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tome 1, Chapitre 16 « 1.04 (Part 4) Les chemins de l'univers [Partie 1] » tome 1, Chapitre 16

Les nuits sur la planète étaient très longues – quatorze heures en moyenne – et loin d’être silencieuses. Trevor soupira alors que le sommeil le fuyait. Contre lui, Neal, qui avait passé une partie de la nuit à travailler sur les machines, avait sombré dans un sommeil de plomb dès que sa tête avait touché son oreiller de fortune.

Les habitants les avaient installés dans les cabanes de bric et de broc les plus proches de la pyramide. La sécurité était assurée par des détecteurs de mouvements qui formaient un périmètre et des gardes qui se relayaient toutes les quatre heures.

Le commandant déposa un baiser sur l’épaule de son amant et remonta la couverture sur lui. Puis il se glissa à bas du lit de fortune et se rhabilla. En sortant de la cabane, il jeta un coup d’œil dans celles qui avaient été attribuées à ses compagnons. Rassuré par leur sommeil profond, il remonta l’allée centrale et sortit du village. Il salua Saul, l’un de ses hommes, à qui il avait demandé de se joindre aux gardes.

— Va te coucher, je te remplace, fit-il.

— Vous êtes sûr…

— Je n’arrive pas à dormir. Je te réveillerai si jamais…

— Ok. Merci.

Le jeune homme s’empressa de rejoindre la cabane qu’il partageait avec son collègue. Serrant son fusil contre son torse, Trevor observa l’environnement étranger, à la lueur de la lune sombre. Ses contours déchiquetés l’avaient impressionné quelques heures plus tôt quand elle avait émergé au-dessus des frondaisons. Elle remplissait une bonne partie du ciel.

Il repéra deux autres gardes, à la limite des capteurs de sécurité. L’un d’eux, assis sur une souche, fumait ; le second à une vingtaine de mètres de l’autre côté faisait les cent pas.

— Drôle d’heure pour s’promener, entendit-il près de lui.

Il jeta un coup d’œil sur sa droite : Peter, entièrement équipé, était apparu juste à côté de lui. Prudent, Trevor resserra sa prise sur son arme, mais il se garda bien de montrer un signe quelconque d’hostilité.

— Impossible de trouver le sommeil, répondit-il.

— Ouais. Ça doit vous faire bizarre… Depuis combien de temps vous aviez pas mis les pieds sur la terre ferme, avant votre première venue ?

Trevor le scruta quelques secondes, mais l’homme, étonnamment, ne paraissait pas agressif.

— Trop longtemps, répondit le commandant, à la fois évasivement et sincèrement.

L’autre renifla, puis laissa errer son attention sur la ligne des arbres au loin. Trevor suivit son regard. Les futs noirs et tordus étaient entourés d’une brume épaisse et blanchâtre qui se mouvait avec lenteur. Trevor fronça les sourcils ; il ne se rappelait pas une telle forêt ce matin quand ils étaient arrivés.

— C’est bien c’que je pensais, maugréa Peter.

Il agrippa sa radio et l’enclencha.

— La forêt a changé, lâcha-t-il. Faites gaffe.

Plusieurs réponses grésillèrent dans l’appareil.

— Qu’est-ce qui se passe ? questionna Trevor, soudain en alerte.

L’autre lui jeta un coup d’œil rapide. Puis il cracha par terre.

— La forêt, parfois, elle change. Juste cette portion-là.

— Comment ça, elle change ?

— Tu l’vois bien. Ce matin, les arbres étaient normaux.

— C’est vrai. Et qu’est-ce qui se passe quand elle change ?

— Des créatures, expliqua-t-il.

Derrière eux, des voix retentirent alors que d’autres habitants sortaient de la pyramide en finissant de s’équiper. Trevor songea qu’il devrait aller prévenir ses compagnons. Un craquement fit dévier ses pensées. Son compagnon expira brutalement et souleva son arme. Trevor reporta son regard sur les bois en face de lui. La brume avançait en ondoyant et à son passage, l’herbe semblait changer. Une silhouette se dessina en son sein, puis plusieurs autres.

— Par le Cosmologue ! souffla-t-il.

— Ils sont là ! cria Peter, en pointant son fusil sur les formes.

Pourtant, il ne tira pas. Il planta ses pieds fermement dans le terre et visa. D’autres gardes apparurent un peu partout sur le périmètre de sécurité, mais aucun ne le dépassa.

La plus proche créature sortit de la brume. La lumière brune de la lune souligna son apparence : de longs bras, qui se terminaient par des griffes, pendaient le long de ses flancs ; son corps droit, recouvert d’une sorte d’écorce sombre ou de peau épaisse, comme le reste, et massif, était supporté par deux jambes puissantes ; les traits de son visage étaient indiscernables, si ce n’est deux yeux ronds et rougeâtres qui semblaient scintiller d’une lueur vive. Deux cornes, ou des bois jaillissaient de son crâne. Il avançait en silence, enveloppé de la brume qui scintillait doucement et progressait en même temps que lui. Ses semblables la suivaient, identiques dans leur apparence.

