Le serveur central était niché dans une salle sphérique, au cœur de la station, entre les niveaux trois et quatre. Une plateforme circulaire, au sol nacré, gravé de fines tranchées qui formaient un entrelacs délicat et presque hypnotique, était accessible par une passerelle du même métal.
Un polyèdre à dix faces, en équilibre sur l’une de ses pointes, gisait au centre. Inerte et silencieux, il n’avait jamais pu être activé : son cœur — son esprit, même, pensait Shayn — ayant été arraché.
À l’époque où l’archéologie était sa fonction principale, il avait maintes fois admiré cet artefact dans l’un des coffres-forts de l’Université de Palladine. Il savait qu’il contenait une intelligence artificielle fondatrice. Pourtant, jamais ses collègues n’avaient réussi à trouver son écrin.
Shayn fixa en fronçant les sourcils la simulation sur l’écran holographique qui flottait devant lui. Branchée à de multiples câbles, la magnifique sphère était posée dans un berceau. Il en était à son dixième diagnostic, quand un bruit de pas retentit derrière lui.
— J’ai cru que tu ne sortirais jamais de l’ombre, Talla, commenta-t-il sans se retourner.
Le lieutenant ne répondit pas, mais s’appuya sur le bord de la console et observa le scientifique de ses yeux bruns.
— Trevor t’a demandé de me surveiller ? lança-t-il, agacé.
— Pas spécialement.
Il la regarda en haussant un sourcil. Athlétique et robuste, elle arborait les tatouages bleutés de la tribu des Marcheurs dans les Ombres. Sur Palladine, le vaste désert de Salliankis était le territoire des clans des Salliankanais. Tous humains, ils vivaient dans de lourdes cités ambulantes qui parcouraient leurs terres et en tiraient des composants minéraux essentiels, qu’ils vendaient ensuite aux autres peuples. C’était des traqueurs et des chasseurs, seuls capables de repérer et d’abattre les immenses créatures du désert.
Fasciné, il laissa errer ses yeux sur les filaments biomécaniques qui couraient sous sa peau, dessinant des symboles légèrement scintillants. Talla avait la particularité de pouvoir se fondre dans l’obscurité au point d’être quasiment invisible. Elle le surprit et un sourire sarcastique étira ses lèvres fines. Shayn détourna le regard et toussota.
— Alors que veux-tu ?
— Voir où tu en étais.
— En général, ce que je fais t’intéresse peu, rétorqua-t-il, en vérifiant rapidement où en était la simulation.
Elle lâcha un rire bref. Puis le silence retomba autour d’eux. Quelques minutes plus tard, Shayn, n’y tenant plus, braqua ses yeux sur la soldate.
— Bon, dis-moi ce que tu veux ?
Talla se mordit les lèvres, puis elle poussa un profond soupir.
— Juste avant l’explosion, tu étais consigné dans tes quartiers. Pourquoi ?
Shayn eut soudain l’impression que l’air ne pénétrait plus dans ses poumons.
— Trevor ne te l’a pas dit ? éluda-t-il.
— Non. Aurora et lui faisaient des messes basses, et on ne te voyait plus nulle part…
Le scientifique la fixa un long moment. Que devait-il faire ? Mentir ? Détourner la conversation ? D’un autre côté, il n’avait plus le sentiment de devoir cacher quoi que ce soit.
— Ils avaient découvert que je faisais passer des messages dans les transferts hebdomadaires, pour l’Université Galactique.
— Je vois, fit Talla, en le considérant pensivement.
— J’avais pour mission de récupérer un objet qu’Epsilon Sygma nous avait volé. Et pus, quand le portail a été activé, j’ai reçu l’ordre de continuer à espionner.
— Tu n’essaies même pas de te justifier, ou de mentir, fit Talla, une expression étrangement impressionnée peinte sur la figure.
Shayn le contempla, surpris.
— Je ne vois pas où serait le sens. L’Université et Epsilon Sygma n’existent plus.
Un éclair de tristesse traversa le visage aux traits ciselés de la guerrière. Elle se redressa et enfonça ses mains dans les poches de sa veste d’uniforme.
— Voilà ma curiosité rassasiée, lâcha-t-elle.
— Tu…, hésita-t-il, tu ne m’en veux pas ?
Elle haussa les épaules.
— Je suis un peu déçue, à vrai dire. Pourtant, toutes ces trahisons, tous ces mensonges et ces masques font partie du jeu de pouvoir entre les organisations de Palladine. Et je dirais même de toute la galaxie. Rien de bien nouveau.
— Tu n’as pas tort.
— Tu vas l’allumer, alors ? questionna-t-elle, en s’approchant du serveur.
— Dès que je serais certain que c’est sans risques…
— Je croyais qu’on n’avait pas le choix…
— Je veux juste être sûr de contrôler la situation. C’est une intelligence artificielle fondatrice qui dort dans cet artefact depuis des millénaires. Ses réactions pourraient être… imprévisibles.
— Ça fait trois jours que tu y travailles.
Il pointa un doigt accusateur vers elle.
— Tu étais bien en mission, alors ! C’est Bernard qui t’envoie ?
Elle haussa un sourcil et un demi-sourire étira ses lèvres. Il lui avait rarement vu ce genre d’expression.
— Disons que le nombre de mignons que tu as fait fuir en pleurant commençait à l’inquiéter. Et comme il sait que tu ne m’impressionnes pas, j’ai été désignée…
Il leva les yeux au ciel.
— Ils devraient avoir l’habitude, maugréa-t-il. Ils me font perdre du temps.
— Neal n’est pas là pour servir de tampon…, remarqua-t-elle.
— On a eu des nouvelles de l’expédition ? l'interrompit-il.
— Non.
D’un ton faussement neutre, Shayn lâcha :
— Tu sais qu’on risque de ne pas savoir s’ils se sont fait tuer…
L’inquiétude cependant assombrissait son visage.
— Je ne crois pas que le commandant aurait autorisé cette mission s’il n’était pas assuré de la sécurité de Dame Sonnenfeld et du reste de l’équipe. Encore moi celle de Neal.
Le scientifique lui offrit un pâle sourire de remerciement. Puis une sonnerie retentit sur l’ordinateur. Il parcourut rapidement les résultats de l’analyse.
— Bon, eh bien, on va pouvoir passer à l’étape suivante, conclut-il.
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