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tome 1, Chapitre 7 tome 1, Chapitre 7

*Thomas*

Thomas avait délibérément laissé Luna partir. Il avait croisé son regard, paniqué, lorsqu’elle était repartie en voiture. Elle venait d’assister à quelque chose qu’elle n’aurait jamais dû voir. Et cela le foutait dans la merde… Il avait pensé qu’avec ses premières directives elle aurait décampé immédiatement mais elle était restée figée face à la scène. Résultat, ses hommes l’avaient repérée. Maintenant que ses hommes avaient vu son visage, ils voudraient la voir morte. Il soupira, excédé. La soirée ne devait pas se passer comme ça. Après avoir dit au revoir à sa soeur, il avait proposé à Yule de sortir boire un verre à leur bar habituel, pour se détendre, mais la soirée avait dérapé. Lorsqu’ils étaient partis après avoir bu le verre de remerciement de Cassiopée, le groupe de mecs qu’ils avaient chassé les avait attendus dehors. Ils avaient sans doute pensé prendre leur revanche. Seulement le bar n’était pas seulement un endroit de rendez-vous sympa pour se détendre, lui aussi appartenait à Clifford et pas mal de membres de La Maison trainaient autour.

L’affrontement avait eu lieu dans une ruelle plus loin. Thomas pensait qu’ils étaient à l’abri des regards indiscrets mais cette idiote de professeure les avait suivis pour il ne savait quelle raison. Il avait essayé de gagner du temps auprès de gars pour qu’elle ait le temps de partir mais il ne savait pas combien de temps elle allait pouvoir continuer sa vie tranquille. Le credo de La Maison était la discrétion, aucun témoin ne devait rester. Il savait bien que cette femme ne ferait jamais le lien avec La Maison, elle n’était qu’une jeune prof ordinaire, sans histoire mais ce n’est pas ce que pensaient les autres. Excepté Yule sans doute, qui avait également bien cerné la jeune femme discrète et réservée durant la soirée.

Il revint vers ses hommes, les mains dans les poches, comme à son habitude. Il était l’un des quatre exécuteurs du gang, son statut hiérarchique était au-dessus des autres gars présents ce soir, personne n’oserait lui reprocher quelque chose alors il n’hésita pas à dire, nonchalamment :

- Elle s’est barrée, je la retrouverai demain j’ai pris sa plaque d’immatriculation.

Personne ne dit rien mais il sentit le mécontentement chez certains. Seuls les gémissements des hommes au sol se faisaient entendre. Son portable vibra, il ouvrit sa messagerie et y lut « rdv D-1 ». Thomas regarda ses hommes, tourna les talons, sortit de la ruelle sombre en lançant, paresseusement :

- Aucun témoin.

Puis il partit en direction du parking du bar, vers sa voiture, Yule sur ses traces. Quelques secondes s’écoulèrent puis quatre coups de feu retentirent.

Lorsqu’ils arrivèrent au QG de La Maison, un immeuble de 15 étages. Il était connu pour être le siège d’une entreprise de téléphonie, d’où le mensonge à sa soeur concernant son travail, Thomas se dirigea vers la salle D-1, au quatrième étage. Toujours accompagné de Yule, il monta dans l’ascenseur. Une fois les portes fermées, le jeune exécuteur rompu le silence:

- Pas un mot à propos de ce soir.

- A propos des quatre gars ou de la fille ?

- Des deux.

Yule acquiesça en silence, sans poser de questions supplémentaires. Thomas lui faisait confiance, c’était d’ailleurs la seule personne en qui il croyait au sein du gang. Il était persuadé que s’ils n’avaient pas été dans un contexte aussi dangereux, où tout le monde était potentiellement un ennemi ou un traitre, ils auraient pu être bons amis.

L’ascenseur sonna l’arrivée à l’étage 4, les deux jeunes hommes traversèrent le couloir aux murs cuivrés et à la moquette bleu nuit puis ils entrèrent dans la salle. Elle s’apparentait à une salle de bureau d’un riche chef d’entreprise. Deux canapés étaient positionnés face à face au centre de la pièce, entourant une table basse en marbre où un ordinateur portable allumé était posé. Le mur en face de la porte d’entrée n’était composé que de grandes fenêtres allant du sol au plafond, les lumières de la ville traversaient les carreaux, seuls éclairages de la pièce en plus de l’écran d’ordinateur. Il y avait un grand bureau en bois brut face à la porte, au fond de la salle. L’immense chaise de bureau en cuir était tournée en direction des fenêtres et faisait donc dos à Thomas. La personne assise dans cette chaise menait une conversation téléphonique. Il s’agissait de Gilles, le plus vieux des exécuteurs. En entendant le jeune homme entrer, la chaise de bureau se tourna, laissant apparaitre le visage souriant de son collègue. Thomas n’était jamais à l’aise face au cinquantenaire, ses yeux bleus perçants semblaient essayer de sonder le jeune exécuteur en permanence, cherchant la moindre faiblesse et la moindre faille. Il raccrocha et posa son portable sur le bureau en se levant.

- Bonsoir les garçons. Puis-je vous servir quelque chose à boire ? Demanda-t-il en se dirigeant vers la machine à café et le mini frigo présents sur le plan de travail, collé au mur droit de la pièce.

Thomas déclina poliment.

- Non merci Gilles. Nous sommes là car tu nous as demandé de venir. Que se passe-t-il ?

Gilles sourit de plus belle. Il prit la cafetière, une tasse et y fit couler un café.

