L’inspecteur William Gunn attendit la fin de son service pour retrouver les deux jeunes gens dans le hall de leur immeuble. C’était un homme de trente-cinq ans environ, brun aux yeux bleus et rieurs, mais Evy percevait en lui une certaine profondeur, pas forcément visible au premier regard. Il les rejoignit au petit salon, vide à cette heure de la journée, ce qui leur permettait de bénéficier d’un peu d'intimité.
Il se montra d’une charmante courtoisie envers Evy, ce qui attira quelques froncements de sourcils de la part de Swan. Elle ne savait pas si elle devait en être flattée ou irritée : tout dépendait de la raison de son attitude. Elle avait retrouvé Vesper et elle n’avait pas besoin d’un autre grand-frère. Elle avait besoin d’un ami qui avait confiance en elle. Elle avait besoin…
L’étrange interlude avec Mary l'avait aidée à percevoir le gouffre qui la séparait de Swan et de son univers. Elle comprenait mieux les préventions de sa mère et celles du directeur, même si leur hostilité envers le jeune homme lui semblait toujours aussi mal placée. Mais cette réalité faisait naître en elle une souffrance de plus en plus difficile à ignorer ; la vision de cet autre Paul Mercury, plus mûr et plus conscient de sa place dans le monde l’avait profondément marquée, et son affection pour lui était en train de connaître une dangereuse évolution…
« Evy ? »
Elle sursauta légèrement :
« Excusez-moi, murmura-t-elle hâtivement, je pensais à autre chose… Vous disiez ?
— Vous êtes toute pardonnée, lui répondit Gunn en souriant. Ciar MacDan est arrivé à Édimbourg il y a environ dix ans… un peu avant la Grande Guerre. Il possède une très belle demeure de ville vers Calton Hill. C’est un homme très discret… Ses apparitions publiques restent très réduites, d’autant qu’il est souvent absent de chez lui.
— Savez-vous s’il est à Édimbourg en ce moment ? » demanda Swan en faisait tourner un fond de whisky dans son verre de cristal.
Confortablement installé dans l’un des fauteuils du salon, la cheville droite négligemment jetée sur son genou gauche, il avait tout du dandy que sa mère et son « oncle » croyaient voir en lui.
« Selon les rumeurs, précisa Gunn, il est revenu de l’un de ses voyages l’avant-veille…
— Bien… »
Le jeune homme demeura pensif un moment.
« Que pouvez-vous nous dire d’autre ? N’y a-t-il pas de rumeurs sur lui, sur sa maisonnée ?
— Eh bien… je dirais que s’il y a quelque chose de remarquable, c’est justement l’absence totale de rumeurs. On ne voit jamais de serviteurs entrer ni sortir, même si notre personnage est toujours escorté par deux ou trois hommes, les rares fois où il circule. Des commis livrent les provisions quand il est là… et pour le reste… »
Gunn écarta les mains en signe d’ignorance.
« Merci beaucoup, inspecteur, déclara Swan en souriant. Votre aide nous a été capitale ! Une dernière chose… À quoi ressemble-t-il ? »
Le policier réfléchit en se frottant l’arrête du nez :
« Si un jour vous le croisez, vous ne pouvez pas le louper. C’est un homme très mince, presque maigre, avec des traits accusés, mais de proportions agréables. Même s’il ne semble pas très âgé, ses cheveux sont intégralement blancs. Il a des yeux d’un noir profond… un noir de jais. »
Evy porta silencieusement une main à ses lèvres…
Un homme aux yeux couleur de jais…
Voici donc le fameux Odoïporos… La dernière âme éveillée arrivée en ce monde…
« Que comptez-vous faire ? demanda le policier avec curiosité.
— Commencer par aller faire un tour chez ce cher monsieur MacDan. Je subodore déjà deux ou trois petites choses… mais je ne pourrais les vérifier que sur place.
— Est-ce vraiment prudent ?
— Certainement pas. Mais je ne prendrai pas de risques superflus… »
Evy s’était rencognée dans son fauteuil, en proie à un trouble profond. Swan n’avait-il pas promis au directeur de se contenter de rassembler des informations et de ne surtout pas intervenir ? Elle se refusait à lui faire la remarque devant le policier, mais elle éprouvait une nervosité croissante. Elle sentit ses phalanges se crisper sur l’étoffe de sa jupe, mais serra les lèvres pour s’empêcher de protester à haute voix.
