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Il ne s'agissait pas de son rêve le plus fou, mais depuis toute petite, Lyla avait toujours voulu voir un de ces temples antiques dont on entendait si souvent parler, que ce soit dans les médias ou à l'école. Elle n'était pas spécialement passionnée d'histoire, mais ces édifices la faisaient rêver, et imaginer des histoires d'aventures fantastiques ; le simple fait de les voir, ne serait-ce qu'à travers un écran, la baignait dans une ambiance de fantasy mythologique. Elle pouvait facilement avouer que la réalité historique de ces monuments ne l’intéressait que pour alimenter son imagination.

Forcément, quand un jour, sa mère lui proposa de l'accompagner pour un séjour de neuf jours en Italie, elle n'hésita pas à accepter. Il s'agissait d'un tour qui leur permettrait de visiter plusieurs villes. Ce voyage débutait une semaine à peine après les derniers examens de la première année universitaire de Lyla ; une bonne chose ; elle allait pouvoir décompresser et penser à autre chose.

Tout s'était bien passé les premiers jours ; Lyla, par contre, avait remarqué que sa mère se fatiguait vite, étant peu habituée à voyager aussi souvent en autocar.

« La prochaine fois, on fait une croisière, c'est bien plus confortable » lui avait-elle dit.

Le quatrième jour, elles arrivèrent à Rome. Comme les jours précédents, les guides leur firent visiter beaucoup d'églises. Lyla était un peu déçue, ce n'était pas vraiment ce qu'elle s'était imaginée. Malgré cela, elle resta positive en se disant qu'elles n'en étaient qu'à la moitié du tour. L'après midi de cette même journée, un bus les emmena devant le Colisée, qu'elles décidèrent de visiter ; la jeune femme fut beaucoup plus enthousiaste cette fois. Même la longue file qu'elles durent faire pour voir enfin l'intérieur de l’amphithéâtre et les gradins de pierres, ne suffit pas à miner sa bonne humeur.

Le simple fait de le voir de l'extérieur l'avait déjà mise dans un tel état d'excitation, qu'on l'aurait prise pour une gamine de cinq ans. À ce moment là, elle se fichait totalement de ce qu'on pouvait penser d'elle. Sa mère lui avait tout de même demandé de se calmer ; elle l'avait dit sur le ton de l'amusement avec un petit sourire ; apparemment, ça ne la dérangeait pas tant que cela que sa fille soit si démonstrative.

Lyla trouvait même qu'attendre à l'ombre des arcades du Colisée avait du bon ; il y faisait plus frais qu'à l'extérieur en plein soleil.

Elle ne savait pas combien de temps s'était écoulé lorsqu'elle put enfin en voir l'intérieur. Il était immense, et majestueux. Peut être pas autant que certaines grandes constructions aujourd'hui, mais pour l'époque, c'était impressionnant.

Ici, des personnes avaient assisté aux jeux se déroulant dans l'arène, dont les touristes pouvaient maintenant apercevoir le sous-sol. Elle touchait et voyait les mêmes pierres que leurs antiques ancêtres. Le soleil était-il également aussi éclatant qu'il l'était à ce moment précis ? La chaleur était-elle plus supportable du haut des gradins ? Elle se demandait ce que devait ressentir ces personnes à l'époque. Et ceux qui participaient aux jeux ; que devaient-ils ressentir en risquant ainsi leur vie ?

Après l'avoir admiré autant qu'il était possible, Lyla et sa mère quittèrent le monument, et retrouvèrent leur groupe de touristes avec leur guide. Quelques temps plus tard, elles découvraient l'immense file humaine qui se formait en cercle au niveau du Vatican. Le plus impressionnant était en fait, le nombre de personnes se trouvant à cet endroit. Elles décidèrent de faire quelques photos et de contempler la beauté architectural sur la place, à quelques pas des gens qui apparemment étaient assez patients pour subir le pire bouchon humain qui devait exister. Après un tour dans une boutique de souvenir, elles rejoignirent leur bus qui emmena tout leur groupe jusqu'à l’hôtel dans lequel ils allaient loger durant deux jours.

Le lendemain, on leur fit à nouveau visiter des églises.

« Mais qu'est ce qu'ils ont avec leurs églises, à la fin ? » se demanda Lyla. « Ils croient qu'on en a pas chez nous ou quoi ? ».

Par contre, elle ne s'attendait pas à ce qui allait suivre. L'une des œuvres les plus belles qu'elle eut à découvrir se dévoila à ses yeux, alors que leur guide les amena devant la Fontaine de Trevi. C'était magnifique. Et sans-doute la fontaine la plus grande qu'elle n'ait jamais vu. Tant de détails étaient sculptés qu'elle ne savait pas où regarder ; elle aurait voulu avoir des yeux sur l'ensemble de la Piazza di Trevi. Mais l'endroit était extrêmement bondé, se déplacer autour du monument était compliqué.

Elle ne visita finalement aucun vieux temple romain. En existe-t-il seulement encore ? Elle ne savait pas. Mais elle avait vu le Colisée, le Vatican, et vraiment beaucoup d'églises, dont certaines étaient outrageusement ornées d'or, de pierres précieuses ; objectivement, elles étaient très belles, mais il y avait en ces lieux une telle richesse, qu'elle se demandait, s'il n'y avait pas un fond d'hypocrisie dans les humains qui parlaient de partager avec son prochain. Puis, elle avait vu la Fontaine de Trevi, représentant le dieu Neptune, entre autre.

Cette nuit là, dans la chambre d’hôtel qu'elle partageait avec sa mère, elle fit un rêve vraiment étrange.

