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Des milliers d’histoires ont été racontées à travers les siècles et les Ages. Certaines d’entre elles ont été oubliées. Peu d’Hommes se souviennent encore de celles des Nuvolas.

Les origines de ce peuple se trouvent dans les profondeurs abyssales de l’océan. La cité d’Amstelion était leur domaine, et aujourd’hui encore, nul n’en a trouvé une trace. Ces êtres pacifiques étaient les gardiens des eaux et vivaient en parfaite symbiose avec les autres espèces du monde marin. Ils ne connaissaient pas la guerre et avaient même œuvré pour la réconciliation entre d’autres races. Leur leader, le Doyen Eladah, avait grandement contribué à la quiétude qui régnait dans les profondeurs ; ce qui faisait d’Amstelion, des cités alentours et de leurs provinces, un véritable havre de paix.

Le corps d’un Nuvola était vaguement anthropomorphe. Leurs pattes en revanche, étaient toutes les quatre palmées, les supérieures dotées de ventouse à chaque extrémité. Un fin aileron parcourait leur dos dans toute sa longueur. Ces caractéristiques faisaient d’eux des nageurs exceptionnels. Avec des yeux excentrés de leur longue mâchoire, leur figure rappelait celle d’un poisson chat. Les plus âgés d’entre eux portaient des moustaches plus longues que leurs congénères, à l’image du vénérable Eladah. Sage et bienveillant, le corps de ce dernier portait assurément les signes de l’âge et ses pattes palmées étaient flétries, mais il était toujours vif d’esprit. Ce physique et son caractère le rendaient immédiatement reconnaissable. Il agissait toujours dans l’intérêt des siens, les encourageait constamment à cultiver leurs jardins de connaissances. N’oubliez jamais de faire grandir votre savoir. Il est comme une algue que vous devez faire pousser. Découvrez et apprenez par vous-mêmes et par les autres. La lumière de la connaissance éclaire l’inconnu. Ce qui ne vous est plus étranger ne peut pas vous effrayer. La peur est un sentiment résultant de l’ignorance. Apprenez à connaître vos voisins, quels qui soient, échangez avec eux. Vous constaterez qu’ils ne sont pas si différents de vous.

Grâce à cette sagesse respectée de tous, la paix régnait sous l’océan.

I

Aussi loin qu’il s’en souvenait, Akaro regardait vers la surface. Ce jeune rêveur originaire d’une province d’Amstelion songeait à ce qui pouvait se trouver là-haut, au monde terrestre et aux formes de vie qui le peuplaient. Il avait la ferme intention de le découvrir un jour. C’est pourquoi, le jeune Nuvola avait pris la décision de se rendre dans la capitale. Il devait rencontrer le Doyen Eladah, échanger avec lui et acquérir tout le savoir nécessaire à la réalisation de son rêve. En son fort intérieur, il caressait le mince espoir qu’Eladah fasse de lui son disciple.

Au cours de son trajet, Akaro eut tout le loisir de contempler les splendeurs de l’océan. L’eau était d’un bleu azur malgré la profondeur. Il traversa une prairie parsemée d’innombrables espèces de plantes. La botanique avait toujours été sa passion. Il était convaincu que chaque espèce avait son utilité et existait pour une raison précise. Depuis ses plus jeunes années, il dévorait les ouvrages traitant du sujet. Il s’instruisait pour que la flore n’ait plus aucun secret pour lui. Peut-être mettrait-il un jour ce savoir au service des autres et deviendrait-il un grand guérisseur ? La végétation était riche et abondante à cet endroit. Certaines de ces plantes avaient des vertus médicinales, la substance contenue dans d’autres était toxique pour quiconque l’ingérait. D’autres en revanche, étaient comestibles. Certaines lui étaient totalement inconnues. Il ne manquerait pas de questionner Eladah à leur sujet. Akaro passa également une grande partie de sa route la tête en l’air, à imaginer les êtres de la surface. Son esprit façonnait de nombreuses formes d’organismes, de silhouettes et de corps. Son imagination correspondait-elle à la réalité ou ses rêveries n’étaient-elles que pures inventions ? Son esprit vagabondait, il était perdu dans ses pensées à tel point qu’il ne prêtait plus attention à la direction qu’il suivait. Le passage d’un banc d’espadons au-dessus de sa tête le tira de sa rêverie. Il croisa un retardataire et en profita pour l’interpeler

- Excusez-moi l’ami ! Je me suis égaré. Savez-vous dans quelle direction se trouve Amstelion ?

- Continuez par là ! répondit l’espadon, lui indiquant le chemin de son bec pointu. Une fois le récif de corail atteint, bifurquez à droite. N’essayez surtout pas de le traverser. Il est aussi tranchant que des dents de requin. Vous risqueriez de ne pas en sortir vivant. Il vous faudra ensuite traverser la forêt. Vous ne serez plus très loin après cela. Que les courants vous soient favorables !