« Je vous remercie, inspecteur Gunn, déclara le jeune homme.
Il draina le fond de son verre et le reposa sur la table basse, avant de se lever, signalant le terme de l’entretien :
« Vous m’avez été d’une grande aide.
— Comme les autres… sympathisants, je garde un œil sur toutes les personnes qui me semblent un peu mystérieuses ou bizarres…
— Et c’est une bonne initiative ! »
Gunn se tourna vers Evy :
« Ravi de vous avoir rencontré, miss Ashley.
— Moi de même », réussit-elle à articuler.
Après le départ de l’inspecteur, elle se tourna vers le jeune homme, les bras croisés et le regard fulminant :
« Tu te moques de moi ? »
Il écarquilla les yeux, surpris :
« Pourquoi dis-tu cela ? »
La jeune femme secoua la tête, irritée :
« Tu vas vraiment pénétrer dans le logement d’un individu qui a été dénoncé par quelqu’un qui nous a menti sur son identité… sur sa nature même ? Qu’est-ce qui te dit que cette… Mary ne herche pas à t’attirer dans un piège ?
— Je ne pense pas, répondit sereinement Swan. Je ne sais pourquoi, mais je suis portée à lui faire confiance… et de plus… »
Il s’accouda à la cheminée et passa une main dans ses boucles blondes, avec une expression lointaine :
« Je ne sais pas pourquoi, mais je pense qu’Anha court un terrible danger… »
Evy s’avança vers lui et posa les deux mains sur ses épaules, l’obligeant à le regarder en face :
« Et toi, Swan ? Tu ne crois pas qu’il en est de même pour toi ? S’il est bien un Titan, s’il est Japet, il devinera immédiatement qui tu es… Et que penses-tu qu’il arrivera ? Autant que tu ailles immédiatement à Eilean at Marbh et que tu te livres pieds et poings liés !
— Si je dois le confronter, ce sera plus simple si je le fais ici, plutôt que sur son terrain !
— Tu ne sais même pas pourquoi il est revenu à Édimbourg !
— Pour voler les corps qui l’intéressent… ou emprisonner les âmes ? Que sais-je ?
— Tu en sais déjà bien assez, décréta-t-elle. Appelle Gladius Irae et passe la main. »
Il la fixa longuement ; elle s’attendait à ce qu’il la repousse, mais au contraire, il l’attira vers lui et la serra dans ses bras, pressant son visage contre ses cheveux. Evy demeura immobile, comme un animal sous les phares d’une voiture ; une part d’elle-même frôlait la panique, mais une autre part ressentait une sorte d’extase ; elle pouvait sentir l’odeur de son eau de Cologne, à la fois légère et ambrée, et celle qui lui était propre, tout aussi envoûtante. Elle savait qu’il voulait juste la réconforter ; il ne pouvait soupçonner l’effet que cette proximité avait sur elle.
Il l’écarta de lui et la regarda avec une douceur affectueuse :
« Evy, c’est touchant que tu t’inquiètes ainsi pour moi… Mais je te promets de ne pas prendre des risques superflus. Je veux juste opérer une reconnaissance, pour avoir une idée plus claire de ses motifs !
— Et s’il est là ?
— Je me ferai discret ! »
Elle acquiesça, mais sans pour autant pouvoir se départir de son appréhension profonde.
« Il faudrait juste que je puisse le rencontrer officiellement… », reprit-il.
Il réfléchit un instant, son poing droit appuyé contre ses lèvres, avant de lever subitement l’index, le regard étincelant :
« Et s’il pensait avoir affaire aux autorités de la ville ? S’il est chez lui, il ne pourra refuser de me recevoir… Il faut juste que j’arrange deux ou trois choses avec nos contacts ! »
Swan s’avança vers elle et se pencha pour déposer un rapide baiser sur sa joue :
« Ne t’inquiète pas pour moi. Je suis touché, mais je sais me débrouiller. Par contre, je tiens à ce que tu restes à l’abri… c’est d’accord ? »
Le visage d’Evy se renfrogna :
« Et si tu as besoin d’aide ?
