Face à un miroir, un homme s’admire et se rase. Oh oui ! Comme il a fière allure avec son regard d’airain, son sourire ravageur, son port altier et sa figure bien faite. Une brosse se fraie un chemin dans sa chevelure soignée, faisant régner une discipline d’acier. Une lime passe sur ses ongles et ce sont les dernières aspérités qui disparaissent. Une dernière fois, il passe sa main sur son visage désormais glabre. Un œil sur son horloge – mais en a-t-il tant besoin ? – lui indique que son patient ne sera pas là avant au moins une heure. Il sourit, tandis qu’il passe son costume. Dernier passage devant la vérité devant laquelle il ajuste un nœud papillon, pour le moins sophistiqué.
Au sortir de sa salle de bains, il hésite entre le salon et la terrasse plongée dans le noir. Finalement, il passe dans la pièce et attrape au passage une lourde sphère de cristal. Posé sur le bout de ses doigts, il la tient à bout de bras, admirant la ville miniature qui se déploie à l’intérieur. Il sourit ; un sourire glaçant et cruel, celui d’un prédateur sournois qui jouerait avec sa proie. Puis il la repose sur sa couronne en osier, qui traîne sur la table dehors. S’éclipsant un instant, il revient bien vite avec une tarte aux oranges confites, dont il déguste une part tout en scrutant le paysage miniature, qui soudain s’anime.
– Alors Alvaro, j’espère que tu t’y plais. Si tu savais, quel plaisir, quelle jouissance il y a à te contempler en train de débattre dans ce simulacre de réalité. Je savais que ta curiosité serait plus forte que toute prudence. Mais… surtout ne t’en va pas croire que j’ai piégé ta seule ombre… hé, hé, hé… Alors, Alvaro, dis-moi ! Souffle-moi ! Chuchote-moi… quand découvriras-tu la vérité ? Quand feras-tu voler en éclats ce fantasme que j’ai façonné avec tant d’amour, pour toi. Tic-tac, tic-tac, tic-tac, n’oublie pas le temps qui passe, Alvaro.
L’homme se tait soudain, tandis qu’une ombre voile son visage.
– Je t’en supplie Alvaro… trouve la vérité, le temps nous est compté… il en va de notre int…
Mais il interrompt la présence et, rugissant, il se reprend.
– Encore toi !
Son pouvoir n’est rien en comparaison du sien et, pourtant, il n’a pu, encore une fois, empêcher son incursion. Heureusement, tout comme lui, elle ne peut rien lui révéler. Ah… s’il pouvait la tenir entre ses mains, il lui broierait le cou comme un rien. Hélas, il sait qu’il n’en sera jamais rien, car il l’en empêcherait.
Tiraillés entre deux désirs contradictoires, ils s’exaspèrent l’un l’autre. Le premier n’est que possession, lorsque le second n’est que destruction. Tous deux ont l’âme noire, mais l’une est emplie de désespoir, lorsque l’autre se complaît dans le miroir. Que l’un hurle et l’autre jouit. Que l’un se taise et l’autre crie. Ils sont leur antithèse, nourrie du lait amer des ténèbres. Ainsi, donc, cohabitent, chaotiques, antithétiques, paradoxe du vivant et de la mort, l’ombre et le néant.
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