Malgré l’heure matinale, la cour centrale du dojo de l’Armée Impériale résonnait déjà de bruits de combat. Deux êtres s’affrontaient armés de leurs seuls poings, sans autre armure qu’un shitagi. Ils avaient dû commencer leur duel depuis un moment, comme en témoignaient la sueur coulant sur leur peau, leur souffle court et la terre piétinée. Pourtant, chacun arborait un grand sourire, et leurs yeux brillaient d’exaltation.
La silhouette de l’homme, dont les cheveux bruns refusaient de rester en place même en temps normal, soulignait sa musculature développée, mais ne pouvait cacher son ventre replet qui dénaturait quelque peu son image. Cependant, pour toute impressionnante que soit sa carrure, il faisait pâle figure face à la géante devant lui.
Plus que sa taille ou sa peau cuivrée qui frémissait sous les muscles puissants, c’était surtout sa tignasse rousse qui en disait long sur sa force. En effet, pour que sa tresse épaisse effleure ainsi le sol, la guerrière n’avait pas dû essuyer de défaite depuis une éternité. Et elle semblait bien déterminée à ce que cela reste ainsi.
Sans la moindre hésitation, le guerrier se rua droit sur la Goliath rousse. Qui l’accueillit en envoyant sa paume sur lui, dont les doigts parviendraient presque à encercler toute sa tête. Plus prompt, il esquiva d’un pas de côté non sans que l’air ne siffle au passage de la poigne redoutable. Mais déjà, un autre crochet l’attendait, l’obligeant à répéter cette danse évasive.
Soudain, son œil noir repéra ce qu’il avait espéré. D’une roulade habile, il passa dans le dos de son adversaire et referma la main sur le bout de sa fière tresse. Se relevant dans un même mouvement, il sauta pour prendre appui sur le bassin de la femme herculéenne et parvenir sur ses épaules. Là, avant qu’elle ne puisse réagir, il enroula prestement ses propres cheveux autour de son cou… Avant de se laisser tomber en arrière, tirant de toutes ses forces sur la corde improvisée tandis que ses pieds croisés accentuaient encore la pression exercée sur la gorge.
« Cette fois Mion, je te t…! » commença-t-il dans un rictus victorieux.
Mais il déchanta bien vite en voyant le sol se rapprocher. Au lieu de se débattre, Mion était elle aussi en train de se jeter en arrière !
L’homme ventru lâcha prise et bondit pour ne pas se faire écraser par le dos titanesque. Quand une main déchira le nuage de poussière soulevé par la chute brutale. Les doigts se refermèrent sur sa cheville comme autant de serres, pour traîner le guerrier si fort qu’il sentit son articulation craquer. Il frappa de toutes ses forces les phalanges, planta les siennes dans la terre, en vain. La Goliath rousse le ramena à elle comme un enfant sa poupée. Elle le retourna sur le dos et le cloua au sol d’un seul genou sur son buste. Aussitôt, l’homme agita les membres à la recherche d’une clé à lui faire subir.
« Tamotsu, petit fumier, s’écria-t-elle en penchant sur lui son grand sourire. Ça faisait un bail que tu m’avais pas sorti un coup fourré pareil. »
Son adversaire luttait toujours pour lui trouver un point faible, entourant sa large cuisse de ses jambes si frêles en comparaison. Amusée, Mion se contenta de presser progressivement sa rotule sur son diaphragme. Pour tout borné qu’il était, il fut bien obligé d’abandonner. La géante se releva dès qu’elle sentit un tapotement sur sa peau. À ses pieds, Tamotsu regonfla ses poumons asphyxiés en inspirant goulûment. Il demeura étendu au sol quelques instants, hors d’haleine.
« Rah merde… »
Il accepta la main tendue qui s’offrait à lui, laquelle le souleva avec une facilité déconcertante. Dès qu’il fut sur pied, il épousseta son shitagi avant de se diriger vers ses affaires posées sur le plancher en hauteur. Comme l’homme ventru sortait son sabre court de son fourreau, une voix s’éleva au-dessus de lui.
« … Sérieux ? On a même pas passé l’heure du Nidoran, et vous êtes déjà en train de vous battre ?
- Hey, on a le droit de commencer la journée comme on veut. »
Tamotsu porta la rémige d’Airmure derrière sa tête et, d’un geste rendu précis par l’habitude, trancha la courte natte formée par ses cheveux bruns.
« Je comprends pas pourquoi t’insistes encore à ce stade. J’veux bien qu’on t’appelle le Capidextre Affamé, mais même toi tu devrais avoir compris que t’as les yeux plus gros que le ventre avec la Mackogneur d’Irisia.
- Tant que j’essaie, j’ai toujours une chance, balaya-t-il d’un haussement d’épaules nonchalant. Hey Mion, attrape ! »
Il lui lança la mèche, mais celle-ci fut trop légère pour décrire la courbe amorcée. Aussi tomba-t-elle à pic dans la poussière sous leurs rires. La géante la ramassa… Puis, remarquant enfin l’interlocuteur de Tamotsu, qui était déjà occupé à engloutir un onigiri, elle le rejoignit à grandes enjambées pour lui ébouriffer ses boucles blondes attachées en une queue de Ponyta doublée.
« Ben alors Nirei, c’est rare de te voir ailleurs qu’au champ de tir ! Qu’est-ce qui nous vaut le plaisir de ta présence, mon p’tit Hypotrempe Embusqué !
- Arrête de m’appeler comme ça… » grommela-t-il en essayant de se grandir malgré la large main qui lui malmenait la tête. Chose pas évidente quand il lui arrivait à peine au nombril. « La Générale m’a demandé de venir ici pour l’heure du Draco.
- Hein ? »
Tamotsu avala sa dernière bouchée de riz en échangeant un regard avec la Goliath rousse.
« T’es sûr de ça ?
- Je serais pas là sinon, maugréa-t-il en réajustant dans ses cheveux un vieux peigne à la beauté abîmée par le temps.
- C’est bizarre… On nous a dit la même chose, à Tamotsu et moi. Mais pourquoi ils convoqueraient un archer comme toi en même temps que… »
Elle s’interrompit en plissant ses yeux fauves. Quelque chose avait accroché son regard, derrière Nirei.
« … Je rêve ou c’est Princesse Macronium ? »
Surpris, les deux hommes se retournèrent.
La Générale de l’Armée Impériale s’approchait d’eux, en pleine discussion avec une jeune femme dont la fine chevelure noire était coiffée en deux tresses bouclées. Même à cette distance, l’origine noble de Yuzuha était flagrante. Son pas militaire ne saurait effacer la délicatesse avec laquelle elle positionnait ses pieds à chaque foulée. Son dos se tenait droit, sans tressaillir au moindre pas comme seuls savaient le faire les enfants de bonne famille. Même si l’éclat de sa peau claire s’était doré après les entraînements au soleil, son grain demeurait bien plus soyeux que celui des trois guerriers rassemblés dans la cour. Enfin, si d’aucun doutait encore de son ascendance, l’emblème de la rose épanouie du clan Enju qui terminait la hampe de son naginata suffisait à établir son lien avec les seigneurs de Rosalia.