- Merci beaucoup et bonne route ! s’exclama Akaro.

Il nagea plusieurs milles nautiques jusqu’au dit récif. Les pointes des coraux luisaient à la lumière. L’espadon disait vrai, ces lames affutées semblaient pouvoir découper la chair aussi facilement que les mâchoires des plus féroces prédateurs. Il le contourna prudemment et fut émerveillé de découvrir un chemin bordé d’anémones multicolores. Elles virevoltaient, décrivant une danse désynchronisée mais sublime. Au bout de cette route se dressait l’épais bosquet. Il était si dense qu’Akaro eut la sensation d’être avalé en y pénétrant. Il dû se battre pour se défaire des algues qui s’entortillaient autour de sa nageoire dorsale. Non sans mal, il traversa et atteignit l’orée de la végétation. Il écarta les dernières plantes de ses mains palmées, et, enfin, en contrebas de la falaise sur laquelle il se tenait, il l’aperçut : Amstelion.

La majestueuse cité creusée dans la roche était une véritable œuvre d’art. Les rues et les allées serpentaient à travers toute la ville jusqu’à son point culminant, le palais, résidence des Doyens. De part et d’autre, étaient flanquées deux immenses tours qui paraissaient toucher la surface de l’océan. La ville était très active. Commerçants s’agitaient et habitants s’affairaient à leurs tâches. Akaro ne tarda pas à se lancer, bien déterminé à accomplir son rêve. Il se dirigea vers l’entrée de la cité par laquelle transitaient les flux ininterrompus de voyageurs et de marchandises. Simple provincial, il n’avait jamais connu pareille affluence. Au-dessus de la porte principale était gravée la devise de la ville.

Voyageur, Marchand ou Etranger : sois le bienvenu

Les Nuvolas affichaient clairement et fièrement leur hospitalité. Akaro savait qu’il avait pris la bonne décision. Même si le Doyen n’en faisait pas son disciple, la ville regorgeait de suffisamment de connaissances pour l’aider dans sa quête.

Il arpentait les rues, observait les habitants et n’hésitait pas à échanger avec eux pour mieux connaître la ville et son fonctionnement. Il n’était pas pressé, mais il ne perdait pas de vue son objectif.

II

Akaro traversait le marché lorsqu’il se rendit compte que son voyage lui avait donné faim. Il était temps de manger quelque chose. Il repéra un étal de planctons.

- Bonjour jeune voyageur ! héla le Nuvola derrière le stand. Vous avez l’air affamé. Venez donc vous rassasiez à ma table !

- C’est bien vrai, je meurs de faim ! répondit Akaro. Je voudrais une douzaine de planctons s’il vous plaît.

- C’est parti ! Prenez place et mettez-vous à l’aise.

Pendant qu’il préparait sa commande, le vendeur engagea un peu plus la conversation.

- Vous m’avez l’air de faire vos tous premiers pas dans cette cité.

- C’est bien ça, acquiesça Akaro.

- Et qu’êtes-vous venu faire ici exactement ?

- Je suis en quête de connaissances.

- Ah ! Un érudit ! s’enthousiasma le marchand. Vous n’êtes pas le premier que j’accueille. Vous allez voir, cette ville est faite pour vous. La bibliothèque est l’endroit idéal pour vos études.

- A vrai dire, je souhaite rencontrer notre Doyen pour apprendre de lui. Son immense savoir sera utile pour ma future entreprise.

- Et bien mon ami, vous avez frappé à la bonne porte ! Le palais est ouvert à tous. Eladah reçoit chaque jour tous ceux qui se présentent à lui. Que ce soit pour une simple requête administrative ou pour dispenser son instruction. Vous n’avez qu’à faire la queue pour le rencontrer… Suivant les jours, il faudra vous armer de plus ou moins de patience, ajouta-t-il d’un ton enjoué.

Lorsqu’il eut fini de manger, Akaro paya et remercia son hôte pour son accueil. Cette pause lui avait redonné de l’énergie. Il reprit sa marche vers le palais et s’arrêta quelques mètres avant l’entrée protégée par deux sentinelles armées de lances pour admirer la magnificence de l’édifice. Il avait été façonné des siècles plus tôt par les meilleurs bâtisseurs de l’océan. Un dôme s’élevait au-dessus de la cour centrale. Creuser une ville entière dans la roche était un exploit remarquable. Polir la pierre et lui donner de telles formes étaient prodigieux. Akaro admira encore ce joyaux d’architecture avant de reporter son attention sur les gardes postés à l’entrée. Les ambassadeurs de la paix étaient parfois plus détestés que les seigneurs de guerre. Il était malheureux mais nécessaire de protéger Eladah. Akaro se présenta et expliqua l’objet de sa visite. L’un des deux gardes lui indiqua le couloir de l’autre côté de la cour. A l’extrémité de celui-ci se trouvait la salle du Conseil où le Doyen recevait les visiteurs. Il traversa la cour et contempla le dôme sous un nouvel angle. Il avait été rendu transparent pour offrir une vue panoramique aux résidents et aux visiteurs.

