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AVERTISSEMENTS : violence physique

Talla, debout derrière la porte de la salle d’eau, écoutait. L’écoulement de l’eau se tarit et le silence suivit. Puis un choc et un grognement l’alertèrent. Elle grimaça. Elle lui avait dit que c’était un peu trop tôt pour se lever et prendre une douche. Mais il n’en avait fait qu’à sa tête.

— ça va ? Tu veux que je t’aide ? lança-t-elle.

— Surtout pas, fut la réponse assourdie. Tu n’es pas mon infirmière. Ça va aller. J’ai juste besoin de reprendre mon souffle.

Talla se retint d’entrer quand même. Elle se détourna et posa le regard sur le lit. Elle fronça le nez.

— Où sont rangés tes draps ?

— Tu n’es pas non plus une femme de chambre, fut la réponse acerbe.

— Je sais faire un lit, répondit-elle sur le même ton.

Pourtant, son sourire le démentait. Voir Shayn reprendre son comportement abrasif habituel la rassurait. Le silence s’étira.

— Dans le placard. Ou à la buanderie.

Talla traversa la chambre et ouvrit le placard, dans lequel nul drap ne pouvait être vu. Elle hésita, jeta un coup d’œil sur la caméra discrète qu’ils avaient installée l’avant-veille. Des capteurs de mouvement et de chaleur avaient aussi été placés un peu partout et IA les surveillait jour et nuit.

— Elle a été repérée par IA, fit la voix de Trevor dans son communicateur. Elle approche.

— Bien reçu, souffla-t-elle.

Tant pis pour le lit. Talla revint vers la porte et posa sa paume sur le battant.

— Elle arrive.

— Sors d’ici, fut la réponse brève et tendue.

— Sois prudent, rétorqua-t-elle.

Puis, malgré son instinct qui lui criait qu’elle ne devait pas le laisser seul, elle quitta l’appartement. Elle eut du mal à ne pas regarder tout autour d’elle. Mais leur plan était clair : tout le monde devait se comporter comme d’habitude.

Quelques minutes plus tard, Shayn quitta la salle d’eau et se figea. Devant lui se tenait Illyane. Il se tendit, se retenant de tourner son regard vers la caméra. Il savait que Trevor et Talla se dirigeaient vers son appartement.

La jeune femme le fixait avec un sourire joyeux. Ses yeux brillaient d’un éclat inquiétant. Comment avait-elle pu se transformer ainsi sans qu’il s’en aperçoive ? Son cœur se serra de culpabilité.

— Tu as survécu. Le Cosmologue t’a pardonné et t’a sauvé !

— Pardonné ? s’étrangla-t-il, trop secoué par ses paroles et le ton de sa voix pour parvenir à répondre clairement.

Il peinait à rester debout, mais refusait de s’asseoir. Il serra les dents.

— Oui. Il t’a pardonné ton hérésie. Tu as un rôle à jouer pour lui. Nous avons tous les deux réussi notre épreuve. Quelle révélation as-tu reçue pendant ta résurrection ?

Soudain la colère envahit Shayn.

— Talla, Trevor, Neal et tes collègues, ainsi qu’IA ! Ce sont eux qui m’ont sauvé ! cracha-t-il.

Le visage d’Illyane frémit, mais elle ne perdit pas son expression d’extase mystique. Elle avança d’un pas, il recula d’autant.

— Comment as-tu pu me faire ça ? souffla-t-il.

— Je le devais. Tu as été condamné pour tes crimes. Mais maintenant tout a changé.

— À qui allais-tu rendre des comptes, Illyane ? Tout le monde est mort sur Palladine. Tu aurais pu abandonner, reculer, mais tu as décidé de le faire malgré tout. Pourquoi ? Tu me hais à ce point-là ?

Pendant une seconde, Illyane parut effarée. Des larmes firent briller ses yeux et sa bouche se crispa. Il lut sa souffrance. Puis le masque fut replacé et la colère remplaça le désespoir.

— Tu as continué sur la voie de la destruction. Ne comprends-tu pas ? Avec tes expérimentations hasardeuses, tu allais nous précipiter dans l’obscurité.

— C’est l’Église qui veut plonger l’humanité dans les ténèbres ; je me bats pour apporter la lumière.

— Cette lumière dont tu parles est fausse ; elle est le mal. C’est elle qui a détruit Palladine ! cria-t-elle

À cet instant, la porte s’ouvrit et Talla entra. Illyane, d’un geste vif, sortit une arme cachée sous sa veste d’uniforme et la pointa vers la guerrière. Un rictus carnassier étira les lèvres de Talla. Ses tatouages faciaux bougèrent sous sa peau et ses yeux scintillèrent légèrement. Shayn bougea juste au moment où Illyane appuyait sur la gâchette. Il s’interposa et agrippa son poignet. La balle le percuta au flanc ; il grogna et vacilla, s’agrippant de justesse au lit. Avec un grondement bestial, Talla le dépassa, si rapide qu’il eut du mal à la distinguer. D’une main, elle empoigna sa gorge, de l’autre, elle serra son poignet si fort qu’un craquement retentit. Illyane cria et lâcha l’arme. Talla la propulsa contre le mur, serrant sa gorge. La doctoresse griffa son poignet ; les yeux révulsés, elle tentait de reprendre un souffle qui ne venait plus.

Shayn se redressa en grimaçant, plaqua une main sur son flanc et posa sa main libre sur le dos de la guerrière.

— Lâche-la, fit-il d’une voix douce.

— Talla, lâche-la, répéta Trevor, qui venait d’apparaitre.

La lieutenant grogna, mais obéit. Illyane s’effondra sur le sol en toussant. Sur son poignet et sa gorge, un hématome bleuté se développait déjà. Trevor fit signe aux deux gardes qui attendaient à l’extérieur de s’occuper du docteur Scyllae. Talla se retourna pour faire face aux deux hommes, laissant la place à ses collègues. Shayn se laissa tomber sur son lit, en se tenant le flanc. Du sang imbibait déjà son t-shirt. Il le souleva, au moment où Talla tombait à genoux devant lui, les yeux fixés sur la blessure. La main du commandant se posa sur son épaule et il examina son ami avec attention.

— C’est juste une égratignure ; la balle m’a effleuré, fit Shayn.

— C’était stupide, maugréa Talla.

Elle se releva et passa rapidement dans la salle d’eau, avant de revenir avec une serviette.

— Ouais. Tu as raison, fit-il, en fermant les yeux.

L’épuisement pesait sur ses épaules. Cette rencontre, bien que brève, avait mis à plat le peu d’énergie qui lui restait et réveillé une souffrance et une colère qu’il aurait préféré garder cachées. Talla essuya la plaie avec douceur et fut soulagée de constater qu’il avait raison.

— Tu aurais sans doute pu éviter la balle, reprit-il d’une voix ensommeillée.

Elle lâcha un petit rire, puis leva les yeux vers Trevor.

— Il nous faut un médic pour s’occuper de cette plaie et vérifier ses constantes.

— Je te laisse t’occuper de lui ; je vais vérifier qu’Illyane est correctement installée et je t’envoie quelqu’un.

— C’était un bon plan, souffla Shayn, en levant la tête pour regarder son ami.

Celui-ci lui sourit.

— Très dangereux, mais bon, oui.

Le scientifique lâcha un rire bref. Il s’allongea sur le lit, aidé par Talla et plaça un bras sur ses yeux. La lieutenant s’installa à ses côtés, pour continuer à faire pression sur la plaie. Shayn agrippa sa main libre. Interdite, Talla regarda leurs deux mains réunies, s’efforçant de comprendre pourquoi son cœur battait la chamade.