Des feuilles, des feuilles, toujours plus de feuilles. Il n’y en a jamais assez et monsieur Verdoux les entasse dans sa brouette avec une minutie, qui le confine au perfectionnisme.
– Mais enfin Désiré m’expliquerez-vous pourquoi nous ramassons toutes ces feuilles ?
– C’est l’automne ma perle d’amour et je me dois d’avoir un jardin toujours propre. Sinon, me ferez-vous remarquer, comment pourrai-je vous recevoir dignement en ces lieux ?
– …
– Non, non ! Ne me regardez pas ainsi et ramassez mon petit. Ramassez ! Voyez-vous, il nous faut dégager toutes les allées. Ensuite, je vous emmènerai vous régaler.
Obtempérant, non sans manquer de faire part de son trouble, la dame amasse les feuilles ainsi réclamées par son fiancé. Étrange manie s’il en est, car depuis qu’elle est arrivée ce matin, dans cette villa à Gambais, cela n’a été que leur seule occupation : ramasser et encore ramasser des feuilles, et seulement des feuilles rousses, jaunes, craquelées, froissées, désagrégées. Et tout cela pourquoi ? Pour les entasser dans son garage.
Monsieur Verdoux ne jette rien. Il conserve et note scrupuleusement les faits dans son carnet. Comme elle s’en était étonné la première fois qu’il s’était rencontré, il l’avait de suite rassurée en lui expliquant que c’était là une chose élémentaire, que tout homme entreprenant se devait de faire s’il voulait assurer bien-être et prospérité à sa famille.
À mesure de leurs retrouvailles, elle avait été prise en plusieurs occasions d’un étrange malaise, quant aux manières et aux manies de celui avec qui elle allait se fiancer. Par exemple, pourquoi la persuader de faire l’inventaire de tous ses biens ? Pour s’assurer du bon déroulement de son déménagement, en n’ayant à n'emprunter que le strict minimum, avait-il argué, en guise d’explication. Une fois de passage chez lui, elle avait aperçu un portrait dans une pièce. C’était une photographie, en grand format, enfermée dans un cadre de bois sombre. Il était posé en équilibre sur une cheminée, un linceul noir le recouvrait, tandis qu’à côté des cierges brûlaient. Elle, qui n’avait jamais été d’une grande piété religieuse, en fut toute surprise. Questionnant son fiancé, ce dernier lui avait expliqué qu’il s’agissait là d’un portrait de sa pauvre mère, décédé quelques années auparavant et dont il ne désirait pas voir le souvenir sombrer dans l’oubli.
La manière et la chaleur contenue dans ses paroles avaient alors achevé d’emporter son cœur, désormais sien.
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