— Nous aviserons en temps donné. »
Il sourit, visiblement confiant – mais Evy ne l’était pas tant…
« Tu me donneras au moins l’adresse, que je puisse savoir où tu te trouves s’il faut alerter quelqu'un…
— Cela va de soi ! Et puis, ajouta-t-il avec un large sourire désinvolte, je n’ai aucune intention d’attaquer Japet tout seul… Juste d’approcher suffisamment notre homme mystérieux pour savoir ce qu’il en est vraiment ! Cela n’outrepasse même pas le cadre de notre mission ! »
Il avait probablement raison. Alors pourquoi Evy éprouvait-elle cette sourde inquiétude ?
Avec l’appui et l’aide de Gunn et de quelques fonctionnaires d’Édimbourg, Swan avait obtenu les autorisations nécessaires pour se faire passer pour un employé de la ville. Il devait informer le mystérieux monsieur MacDan d’un projet urbain susceptible d’empiéter sur le jardin de sa demeure… C’était un bien grand mot, quand on y songeait : aux dires de leurs contacts, quelques yards de buissons et de gazon mal entretenu, quelques rosiers rachitiques qui avaient à peine la force de produire quelques boutons…
Tout était prêt pour le lendemain après-midi, mais Evy ne pouvait réprimer sa nervosité. Elle avait tenté de persuader Swan de faire marche arrière et d’attendre le gros des troupes, ou même de prévenir Peter Steele à North Uis, mais c’était peine perdue !
La jeune femme était restée seule dans sa chambre, tandis que son compagnon se plongeait avec ferveur dans les documents nécessaires pour rendre son intervention crédible. Ils ne se retrouveraient que pour le dîner, ce qui signifiait qu'Evy disposait de quelques heures pour se promener en ville. Elle alla flâner le long de Victoria Street, admirant les vieilles bâtisses et les façades colorées, mais elle n’arrivait pas à y mettre du cœur ou éprouver un réel intérêt à ce qu’elle voyait. L’inquiétude qu’elle éprouvait pour son partenaire la rongeait, et pas seulement à cause de la mission… »
La jeune femme ne parvenait pas à oublier ce rêve étrange, et ce nom d’Odoïporos. S’agissait-il réellement d’une épithète attribuée à Swan, en tant qu’éveillé majeur ? Elle songea de nouveau au regard d’un noir de jais de l’individu dans sa vision, si semblable à la description de Gunn. Si ce MacDan éprouvait un intérêt malsain pour Swan, peut-être lui tendrait-il un piège…
Elle finit par rentrer et alla d’emblée frapper à la porte de son ami, sans recevoir de réponse. Elle descendit à l’accueil où on lui confirma que Swan avait quitté l’hôtel. Partagée entre la colère et l’angoisse, elle retourna dans sa chambre. Affalée sur le lit, elle observa le plafond, comme si le plâtre et la peinture ivoire, soulignée d’une discrète moulure, pouvaient lui offrir une solution… Mais en vain…
De longues écharpes de brumes déformaient le monde tout autour d’eux. L’homme se tenait de dos, mais elle pouvait voir la couleur de ses cheveux : d’un pur blanc argenté, au point d’en être presque phosphorescent. Dans la direction vers laquelle il tournait les yeux s’étendait une vague luminescence, tellement diffuse qu’il était impossible de savoir d’où elle pouvait provenir…
Il se retourna vers elle ; dans le contre-jour noyé de brouillard, on distinguait peu de choses de son visage, juste un regard noir et insondable. Un regard qu’elle avait déjà rencontré… mais ce n’était pas elle qu’il contemplait.
« Odoïporos…
Son sourire luisait doucement, effrayant, carnassier.
— Jusqu’où vas-tu me suivre ? Peux-tu aller au-delà de cette porte, Voyageur ? »
Cette porte… celle qui se dressait entre la vie et entre la mort. Japet avait jadis été le responsable de ce passage, avant que naisse le Maître des Enfers, avant que ne voie le jour le Psychopompe. Avant qu’il ne fût envoyé au fin fond des limbes avec ses frères.
