Parfois je rêve, ou du moins en ai-je l’impression. Ce ne sont que des ombres flaques, habitées par des chimères. Jamais je ne les vois, jamais elles ne me regardent, car nous sommes tous deux habillés de noir. Elles sont nos costumes, de jour comme de nuit. Elles sont ce qui nous hante en tout lieu en tout temps. Je devine leur présence, je sens leur haleine fétide et putride qui se répand dans la nuit. Me perçoivent-elles, elles aussi, de cette manière, par la capture des effluves noirs de mon être ? Je l’ignore, elles ne sont présentes que dans mes rêves. Ou aimé-je à le croire. Elles sont toujours présentes, tapies dans les ombres, à l’affût de mon âme. Me guettent-elles ? Non ! Elles se contentent de m’observer, car je ne suis pas leur proie, non plus qu’elles ne sont la mienne. Nous possédons tous deux nos propres buts et la chose, qui nous rapproche ainsi, est notre nature. En suis-je sûr ? Non, car alors il faudrait que je sois fou. Où serait le plaisir s’il n’y avait plus de place pour le doute et j’essayais de tuer l’incertitude ? Sans doute me dévoreront-elles un jour, ou sera-ce moi qui, dans un accès de générosité, les rendrai au néant auquel nous appartenons tous deux ? Au fond, à quel jeu participons-nous ? Nous nous épions l’un l’autre, conjecturant sur le prochain mouvement, considérant qu’aucun d’entre nous ne désire l’affrontement. Serait-il plus juste d’avouer que nous ressentons l’un envers l’autre un profond attachement, fait de nœuds ambigus et de sentiments forts crus ? Parfois, je rêve qu’elles me déchirent, me lacèrent, mettent mon corps en pièces et me dispersent dans l’infinité du multivers. Ainsi rejouerai-je, encore et encore, à l’infini ma propre partition, arrangeant ma propre disparition – non à cause du doute ou d’idées macabres ou funestes, les miennes sont plus noires que cela – car je suis un joueur. Je rêve de jeter l’ultime lancer de dés, celui qui fera de moi un être nouveau. Que ne puis-je être mon propre spectateur ! Alors il n’en sera rien ! Où serait le plaisir, si je ne peux me tenir devant moi-même ? Laissez-moi donc me reconstruire ! À une prochaine fois, mes sœurs.
L’homme repose sa plume. Le carnet est resté ouvert afin que l’encre finisse de sécher. Pendant ce temps, il d’un tampon puis, avec délicatesse, hors de tout propos, absorbe ce qui se refuse au temps. Au-dessus de sa personne, un miroir sans faille lui renvoie une étrange image faite d’aplats et de méplats, d’affaissements et de froissements, de sillons et de vallons, d’abîmes et de ravines, un visage creusé par les affres des âges.
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