Comme l’homme de petite taille sautait du plancher en hauteur pour se placer dans la cour, Mion se hâta de remettre ses vêtements et armure afin de se rendre plus présentable, bien qu’ils ne pouvaient cacher les muscles puissants de ses membres nus. Son rival l’imita, un autre onigiri en bouche. Il se refusa à le lâcher et se contorsionna dans tous les sens pour s’habiller, préférant le ridicule à la perte d’un seul grain de riz. Un exercice dans lequel il excellait visiblement puisque, lorsqu’il passa son pouce sur sa barbe de trois jours pour s’essuyer, il ne cueillit aucune miette.
Tous trois s’alignèrent docilement sur la poussière déjà chauffée par le soleil estival, chacun arborant un court sabre en plume d’Airmure et son arme de prédilection. Deux arcs pour Nirei, dont le plus grand l’était presque autant que lui. Un kusarigama pour Tamotsu, dont la chaîne enroulée à sa ceinture produisait des cliquetis irréguliers en cognant contre la faucille. Et une masse kanabo pour Mion, dont le lourd fer bardé de grosses pointes complétait l’image d’ogresse. La dernière guerrière rejoignit leurs rangs et, dès que Dame Kisara foula le sol, ils s’inclinèrent respectueusement.
« Je suppose que vous devez vous demander la raison de votre présence ici, débuta-t-elle après leur avoir fait signe de se redresser -non pas que la Mackogneur d’Irisia en avait besoin. Surtout que vous provenez tous de régiments bien différents. Pour ne rien vous cacher, vous avez été spécialement choisis par mes soins en raison de vos prouesses militaires et de votre potentiel. »
Elle n’était pas la Générale de la plus prestigieuse armée de l’Empire pour rien. Ces quelques mots avaient suffi à leur faire bomber le torse d’orgueil et réaffirmer leur loyauté à la couronne.
« En effet, j’ai récemment eu connaissance d’un instrument qui pourrait entièrement changer nos traditions et stratégies militaires. Cependant, avant de me lancer dans cette entreprise, je souhaite d’abord éprouver les propriétés de cet objet. C’est là que vous intervenez. En plus de vos exercices habituels au sein de vos régiments respectifs, vous devrez également suivre un entraînement spécial. »
Un serviteur s’approcha pour remettre un sac de toile à chacun des soldats. Aussitôt, leurs yeux pétillèrent d’excitation en palpant le tissu pour en deviner le contenu. Invités par leur supérieure, ils plongèrent les doigts dans la pochette.
La déception confuse de leurs visages ne fut pas sans lui rappeler la scène qui s’était déroulée au Palais Écarlate quelques jours plus tôt.
« Des temaris ? osa l’homme ventru dans un rictus cynique en lançant en l’air une balle de bois nu. Et moches avec ça.
- Je ne te blâme pas de penser cela. Surtout que ce que vous tenez entre les mains n’est qu’un remplacement destiné à votre entraînement. »
L’incompréhension monta d’un cran.
« Pardonnez-moi, Générale Kisara, fit Yuzuha de sa voix chantante. Mais je peine à comprendre ce à quoi vous souhaitez nous entraîner. Qui plus est en n’utilisant pas l’objet véritable.
- Chuis d’accord avec Princesse Macronium, ajouta Mion dont la main disproportionnée donnait l’impression qu’elle tenait une simple bille. Je vois pas ce que ce truc a d’incroyable. C’est trop gros pour que quelqu’un marche dessus sans faire gaffe, et franchement, vu son poids, ça le fait vraiment moyen comme projectile.
- C’est vrai que j’ai du mal à voir ce truc arriver à assommer quelqu’un, et encore moins le tuer, confirma l’archer. Sauf si on utilise quelque chose pour lui donner plus de poussée, mais alors quoi… »
La Générale hocha la tête devant leurs commentaires.
« Votre entraînement va pourtant consister à apprendre à lancer ces… Temaris correctement. »
D’un signe de tête, elle désigna la cible installée quelques dizaines de mètres derrière eux pendant leur conversation.
Piqué au vif d’être défié sur son terrain, Nirei se mit en place. Son premier lancer heurta le bord du cercle de paille mais lui permit de mieux appréhender le poids et le comportement du projectile. Aussi, c’est sans surprise que son deuxième essai rebondit dans le mille.
« Eh, ça a l’air facile quand tu le fais, mon p’tit Hypotrempe Embusqué, » s’exclama Mion.
Ignorant sa grimace d’être encore ramené à sa taille, la géante arma à son tour son bras. La balle de bois traversa la cour à toute allure… Pour complètement rater la cible et ricocher contre le mur du fond. Les deux autres guerriers eurent tout autant de succès.
« Ne te réjouis pas trop vite, Nirei, l'interpella Dame Kisara comme il affichait un rictus triomphant. Ce simple exercice n’est que le début. Vous allez devoir apprendre à les lancer à des distances diverses, d’angles différents, etc. Il faut que cela devienne pour vous une seconde nature.
- Et ça nous sera utile en quoi, exactement ? » maugréa le Capidextre Affamé en grattant sa barbe de trois jours.
Un fin sourire malicieux étira les traits de la Générale.
« Réussissez, et vous le saurez. »
Là-dessus, elle les laissa sans plus d’explication. Décidément, elle savait motiver ses troupes.
Juchée sur un rocher, une jeune fille châtain observait la plaine en contrebas, la main en visière pour protéger ses prunelles grises du zénith. Sa mine luisante de sueur s’illumina en voyant une masse de toits sombres encerclée d’une forêt luxuriante.
« Mon oncle ! s’écria-t-elle en se retournant. J’aperçois Écorcia ! »
Sur le chemin derrière elle, l’homme en profita pour s’arrêter, imité par le paisible Rhinocorne dont il gardait la longe en main. Contrairement aux deux humains le guidant, il semblait insensible à la chaleur et au relief, et ce malgré la lourde charrette qu’il tirait. Il baissa le museau pour grignoter l’herbe asséchée par l’été qui avait réussi à pousser entre les roches, pendant que son maître s’approchait à distance mesurée de la falaise.
« Tu vois, qu’est-ce que je t’avais dit, s’amusa-t-il en faisant rouler les gouttes de sueur sur ses rares rides avec un éventail. Mais descends de là Maho, tu vas te casser le cou. »
Sa nièce s’exécuta. Sous l’étoffe légère de son jinbei, les maladresses de l’adolescence s’étaient presque entièrement changées en un corps d’adulte, mais son visage gardait cet enthousiasme propre à l’enfance. Elle réajusta sa queue de Ponyta sommairement nouée pour que l’air rafraîchisse sa nuque.
« Quand qu’on va y arriver ?
- Quand est-ce qu’on va y arriver. J’espère en début de soirée, en tout cas pas après l’heure du Cochignon.
- Ça veut dire qu’on va pouvoir dormir à l’auberge ce soir ?
- En principe oui… Hey, pas si vite jeune fille ! l'interpella-t-il alors qu’elle commençait déjà à dégringoler le chemin pentu. On n’arrivera nulle part si tu te blesses en faisant l’idiote. »
Maho remonta jusqu’à son oncle en faisant la moue. Celui-ci lui confia alors la bride du Rhinocorne pour s’assurer qu’elle ne reparte pas d’un coup.
« Qu’est-ce qu’on va acheter là-bas ?
