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tome 1, Chapitre 9 tome 1, Chapitre 9

*Anaidéia*

L’eau chaude coulait sur le visage et le corps meurtri d’Anaidéia. Bien qu’elle vienne de torturer un homme il y a quelques minutes seulement dont le corps trainait toujours dans la cave, elle se sentait apaisée. Elle ferma le robinet et sortit de la douche. Lili lui avait sorti deux serviettes, elle enroula l’une d’elles autour de sa poitrine et l’autre sur ses longs cheveux. Les habits que lui avait préparés sa camarade la firent grimacer, un tee-shirt bleu ciel avec des dessins d’étoiles argentées et un pantalon en velours grenat l’attendaient pliés sur la commode. Les goûts de Lili étaient particuliers en affaires de mode. La jeune femme extrêmement extravertie portait souvent des affaires colorées ou bariolées, ce qui était l’exact opposé d’Anaidéa. Elle ne fit cependant pas la fine bouche et enfila ce costume de clown.

Elle rejoignit ensuite Lili qui grignotait un biscuit dans la cuisine, en jouant sur son téléphone. En la voyant arriver, la jeune femme demanda, la bouche pleine :

- On en fait quoi du type au sous-sol ? Je le brule ? Je l’enterre ?

Anaidéia allait acquiescer lorsqu’une meilleure idée lui traversa l’esprit.

- On va faire mieux. Garde la tête, débarrasse-toi du reste. Je suis sûre qu’un petit cadeau de notre part ferait plaisir à Clifford. Trouve un bac hermétique, mets-y la tête et on déposera ça à l’entrée de l’hôtel de La Maison.

- Ouuuh belle idée. Est-ce que j’y mets un mot d’amour avec ?

- Non, ne mets rien. Laisse-les se faire des idées, je veux les observer se remuer les méninges, s’inquiéter, s’énerver. Je veux les voir devenir fous.

Lili rigola à gorge déployée, elle avala sa dernière bouchée et se leva de table d’un bond.

- Alors je me met au travail tout de suite. C’est pas évident de couper une tête ! La colonne vertébrale c’est drôlement costaud figure-toi.

Anaidéia ne lui demanda pas comment elle pouvait savoir une chose pareille. Elle prit congé de sa camarade, ses habits sales sous le bras puis quitta les lieux.

Lorsqu’elle revint chez Jude, il la dévisagea de la tête aux pieds.

- C’est quoi ces fringues ? Me dit pas que t’as les mêmes gouts à chier de Lili d’un coup ?

- Plutôt mourir que d’avoir les mêmes gouts qu’elle. Ironisa Anaidéia.

Jude rigola tandis que la jeune femme, s’assit sur le canapé. Elle lui raconta ce qu’elles avaient découvert. Jude l’écoutait avec intérêt. Elle passa les étapes de torture sanglante car il avait du mal avec tout ce qui était violence. Il préférait agir de loin.

Une fois son récit fini, elle se leva, prit un stylo dans la trousse orange qui était sur la table et griffonna sur un papier, en lettre majuscule rouge « FRANCK ». Elle épingla le mot au centre de leur tableau en liège qui s’était déjà rempli au cours de la semaine passée. Une nouvelle photo était apparue au côté de celle de Marcus. Celle d’un homme brun, les cheveux ébouriffés, plutôt banal, en jean bleu foncé et tee-shirt gris, l’homme qui avait poursuivi Lili la nuit du meurtre de Delart. Sur la photo, il affichait un air serein, il sortait d’un bar au côté d’un autre homme coiffé d’un chignon. A l’indélébile vert était écrit au-dessus du premier « Thomas » et en dessous du deuxième « Yule ». Le groupe d’Anaidéia avait découvert l’identité d’un des trois autres exécuteurs et de son homme de main en faisant des recherches sur Marcus. Ce dernier était souvent de mission avec ce fameux Thomas. Son numéro leur était cependant encore inconnu. Leurs recherches continuaient.