Elle se trouvait à nouveau sur la place de la Fontaine de Trevi, plongée dans la pénombre et déserte. Presque silencieuse. Presque, car le bruit que faisait l'eau en s'écoulant, ressemblait à celui d'une immense cascade. Elle pouvait mieux l'entendre maintenant qu'elle s'y trouvait seule.

Puis, comme sortie de nulle part, une petite fille à chevelure brune traversa la place sautillant joyeusement d'un pied sur l'autre, entonnant un joyeux chant dont Lyla ne put comprendre les paroles. L'enfant devait avoir huit ou sept ans, et se mit à danser, faisant virevolter les pans de sa robe bleue claire, en allant d'un bout à l'autre de l'impressionnante œuvre d'art aquatique. Elle ne semblait même pas avoir remarqué Lyla.

Mais la jeune femme finit par se rendre compte d'autre chose. La petite fille était étrangement habillée ; elle revêtait des habits venus tout droit d'une autre époque, de ceux que mettaient les gens il y a des siècle. Lyla fut encore plus surprise lorsqu'elle constata qu'elle ne portait plus son pyjama rose fuchsia à poids fluorescents. Elle était vêtue d'une magnifique robe du dix-huitième siècle, une de celle dont elle avait souvent rêvé de porter ; la robe était principalement rouge, accompagnée de motifs floraux à dentelle noire et ornée de manches dorées. Le vêtement traînait par terre lorsqu'elle se déplaçait. C'était très beau, mais vraiment pas pratique. Les couturiers de l'époque ne se souciaient apparemment pas ou très peu de la mobilité de leurs clientes.

« Mais qu'est-ce que je fous là ? » se demanda-t-elle. À son grand étonnement ses pensées semblaient retentir en échos sur toute la place.

La petite fille s'immobilisa et se tourna vers la jeune femme, lui signifiant qu'elle était en réalité consciente de sa présence. La joie s'effaça soudain du visage de la fillette, remplacée par un air triste et sombre.

Le volume du bruit assourdissant des multiples chutes d'eau de l'ensemble sembla brusquement diminuer, donnant à Lyla l'impression étrange de s'en éloigner, alors qu'elle n'avait pas bougé.

La fille s'approcha de la jeune touriste, avant de s'immobiliser à un mètre d'elle, la fixant de ses yeux bleus électriques.

« Tu vois comme tout finit par vieillir, ici ? » fit une voix enfantine dans la tête de l'étudiante. Les lèvres de la petites ne bougeaient pourtant pas.

«C'est encore jolie, mais ça vieillit » continua la voix. « Même si c'est très grand, gigantesque, ça se désagrège ». Lyla ne put s'empêcher de penser au Colisée, à la basilique devant la Place Saint Pierre.

« Tout va disparaître. » un soupire transperça le monologue, tandis que la poitrine de la fillette se souleva de manière décalé par rapport au son.

«Mais personne ne semble s'en rendre compte. Les humains continuent de construire, construire, et pour ça ils ont besoin d'envahir les forêts, les prairies, les montagnes et les océans. »

Lyla ne bougeait pas. Elle était tétanisée. Son cœur battait à tout rompre. Mais dans quelle bourbier se retrouvait-elle?

« Des fois la puissance de la Nature se rappelle à eux. Alors, Elle reprit à Vulcain le pouvoir du feu, et recouvrit leur ville de poussières incandescentes. »

Pompéi.

« La Terre n'a pas besoin des humains pour exister. Les humains arrogants, eux, ont besoin d'elle. Peu importe l'élégance ou la robustesse de leurs œuvres, un jour, tout va disparaître. Retourner à l'état de poussière. »

L'enfant pointa alors un doigt vers la jeune femme. Et toujours sans remuer les lèvres, elle reprit son discours.

« Tu es à Rome aujourd'hui, mais tu as été tellement plus loin déjà. Tout ce que tu vois, ressens, entends, la moindre particule d'air que tu respires, la nourriture que tu avales, l'eau que tu bois, tes vêtements, et même tes entrailles, sont fait de la même matière »

« Tu es née grâce à la mort d'une étoile. Tes particules ont des milliards d'années, et existeront plus longtemps encore ».

«Et pourtant, vous construisez et vous émerveillez. Vous construisez en détruisant. Bientôt, il n'y aura plus de place pour vos tas de bétons. Et vous pensez y survivre ? »

-Euh... bredouilla Lyla, rompant le monologue.

La fillette lui jeta un regard noir avant de brusquement s'évaporer dans l'air.

Et Lyla se redressa en sursaut dans le matelas beaucoup trop moelleux de l’hôtel. Immédiatement les rayons du soleil l'aveuglèrent, elle en détourna les yeux. Apparemment sa mère avait ouvert la fenêtre, d'où s'échappaient les premiers éclats animés de la matinée, ainsi qu'un concert de klaxons et de moteurs.

La jeune femme se sentait encore un peu étourdit après le rêve étrange qu'elle venait de faire. Puis, elle se remémora tout doucement le film catastrophe qu'elle avait décidé de regarder sur son ordinateur la veille. Elle poussa un énorme soupir, se rendant compte d'où lui venait la vision étrange de cette nuit.

Les vacances n'étaient pas terminées, et elle était déterminée à les poursuivre dans la joie et la bonne humeur. Demain, elle profitera d'une nouvelle journée de bonheur à Pompéi ; l'une de ses destination de rêve.


Texte publié par Daisy Lin T, 2 mai 2024 à 19h20
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