Au commencement, il y avait le songe et tout était sombre. À l’achèvement, il n’y avait plus que le rêve et tout était ténèbres.
Au commencement, il y avait la tour et tout fut sombre. À l’achèvement, il n’y avait plus que les cendres et tout s’acheva.
Où se niche donc la vérité lorsque l’esprit même refuse de s’y plier et qu’il tord la réalité pour mieux se rassurer ?
Au commencement, il y avait les rires, les sourires et les désirs. À l’achèvement, il n’y avait plus que les souvenirs, les repentirs et les soupirs.
Pourquoi obscurcir ainsi ton esprit ? Pourquoi ainsi fuir ? Pourquoi te mentir ? Pourquoi mentir ?
Au commencement, il y avait le néant et tout était vide. À l’achèvement, il n’y avait plus que l’absent et tout s’en était retourné au néant.
Pourquoi rejeter l’instant ? Pourquoi dissoudre le présent ?
Les questions s’entrechoquent ; les réponses se font rares. Parfois, un murmure jaillit d’entre les murs et alors je les vois qui errent, spectres creux qu’ils sont, leurs yeux blanchis par la nuit. Vêtus de haillons, à défaut d’autres habits, ils ne sont plus que les échos d’une ombre enfouie. Je tente alors de leur parler, mais les mots me manquent. La bouche ouverte, je demeure et ils passent, sans me voir. Dans ma poitrine, j’entends les battements sourds de mon cœur qui s’affole, alors je l’apaise ; je le contemple et je l’apaise, car il n’est rien d’autre que je puis faire. Un jour, je les rejoindrai ; je le sais. Deviendrai-je un des leurs, ou bien la douleur aura-t-elle raison de moi-même et fera s’écrouler la tour dans laquelle je les enferme ?
Au commencement, il n’y avait pas de tour, mais seulement des briques sombres.
Dans le rêve, je m’en saisissais et je les lançais ; je les lançais et je les regardais ; je regardais les courbes qu’elles dessinaient et je riais ; je riais, car elles se brisaient et libéraient les rêves prisonniers des ténèbres.
Au commencement, il y avait des briques sombres. À l’achèvement, il y avait une tour d’ombre.
Dans le cauchemar, je ne les lançais pas, je les brisais, je ne les libérais pas.
Dans le cauchemar, je bâtissais ici bas, ma prison de joie, ma prison d’ivoire ; j’y enfermais mes rêves et mes espoirs, mes songes et mes visions ; ne demeuraient que mes illusions et mes mensonges.
Au commencement, il y avait les ombres et les choses. À l’achèvement, les choses étaient devenues des ombres.
Des choses devenues ombres, des ombres devenues choses, ainsi mes mains façonnaient les mots ; les mots devenaient choses, puis les choses devenaient ombres avant d’être enfermées dans la tour sombre.
Au commencement, les choses étaient d’ombres et de nuances. À l’achèvement, elles étaient de sombres nuances.
Dans le songe, je construisais, dans le rêve je créais ; dans le cauchemar, je dessinais ; le dessein, le destin.
Au commencement, il y avait un visage. À l’achèvement, il n’y avait plus qu’un masque, façonné de misère et de terreur.
Une prison de rêves et de matière, de songes et de ténèbres, d’où jamais je ne m’évaderai.
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