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Shayn observa l’écran holographique : ils quittaient l’orbite et se dirigeaient droit sur la planète. Le visage tendu, Trevor tentait de reprendre le contrôle, sans succès.

— Qu’est-ce qui s’est passé ? lâcha-t-il entre ses dents serrés.

— Une impulsion venue de la surface, répondit Shayn d’un ton bref.

Les doigts de sa main gauche volaient sur sa tablette, maintenue sur ses genoux. Un grincement sonore envahit l’espace restreint. L’air devenait de plus en plus chaud. Sur l’écran, des messages d’erreur clignotaient furieusement.

— Je ne sais pas qui nous pilote, mais c’est un amateur.

Le visage tendu dans une concentration intense, Shayn l’ignora, les yeux rivés sur les lignes de code qui défilaient sur sa tablette. Ils approchaient à grande vitesse de la surface de la planète. Puis, soudain, l’écran holographique tressauta. Trevor sentit les commandes qu’il n’avait pas lâchées lui répondre. Il passa immédiatement en vol atmosphérique. Les ailerons quittèrent leur logement et se placèrent en position.

— Accroche-toi.

Shayn lui jeta un regard inquiet, puis s’harnacha correctement. Le vaisseau était secoué en tout sens et ses gémissements ne disaient rien qui vaille au scientifique. Le nez de l’appareil remonta soudain, forçant son cœur dans sa gorge. Il déglutit, se cramponnant à son siège. Il n’avait jamais aimé les vols atmosphériques, encore moins dans une atmosphère aussi agitée. Tout à coup, l’engin freina brutalement. Shayn en eut le souffle coupé. Sa vision se brouilla.

— ça va être délicat, souffla le pilote.

Sur l’écran, la représentation de la planète avait envahi tout l’horizon. A travers la baie, Shayn aperçut un paysage de couleurs informes. Trevor visa une large étendue d’herbes au pied d’une structure ocre. La navette heurta le sol, rebondit une fois, puis retomba. L’un de ses trains d’atterrissage se tordit dans la terre ; le vaisseau bascula sur le côté et traça une tranchée dans le sol meuble. Puis il s’immobilisa, dans une clameur de sonneries d’alerte et de grincements métalliques.

Shayn rabattit sa tête douloureuse contre son siège et inspira profondément, pour calmer les battements de son cœur et sa nausée. Trevor se pencha en avant et se prit la tête entre les mains pendant quelques secondes.

— ca faisait longtemps que je n’avais pas fait ce genre d’atterrissage.

Son compagnon lui jeta un regard en coin :

- ca t’arrivait souvent ?

Trevor se contenta d’une grimace, puis regarda autour de lui.

— Toi qui voulais explorer la planète…

Shayn leva les yeux au ciel.

— Je n’ai jamais dit que je voulais …

Sous le regard goguenard du soldat, il s’interrompit en serrant les lèvres.

— Où est-ce qu’on est ? fit Trevor.

Shayn secoua la tête.

— Aucune idée. On n’a pas cartographié entièrement la planète, je te rappelle.

— On aurait peut-être dû, fit remarquer le commandant. Est-ce qu’on peut repartir ?

— Il faut que je vérifie dans quel état elle est…

Trevor laissa errer son regard sur l’extérieur à travers la baie et se figea.

— On a de la compagnie.

— Qu’est-ce que tu racontes ?

Le scientifique leva les yeux et les écarquilla. Trois hommes de grande taille, vêtus d’un assemblage hétéroclite de tissu, de cuir et de plaques de métal, les observaient. Les visages aux traits sauvages étaient humains et exprimaient leur méfiance.

— Le diagnostic indique des dégâts sur la coque ventrale, il va falloir sortir faire des réparations.

— Évidemment, souffla Trevor d’un ton blasé. Bon, on va aller leur dire bonjour.

Il quitta son siège, passa dans la soute et ouvrit un coffre. Il en sortit un pistolet qu’il glissa à l’arrière de sa ceinture et en tendit un autre à son compagnon, qui venait de le rejoindre, sa tablette dans les mains. Celui-ci vérifia qu’il était chargé et le cacha au même endroit, sous sa veste. Trevor ouvrit le sas arrière. Un air frais et chargé d’odeurs de terre et d’herbe effleura leurs visages. Une luminosité douce et légèrement bleutée envahit la soute. Des bruits de pas pressés retentirent et un homme apparut depuis le flanc du vaisseau.