- À toi de me le dire. Pour quoi Écorcia est-elle réputée ? »
La jeune fille réfléchit quelques instants.
« Le bois ?
- Exact. Que ce soit la menuiserie, les sculptures ou le charbon, personne n’arrive à la cheville des Écorciens quand il s’agit du travail du bois.
- Mais c’est pas un peu tôt pour acheter du charbon ? Y fait tellement chaud, chuis sûre qu’un œuf y cuirait tout seul si j’le mettrais sur c’te roche-là.
- Si je le mettais.
- C’est pareil, maugréa-t-elle.
- Pas si tu veux traîter avec des clients de haut rang. Pour répondre à ta question, c’est justement parce que nous sommes en été que c’est le moment d’investir dedans. Le prix d’achat est au plus bas, mais les provinces vont bientôt vouloir constituer leurs stocks pour l’hiver. Autrement dit, nous sommes assurés d’obtenir un beau bénéfice dès notre prochaine escale.
- Mais les sculptures ça se vend plus cher, non ?
- En effet. Mais elles prennent plus de place, et seule une petite portion de la population a les moyens d’en acheter. Alors que le charbon, tout le monde en a besoin. Donc ?
- Donc on prend une majorité de ce qui peut servir à tous, et le reste pour le luxe, » récita Maho.
Le marchand acquiesça, une once de fierté dans son sourire.
Leurs conversations furent par la suite rares jusqu’à ce qu’ils quittent enfin la route montagneuse. Maintenant qu’ils n’avaient plus à surveiller qu’ils n’allaient pas marcher sur un Racaillou par inadvertance, leurs langues se délièrent entre chants, anecdotes de l’oncle et exercices d’arithmétiques qu’il avait l’habitude d’imposer à sa nièce. C’est qu’elle devait affiner son esprit si elle voulait prendre un jour sa suite.
Finalement, l’heure du Caninos battait son plein quand ils franchirent les remparts de la cité fortifiée. Les rues étaient encore bien animées en dépit de l’heure avancée, mais ce n’était pas étonnant avec le jour qui n’avait pas encore envie de se coucher. La masse du Rhinocorne et son chargement leur permirent de se frayer un chemin parmi la foule, si bien qu’à part un petit détour en raison d’un Ramoloss immobile dans la rue, ils n’eurent aucun mal à atteindre l’auberge de l’Essaim de Sciure. Le marchand itinérant y avait manifestement ses habitudes, puisque la propriétaire l’accueillit chaleureusement en leur offrant même de quoi se désaltérer.
« On va d’abord s’occuper du vieux Bélier, décida-t-il après avoir pris quelques nouvelles. Lui aussi a bien mérité un peu de repos. »
Non pas que cela eut l'air de changer grand-chose pour l’indolent rhino, qui ne sembla même pas sentir de différence quand on le libéra du bât. Il ne toucha même pas à l’eau fraîche du seau à sa disposition, bien plus intéressé par le foin parfumé qu’il mâchonnait distraitement.
Son maître et sa nièce, en revanche, apprécièrent grandement le thé d’orge qu’on leur servit.
« T’as l’air soucieux, mon oncle, souligna la jeune fille après avoir avalé une bouchée de ragoût.
- Hum… N’as-tu rien remarqué dans les rues ?
- Euh… Y’a plein de gravures dans le bois. Et aussi des… Pokémon roses, là…
- Des Ramoloss.
- Oui, voilà. Des Ramoloss. Y’en a vraiment partout, c’est fou. Même à Mauve-la-Sacrée, les Cerfrousse y restaient plutôt autour de la Tour Chétiflor. »
Un sourire amusé plissa davantage les rides de son oncle. C’est vrai que c’était la première fois qu’elle découvrait Écorcia.
« Puisque tu parles de la Tour Chétiflor, sauta-t-il sur l’occasion. Te souviens-tu du Pokémon Sacré qui vit dans les environs ? »
Maho suspendit ses baguettes, leva les yeux pour se remémorer.
« Yatsuatari le Maelstrom, du Lac juge les Hommes, chantonna-t-elle pour s’aider. Byakuya le Béni, du Cap illumine la nuit. Kikan l’Impassible, de la Tour étend ses racines. Kiu le Sage, du Puits commande aux présages. Rekka le Flamboyant, des Ruines garde le temps. … C’est Kiu ?
- Bravo.
- Ça a un rapport avec toi qui t’inquiètes ?
- Oh, m’inquiéter est un bien grand mot, Maho. Disons juste que… Je sens une certaine tension. Couplé au fait que nous n’avons eu droit à aucun orage dans le massif des Caves Jumelles…
- Ben tant mieux, non ? Vu comment le vieux Bélier y veut même plus bouger quand ça pleut un peu. »
Une nouvelle fois, le marchand ne put s’empêcher d’esquisser un sourire devant sa naïveté.
La soirée ne s’éternisa pas, tous deux étant fatigués du voyage. Aussi, après quelques exercices d’écriture et de lecture puis un passage aux bains communs pour laver et soulager leurs corps, ils s’endormirent.
Mion plissa ses yeux fauves pour se concentrer sur la cible à l’autre bout de la cour. La peau cuivrée de son bras épousait parfaitement la forme de ses muscles bandés. Soudain, elle bascula tout son poids sur sa jambe gauche. Ses doigts libérèrent la balle de bois, qui fusa en sifflant au-dessus de la poussière.
… Pour passer au-dessus du cercle de paille et percuter le mur du fond, avant de retomber rejoindre ses nombreuses sœurs.
La Goliath rousse claqua la langue, mais recommença. Encore. Et encore. Mais aucun de ses essais n’arrivait à effleurer la cible qui, de plus en plus, se changeait en œil moqueur.
« Fait chier…! »
Son cri résonna dans le dojo alors qu’elle lança une énième sphère si fort qu’elle se fracassa contre la paroi, la marquant au passage.
Furieuse, la Mackogneur d’Irisia tourna les talons pour s’asseoir sur le plancher surélevé -qui, à sa hauteur, faisait office de banc. Elle essuya la sueur de son front d’un geste rageur avant d’engloutir la moitié d’une outre d’eau.
« Tenez bon Mion ! Je suis certaine que vous y arriverez ! »
La géante répondit d’un grognement sourd. Yuzuha était gentille, mais là, ses encouragements, c’était la dernière chose dont elle avait envie.
« Facile à dire pour toi, princesse. C’pas toi qui bloques sur un exercice à la con. »
La guerrière noble s’installa en un seiza parfait à côté d’elle, les genoux insensibles à la dureté des planches.
La colère de Mion était compréhensible. Depuis qu’ils avaient commencé cet étrange entraînement sur laquelle la Générale les avait défiés quelques semaines plus tôt, elle était la seule à ne pas avoir réussi à passer les premiers exercices de lancer simple. Sans surprise, Nirei avait survolé l’entraînement, et il s’amusait désormais à corser les situations de tir avec presque autant de diversité qu’il le faisait pour ses arcs. L’application de Yuzuha lui avait permis de rapidement prendre le pli et, même si elle n’avait pas l’adresse de l’Hypotrempe Embusqué, l’élégance et la rigueur de chacun de ses essais étaient un spectacle à eux seuls. Quant à Tamotsu, il ne s’en était pas mal tiré non plus, probablement aidé par l’habitude de manier avec précision sa chaîne et sa faucille.
