Assis sur sa chaise, l’homme fixe nerveusement la pointe de ses chaussures. Il n’ose lever les yeux de peur de se perdre dans ceux de son thérapeute.
– Je ne comprends pas, mes cauchemars auraient dû cesser et cela ne fait qu’empirer. Ah ! Pourquoi suis-je entré dans ce cabinet ? songe-t-il.
– Pourquoi doutez-vous de moi, monsieur Verdoux ? fait la voix chaude et apaisante de l’homme assis en face de lui.
– Je… je… balbutie-t-il, la tête toujours baissée.
– Vous êtes encore en proie à vos cauchemars, n’est-ce pas ?
L’homme hoche vigoureusement la tête, tout en détournant son regard de l’emprise hypnotique, quasi magnétique de son interlocuteur.
– Vous n’arrivez pas à changer votre regard.
Regard, regard, le mot revient sans cesse, lancinant, harmonique sonore qui fait vibrer son cœur. Lui, qui évite toujours celui des autres. Ce mot lui-même est devenu, par la force des choses, synonyme de cauchemar, lorsque chaque matin, il affronte le sien dans le reflet de son miroir.
– Regardez en vous, monsieur Verdoux. Qu’y voyez-vous ?
Cri de terreur, cri de stupeur. L’homme étouffe, s’asphyxie, bleuit alors qu’il contemple le vide. Des mains se posent sur ses tempes. Elles sont chaudes et rugueuses. Elles lui massent la tête et le front. Enfin, il retrouve son souffle.
– Savez-vous que nous portons encore en nous les traces de notre primauté ? susurre l’homme, les mains toujours posées sur les tempes.
L’homme porte sur lui des yeux mornes et vagues. Au fond de lui, une voix le supplie de ne pas porter plus loin son regard. Mais elle est rapidement balayée par la vague brûlant de passion, qui déchaîne en lui ces visions. Un sourire s’étire alors sur son visage. Il se sent calme et tous ces regards, encore une fois, s’envolent. Comment a-t-il pu douter ?
– Entrevoyez-vous ce qui se cache derrière vos cauchemars, monsieur Verdoux ?
L’homme dodeline de la tête, affirmatif, tandis que son thérapeute poursuit.
– Rêve ou cauchemar, les visions de la nuit sont toutes des reflets de nos vies, de nos pensées, de ce qui peuple notre esprit. Rêve ou cauchemar ne sont qu’une seule et même chose, deux mots pour décrire le semblable ! Le saisissez-vous, monsieur Verdoux ?
En guise de réponse, l’homme sourit. Il sait qu’il refera ces rêves. Il sait qu’il rêvera de nouveau ces cauchemars. Mais il sait où aller voir, désormais.
Au-dessus de lui, l’homme lui masse toujours les tempes. Il sent ses longs doigts effilés courir sur son front, soulageant les tensions.
– Dormez donc monsieur Verdoux. Je vous ramène chez vous.
Ce dernier ferme les yeux, tandis que les mains s’effacent. Il est couché dans son lit. Un homme se retire alors, en refermant la porte de sa chambre.
– Bonne nuit, monsieur Verdoux.
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