Trevor braqua son arme sur le plus proche. Il s’arrêta à une dizaine de mètres du périmètre de sécurité ; le reste s’immobilisa. À son comportement et à celui des autres, le commandant devina qu’il s’agissait du chef. Celui-ci souleva son bras droit et tapota dessus de l’autre main. Trevor braqua sa lunette de visée sur lui et jura en reconnaissant une sorte d’outil de contrôle. Le grésillement s’intensifia ; les émetteurs du périmètre de sécurité clignotèrent et s’éteignirent les uns après les autres.

Trevor fit un pas en avant et appuya sur la gâchette. Ses balles à haute vélocité heurtèrent la créature qui poussa un hurlement incompréhensible et vacilla en arrière. Aussitôt, les créatures se jetèrent sur les humains, qui répondirent avec un tir de barrage. Les balles ricochaient sur leur peau ; un liquide épais en jaillissait parfois. Les créatures vacillaient et reculaient, mais elles reprenaient leur trajectoire très rapidement, si bien qu’un hurlement de souffrance retentit bientôt sur la gauche de Trevor.

Des cris de surprise s’élevèrent dans les cabanes ; mais il se garda bien de regarder. Il ne pouvait détourner son attention des cibles. Le premier intrus gisait sur le sol. Mais il en restait encore cinq. Du coin de l’œil, il perçut un mouvement sur sa droite. Il pointa son arme dans la direction.

L’un des ennemis avait agrippé une femme et la trainait. Elle se débattait comme une forcenée en hurlant, mais elle disparut dans la brume. L’horreur s’écoula dans les veines du commandant, alors qu’il comprenait soudain la raison de l’attaque. À ses côtés, Peter, le visage crispé de rage, vidait les chargeurs de son arme. Grâce à lui, une autre créature battit en retraite.

Trevor se décala, tout en rechargeant son arme, puis faucha un ennemi qui s’approchait de l’un des gardes. Celui-ci, occupé à tenter de réparer son arme, leva la tête au son des projectiles et écarquilla les yeux. Puis, il bondit en arrière et se mit hors de portée. La créature grogna sous l’impact, et se tourna lentement vers Trevor. Ses yeux rouges se fixèrent sur lui. Des liquides visqueux non identifiables coulaient le long de son torse et de ses bras, mais il était toujours debout.

Il bondit en direction du commandant, qui vida son chargeur sur lui, avant de jeter son arme inutilisable au sol. Un grésillement s’intensifiait autour de lui, mais il n’en repéra pas la source. De toute manière, il n’en avait pas le temps. Il dégaina l’épée qu’il portait dans le dos, planta ses deux pieds dans le sol, et s’apprêta à accueillir la charge du monstre.

Il voyait maintenant son visage de plus près et il comprit qu’il s’agissait d’un casque intégral. La peau étrange avait tout l’air d’une armure biologique.

Alors que l’ennemi allait le percuter, le grésillement devint un sifflement strident ; un concert de lueurs vertes apparut un peu partout au niveau du sol.

— Reculez, hurla Peter.

La créature ralentit en secouant la tête, sans doute perturbée par le bruit. Trevor en profita pour passer de l’autre côté du périmètre de sécurité, juste au moment où il se réenclenchait. Le pied de l’ennemi fut pris dans le réseau laser ; une seconde après, une déflagration retentit ; Trevor fut bousculé quelques mètres en arrière et bascula sur le dos. Il eut juste le temps de voir la créature disparaitre dans une gerbe de terre et de flammes.

Étourdi et déboussolé, il leva la tête et regarda autour de lui. Sa vision floue et le sifflement dans ses oreilles lui rendaient la chose difficile. Deux fois que tu es pris dans le souffle d’une explosion en quelques jours. C’est une mauvaise habitude.

Il crut distinguer les silhouettes des créatures qui s’enfuyaient dans les bois. La brume semblait se dissiper aussi. Deux mains fébriles se posèrent sur ses épaules, accompagnées par une voix. Il grogna et crispa les paupières. Aussitôt, les mains disparurent, puis une silhouette se profila devant lui. Il rouvrit les yeux et reconnut Neal, bien que brouillé. Il le fixait avec inquiétude. Trevor l’examina, à la recherche de blessures, mais il ne trouva rien. Un intense soulagement l’envahit.

Les sons se clarifièrent, et le brouillard se dissipa doucement. Il put se redresser en position assise.

— Il faut que tu arrêtes d’être pris dans des explosions, Trev.

Un rire secoua Trevor. Il toussa. Puis il tendit la main à son amant, qui l’agrippa et le tira vers le haut. Il s’appuya sur Neal quelques secondes, et regarda autour de lui. Altarius et Peter s’avançaient dans sa direction ; les gardes s’étaient regroupés. Il fut soulagé lorsqu’il vit Allegra, en compagnie de ses deux hommes et de Richard, non loin de leurs cabanes. Lorsqu’elle croisa son regard, la femme lui offrit un sourire.

— Vous nous avez sauvé la mise, docteur, fit Altarius, dès qu’il les eu rejoints.

Neal jeta un coup d’œil penaud à Trevor, qui posait un regard interrogatif sur lui.

— Laisse-moi deviner : tu as réparé le système de sécurité ?

Le jeune homme hocha la tête.

— J’ai utilisé une de nos batteries pour alimenter le centre de commande. Cela ne va pas tenir longtemps, par contre.

— Il faut faire en sorte que ça tienne ; sinon, la prochaine fois, ils nous auront tous, fit Peter.


Texte publié par Feydra, 27 juillet 2024 à 22h49
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