« Je ne pensais pas voir apparaître en ce monde un nouvel éveillé majeur… Je croyais ces temps révolus. Et sans doute le sont-ils… Écoute-moi bien, mon jeune ami : dans ce monde, tu n’as aucun espoir d’être autre chose qu’une curiosité, une relique d’un temps révolu, avant même d’avoir vraiment commencé à vivre… les humains ordinaires te craignent quand ils ne te haïssent pas. Je peux te donner un monde où tu auras pleinement ta place. Nous rappellerons Kronos et Ceos, nous rallierons nos sœurs, et nous t’accueillerons en notre sein, notre enfant… Notre seul véritable enfant. »
Son sourire s’élargit ; lentement, la brume s’éclaircit et le visage de l’homme devint plus clair ; à peine avait-elle pu distinguer ses traits que l’ombre gagna le tour de ses yeux, son nez, ses lèvres…
Un vertige accompagné d’une terrible nausée saisit la jeune femme. Elle s’entendit gémir…
… et ce fut sa propre voix qui l’éveilla. Evy se sentait aussi mal que la fois où elle avait, à l'âge de huit ans, vidé un fond de liqueur oubliée sur la table du comte d’Harmont, un vieil ami de sa famille. Après une phase de sommeil profond, elle s’était réveillée avec une monstrueuse « gueule de bois ». Enfant, elle s’était montrée bien plus remuante et aventureuse que sa sœur jumelle, et même que son frère aîné. Sa mère s’en désolait régulièrement, en se demandant bien de qui elle pouvait tenir un tel tempérament. Question à laquelle son père répondait toujours, avec son calme habituel :
« Plutôt de ton côté, Hadria… »
En d’autres circonstances, ces souvenirs l’auraient amusée, mais elle se sentait affolée et perdue. Une angoisse profonde, envahissante, la tenaillait. Pas pour elle-même, mais pour Swan… Quand elle avait discuté avec le directeur, l’argument qu’elle avait avancé pour lui faire comprendre que la fondation devait lutter pour conserver le jeune homme en ses rangs n’était que pure spéculation. Elle n’accordait aucune foi à la possibilité d’une traîtrise de la part du Swan. Mais c’était avant de voir ces entités se dresser autour de lui, pour lui rappeler sa nature et tenter de le séduire. Et à présent, elle avait peur d’avoir surestimé la force qui résidait sous sa vulnérabilité apparente. Il avait été plusieurs fois brisé, il s’était reconstruit comme il l’avait pu, mais il gardait des cicatrices, certes invisibles, mais susceptibles de le fragiliser…
Swan…
Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine. Déjà, au-dehors, la lumière commençait à baisser – ce qui n’était pas si étonnant à cette latitude. Evy se leva péniblement et se dirigea vers la fenêtre : pourquoi avait-elle fait ce rêve ? Ce genre de visions n’avait jamais fait partie de ses dons. Peut-être avait-elle été influencée délibérément… Ce qui pouvait expliquer l’irruption de ces images dans son esprit. Mais pourquoi ? Elle n’occupait aucun rôle dans l’équation !
Rapidement, elle traça dans la buée de la vitre un petit pentacle de protection, en murmurant quelques incantations :
« Par les mots que je prononce, je sollicite votre aide, esprits supérieurs, éclaircissez mes pensées, libérez mon esprit des liens néfastes que d’autres ont posés… »
Elle ne s’attendait pas à voir des esprits apparaître pour la secourir, mais les rituels permettaient de mobiliser l’énergie qu’elle conservait tout au fond d’elle, et même de tirer celle des courants qui sillonnaient la Terre. Hélas, sa tentative se révéla totalement inutile… Soit ses talents lui faisaient soudain défaut, soit cette créature parvenait à influer sur elle, d’une façon bien trop puissante ou subtile pour qu’elle pût la combattre. Elle réprima un sanglot, plaquant le dos de sa main contre sa bouche. Que devait-elle faire ? Swan lui avait interdit de bouger et de se mettre en danger…
Peut-être pouvait-elle appeler Gunn ? Il était probablement encore en service à l’heure qu’il était…
Evy se sentait de plus en plus paniquée à la perspective de perdre Swan. Elle connaissait déjà la douleur de la disparition, de l’absence, d’un deuil qui n’en était pas tout à fait un... Et Swan était devenu, ces dernières semaines, bien plus qu’un ami d’enfance. Vivre sans lui n’était pas envisageable, pas imaginable.
Elle saisit sa valise et la hissa sur le lit, pour fourrager dedans et en sortir un pantalon et une veste de lainage sombre, ainsi qu’une casquette pour dissimuler sa coiffure certes courte, mais visiblement féminine. Elle tira d’un petit compartiment caché un Derringer et une dague. Elle ne possédait aucune arme plus efficace ; celles-ci devraient faire l’affaire.
