»

Les hivers northgardiens étaient connus autant pour leur beauté que par leur rudesse. Une merveille glaciale mais mortelle qui étendait son manteau blanc sur tout le continent de glace. Dans ce monde hostile, le froid et la famine règnaient en maîtres absolus pour ceux qui avaient eu le malheur de vivre hors des cités et villes. 

Néanmoins, pour les enfants de Northgard, c’était la meilleure des saisons car celle-ci permettait de donner libre court à leur imagination. Bonhommes de neige pour les plus jeunes et sculptures plus ou moins élaborées dans la glace pour les plus âgés. Bref, pour la jeunesse northgardienne, l’hiver était le moment le plus opportun pour s’amuser et se concentrer sur des loisirs plus artistiques. 

C’était l’un des nombreuses raisons qui faisaient que Ragmhyr aimait autant l’hiver. Le retour de la neige était, pour lui, l’occasion de nouvelles sources de jeu. Aussi, le petit garçon affichait un large sourire en constatant que la cour intérieur du palais était recouverte d’une couche de neige épaisse. Fou de joie, l’enfant se précipita dans le couloir avec la ferme intention de sortir et de profiter du début de l’hiver comme il se doit. 

Du moins, c’était avant de tomber nez à nez avec Ragndur, l’intendant du palais. Celui-ci cligna des yeux en voyant le garçonnet visiblement prêt à braver le froid mordant. 

– Bonjour, votre altesse, le salua-t-il en s’incliant en signe de respect. Je constate que vous avez hâte d’aller jouer dehors.

– Oui ! S’exclama le jeune prince. Je veux être le premier à faire un bonhomme de neige dans la cour !

Sa remarque arracha un léger sourire à Ragndur. L’enthousiasme du petit garçon l’amusait beaucoup. Néanmoins, il se devait de remplir son rôle de serviteur et cela passait par refuser l’accès à la cour. 

– Je comprends votre impatience mais je suis dans l’obligation de vous interdire pour le moment l’accès à l’extérieur. Il serait fâcheux que le prince prenne froid car il est sortit sans se couvrir. Et surtout sans l’accord de votre père, la porte restera close. 

Ragmhyr baissa les yeux pour constater que dans sa précipitation, il avait complètement oublié de se changer. Et également de demander la permission pour sortir. Cependant, cela n'entacha en rien sa bonne humeur et il se précipita dans la chambre royale. Il trouva son père en train de mettre ses nombreux bijoux. Quant il entendit son fils entrer, il se tourna vers lui.

- Tu es bien matinal, Ragmhyr.

Son ton était chaleureux, signe qu'il était de bonne humeur aujourd'hui. L'hiver avait mit certaines affaires importantes en pause mais le commerce à Valhela était prospère apportant une grande richesse à la cité. Et l'arrestation du plus grand groupe de bandits de la région permettaient aux marchands d'arpenter les routes en toute sécurité. Autant de raisons pour mettre le souverain en joie au vu des ressources grandissantes de son royaume.

- Papa, la neige est tombée dehors !

Le ton de Ragmhyr était enthousiaste et sa demande on ne peut plus claire. Le roi eut un léger sourire.

- Laisse moi deviner, dit-il. Tu veux profiter du début de l'hiver ?

Son fils hocha vigoureusement la tête.

- C'est d'accord. Mais d'abord, tu vas mettre une tenue plus appropriée qu'un pyjama. Et emmène Eirwen avec toi.

Le petit prince hocha la tête avant de courir dans sa chambre. Avec l'aide d'une des servantes, il enfila un pantalon et une tunique écarlate avant de mettre par-dessus un épais gilet en laine de mouton puis un manteau orné de fourrure d'ours. Ses mains étaient protégées par d'épais gants de laine et ses pieds chaussés de lourdes bottes en peau de phoque et fourrées de laine. Avec une telle tenue, le jeune prince n'avait rien à craindre du froid.

Une fois habillé, il alla chercher sa sœur. De deux ans son ainée, Eirwen venait tout juste de finir de s'habiller. Elle portait une longue robe écarlate ainsi qu'un manteau de fourrure blanche et des bottes en cuir noir. Ses cheveux bruns finissait d'être tressés par une femme de chambre. Ragmhyr sourit et couru vers elle.

- Tu veux venir jouer avec moi ? demanda-t-il bien qu'il connaissait déjà la réponse. Eirwen ne disait jamais non pour passer un moment avec lui.

Comme il l’avait prévu, la princesse accepta de suite. Une fois dehors, Ragmhyr se jeta immédiatement dans un monticule de neige faisant rire Eirwen aux éclats. Les deux enfants s'amusèrent à faire un bonhomme de neige avant de commencer à se jeter de la poudreuse dessus. Le début de l'hiver marquait aussi le début de la joie enfantin de pouvoir laisser libre court à son imagination pour créer des sculptures ou des dessins dans la neige fraichement tombée.

Ragmhyr s'amusait comme un fou. C'était le premier hiver où il pouvait jouer avec sa sœur librement et il comptait bien en profiter jusqu'au bout. Eirwen, elle était heureuse d'avoir un partenaire de jeu. Elle avait toujours adoré jouer dans la poudreuse depuis son plus jeune âge. Pourtant, cette fois, elle ne se sentait plus autant en joie que les années précédentes. Comme si quelque chose de nouveau commençait à fleurir en elle.

Un sentiment étrange mais c’était comme si elle était en communion avec la neige et le froid. Une sensation bizarre qu’elle ne comprenait pas vraiment. Elle ignorait si c’était une bonne chose ou pas mais pour l’heure, elle voulait juste s’amuser. 

Attrapant de la neige dans ses mains, la jeune princesse la lança en l’air. Brièvement, elle sentit un froid intense la traverser et se loger dans ses mains. La neige se transforma subitement en glace qui s’écrasa au sol. Une des servantes qui les surveillait poussa un cri d’horreur faisant sursauter les deux enfants.  Ragmhyr regarda sa sœur et ses yeux s’écarquillèrent en voyant les mains couverte de gel de Eirwen. La princesse baissa les yeux pour voir la peau de ses mains devenir bleue tandis que la glace continuait à se propager montant jusqu’à ses coudes. 

Tout ce remue-ménage ne passa pas inaperçu dans le château et rapidement, le roi fut mit au courant que il se passait quelque chose d’anormal dans la cour. Laissant ses papiers, le souverain traversa l'enceinte du palais en courant, priant que rien de mal ne soit arrivé. Il se retrouva dans la cour en quelques minutes. Son cœur se serra en voyant les mains gelées d'Eirwen et les cristaux de glace qui se formaient autour de ses pieds alors que sa peau devenait de plus en plus pâle.

- Par les dieux, souffla-t-il, ses jambes commençant à faiblir sous l'effet du choc. Non, pas toi, ma fille.

Un des gardes le soutenu du mieux qu'il pu tandis que les yeux du roi regardait, non sans horreur, la glace qui se formait dans la cour. Après mille ans sans avoir fait parler d'elle, la Sorcière de l'Hiver était de retour.