Anaidéia jeta un oeil à l’horloge, elle indiquait 2h. Il était temps pour elle de rentrer. Elle fit une tape amicale sur l’épaule de son camarade, lui indiquant qu’elle partait.

- Dans les prochaines nuits, nous allons déposer le colis à l’entrée de l’hôtel. On se redit tout ça mais nous aurons besoin de tes yeux. Lui indiqua-t-elle, avant de sortir de l’appartement.

Sur un coup de tête, Anaidéia décida de passer devant l’hôtel afin de faire du repérage avant de rentrer chez elle. Elle supposa que les rues seraient vides au vu de l’heure et il fallait qu’elle appréhende au mieux le lieu avant de passer à l’action. Elle n’avait pas vraiment eu l’occasion d’aller faire un tour dans l’hôtel puisqu’il était particulièrement luxueux et que les chambres coutaient un bras.

Elle gara sa voiture sur un parking plus loin, heureusement pour elle, elle n’était pas sortie avec le pick up mais avec sa citadine plus que commune, plus passepartout, noire. Elle n’était cependant pas à l’aise avec les habits colorés de Lili, elle enfila donc à nouveau son manteau bien que taché de sang sur les manches et aux extrémités. Elle enfonça sa casquette sur sa tête et sortie de la voiture. Elle longea la rue adjacente à l’hôtel, repérant ainsi les espaces pouvant servir d’échappatoires après leur livraison macabre.

Anaidéia réfléchissait aux différentes possibilités qui s’offraient à elle. Elle avait repéré quelques ruelles sombres entre l’hôtel et le parking, ainsi elle et Lili pourraient éventuellement s’y camoufler.

Lorsqu’elle voulut tourner à l’intersection, vers l’entrée de l’hôtel dont le hall était allumé, elle s’arrêta net et se ravisa en vitesse, se plaquant contre le mur. Deux personnes étaient en train de discuter dans la lumière du bâtiment. Une odeur de cigarette lui parvint.

- J’en peux plus de leur état d’urgence, ça fait seulement une semaine et pourtant j’ai l’impression que ça dure depuis toujours. Ronchonna une voix grave, rauque.

- Je sais mais on a pas le choix. Clifford est devenu fou après l’explosion de l’entrepôt. Il a hurlé sur Gilles et lui a carrément balancé un vase à la tronche.

- Sérieux ?

- Je te jure, mec. J’étais là et j’osais à peine les regarder. Il a perdu une somme d’argent affolante, combiné au fait qu’il a été espionné par le vieux politicien la dernière fois, il est sur les nerfs.

- Tu m’étonnes. Surtout qu’on a trouvé aucune piste sur les coupables… Ca a de quoi rendre fou.

- Alors détrompe-toi, c’est qu’une rumeur mais apparemment un des gars aurait survécu miraculeusement. Ils l’ont retrouvé sous les décombres, il était quasiment mort mais il est revenu à lui hier. Apparemment sa mémoire est floue mais il se souvient d’une fille qui lui aurait fait des avances quand il gardait l’entrepôt.

Anaidéia serra les poings. Elle pensait qu’ils étaient tous morts ce jour-là. Elle était allée sur le terrain pour s’en assurer… Comment avait-elle pu louper un survivant. Effectivement Lili avait séduit certains des gardes pour les occuper le temps qu’Anaidéia dépose les bombes discrètement. Elle n’avait pas prévu ce genre de problème. Elle fit un pas en arrière avec l’intention de retourner au parking mais une main ferme s’abattit sur son épaule.

- Je peux t’aider ?

Elle sentit le souffle chaud près de son oreille, une odeur de pin remplaça celle de la cigarette. Le murmure était calme mais dur. Elle ne répondit pas. La voix, masculine, continua :

- Tu vas te retourner. Doucement.