Tous trois étaient bien conscients des difficultés de leur camarade, au point que même son éternel rival n’osait pas mettre le sujet sur le tapis, et encore moins la défier -permettant à ses cheveux bruns de retrouver une longueur inédite depuis sa rencontre avec elle. Mais, trop bornée ou trop fière, elle refusait leur aide.
« Nirei serait ravi de vous conseiller, si seulement vous acceptiez.
- Hors de question. Le nabot a pas à se mêler de la façon dont j’m’entraîne.
- J’entends, et serais tout à fait de votre avis en temps normal. Après tout, il ne me viendrait jamais à l’esprit de vous faire la leçon sur le maniement de votre kanabo. Cependant…
- Y’a pas de cependant qui tienne. »
Ses phalanges craquèrent si fort qu’elles réussirent à faire tressaillir le visage impeccable de Princesse Macronium.
« Ça veut rien dire, tout ça… Si c’était juste pour jouer au temari, la vieille Noarfang avait pas besoin de moi. Chuis douée pour frapper et porter des trucs, pas pour faire dans le détail.
- Mion, vous…
- Non mais c’est vrai ! Pourquoi d’un coup j’dois changer toutes mes habitudes pour un truc dont je sais que dalle !
- Pourquoi, en effet. »
Les deux femmes sursautèrent à cette voix trop familière, et s’empressèrent de s’incliner. La Générale de l’Armée Impériale fixa la géante. La carotte de découvrir la raison de ce mystérieux entraînement n’avait plus prise sur elle, mais elle ne pouvait se permettre de perdre un élément aussi important. Il était temps d’utiliser un nouvel appât.
« Allez chercher les autres. »
Une fois les guerriers rassemblés, Dame Kisara débuta sa démonstration en leur montrant une sphère bien plus travaillée que les balles avec lesquelles ils s’exerçaient.
« Voici ce à quoi ressemble l’objet que vous finirez par manipuler.
- … Et ça change quoi, à part qu’elle est plus jolie ?
- Cette division, en son centre… Peut-elle donc s’ouvrir ? pondéra Yuzuha
- Quoi, alors c’est pour asperger de la poussière ou un truc du genre sur nos adversaires ? Et ça valait la peine de créer un régiment pour ça ? ricana Tamotsu.
- Tu n’as pas tort, elle contient bien quelque chose. »
La Générale tendit le bras vers le haut.
« Apparais ! »
L’explosion sonore et lumineuse leur fit porter par réflexe la main à leurs armes. Leurs yeux s’écarquillèrent alors en découvrant l’imposant Tauros qui se tenait à présent devant eux.
« … Qu… Quoi ?!
- Comment…? D’où…? »
Les mots leur manquaient.
La Générale enchaîna avec une série d’ordres que l’auroch exécuta à la perfection, sans oublier de conclure par le même miracle que celui de Dame Hiwada Otoha pour bien marquer leurs esprits. Ah, voici donc ce que la seigneur d’Écorcia avait ressenti ce jour-là…
« Comme vous avez pu le constater, cette Poké Ball -et non Tamotsu, ce ne sont pas des temaris- a le pouvoir de renfermer un Pokémon et de s’en faire obéir parfaitement par celui qui la détient.
- N-N’importe lequel ?!
- C’est à déterminer, mais on peut dire que oui. »
Un rai rougeoyant avala le Tauros dans la capsule.
« J’espère maintenant que vous saisissez un peu mieux le potentiel de cet outil.
- D-D’accord mais… commença Mion, en tentant de mettre de l’ordre dans ses idées. Pourquoi on doit s’entraîner à les lancer, alors…?
- Vous ne pensez tout de même pas que nous allons nous contenter d’employer des Tauros ! Non, une fois que vous saurez les lancer correctement, vous aurez pour tâche de capturer votre propre Pokémon. À ce moment-là… Vous deviendrez officiellement le Régiment de Dompteurs, une élite capable de se battre en employant les créatures les plus redoutables de l’Empire.
- … Mais pour ça, il faut encore pouvoir les approcher. Sans parler de les capturer, comprit Nirei.
- Exactement. Cet entraînement est là pour assurer votre sécurité. Les Pokémon sont des créatures dangereuses, qui n’hésiteront pas à vous tuer s’ils se sentent menacés. »
Elle jeta un œil à Mion. Ses yeux avaient retrouvé un éclat vigoureux.
« Nirei, puisque tu n’as plus grand-chose à maîtriser de ce côté-là, tu vas épauler Mion.
- Générale Kisara, j’ai vraiment pas…
- C’est un ordre, Mion, répliqua-t-elle sèchement. Il est clair que tu n’arriveras à rien seule. Ce n’est pas être faible que de demander de l’aide. Même une vieille Noarfang comme moi a parfois besoin de s’appuyer sur les autres. »
Même les joues de la guerrière noble s’empourprèrent comme les deux femmes baissaient piteusement la tête sous le regard étonné des hommes.
Comme à chaque fois qu’ils installaient leur étal, Maho était admirative du résultat. Son oncle savait placer les objets pour que leur stand sorte du lot et attire les passants. Or, comme il aimait le lui répéter, regard accroché, client à moitié. Le reste se faisait en proposant de la qualité et en sachant manier sa langue.
Cette fois-ci, le clou de leur étal était sans conteste le petit Poissirène qu’ils avaient réussi à transporter depuis Mauve-la-Sacrée. Placé légèrement en hauteur et au-devant de leur marchandise, le bocal en verre élaboré laissait miroiter l’ivoire et le corail de ses écailles. Les curieux ne se lassaient pas de la danse exquise des fines nageoires voilées qui s’agitaient gracieusement dans l’eau claire. Bon nombre repartaient finalement avec des pots d’encre, étoffes et autres pinceaux. En moins d’une semaine, leur stock était déjà presque écoulé.
Ils s’apprêtaient à faire une pause pour déjeuner pendant l’heure du Galopa quand un homme à l’élégant kimono s’approcha.
« Il me semblait bien avoir reconnu ton bagout, mon cher Sen’Ichi. »
Intimidée, Maho s’inclina bien bas. Après tout, ce type avait tout d’un noble. Son oncle, en revanche, était bien plus décontracté. Il souriait, même, comme s’il s’était attendu à cet événement.
« Sire Ryûnosuke, quel plaisir de vous revoir ! Mais vous me devancez : je comptais justement me rendre au château afin de présenter ce splendide Poissirène à Dame Otoha. »
Un rire amusé égaya le visage de l’intendant.
« Ah ! Te connaissant, tu serais capable de nous vendre un Roucool déplumé que nous l’achèterions volontiers ! Mais je dois reconnaître que ce Poissirène est tout bonnement superbe.
- Vous êtes fin connaisseur. Voyez comme sa corne est déjà proéminente pour sa taille. »
Sentant que le marchand aurait tôt fait de le convaincre s’il le laissait faire, Ryûnosuke changea vite de sujet.
« Mais qui est cette jeune fille qui t’accompagne ? Ne me dis pas que c’est ta fille ?
