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tome 1, Chapitre 1 « Le retour de la princesse » tome 1, Chapitre 1

La chaleur estivale commençait lentement mais sûrement à s’installer à Northgard. C’était le signe du renouveau et des récoltes prochaines. L’été était la saison où les paysans avaient le plus de travail. Si au printemps, le sol commençait doucement à se libérer de l’épaisse couche de glace dont l’hiver l’avait recouvert, il n’était possible de labourer et de semer que quand neige, givre et glace avaient totalement disparus et que les risques de gelées tardives étaient définitivement écartées. Aussi, un peu partout sur le continent, les agriculteurs travaillaient d’arrache-pied du matin au soir pour que les celliers et caves soient débordants de victuailles quand l’hiver reviendrait souffler son air polaire.

Manœuvrant tant bien que mal sa charrette, Snorri Thörson avait prit de bon matin la route de la cité Hilgrad, cœur du royaume de Valhela, dans l’espoir de troquer de la viande contre des graines d’orge pour son champ. Durant l’hiver, ses poulets avaient bien grossis et le paysan voulait en vendre quelques uns au marché qui se tenait dans la cité royale.

Quand il arriva à destination, Snorri pût constater que Hilgrad était en ébullition. Sans doute que les obsèques du roi Tyrgraf devaient monopoliser toute l’attention de la cité. Le paysan avait entendu la nouvelle lors de sa dernière visite à la taverne du village mais il s’en fichait un peu. Tyrgraf avait été un roi exemplaire à l’image de son père avant lui et le prince Ragmhyr sera lui aussi un bon souverain, le vieil homme en était convaincu. Aussi, il ne s’inquiétait pas trop pour la survie de Valhela.

Attachant sa charrette dans un endroit tranquille, Snorri sortit les poulets qu’il avait apportés et se dirigea vers le marché. C’était un lieu presque convivial, habituellement, mais aujourd’hui, c’était comme si un raz-de-marée avait tout saccagé. Il était encore tôt mais déjà, de nombreux commerçants fermaient boutique. Intrigué, Snorri alla se renseigner.

– Excusez moi, mon bon monsieur, mais quelle est toute cette agitation et ces étalages vides de si bonne heure ?

Le marchand se tourna vers lui.

- Puisque notre roi est décédé, les autres souverains vont se rendre à Hilgrad pour lui rendre hommage et assister au couronnement du prince Ragmhyr. De ce fait, en l’échange de plusieurs écus d’or, les soldats viennent réquisitionner nos marchandises pour le banquet prévu à cet effet. D’ailleurs, ils seront ravis de vous délester de vos poulets, si vous voulez mon avis.

Sur ces mots, il reprit ses occupations délaissant Snorri qui haussa les épaules. Les affaires de la cité royale ne l’intéressait guère. L’établissement du calendrier des semis et la prédiction de la météo étaient des activités bien plus importantes que ce qui se passait au cœur de Valhela. Nourrir les autres, était un travail à temps plein et les distractions interdites.

Passant à travers les étals, Snorri finit par tomber nez à nez avec deux gardes qui achevaient de remplir une charrette de légumes. L’un d’eux vit ce qu’il portait.

– Belles pièces, jaugea-t-il en fouillant dans une bourse. Elles seront parfaites pour le banquet de demain.

Il sortit un écu d’or par volaille. Un prix plus que correct que Snorri s’empressa d’accepter. Au moins, ils prenaient la peine de donner une compensation plutôt que de prendre comme des brigands. Machinalement, Snorri tourna la tête en direction du palais.

– Tout de même, je me demande ce qui se passe là-bas.

A l’intérieur du palais, gardes et domestiques s’activaient pour tout préparer avant l’arrivée des premiers invités. Parmi eux, un homme assez âgé dirigeait les préparatifs.

- Pour le repas, il faut assez de viande et de poisson pour tout le monde. Si ce que vous avez récupérer sur la place du marché, ne suffit pas, il faudra aller directement se fournir chez les paysans. Ah, il me faut un plan de table également ! Et que quelqu’un aille aux caves pour voir si il y assez d’alcool !

Le Grand Chancelier soupira en essuyant son visage avec un mouchoir en tissu. Depuis qu’il était entré au service du roi Tyrgraf, il avait organisé de multiples banquets mais rarement un de cet envergure. Mais après tout, il y avait deux évènements majeurs à célébrer: les funérailles du roi et le couronnement du prince Ragmhyr. D’ailleurs, il ne l’avait pas encore vu aujourd’hui.

Confiant le soin à son assistant de donner les directives, le vieillard commença à déambuler dans les différentes parties du château à la recherche du futur roi. Il finit par le trouver dans la cour intérieur. Vêtu de pantalons sombres et d’une tunique rouge, se confondant avec l’écarlate de ses cheveux, Ragmhyr était visible de loin. Le chancelier eut un léger sourire en se souvenant de l’époque où le prince n’était encore qu’un petit garçon qui courait partout en compagnie de sa sœur, Eirwen. Son cœur se serra en se souvenant de la princesse et instinctivement, son regard glissa vers l’une des grilles fermant les ouvertures des geôles.

- Pauvre petite, murmura-t-il, le destin a été bien cruel avec elle.

Cela faisait combien de temps qu’elle était détenue telle une criminelle ? Le vieil homme l’avait oublié mais ça devait facilement faire vingt ans. Parfois, il se disait que tuer la fillette aurait été plus doux que de l’enchainer et la cacher aux yeux de tous. Cependant, il ne pouvait pas songer à ça maintenant. Aussi il chassa l’image de la princesse de son esprit et s’avança vers Ragmhyr.

- Votre Altesse, dit-il en s’inclinant.

