang qui coulait encore en lui ne fit qu’un tour, réduisant encore plus ses chances de survie, et le faisant hurler le prénom de sa désormais défunte jolie petite sœurette.

Pendant un instant, je me questionnais quant à l’utilité de mettre un terme aux souffrances du mort-vivant, qui n’était plus qu’une réserve de rage, presque vidée de son fluide vital. Après tout, je pouvais le laisser mourir doucement, brûler à petit feu par la colère et la douleur.

Mais ça voudrait dire que la prime pouvait m’échapper. Alors, par précaution, je me devais de l’achever. Je fit tournoyer ma lame dans ma main en m’approchant de lui. L’angoisse prenait peu à peu ses quartiers dans son esprit au fur et à mesure qu’il me voyait préparer sa fin inévitable.

"Espèce de taré, t’es un malade ! ¡Vete al infierno, perro sucio!"

"Fais de beaux rêves."

Et d’un seul coup, je tranchai sa gorge. Il ne fallut que quelques secondes avant que sa respiration douloureuse ne se fit plus entendre. Le tapis entier commença à prendre une teinte écarlate.

Net et précis, comme j’aime.

Je rangeai la machette dans son étui pour sortir un dernier outil, indispensable à mon métier, afin de ramener une preuve du travail bien fait : mon téléphone. Pas de photo, pas de salaire. Nombreux sont les types qui se ramènent la fleur au fusil, prétendant avoir tué un grand nom du crime, ou alors qui se font voler le mérite par un type plus précautionneux. Ce soir, personne ne viendra voler le fruit de mes efforts, car les deux têtes des jumeaux morts étaient désormais immortalisées dans ma carte SD.

Après cela, je quittais enfin le bâtiment, à la poursuite de Martis, et bien décidé à obtenir les informations qui, jusqu’ici, se montraient bien difficiles à obtenir, ainsi que le reste de la prime que je convoitais. Il y avait intérêt à parler, autrement j’allais faire un malheur.

********************************************************

La nuit commençait lentement à se profiler, et le danger augmentait au fur et à mesure que les règles de bienséance disparaissaient. La journée avait été fructueuse et nous pouvions nous assurer de beaux jours jusqu'à la semaine suivante.

“Mon gars, je suis crevé... On se fait un café ?”

“Tu parles comme s'il était tard.”

“Il est presque dix-neuf heures ! Regarde ces cassos, ils vont déjà user les bars avant de se finir en boîte de nuit.”

“Écoute, on ratisse encore un peu et on rentre. Mais tu sais que ça rapporte plus d'emmerdes qu'autre chose que de zoner le soir.”

L'ambiance linéaire et morose des rotations pendulaires avaient laissé place à la jeunesse un peu plus vivante et imprévisible, bien qu'il fût aisé de deviner qui allait déclencher une bagarre cette nuit ou qui vomirait après avoir bu pour compenser un mal-être. La foule devenait un danger plutôt qu'un refuge.

“Nan mais regarde, ça va être vite vu, euh... attends…”

“T'inquiète pas va, je suis pas pressé. T’es pressé toi ? T’as l’air pressé.”

“Me fous pas la pression ! Tiens, regarde-le, lui !”

Au bout du doigt de Malo, à quelques dizaines de mètres de nous, un homme habillé d'un trench-coat noir et des lunettes de soleil s'éloignait de nous. Clairement, il l'avait pris au hasard histoire de rester un peu plus longtemps, avant de me refaire le coup deux minutes après. Il avait du mal à mettre fin à nos "sessions d'enrichissement".

“Fais un effort s'il-te-plaît, si ça se trouve ce gars là s'est juste perdu. À la rigueur, je lui montre la direction vers la gare la plus proche.”

“Aller, juste un dernier ! Tu prends face.”

“Non, je prends pile. J'ai pas envie d'y aller. J’le sens pas ce type.”

“Comme tu veux !”

Et c'est ainsi que je me lançais, sans le savoir, vers un avenir difficilement imaginable. Ce genre de rêve qu'on nourrit quand on est gosse, tant que la vie ne nous a pas encore asséné tous ses coups bas, et qu'on croit que tout est possible, pourvu qu'on travaille dur. Ici, tout dépendait uniquement de la chance.

********************************************************

J’arpentais les rues, le regard fixe. À cette heure-ci, il y avait encore un trafic dense, je devais donc me frayer un chemin entre les passants pressés, m'efforçant de ne pas perdre de temps. Chaque épaule percutée, chaque marche brusque pour éviter une collision, m'irritait davantage. J'avais l'impression de nager à contre-courant dans cette marée humaine, et cela m’énervait au plus haut point. Je hais la foule. Cette masse informe et irritante, empiétant sans cesse sur ton espace personnel, cet anathème de la tranquillité que je haïssais au plus haut point.

Je soupirais alors et commença à traverser la foule en diagonale, dans le but de m’éloigner de cet espace étouffant. C’est alors que je fus légèrement bousculé par quelqu'un. Je tournai la tête pour découvrir un jeune homme d'une vingtaine d'années, visiblement un peu gêné, qui s'excusa aussitôt.

"Oh, pardon, désolé m'sieur’, murmura-t-il timidement."

Je ne réagis pas, me contentant de le fixer par-dessus mes lunettes pendant un bref instant, avant de reprendre mon chemin sans un mot. Du coin de l'œil, je le vis peu à peu se fondre dans la masse, disparaissant de ma vue.

Rien qu’à sa démarche et à sa façon de parler, je savais quel genre de personne il s’agissait : une victime. Il semblait si fébrile que sa présence même en ce bas monde était presque une insulte. Si je n’étais pas pris par le temps et cet océan de vie, je me serais amusé à lui faire peur.

Heureusement pour lui, j’avais mieux à faire. Kane était ma priorité absolue. Ce type était du genre prévoyant et s’assurait toujours d’avoir une issue de secours en cas de pépin, et c’était pour cette raison que je devais le retrouver rapidement. Penser au pire, c’était digne des militaires. Malheureusement, ils avaient tendance à avoir un sacré égo et à ne se fier qu’à eux même. C’était une faiblesse éventuelle que je pourrais utiliser à mon avantage.

Après plusieurs minutes à nager à contre-courant dans l’allée principale, je pu enfin me libérer en empruntant une rue qui allait me mener droit vers la cachette de ma proie. Enfin, je pouvais profiter d’un air qui n’avait pas été maltraité par des milliers de poumons, en très mauvais état dans certains cas. Le brouhaha était resté avec la foule et la pression humaine s'atténuait.

Enfin un peu de calme… Je pouvais désormais me diriger vers l’appartement de Kane avec détente.


Texte publié par AlexeiSerov, 5 mai 2024 à 16h06
© tous droits réservés.
«
»
tome 1, Prologue « Au travail ! » tome 1, Prologue
LeConteur.fr Qui sommes-nous ? Nous contacter Statistiques
Découvrir
Romans & nouvelles
Fanfictions & oneshot
Poèmes
Foire aux questions
Présentation & Mentions légales
Conditions Générales d'Utilisation
Partenaires
Nous contacter
Espace professionnels
Un bug à signaler ?
2794 histoires publiées
1271 membres inscrits
Notre membre le plus récent est Louis Danlor
LeConteur.fr 2013-2024 © Tous droits réservés