- Hélas non, je n’ai pas cette chance. Maho est ma nièce, que sa mère, ma sœur, m’a confiée suite à son trépas il y a déjà deux ans.
- Oh… »
L’intendant s’inclina doucement vers elle.
« Je suis navré d’apprendre cela. Je te prie d’accepter mes sincères condoléances.
- Euh, je… M-Merci, bredouilla-t-elle, prise au dépourvu.
- Nous nous apprêtions à déjeuner. Souhaitez-vous vous joindre à nous ?
- C’est justement pour cela que je suis venu te voir. Dame Otoha souhaite t’inviter à sa table. »
Une lueur intriguée traversa les prunelles du marchand, que Maho reconnut. Ces yeux-là, il ne les avait que lorsqu’il flairait une bonne affaire. Autant dire que ce repas ne serait pas que d’agrément.
Pourtant, une gêne éclipsa sa curiosité.
« Je vous remercie pour cette invitation, Sire Ryûnosuke. Cependant, j’ai bien peur de devoir refuser.
- Allons bon ! C’est une première !
- Loin de moi l’idée d’offenser Dame Otoha. Mais je ne voudrais pas laisser Maho seule, dans une cité qui lui est inconnue. »
Le visage de l’intendant s’adoucit à sa réponse. Il hocha la tête en croisant les bras.
« Voilà qui est surprenamment sage de ta part… Mais elle est également ton apprentie, n’est-ce pas ?
- En effet.
- Eh bien, elle n’a qu’à se joindre à nous. Je suis certain que ce repas lui sera très instructif. »
Derrière le ton poli pointait une injonction, renforcée d’un regard ferme, qui ne laissa guère de choix au marchand.
Arrivée au pied du Mont Creuset, Mion inspira profondément. Cet air pur, chargé des senteurs boisées des conifères chauffés par l’été, était ce qui se rapprochait le plus de son Irisia natale, l’iode en moins.
Rares étaient les occasions de quitter la capitale, mais la Goliath rousse avait obtenu ce droit en réussissant enfin les exercices de lancer. Même s’il lui en coûtait de l’admettre, Nirei s’était avéré un bon professeur. Certes, elle n’avait pas accompli la moitié des manœuvres les plus complexes maîtrisées par ses camarades, mais jamais elle n’aurait pu obtenir ces résultats sans son aide et sa patience. Elle avait gagné un nouveau respect pour l’Hypotrempe Embusqué, au point qu’elle ne l’avait pas une fois ramené à sa taille depuis son mentorat.
Ses doigts passèrent distraitement sur la poche de tissu fixée à sa ceinture, suivant la courbe des Poké Balls qu’elle renfermait. La Générale leur avait donné jusqu’à l’équinoxe d’automne pour revenir au dojo de l’Armée Impériale avec leur prise. Ce qui lui laissait un peu plus d’une semaine pour trouver une créature digne d’elle. Sauf que, si les autres avaient déjà une idée de ce qu’ils comptaient capturer, la Mackogneur d’Irisia n’en savait strictement rien.
Elle avait passé la journée à se creuser les méninges, pendant que le Tauros qu’elle chevauchait trottait péniblement sous sa masse. Mais comment choisir ce que l’on voulait quand on ne savait même pas quel genre de Pokémon on pouvait rencontrer ? C’était entre autres la raison pour laquelle la géante avait pris le chemin du massif : à défaut d’avoir jamais mis les pieds dans ces hauteurs, elle était familière avec celles d’Irisia. Les montagnes devaient bien se ressembler dans leur faune.
Mion laissa sa monture épuisée dans un village proche, et s’engagea aussitôt sur le relief malgré l’obscurité perlée qui grignotait le ciel. Elle voulait profiter de cette première nuit pour s’imprégner de la montagne. Ses odeurs. Ses bruits. Sa vie. Si bien que, lorsqu’elle consentit enfin à arrêter son ascension car elle ne pouvait plus voir ses pieds, la Goliath rousse n’alluma même pas de feu pour ne pas fausser ces sensations. Elle se contenta de s’enrouler dans une couverture qui ne recouvrait que ses bras puissants, et s’endormit contre une roche, bercée par le chant nocturne du Mont Creuset.
Pour la énième fois, Maho sortit précautionneusement la balle de bois peinte de son écrin. Elle la tourna sous ses doigts, appréciant la surface lisse dont les couleurs prenaient de nouvelles nuances sous les flammes et les étoiles.
« Fais attention à ne pas l’abîmer. »
Assis à côté d’elle, son oncle avait plus dit cela par réflexe en la voyant bouger dans le coin de son œil que par réelle crainte. Elle n’était pas du genre maladroite, aussi n’avait-il pas besoin de la surveiller avec ce si précieux objet. Appuyé contre le vieux Bélier déjà ronflant, il fumait sa pipe kiseru tout en consultant un registre. De temps à autres, il faisait de rapides calculs sur son boulier, puis inscrivait les résultats sur le papier.
« J’arrive toujours pas à y croire, répéta-t-elle.
- Je sais.
- Puis, comment les Tauros y lui obéissaient !
- Hum.
- C’est fou. »
Elle tourna la tête vers le manteau de ténèbres. Au loin, elle arrivait encore à deviner la lueur des lampions d’Écorcia, quittée le matin-même.
Le flair du marchand ne l’avait pas trompé. Dame Otoha, après une démonstration, leur avait mandé d’apporter quelques Poké Balls à Rosalia contre une somme rondelette. Quatre boîtes s’étaient donc glissées dans le chargement du Rhinocorne, dissimulées sous le charbon et autres articles qu’ils avaient également achetés. Mais la jeune fille n’avait pu s’empêcher de faire la moue quand ils avaient repris la route pour le massif des Caves Jumelles.
« Ç’aurait pas été plus rapide si on aurait passé par le Bois aux Chênes ?
- Si on était. À cette époque de l’année, ça grouille de Pokémon Plante de partout, de quoi rendre ce vieux Bélier nerveux. Passer par Mauve-la-Sacrée ne nous rallongera que d’un jour ou deux, alors autant jouer la sécurité. Et puis, il aurait fallu engager un guide pour ne pas se perdre, et j’ai horreur de leurs Hoothoot. »
Elle grimaça. Rien qu’imaginer les yeux globuleux la fixer lui donnait la chair de poule.
« C’est vrai ce qu’on dit sur Rosalia ? Qu’les maisons, elles sont toutes en or et argent, et qu’les gens y mangent du riz blanc tous les jours ? »
Son oncle recracha soudainement la fumée qu’il s’apprêtait à avaler dans un mélange de toux et de rire.
« Allons, Maho ! Ne me dis pas que tu crois encore à ce genre de rumeurs ! Rosalia a beau être la capitale de l’Empire, elle reste une ville comme les autres. Avec ses pauvres et ses riches. »
La jeune fille rougit en entourant ses genoux de ses bras. Mais devant la déception qui envahissait son visage, le marchand crut bon d’altérer ses propos.
« Enfin… Je mentirais si je disais qu’elle ne dégage pas quelque chose de… Grandiose. »
Les yeux gris de Maho le fixèrent, curieux.
« Le Sanctuaire des Astres, au cœur de la ville, agit comme une boussole pour les âmes avec ses portes donnant sur chacune des huit directions, décrit-il de sa voix de conteur. Le Palais Impérial, aux nombreuses villas et palais, est une cité dans la cité, avec ses propres habitants.