Quand elle quitta l’hôtel, comme dans son rêve, le brouillard était descendu sur Édimbourg. Elle héla un taxi, dont le conducteur, un gros homme placide, ne s’étonna pas de son costume masculin. Peut-être aussi était-ce un signe que les temps changeaient…
Quand elle arriva enfin à la demeure du mystérieux MacDan, il devait bien être dix-neuf heures. Un peu en retrait de la rue se dressait une façade solennelle ornée d’une colonnade et d’un fronton arrondi ; le bâtiment devait probablement remonter au XVIIIe siècle, dont il montrait tout le classicisme hiératique. Des volets aveuglaient les hautes fenêtres.
« Alors… vous faites quoi ? » demanda le chauffeur sans s’énerver.
Evy sortit de sa contemplation ; elle paya sa course et descendit de la voiture. Elle ne repéra dans les environs aucun signe d’activité, mais remarqua une ruelle qui s’ouvrait sur le côté droit de la propriété. La jeune femme songea qu’elle pourrait sans doute, par là, avoir accès à la cour intérieure. Elle pêcha dans sa poche un pinceau et une petite bouteille d’encre et, retroussant sa manche, inscrivit méticuleusement des idéogrammes mystiques qui scelleraient son aura afin de passer la plus inaperçue possible. L’opération était un peu longue, mais chaque élément du tracé correspondait à une discipline qui lui permettait de ployer son esprit, son corps et sa force vitale à ses désirs. Parfois sinueux, parfois nets et précis, ils avaient été élaborés par son père qui ne pouvait user de sa magie que de la façon la moins intrusive, pour l'empêcher de rentrer en conflit avec ses talents de normaliste.
Une belle grille de fer forgé, couronné de piques, protégeait l’arrière de la demeure, mais Evy avait subi un entraînement suffisamment intense pour la franchir sans trop de difficulté, avec l’aide de la corde qu’elle avait emportée. Au-delà se trouvait une petite cour bordée de plates-bandes mal entretenues. Évitant les rosiers décharnés, elle préféra se frayer un chemin entre le mur et les bosquets : le froissement des branches semblerait plus discret que le crissement du gravier. Une fois parvenue au niveau de la façade arrière, elle s’immobilisa en entendant des bruits de conversation derrière les volets clos. Respirant le moins possible pour saisir au mieux ce qui se disait, elle se plaqua contre le bâtiment.
Une voix s’éleva, pleine d’une douceur écœurante. Evy était tellement absorbé qu’elle perçut trop tard les pas dans son dos. Une poigne de fer l'attrapa par l’épaule. La jeune femme laissa échapper un cri ; elle tenta de se débattre, mais les mains brutales ramenèrent ses bras derrière elle et la poussèrent en avant, vers une porte qui venait de s’ouvrir. Son ravisseur ne prononça pas une parole. Elle n’entendait même pas son souffle à côté de son oreille. Juste un étrange bruit liquide… Elle frissonna malgré elle.
Ce n’était pas le moment de paniquer. Après tout, on l’avait surprise dans une propriété privée ; au pire, elle se retrouverait au poste. Elle n’y croyait pas vraiment, mais cette pensée l’aidait à garder un calme relatif. La jeune femme fut traînée dans un corridor qui sentait le renfermé, puis littéralement jetée dans un salon chichement éclairé d’une ampoule faiblarde. Les meubles plus vétustes plus qu’anciens, touchés par une patine grisâtre, s’accordaient tristement bien avec les fleurs décolorées des murs. Mais bientôt la scène devant ses yeux monopolisa toute son attention.
Elle reconnut immédiatement l’homme qui hantait ses rêves, habillé d’un costume clair couvert d’étranges symboles, pas très différents dans leur conception que ceux qu’elle avait tracés sur sa peau. Et devant lui, maîtrisé par deux créatures entièrement revêtues de longs manteaux, de casquettes et de masques à gaz, se trouvait Swan, le visage pâle et les dents serrées.
L’individu aux cheveux blancs se tourna vers elle ; cette fois, sa face ne se transforma pas en crâne, mais son sourire lui parut tout aussi effrayant.
« Voici donc notre petite sorcière… Voyons à quel point tu tiens à elle… Odoïporos ! »
La jeune femme comprit aussitôt qu’ils étaient tombés dans un terrible piège, dont ils avaient peu de chances de se tirer vivants !
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