Par chance, le corridor n’était pas bondé de visiteurs. Il n’aurait pas à patienter trop longtemps. Après ce qui lui sembla pourtant être une éternité, la porte de la salle du Conseil s’ouvrit. Face à lui, Eladah attendait sa venue assis sur un trône sculpté dans un coquillage. Akaro s’avança, subjugué par l’aura dégagée par le Doyen. Il s’inclina respectueusement devant lui.

- Doyen Eladah, c’est un honneur de vous rencontrer.

- Sois le bienvenu mon fils, répondit l’Ancien en baissant la tête pour le saluer à son tour. Je t’en prie, relève-toi. Quel est ton nom ?

- Je me nomme Akaro. Je suis… balbutia-t-il, impressionné par son interlocuteur. Je suis venu demander votre aide, Grand Doyen.

- Il me semble que tu as fait une longue route pour me rencontrer. En quoi puis-je t’être utile ?

- Je souhaite découvrir le monde d’en-haut. Je suis venu dans l’espoir que vous m’enseigneriez ce qu’il faut connaître sur cet autre monde avant de m’y rendre.

Eladah ne répondit pas immédiatement. Il réfléchissait, non sur le fait de prendre son jeune semblable sous son aile, cette décision était déjà prise. Il connaissait les raisons de la visite d’Akaro bien avant que celui-ci ne se présente dans la pièce. Il pencha légèrement la tête à l’intention du Nuvola à ses côtés. Ce dernier s’avança et se pencha sur son épaule. Le sage chuchota quelque chose et le conseiller acquiesça d’un signe de tête. Eladah posa alors sa patte sur la tête d’Akaro.

- Ton envie de découvrir et d’apprendre est remarquable. J’accepte avec plaisir de t’enseigner ce que je sais. Cette instruction sera longue. C’est pourquoi je fais de toi mon apprenti.

Akaro était comblé, et si ému qu’il ne pu dire quelque chose.

- J’ai encore de nombreux frères et sœurs à rencontrer aujourd’hui mon jeune ami, et tu as parcouru un long chemin. Il est temps pour toi de te reposer, conclut Eladah, tandis qu’un garde quittait son poste. On va te conduire à tes appartements. Ton apprentissage débutera dès demain. Prends place et reprends des forces. Ton voyage a été long mais il n’est rien comparé à la quête qui t’attend.

Akaro salua une le Doyen et suivit le garde. Ils quittèrent tous deux la salle du Conseil par l’arrière.

Le conseiller s’approcha à nouveau du Doyen et avant qu’il n’ait posé la question qui lui brûlait les moustaches, le vénérable déclara simplement « C’est lui ». Le conseiller ne répondit pas. Son visage transcrivait le doute que ces mots avaient semé dans son esprit. Avant que ne débute la prochaine audience, Eladah et son conseiller échangèrent un instant sur l’apprentissage d’Akaro.

Akaro suivait le garde à travers une autre cour qui abritait un jardin botanique.

- Vous voici arrivé à votre chambre. Faites comme bon vous semble et n’hésitez pas à demander ce dont vous avez besoin. Vous êtes ici chez vous. Quelqu’un viendra vous chercher et vous amènera à Eladah demain matin, déclara le garde avant de faire demi-tour.

Seul, Akaro réalisait à peine ce qui venait de se passer. Avant son départ, devenir disciple du Doyen n’était qu’une utopie ; aujourd’hui c’était une réalité. Il repensa tout de même à la dernière déclaration du Doyen. Rien comparé à la quête qui t’attend.. Son aventure ne serait sans doute pas de tout repos, mais il avait atteint une partie son but. Il ne voulait pas décevoir les attentes placées en lui. Afin de ne pas gâcher son premier jour d’apprentissage, il décida de se reposer. Un tourbillon de pensées le plongea rapidement dans un profond sommeil.

III

Le lendemain, Akaro se réveilla en plein forme. Le jour qu’il avait secrètement espéré était enfin arrivé, son initiation allait commencer ! Un copieux petit-déjeuner l’attendait déjà sur le bureau face à son lit. Il avait l’estomac noué par l’évènement. Après s’être forcé à avaler quelque chose, il se rendit dans la cour intérieure afin de profiter de la vue offerte par le dôme en attendant qu’un garde vienne le chercher. Le plaisir fut de courte durée. Il était encore tôt, personne ne patientait dans le corridor menant à la salle du Conseil. Eladah y était déjà installé et attendait.