- T’y es déjà entré ?
- Uniquement au Palais Jade, pour y porter des céramiques d’Acajou.
- T’as rencontré l’Empereur, alors ?!
- Non, non, s’amusa-t-il. Je n’ai traité qu’avec l’intendant du Palais Jade. Jamais Sa Majesté ne rencontrerait un simple marchand comme moi.
- Pourtant… L’seigneur d’Écorcia, elle t’a demandé toi exprès.
- Certes, mais ce n’est pas comparable. En tout cas, je peux te dire que ce palais-là était déjà magnifique, alors qu’il n’est destiné qu’à accueillir le peuple. Par contre, ce que tu verras très bien quand nous arriverons, ce sont la Tour Carillon et la Tour Cendrée, qui sont elles habillées d’or et d’argent. Ah… » Il croisa les bras, une certaine nostalgie dans la voix. « Je me souviens encore du Kin Matsuri auquel j’ai assisté une fois, à la capitale… La Tour Carillon brillait de mille feux quand le Phénix d’Orcœur s’y est perché, jamais je n’ai vu de couleurs aussi belles…
- T-t’as vu le Divin Ho-Oh ?! s’étrangla Maho.
- J’ai eu bien de la chance, tu peux me croire. Sa Majesté Kurena était encore Impératrice. D’ailleurs, c’est cette année-là que j’ai pu acheter le vieux Bélier et quitter mon maître. »
Le Rhinocorne grogna dans son sommeil. Le marchand lui flatta le flanc.
« T’en as vu des choses, mon oncle.
- C’est que j’ai bien vadrouillé. Mais ton voyage à toi ne fait que commencer. Tu verras, toi aussi tu auras bien des choses à raconter quand tu auras mon âge. »
Elle acquiesça, et se rendit seulement compte qu’elle tenait toujours la balle entre ses doigts.
« En tout cas, je trouve cette Poké Ball très intéressante.
- Ah bon ? Moi, ça m’fait un peu peur, avoua Maho.
- Je comprends, et je pense que c’est notamment pour ça que nous devons les livrer à Rosalia. Mais imagine un peu, si nous en avions à disposition. Il nous serait tellement facile de transporter des Poissirène, des Miaouss et d’autres Pokémon sans craindre de les blesser ! Ah, si j’en avais ne serait-ce qu’une, je filerais acheter le plus beau Poissoroy de toute Mauve-la-Sacrée pour l’offrir au clan Fusube. Ou mieux encore, peut-être que je pourrais dénicher un Meganium pour le clan Enju…! »
Il griffonna ses idées dans son registre, les yeux pétillants comme un enfant. Comprenant qu’elle n’obtiendrait plus grand-chose de lui maintenant qu’il était dans sa frénésie créatrice, la jeune fille rangea la Poké Ball dans son écrin avant de se coucher.
Accroupie derrière un rocher, la Mackogneur d’Irisia observait discrètement le Grolem qui grattait le sol, à une vingtaine de mètres.
Elle avait passé ces derniers jours à crapahuter sur tout le Mont Creuset afin d’identifier les captures potentielles. Et, pour tout avouer… Elle n’était pas très convaincue par ce qu’elle avait vu. Aucun Pokémon n’avait trouvé grâce à ses yeux. Un temps, Mion avait bien considéré s’épauler d’un Machoc, peu importe si ses camarades se moquaient de son manque d’originalité. Sauf que… Lorsqu’elle avait voulu en défier pour évaluer leur potentiel, tous avaient été défaits en moitié moins de temps qu’il lui fallait généralement pour gérer le Capidextre Affamé. Quelle déception !
Mais le temps filait. Si elle voulait revenir au dojo à temps, elle ne pouvait plus faire la fine bouche. Aussi, ce Grolem tombait à point nommé. Certes, la géante ne voyait pas vraiment en quoi ce rocher sur pattes lui serait plus utile que son kanabo, mais elle y réfléchirait plus tard.
Ignorant les gouttes de sueur roulant sur sa peau, Mion patientait, immobile. Il ne l’avait pas repérée. Pas encore.
Enfin, il lui tourna le dos. Doucement, la Goliath rousse plongea la main dans sa pochette…
Quand le Grolem releva d’un coup la tête. Elle se figea. S’était-elle trahie ? Elle le voyait humer l’air, alerté. Ça ne pouvait pas être son odeur, elle était sous le vent.
Soudain, des tremblements graduels saisirent la terre. La tortue engoncée roula aussitôt pour s’éloigner de l’épicentre… D’où émergea une tête grise rutilante qui déchira la roche comme du papier.
La lourde queue de la Steelix jaillit du sol pour barrer la route au Grolem, qui buta violemment dessus. Le temps qu’il se relève, le serpent titanesque l’avait enfermé dans ses anneaux de fer. Elle dressa la tête pour considérer un instant sa proie qui cognait vainement son épiderme insensible. Puis, ses mâchoires béantes plongèrent. De là où elle était, Mion fut épargnée de la vision de cet ignoble spectacle. Pas des craquements sinistres de la carapace volant en éclats, ni du hurlement d’agonie de la tortue qui résonna dans toute la montagne.
Mion se colla contre sa cachette, plaqua sa main sur sa bouche pour réduire au silence sa respiration. Elle aurait même volontiers enserré son cœur pour l’empêcher de battre aussi fort.
Même à Irisia, elle avait rarement vu des Steelix. Mais leur réputation les précédait. Aussi agressifs qu’un Onix, ils n’hésitaient pas à charger les Hommes qui avaient le malheur de les croiser. Leur armure les protégeait des armes, et leur insensibilité au relief rendait toute fuite presque impossible. Nombreux étaient les villages de montagne qui avaient été dévastés quand l’un d’eux faisait surface.
Alors que le serpent de fer entamait son repas, un calme olympien s’installa doucement chez Mion. Ce Pokémon. Il serait parfait.
Sa peau frémit, mais plus de peur. Elle risqua un œil malicieux hors de son abri, l’ombre d’un sourire aux lèvres.
Sa main récupéra une balle de bois.
Elle fit un pas prudent de côté.
Arma son bras.
Lança.
La balle décrivit une courbe parfaite.
… Du moins au début.
En voyant la Poké Ball dévier, Mion comprit enfin pourquoi la Générale avait autant insisté pour qu’ils maîtrisent à la perfection cet exercice des plus sommaires. Au dojo, elle aurait réussi ce tir. Mais les conditions du massif étaient différentes.
La sphère heurta le sol et rebondit quelques fois sur la roche. Le bruit provoqué fut infime, les vibrations minimes. Mais suffisants.
La Steelix redressa la tête. Un rugissement d’éboulement fit vibrer le versant quand elle aperçut l’humaine plonger derrière son rocher. Un crissement de métal s’ensuivit, et Mion ne chercha pas à en savoir plus : elle bondit aussi loin que possible. Juste à temps. Les mâchoires broyèrent la pierre.
La guerrière dévala la pente dans un équilibre précaire, se rattrapant au petit bonheur la chance. Les sifflements grinçants la suivaient, se rapprochaient.