Ragmhyr se tourna vers lui. Les années avaient passés mais il ne se sentait toujours pas prêt à prendre la suite de son père. En plus, toute cette cérémonie le rendait nerveux.

- Ragndur ? Que faites vous là ?

Il ne s’attendait pas à ce que le Grand Chancelier vienne le chercher jusqu’ici. Lui qui pensait pouvoir passer encore une journée dans son rôle de prince avant d’être écrasé par le poids des obligations royales.

- Navré de vous déranger, mon prince, mais je devais m’entretenir avec vous avant demain matin.

Le vieil homme soupira.

- Je ne pensais guère que la mort viendrait cueillir votre père aussi tôt. Vous avez encore tant à apprendre avant de devenir un roi aussi honorable que lui. Mais ainsi est le destin. Demain, vous deviendrez le roi et le protecteur de Valhela. A ce propos, comment vous sentez vous à ce sujet ?

Ragndur voyait bien que Ragmhyr était nerveux. Il le connaissait depuis le berceau et savait combien les responsabilités d’un roi pouvaient être difficiles et effrayantes.

- Je ne sais pas trop, admit le prince en tordant une mèche de cheveux entre ses doigts. J’ai l’impression de voler cette place. Et puis, je ne me sens pas prêt à assumer la charge d’un royaume. Je sais bien que j’ai déjà vingt-trois ans mais dans ma tête, je suis encore le gamin qui jouait dans la neige.

Le jeune homme lâcha à son tour un soupir.

- Le temps passe trop vite.

Le serviteur hocha la tête,

- Je ne peux, hélas, que vous le confirmer. Moi aussi, j’ai l’impression d’avoir commencé mon service il y a dix ans. Et pourtant, c’est bien soixante ans qui se sont écoulés. Malheureusement, nous sommes tous logés à la même enseigne de ce côté-là: nous ne voyons pas le temps filer et nous ne remarquons que trop tard que nous avons vieillit.

Il regarda Ragmhyr.

- Cependant, je comptes bien encore vous accompagner pendant quelques années et vous aider du mieux que je le peux.

Ragmhyr eut un léger sourire. Au moins, il ne serait pas complètement seul quand son couronnement aura lieu. Une cérémonie qui lui avait donné une idée.

- Il y’a quelque chose que je voudrais faire en tant que nouveau roi mais je vais avoir besoin de votre aide.

- Qu’est-ce donc ? demanda le chancelier.

- Je voudrais faire sortir Eirwen de sa prison.

Ragndur cligna des yeux, pensant avoir mal entendu. mais en regardant l’expression déterminée du prince, il su qu’il n’avait pas mal compris.

- Sauf votre respect, êtes-vous sûr ? Je veux dire, Dame Eirwen a passé presque toute sa vie dans les geôles souterraines. Son éducation présente de sévères lacunes et votre père l’a destituée de ses titres. Elle n’a malheureusement plus aucune légitimité à paraitre à vos côtés.

Ragmhyr soupira. Il s’attendait à de la réticence et à cette réponse. Mais il avait préparer une liste d’arguments pour convaincre du bien-fondé de sa décision.

- Eirwen est ma grande sœur. J’ignore ce qu’elle a exactement mais je refuse de la laisser pourrir dans une cellule. Je vais être roi demain et je veux qu’elle soit présente autant à l’enterrement de notre père qu’à mon couronnement. Et le sien également.

- Vous voulez la faire reine ? Mais c’est de la folie ! Dame Eirwen ne peut pas...

- Je l’ai décidé depuis longtemps. Elle mérite ce statut autant que moi. Surtout qu’en tant qu’ainée, elle aurait dû être la souvereine légitime de Valhela.

Comprenant que Ragmhyr ne changerait pas d’avis, le chancelier n’eut pas le choix que de capituler.

- Je vais faire mon possible pour qu’elle soit prête le jour du couronnement. Mais vous vous y prenez bien tard pour la sacrer reine. J’ignore si elle sera capable d’assister à la cérémonie.

Ragmhyr ne savait pas si il était nerveux ou heureux d’enfin revoir Eirwen. Les rares fois où ils avaient pût discuter, c’était par un petit trou dans la porte de sa cellule. C’était par là que le prince lui faisait passer des livres en cachette. Après avoir vu les mains couvertes de glace de sa fille, Tyrgraf avait fait comme si elle n’existait plus. La Sorcière de l’Hiver... c’était ce qu’il disait parfois à son sujet. Ragmhyr ignorait ce dont il s’agissait exactement mais il avait fini par croire que c’était le nom d’une étrange maladie qui gelait la peau.

Du moins, c’était l’idée qu’il s’était faite. Néanmoins, rien ne l’avait préparer à ce que était devenu Eirwen. Il tomba nez à nez avec une jeune femme blafarde qui le fixait avec un mélange de froideur et de curiosité comme si elle essayait de savoir qui était le jeune homme devant elle. Ragmhyr regarda Ragndur qui haussa les épaules, manifestement aussi stupéfait que lui. Que Eirwen soit devenu une adulte, c’était normal après vingt ans de captivité mais par contre qu’elle ne ressemble plus du tout à la petite fille qu’elle était, c’était plus surprenant. Le prince ne s’attendait pas à une telle transformation mais il était toujours aussi déterminé à la faire sortir.

- Grande sœur, murmura-t-il en s'approchant d'elle. C'est moi, Ragmhyr.

Eirwen ne répondit pas mais le laissa s'approcher d'elle. Sous le coup de l'émotion, le prince prit la jeune femme dans ses bras et la serra contre lui. Son corps était glacé mais il ne la lâcha pas pour autant.

– Il y’a tellement de choses dont je voudrais discuter avec toi, grande sœur. Mais il faut que je discute avec toi d’un sujet important.


Texte publié par Abyss Blue, 18 mars 2024 à 15h47
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