Destruction et ravages défilaient devant les yeux des spectateurs. Un montage des vidéos issus de plusieurs chaines d’information tournait en boucle sur les écrans de la salle de repos, sur les postes des membres de l’expédition, sur les ordinateurs portables. Les gens se gorgeaient des horribles images, sans pouvoir s’en empêcher.
Dans chaque département, les questions fusaient ; la panique, la douleur et l’effarement grondaient. Les directeurs n’avaient aucune réponse à apporter, dans un état de choc si intense qu’ils n’arrivaient pas à rassurer ou à prendre de décisions.
Palladine n’était plus. D’un claquement de doigts, les tours spiralaires d’Albertius, les déserts rouges de Satynia, le centre-ville animé de Lysia, la capitale, l’Université, avec son dôme et sa bibliothèque, le centre de recherche d’Epsilon Sygma, les grands jardins paradisiaques de Mératis, l’observatoire du mont Pyratis, tout avait disparu. Il n’en restait plus qu’un squelette, recouvert de cendres, sous un ciel lourd et fuligineux, traversé d’éclairs et de tempêtes.
Ils avaient lu les échos imparfaits des rapports envoyés, transmis par les médias. Des frégates militaires croisaient en orbite et des missions de sauvetage étaient descendues à la surface.
D’après les informations éparses, la planète avait été victime d’un cataclysme soudain. Les hypothèses allaient bon train ; les scientifiques de tout bord intervenaient sur les plateaux de télévision pour donner leur avis. On pensait à une catastrophe technologique ou à une expérience qui avait mal tourné. Tout ce que les membres de l’expédition retenaient, c’était que leur foyer était un champ de ruines, que leur famille et leurs proches étaient sans doute morts, et qu’ils étaient seuls et isolés, sans espoir de secours.
Les différentes équipes s’efforçaient de terminer les réparations essentielles et de continuer leur routine, mais le travail se faisait dans un silence et une tension pesants. Illyane gardait une façade forte, mais toutes les nuits, Shayn la prenait dans ses bras et écoutait ses pleurs jusqu’à ce qu’elle s’endorme d’épuisement. Trevor épanchait sa rage dans la salle d’entrainement. Bernard s’était enfermé dans son bureau. Quant à Shayn, il passait ses journées dans son laboratoire. Travailler lui permettait de focaliser son esprit vif sur autre chose que sa terreur et son désespoir.
Puis, un matin, Trevor se présenta à sa porte. Pâle, les yeux injectés de sang à cause du manque de sommeil, il resta un long moment à observer silencieusement Shayn, assis à son bureau, devant son ordinateur sur lequel une simulation se déroulait. Mais la tête enfouie dans ses mains, il ne fregardait pas l'écran.
— Shayn…
Le scientifique se redressa vivement, comme surpris. Il s'essuya les yeux et se tourna vers Trevor.
— Qu’est-ce que tu fais ? demanda le commandant, sans bouger.
— Je travaille.
— Sur quoi ?
— Sur les données que j’ai récoltées à propos du serveur central de la station.
— Tu avais de la famille sur Palladine ?
Le cœur de Shayn se serra. Il n’avait pas encore parlé à qui que ce soit de ce qu’il ressentait. Il avait écouté avec une certaine gêne certains membres de son équipe ; il avait laissé Illyane déverser sa peine dans l’intimité. Mais il avait toujours évité de libérer ses propres sentiments, de peur de s'effondrer.
— Et toi ?
Un sourire crispé étira les lèvres du soldat.
— Non. Epsilon Sygma était tout ce que j’avais.
En d’autres temps, Shayn aurait lâché une remarque acerbe. Mais pas aujourd’hui. Et cela terrifiait Trevor.
— Tu n’as pas répondu à ma question, Shayn.
— Ça n’a pas d’importance. En parler ne changera rien.
— Peut-être. Mais cela nous aidera à sortir de cet état de catatonie.
— On a besoin de temps pour…
— On n’en a pas, Shayn ! affirma Trevor, en s’approchant de lui. Les gens sont en train de craquer. Ils sont de plus en plus nombreux à ne pas prendre leur poste. Illyane et son personnel sont débordés ; le moral est au plus bas, certains parlent de se suicider. Mes hommes ont dû stopper des accès de violence.
— J’imagine qu’ils sont à l'origine de certains aussi…
Oh ! Le sarcasme revenait. C’était bon signe. Trevor sourit.
— Nous sommes chefs de service, Shayn. Il faut que nous redonnions un peu d’espoir, sinon, on est tous morts.
— Je ne vois toujours pas le rapport avec ta question, Trevor.
Une expression penaude traversa les traits acérés du soldat. Il frotta son crâne chauve pour se donner une contenance et répondit avec un demi-sourire :
— Je ne savais pas par quoi commencer.
Shayn haussa un sourcil, puis lâcha un bref rire rempli de douleur. Ses mains tremblaient ; il serra les poings.
— L’Université était ma famille, souffla-t-il au bout d’un moment. J’ai… Je n’ai pas vraiment de parents, au sens biologique du terme.
— Oh !
Trevor n’avait pas les mots. En posant la question, il ne s’attendait pas à ce genre de révélation. Il n’avait pas besoin d’avoir plus de détails pour comprendre que Shayn avait été conçu in vitro. Le regard du scientifique erra sur son laboratoire, comme s’il cherchait à y puiser de la force.
— Comme je te le disais, je travaillais, reprit-il, d’une voix plus ferme. Je pense que la meilleure manière de stabiliser la station et de la réparer est de réactiver le serveur central des Fondateurs.
— Tu nous as expliqué que c’était impossible.
— Parce qu’il manque une pièce. Celle qu’Epsilon Sygma a volée aux Universités.
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