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tome 2, Chapitre 30 « Interlude - Les Adieux » tome 2, Chapitre 30

– Ah ! Monsieur Verdoux, soupire l’homme assis dans son dos.

Mais ce dernier ne le remarque pas, il vaque toujours à ses occupations. Entre ses mains passent titres, bijoux, lettres de change dont ils rapportent consciencieusement les valeurs dans un carnet. Derrière lui, son interlocuteur sourit avec tristesse. S’adresse-t-il à lui-même ou bien à cet homme qui couche avec soin ses notes ?

– Ce sera bientôt la fin, monsieur Verdoux. Nous allons nous quitter et, soucieux d’équité, je me dois de vous reprendre mon présent. Ne croyez pas que cela soit de gaieté de cœur. En ai-je un par ailleurs ?

Les mots flottent, puis prennent le large, emportés par une brise de passage. Une main sur la poitrine, il poursuit :

– Je suis un joueur, monsieur Verdoux. L’ignoriez-vous ? Et il est des règles que je me dois de respecter. Rassurez-vous, ce ne sera pas douloureux. J’opérerai pendant votre sommeil.

L’homme achève de ranger ses biens. Le carnet est grand ouvert. Il ne le refermera pas tout de suite ; l’encre n’est pas sèche. Il se lève et se dirige vers le fond de la pièce. Sur une table repose le portrait figé d’une femme couvert de crêpes noires en face duquel est installé un prie-Dieu. L’homme se saisit alors d’une corbeille et en répand le contenu tout autour ; des roses fanées. Vide, il la remet à sa place et s’en retourne à son bureau. Un air d’opéra trotte dans sa tête :

– Vains échos de la joie humaine, passez, passez votre chemin, fredonne-t-il tandis qu’il couche ces quelques vers sur une petite carte.

– Faites donc, monsieur Verdoux. Je ne vous retiendrai pas.

L’homme de nouveau se lève, se saisit avec délicatesse du carton, puis le dépose aux pieds du portrait, dont il arrange les voilettes avant de s’agenouiller. Pudiquement, Achronos ferme les yeux ; un sourire étrange flotte sur ses lèvres. Les paupières closes, il l’entend souffler une bougie et en moucher la mèche. Puis ce sont des pas, feutrés, les lattes qui grincent, une porte qui claque. Enfin, c’est le silence, seulement troublé par quelques ronflements. Les yeux grands ouverts, Achronos contemple la pièce désertée. De l’index, il caresse le suaire, puis le délaisse.

– Peut-être nous reverrons-nous un jour ? Qui sait ? murmure-t-il alors qu’il traverse le mur et débouche dans la chambre du dormeur.

Plongé dans un profond sommeil, Achronos se penche sur lui.

– Adieu, monsieur Verdoux, ronronne-t-il, une main sur son visage, l’autre enfouie dans sa poitrine. Vous aurez été magnifique.

L’instant d’après, il en extrait un globe couleur ébène en proie au chaos et d’où jaillissent des éclats d’une lumière obsidienne.

– Vous voyez ! Je tiens toujours mes promesses, sourit-il, les yeux luminescents.

Il se retire sans un bruit, sans un souffle, sans un regard, la sphère noire enfermée dans sa paume.

– Adieu, encore une fois, monsieur Verdoux, chuchote-t-il tandis qu’il se fond dans les ombres.

Fondu dans l’obscur, il ouvre la bouche et avale la boule qui l’obombre.


Texte publié par Diogene, 13 juin 2017 à 16h11
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