Soudain, son intuition hurla. Elle saisit immédiatement son kanabo pour asséner un coup violent sur le côté. Ce fut tout juste assez pour écarter la pointe de fer qui avait fusé hors de terre.
Le choc la déséquilibra. Tombant sur le flanc qu’une douleur lancinante traversa, elle dégringola la falaise pour ne s’arrêter qu’au bas d’un étroit canyon.
Elle ne put se réjouir de retrouver un sol stable. La Steelix la chargeait, emballée par la pente. Mion saisit sa deuxième Poké Ball. C’était maintenant ou jamais.
Mais ses côtes meurtries crispèrent ses muscles. La sphère atterrit bien trop bas, avalée par l’éboulis du serpent titanesque.
Plus rien ne pouvait l’arrêter.
Prenant son kanabo à deux mains, la guerrière l’abattit de toutes ses forces sur la tête plate. L’impact fit trembler la terre alentour. Pendant un bref instant, humaine et reptile furent figées comme le fer affrontait le fer.
Quand la masse à pointes ploya.
Mion eut tout juste le temps d’écarquiller les yeux en voyant son arme se courber.
L’instant d’après, la Steelix la percutait.
Elle décolla, projetée contre la paroi opposée. Elle s’y écrasa si brutalement que des roches s’en détachèrent en lui entaillant la peau. Son corps s’affaissa.
Elle avait du mal à respirer. Son être n’était plus que douleur. Elle ne sentait plus son bras droit. Deux ou trois côtes lui piquaient la chair à chaque souffle. Sa jambe la lançait tant qu’elle aurait été incapable de dire où précisément elle était blessée. Un goût ferreux avait envahi sa bouche, et un liquide chaud s’écoulait de son front sur la moitié du visage.
Et pourtant.
Un rire la secoua, ravivant ses plaies. Sonore, fou, il ricocha dans l’étroit vallon.
« Eh, la grosse nouille. »
Mion parvint à s’asseoir. Elle cracha un mélange de salive et de sang, où une dent se perdit.
« T’sais pourquoi on m’appelle la Mackogneur d’Irisia ? »
Son poing gauche s’abattit sur son épaule déboîtée, la remettant en place dans un craquement abject. Un sifflement grondant émana de la Steelix.
« J’ai jamais connu mon père. Du coup, les gens disent que ma mère a été mise en cloque par un Mackogneur. »
Elle se leva malgré sa jambe. La lanière de cuir de sa tresse avait cédé, libérant son épaisse crinière rousse.
« Et tu sais quoi ? »
Elle fixa le serpent de fer, qui se surprit à un mouvement de recul. Ses yeux étaient ceux d’une bête sauvage.
« C’est justement dans ces moments-là que je me dis qu’ils ont raison ! »
Maintenant, Maho se souvenait pourquoi elle aurait préféré prendre la route du Bois aux Chênes.
Oh, le massif des Caves Jumelles n’était pas en cause. Même si le dénivelé les ralentit fortement, ils profitaient au moins de la fraîcheur du matin et du soir pour se ressourcer avant d’affronter la fournaise de l’après-midi. Ce n’était pas le cas du marais Fosmer.
La chaleur estivale était piégée par les bassins qui l’absorbaient en s’évaporant. Une humidité insupportable régnait nuit et jour, collant les vêtements à leur peau poisseuse. On ne pouvait même pas se rafraîchir en plongeant dans un étang tant l’eau croupie était chaude.
Comme si cela ne suffisait pas, un vent d’est assez fréquent apportait avec lui l’air de l’océan proche. L’iode s’installait dans les narines en amplifiant les relents marécageux pour leur donner une odeur de pourriture, qui gâchait jusqu’au goût des repas. Maho ne comprenait pas comment un village avait réussi à s’établir à la lisière.
Son seul réconfort résidait dans le fait qu’il ne leur faudrait que deux jours pour le traverser. Peut-être moins, même. En dépit de l’humidité, la surface des marais s’était encore plus réduite qu’à l’aller. Un film jaunâtre recouvrait une partie des rives, dont la boue s’était asséchée avec l’interminable soleil. Certes, la vase en décomposition les obligea à porter un masque de fortune fait de tissu dans lequel l’oncle avait enroulé des herbes parfumées et des essences fruitées, mais au moins ils pouvaient avancer sans risquer de perdre une sandale waraji à chaque pas.
Ce fut donc avec une joie ambiguë que la jeune fille vit la rivière qui marquait la moitié de leur périple nauséabond. Mais il leur restait encore autant à parcourir…
Ils s’engagèrent sur le pont de bois permettant sa traversée. D’ordinaire, le cours d’eau s’écoulait une trentaine de centimètres plus bas. Mais la sécheresse avait diminué d’un tiers sa largeur, et sa surface était à plus d’un mètre du plancher désormais.
Ils étaient presque à la moitié quand le marchand sentit la longe se tendre dans sa main.
« Eh bien, Bélier ? Que t’arrive-t-il ? »
Le Rhinocorne s’était complètement arrêté. Ses naseaux relevés reniflaient bruyamment et, pour une fois, ses yeux mornes brillaient.
Soudain, il s’ébroua dans un grognement couinant et chercha à reculer maladroitement.
« Hé là, hé là ! Du calme ! Maho, va derrière ! »
La jeune fille se glissa sur le côté, et appuya de tout son poids contre la charrette pour inciter le vieux Bélier à avancer. Mais celui-ci était en proie à un affolement incompréhensible. Ses piétinements furent tels qu’une planche finit par céder sous une de ses pattes arrière. Il poussa un barrissement aigu de panique, fit un brusque bond en avant pour fuir le vide en bousculant son maître au passage.
« Bélier, ça suffit ! »
Mais il refusait à nouveau de faire le moindre pas, indifférent aux coups de bride sur sa cuirasse. Maho avait beau pousser de toutes ses forces, les genoux pliés et le dos arqué, elle ne pouvait pas grand-chose face à la force de la bête.
Alors qu’elle persévérait, les dents serrées, ses yeux gris s’aventurèrent sur l’espace créé par la planche brisée. Surprise, elle cessa son effort.
« Mon oncle ! s’écria-t-elle. Y’a un truc qui bouge sous l…! »
Elle ne termina jamais sa phrase.
La rivière explosa.
Une masse fendit la surface dans des éclaboussures tonitruantes.
Un museau trapu creva les planches juste derrière le Rhinocorne paniqué.
Des mâchoires puissantes se refermèrent sur un bras de la charrette, le brisant d’un coup sec.
Maho tomba en arrière.
Le vieux Bélier barrit de toutes ses forces. Il rua alors qu’une patte jaillit du trou béant pour enfoncer ses griffes redoutables dans le bois. Une tête de saurien aux écailles luisantes de vase se hissa. L’Aligatueur vagit, irrité d’avoir manqué sa proie. Excité par les ruades, il tenta de mordre les courtes jambes, mais sa position guère naturelle ne lui permit que d’effleurer le cuir épais.
Tétanisée par la scène, la jeune fille ne pouvait détacher ses yeux du monstrueux reptile qui essayait de monter sur le pont.
Soudain pris d’un élan de survie, le Rhinocorne fonça droit devant lui en arrachant son bât de la carriole. Son maître, la longe toujours en main, fut happé par sa fuite éperdue et entraîné au loin.