- Attendons que les autres arrivent avant t’entamer les choses sérieuses. Ils ne devraient plus tarder.

Comme pour lui donner raison, des pas et des bribes de conversations animées raisonnèrent dans le couloir. La porte s’ouvrit en trombe sur une jeune femme dont le visage était parcouru d’un large sourire, les yeux écarquillés, elle regarda Thomas d’abord, puis Gilles, puis Yule.

- Salut les nazes !

Elle entra dans la salle et s’affala sur un des canapés, posa ses pieds sur la table et se mit à jouer avec la fermeture de son bomber kaki tout en mastiquant bruyamment un chewing-gum. Elle fut suivie par Marcus qui s’assit près d’elle plus calmement mais sans délicatesse. Gilles s’approcha d’eux, le coin de ses lèvres toujours retroussé.

- Bonjour Lucia, bonjour Marcus. J’espère que vous allez bien.

- Abrège le vieux, tu nous as pas fait venir pour savoir comment s’est passée notre journée. Y a quoi encore ? Répondit la jeune femme avec insolence.

Thomas se retint de grincer des dents, il ne supportait aucun de ses collègues. Marcus ne réfléchissait qu’avec ses poings, Lucia était une véritable tarée combinée à une psychopathe et Gilles était un vieux manipulateur, rusé comme un renard. Cependant, il avait réuni tous les exécuteurs, cela signifiait donc qu’il se passait quelque chose d’important. Il jeta un regard en coin à Yule et lui indiqua d’un mouvement de tête d’attendre dehors, le jeune homme au chignon s’exécuta en silence. Thomas vint s’assoir sur le deuxième canapé libre et fut rejoint par le plus âgé des exécuteurs.

- Tu as raison Lucia, j’ai des informations importantes à vous transmettre. Nous passons en état d’urgence.

Marcus, qui jusqu’alors était adossé au dossier du canapé, se pencha en avant, posant ses coudes sur ses genoux.

- En état d’urgence ? Pourquoi ?

- C’est à propos de l’équipe de Luke…

Luke était l’un des fidèles hommes de main de Gilles.

- Qui gérait le stock de méthamphétamine ?

- Elle-même. Eh bien elle a été entièrement anéantie il y a deux nuits de cela.

- Quoi ? Mais ils étaient pas une cinquantaine ?

Gilles acquiesça en silence. Thomas ne put s’empêcher de penser à la femme qu’il avait poursuivie quelques nuits plus tôt. Ils n’avaient trouvé aucune information sur elle, mais leur recherche continuait. Comme si Gilles avait lu dans ses pensées, il évoqua cette fameuse nuit. Son regard ne quittait pas Thomas.

- Il y a de fortes chances que cela soit lié à la mort de Delart. Nous cherchons encore s’il y a des indices qui trainent sur la scène de crime. Mais encore une fois, il n’y a eu aucune revendication.

- Cinquante de tes hommes sont morts et il n’y a aucune trace nulle part ? Pas de trace de voiture ? De pas ? Rien ? C’était pas juste un suicide collectif dans ce cas ? Demanda Lucia avec cynisme. On peut pas venir à bout de cinquante mecs sans faire un carnage.

- Il y a eu carnage, la rectifia Gilles, des bombes avaient été placées dans l’entrepôt, tout a explosé. Il y a eu un déclenchement en chaine. Les coupables n’ont rien eu à faire cette nuit-là.

- Mais comment ont-il pu rentrer dans le bâtiment sans se faire choper ? Il y avait des gars tout le temps pour surveiller justement ! S’emporta Marcus en se levant.

Le sourire de Gilles avait désormais quitté son visage, il était maintenant fermé et soucieux. Les mains jointes, il regardait avec insistance ses doigts.

- C’est pourquoi nous passons en état d’urgence. Nous devons trouver qui nous met des bâtons dans les roues de la sorte. Employez tous les moyens nécessaires, ne laissez aucun témoin, éliminez quiconque se met en travers de votre route.

Les trois autres exécuteurs acquiescèrent. La réunion prit fin quelques minutes plus tard. Marcus et Lucia sortirent les premiers. Thomas s’apprêtait à faire de même lorsque ce dernier l’interpella une dernière fois :

- J’ai eu vent de ce qu’il s’est passé ce soir. Vous avez éliminé quatre gars qui vous avaient cherché des noises, vous avez bien fait mais fait en sorte que personne ne retrouve les corps, je te fais confiance.

- Ne t’en fais pas, personne ne les retrouvera. La police ne les cherchera pas.

- Je te laisse t’occuper de la fille aussi. Celle qui s’est enfuie. Il est hors de question qu’un potentiel témoin soit laissé en vie. Surtout en cette période délicate.

Aïe. Le sujet que Thomas souhaitait éviter avait déjà fuité. Il plongea son regard dans celui de son sénior. Quelqu’un avait balancé ce qu’il s’était passé cette nuit. Le jeune exécuteur était sondé, à la recherche de la plus petite trace d’hésitation. Gilles doutait-il de lui ? Non…sans doute pas…il s’agissait seulement de l’ambiance permanente au sein du gang. Un endroit où ne régnaient que méfiance et suspicion. Thomas ne cacha pas son soupir, tué une innocente ne le réjouissait jamais. Encore moins lorsque cette innocence était une connaissance appréciée de sa soeur. Elle allait encore une fois en souffrir quand elle apprendra sa disparition.

Il passa une main dans ses cheveux, craqua sa nuque tendue avant de lancer :

- Je m’en occupe demain.


Texte publié par Lunare-my, 11 mars 2024 à 10h15
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