La jeune femme réfléchit à toute vitesse, son regard étudia toutes les possibilités. Elle avait été idiote de venir seule ici. La fuite était la meilleure option. Mais elle devra probablement user des poings pour y parvenir.

Elle espérait que sa casquette cache suffisamment son visage. Elle baissa le menton. Doucement, elle leva les mains en signe de soumission, elle fit un pas en arrière vers son agresseur et commença à se retourner, lentement. Puis, d’un geste vif, elle fléchit les genoux, passa sous le bras encore tendu de son opposant, le lui attrapa afin de l’immobiliser et lui infligea un violent coup de poing dans les côtes. Surprit l’homme retint un râle. Il se défit de l’emprise d’Anaidéia d’un coup sec mais plein de force. La jeune femme perdit l’équilibre mais se rattrapa au bon moment pour éviter de justesse un coup de poing dans le visage. Rapidement Anaidéia se jeta sur lui et lui porta un coup au genou afin de le faire tomber. Malheureusement il était fort et plutôt que de flancher il lui renvoya le genou dans le menton. Sonnée, la jeune femme, tomba au sol. Elle ne perdit pas de temps et se releva pour éviter un coup de pied de justesse. Un gout de sang apparut dans sa bouche. Elle cracha.

- Tu te débrouilles bien. Admit son adversaire.

Toujours la tête baissée, la visière de sa casquette l’empêchait de voir le visage de l’homme à qui elle avait à faire. Elle l’entendit approcher. Elle tenta une feinte en mimant un geste de son poing gauche mais vint le frapper en plein visage de sa main droite. Il recula et trébucha contre le trottoir. Anaidéia profita de cette opportunité et voulut s’éloigner en courant. L’homme lui attrapa cependant le poignet, sa force fit grimacer Anaidéia qui s’immobilisa.

- De quel gang tu fais partie ?

La jeune femme ne répondit pas.

- Le gang de la région voisine ? Non attends.. cette casquette et ce manteau…Je suis sûr de t’avoir déjà vu…

Toujours en tension l’un avec l’autre Anaidéia comprit qu’il avait eu une révélation lorsque son emprise se resserra de plus belle.

- La fille du pick up !

Anaidéia comprit à son tour à qui elle avait à faire. Thomas. Merde. Combien de chances y avait-il pour qu’elle tombe sur un exécuteur l’unique nuit où elle avait décidé de faire du repérage seule. Anaidéia se maudit d’avoir été si imprudente. Le menton toujours en feu, elle tenta de se défaire de l’emprise de son adversaire mais force était de constater qu’il était plus fort qu’elle. Il ne bougeait pas d’un iota. Une idée lui vint à l’esprit. Une idée lâche mais efficace. Elle prit le contre-pied et arrêta de se débattre, ses muscles se détendirent, ses coudes retombèrent le long de son corps. Manifestement le jeune exécuteur ne s’attendait pas à ça, puisqu’il parut surpris lorsqu’il demanda :

- Tu abandonnes déjà ?

Inconsciemment, ou sciemment peut-être, l’homme se détendit également. Se fut très léger mais Anaidéia sentit qu’il venait de relâcher la pression. Il voulut continuer la conversation :

- Tu vas rester muette comme ça pendant combien …

La jeune femme ne lui laissa pas le temps de finir, elle utilisa la « technique ultime », redoutable sur les hommes, elle donna de toutes ses forces un coup de pied dans l’entre-jambe de l’exécuteur qui ne parvint pas à retenir son cri de douleur cette fois-ci. Il lâcha les poings de la jeune femme avant de s’agenouiller les mains sur ses parties, en insultant tous ses ancêtres. Sans perdre de temps, elle partit en courant dans l’ombre d’une ruelle, retrouva sa voiture en vitesse puis une fois installée à l’intérieur, démarra et quitta le parking en sueur, toujours avec l’horrible gout de fer sur la langue.


Texte publié par Lunare-my, 18 mars 2024 à 10h46
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