Ce qui finit de fragiliser le pont.
Les poutres rongées d’humidité craquèrent horriblement sous la cavalcade.
En voyant la charrette s’affaisser, Maho eut un sursaut inédit qui la remit sur pied. Mais elle n’eut pas le temps de faire un pas. La gravité la rattrapa.
Elle tomba dans la rivière.
Privée de repères dans l’eau trouble, elle agita les membres dans tous les sens. Son corps l’attirait d’un côté, son habit de l’autre. Ses poumons la brûlaient peu à peu.
Son pied toucha le fond et, d’une manière ou d’une autre, sa tête émergea. Elle but la tasse en voulant respirer trop vite, pataugea péniblement pour rester en surface.
La charrette était à moitié immergée, teintant l’eau d’encre comme son chargement se déversait dans la rivière. L’Aligatueur était toujours perché sur le reste de planches qui fut autrefois le pont, grognant contre sa proie qui lui avait échappé.
Quand il tourna son éternel sourire de prédateur.
Ses yeux rouges croisèrent les pupilles grises de l’humaine. Une lueur sinistre les envahit. Un voile terrifié les recouvrit.
Il plongea.
Maho agita pieds et bras dans tous les sens pour regagner la rive.
Elle sentit le sol sous sa sandale. Mais la vase était traître, et la précipitation la faisait glisser.
À chaque fois, elle jetait un œil anxieux vers l’arrière.
À chaque fois, les crêtes vermeilles se rapprochaient en ondoyant lentement.
À chaque fois, son cœur résonnait plus fort à ses oreilles.
Soudain, alors qu’elle avait sorti jusqu’à ses cuisses, la boue céda une fois de trop sous ses orteils.
Elle retomba lourdement dans l’eau.
Elle ne pouvait plus lui échapper.
Désespérée, Maho fit face à son bourreau au sourire garni de crocs.
Sa main rencontra une forme solide, qui se désagrégeait un peu sous ses doigts. Elle l’amena à hauteur d’yeux. Un morceau de charbon.
« V-va-t’en, » balbutia-t-elle en le lançant.
La houille n’inquiéta même pas le saurien. Mais ce geste l’avait ragaillardie.
« Va-t’en ! Laisse-moi tranquille ! »
Sa voix se durcissait à mesure qu’elle répétait les mots, qu’elle jetait ses projectiles. Au désespoir s’ajoutaient d’autres émotions. Chagrin. Mépris. Colère.
Les écailles de l’Aligatueur disparurent subitement dans l’eau.
Un calme irréel s’installa.
La rivière elle-même retenait son souffle.
Le saurien bondit hors des flots, la gueule béante.
Maho hurla en fermant les yeux.
Elle lança la pierre ronde dans sa main.
Une explosion retentit.
Et rien.
Plusieurs secondes passèrent. Rien.
Maho ouvrit un œil prudent. Puis l’autre.
L’Aligatueur s’était volatilisé.
Une balle de bois peinte fit surface en gigotant. Pour finalement émettre un son de verrou.
« Putain, mais qu’est-ce qu’elle fout… »
L’atmosphère était tendue dans la cour centrale du dojo de l’Armée Impériale. Et pour cause. L’équinoxe d’automne était maintenant passé depuis cinq jours. Mais, des quatre guerriers choisis par la Générale, seuls Yuzuha, Tamotsu et Nirei étaient rentrés.
Si certains avaient prévu de se moquer d’elle d’être revenue la dernière, l’absence prolongée de Mion avait changé leur étonnement premier en inquiétude sérieuse. Au point qu’aucun n’avait réussi à se réjouir de leur voyage fructueux, et qu’ils avaient préféré conserver leurs captures scellées.
Tous s’occupaient comme ils le pouvaient. L’homme ventru s’entraînait au maniement de sa chaîne. Le plus petit ajustait pour la énième fois les plumes de ses flèches. Quant à la guerrière noble, son calme apparent était trahi par l’onde de sa tasse de thé.
« Ne pensez-vous pas qu’elle aurait peut-être…? risqua-t-elle en rompant le silence pesant.
- Non, l’interrompit Tamotsu d’un ton catégorique. C’est d’la Mackogneur d’Irisia qu’on parle.
- Tout de même, elle n’est pas à l’abri d’un accident.
- Non.
- Tu l’idéalises trop, Tamotsu, soupira Nirei.
- Et moi j’vous dis que c’est impossible ! » Le poids au bout de sa chaîne s’écrasa violemment dans le sol. « Çui qui voudra la battre devra d’abord me passer sur le corps ! »
L’Hypotrempe Embusqué leva les yeux au ciel.
« Si tu veux…
- Peut-être pourrions-nous convaincre la Générale de partir à sa recherche ?
- Chuis pas sûr qu’elle accepte, Yuzuha, grimaça l’archer. Elle va juste nous dire qu’on connaissait les risques et que ça vaut pas la peine de risquer de perdre tout son nouveau régiment pour une seule personne.
- Tu vas voir si elle va pas me laisser partir ! Si ce soir elle est pas rentrée, j’prends le premier Tauros de l’écurie et je…!
- Silence ! »
Les deux hommes dévisagèrent Princesse Macronium, surpris de l’entendre utiliser ce ton autoritaire. Mais ils comprirent vite la raison de cette injonction.
Une commotion venait du couloir et se dirigeait vers eux. Des voix inintelligibles leur parvenaient, mais la panique qui les marquait leur fit préparer les armes. Ils se mirent en garde, alors qu’une ombre gigantesque se détachait petit à petit de l’intérieur en boitant.
Quand elle atteignit la lumière du jour, une seconde de flottement s’installa.
« Mion ?! »
La Mackogneur d’Irisia était méconnaissable.
Appuyée sur une étrange béquille grise, ses vêtements comme sa peau étaient déchirés en de nombreux endroits. Pas une once de son corps n’était épargnée de tache, qu’elle soit de sang ou de terre. Sa tignasse rousse était raide et pleine de débris. Surtout, sa chair était enflée et à vif là où des fractures étaient clairement visibles.
Pourtant, ses yeux fauves brillaient d’orgueil. Elle leur adressa un sourire ensanglanté.
« Ben alors, tu parles d’un accueil !
- Qu’est-ce que t’as…?
- Ouais, ouais, je sais, chuis à la bourre. J’ai dû faire tout le trajet à pied depuis le Mont Creuset. Bizarrement, quand les gens me voyaient, ils avaient peur de moi, va sav- AÏE ! Doucement princesse !
- N’osez même pas ! »
Elle avait empoigné son bras pour la tirer.
« Vous avez besoin de soins immédiatement !
- Mais ça va je te d- AÏEUH ! ‘Tain, mais t’as fait exprès là !
- Vous n’avez que trop traîné ! Avez-vous vu l’état effroyable dans lequel vous êtes ?
- Ah ! C’rien moi. Tu verrais l’autre… »
Ses doigts tremblants récupérèrent une Poké Ball éraflée de sa pochette, et appuyèrent gauchement sur le mécanisme d’ouverture. La créature se matérialisa en soulevant une tempête de poussière dans la cour.
C’est en voyant la Steelix inconsciente qu’ils comprirent d’où venait la béquille de Mion.
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