Malgré l’imposant fusil qu’il tenait dans les mains, il ne paraissait pas menaçant. Les yeux fixés sur lui, Trevor et Shayn se laissèrent tomber sur le sol.

— Salutations, commença le commandant. Désolé d’avoir abimé … cette prairie.

L’homme pencha la tête en les surveillant pendant de longues secondes.

— Il y a un vaisseau là-haut ? lâcha-t-il d’une voix rauque.

Trevor fit un pas vers lui et leva légèrement les mains. Le regard de l’homme se riva sur la peau tatouée de son épaule et il étrécit les yeux.

— Là haut ? Dans l’espace ? On en sait rien. Nous venons d’un autre continent.

Un sourire édenté déforma les traits de l’homme. D’un geste brusque, il se jeta sur Trevor et le frappa violemment au ventre. Surpris, Trevor grogna et se plia en deux.

— Eh ! cria Shayn, en tirant son pistolet de sa ceinture.

Le canon froid d’une arme s’appuya douloureusement sur sa tempe droite. Il se figea et souleva lentement les bras. La respiration lourde de l’homme provoqua un frisson qui remonta ses nerfs. Une main noueuse lui arracha son arme.

Le commandant se releva, une grimace de rage sur le visage, et évita de justesse le coup suivant. Un troisième homme le prit à revers et l’encercla de ses bras puissants. Trevor hurla et se débattit furieusement, mais l’autre assena un coup de crosse sur sa tempe. Sa tête fut violemment propulsé en arrière. Un coup de poing le cueillit au plexus et un autre sur la tête. Il s’effondra à genoux sur le sol, essoufflé, le crâne en sang, un bras en travers de sa poitrine.

On le fouilla, et lui prit son arme. Trevor, le visage blafard, pinça les lèvres, mais ne tenta rien. Le premier homme s’agenouilla devant lui.

— Je t’ai reconnu, assassin, cracha-t-il. Vous êtes venus pour terminer le travail, c’est ça !

— De quoi parlez-vous ? Nous venons de l’est, de … , rétorqua Shayn.

Les yeux à demi fermés, Trevor grogna et vacilla. Inquiet, le scientifique tenta de le rejoindre, mais il fut repoussé contre la coque.

— Vous venez de l’espace. Vous avez ranimé le satellite. Vous êtes là pour nous détruire, pour finir le boulot de l’Eglise Apocalytique !

— L’Eglise ! Nous n’avons rien à voir avec eux !

L’homme tira brutalement le col de l’uniforme de Trevor.

— Il porte les tatouages de l’Eglise, ceux des assassins !

Le scientifique ne put s’empêcher de fixer les symboles dessinés en noir et bleu sur la peau pâle du commandant, sur son épaule et le haut de son dos. Ils se perdaient sur son bras et le long de sa poitrine. La surprise le secoua. Puis il serra les dents et retourna son attention sur leur assaillant.

— Nous ne sommes pas des Chapelains. Mais nous venons effectivement de l’espace, de la station.

— Nous savons, ricana l’homme avec un regard scintillant de folie. La machine vous a fait venir.

Les trois hommes les regardaient d’un air menaçant, avec une expression d’anticipation effrayante. Un torrent de glace envahit Shayn : l’homme allait tuer Trevor, il en était persuadé.

— Écoutez, tenta-t-il. Nous n’avions aucune idée que vous étiez là. Nous avons réactivé le satellite pour accéder au réseau intergalactique. Nous sommes aussi isolés que vous.

— Shayn, souffla Trevor, sur un ton mécontent.

Cela lui valut une claque puissante sur la tempe. Il grogna, les poings serrés dans la terre. Celui qui semblait le chef recula d’un pas.

— Aide-le. Altarius veut vous voir.

— Altarius ? murmura Shayn, confus.

On le poussa vers son compagnon. Il agrippa son bras, l’aida à se relever et le soutint. Trevor, le souffle lourd, le regard voilé, s’appuya lourdement sur Shayn. Encadrés par les trois hommes, ils se dirigèrent vers une haute structure ocre.

— L’Église Apocalyptique, hein ? souffla Shayn dans l’oreille de Trevor.

Ce dernier se raidit, mais ne répondit pas, trop occupé à ne pas sombrer dans l’inconscience.