- Jeune Akaro, ton apprentissage débute dès à présent. Es-tu toujours décidé à suivre mon enseignement ?

- Absolument Grand Doyen, répondit-il, déterminé.

- Très bien. Si tu veux contempler la surface un jour, il va te falloir concevoir un vaisseau qui nous permettra d’y parvenir. Ton initiation se fera dans le même temps.

Cette explication laissa Akaro perplexe. Comment une simple construction mécanique fera-t-elle mon apprentissage ? pensa-t-il.

- Je remarque ton étonnement, releva Eladah, mais je te demande de me faire confiance. Je peux t’affirmer que cette quête sera plus formatrice que n’importe quel enseignement théorique. Je vais te mettre sur la voie. Plusieurs milles à l’ouest se trouve l’épave d’un bateau, ceux d’en haut l’utilisent pour voyager sur la mer.

- J’en ai déjà vu quelques unes en me promenant. J’ignorais quelle était la fonction de ces bâtiments, répondit Akaro, comprenant qu’il avait déjà appris quelque chose.

- En la voyant, tu la reconnaîtras. Charge à toi de découvrir et de comprendre quelle sera son utilité pour notre voyage. Mets-toi route dès que tu te sentiras prêt.

- Je vais partir immédiatement. Je ne veux pas perdre un instant.

- Comme il te plaira. Que les courants te soient favorables… Et surtout, sois prudent.

Akaro salua respectueusement son maître. Il quitta la cité et se nagea dans la direction désignée. Il voyagea deux jours entiers, scrutant les indices. Malgré l’absence de résultat, il gardait le moral. Le troisième jour, par-delà le sommet d’une dune de sable, il aperçut quelque chose flotter et battu par les courants. Cela ressemblait au tissu déchiré qu’il avait déjà observé sur certaines épaves. Il touchait au but. Il accéléra jusqu’au point culminant de la butte avant de dévaler l’autre versant. Il s’avança jusqu’à pouvoir effleurer la coque du navire de ses ventouses. C’est alors que retentirent des hennissements.

Tout se passa très vite. En une fraction de secondes, il fut encerclé par une vingtaine d’hippocampes montés par des guerriers armés surgis de nulle part. Les hippotis, équidés quatre fois plus grand que des hippocampes, leurs congénères communs, pointaient leurs tridents sur lui.

- Halte étranger ! Qui es-tu ? Et que viens-tu faire ici ?

Le Nuvola décida de ne rien cacher de ses intentions.

- Je me nomme Akaro, je suis un Nuvola. Je suis en mission pour le Doyen Eladah.

Les soldats se regardèrent, décontenancés. Le chef du bataillon fit un signe de la main et les tridents furent levés.

- Il est vrai que tu es un Nuvola. Je vous reconnaitrais entre mille. Si tu affirmes être en mission pour Eladah, alors nous ne te ferons aucun mal. (Akaro fut soulagé par la rapide confiance que lui témoignait le guerrier). Nous sommes ici pour protéger cet endroit. Quel rapport a cette mission avec ta présence ici ?

- Le Doyen m’a envoyé ici afin que je découvre l’utilité de cette épave.

- Pouvons-nous t’aider ? interrogea le chef.

- Je ne saurais dire, répondit Akaro. Je ne sais pas ce que je cherche. Je sais simplement que c’est ici que le trouverai. Je dois construire un vaisseau pour gagner la surface.

- Voilà une idée farfelue ! s’esclaffa l’un des guerriers

- Dois-je te rappeler qui est Eladah ? lui rétorqua le chef en lui lançant un regard noir. Ce jeune Nuvola a ses raisons. Il ne nous appartient pas de les connaître ou de les comprendre. Il se tourna à nouveau vers Akaro. Nous restons dans les parages. Si tu as besoin d’aide, n’hésite pas à faire appel à nous.

- Très bien, je vous remercie. Après un instant d’hésitation, il reprit. Vous disiez protéger cet endroit, mais je ne vois pas ce qui doit l’être. Il ne s’agit que dune épave abandonnée.

- Ne te fis pas aux apparences. Cette épave abrite une carte indiquant l’emplacement d’une arme offrant à son détenteur le pouvoir de détruire ses ennemis. Nous ne savons pas quelle est cette arme et nous ne tenons pas à le savoir. Certains ont déjà cherché à s’emparer du plan. Si cette arme tombait entre de mauvaises mains, les efforts faits par ton peuple seraient réduits à néant. Vous autres Nuvolas œuvraient pour la paix, et chaque peuple doit être garant de son maintien. En protégeant cet endroit, nous vous rendons ce que vous nous avez donnés.

- Pourquoi ne pas simplement détruire la carte ? interrogea Akaro.

- Nous ne savons pas où elle a été dissimulée. Nous avons fouillé chaque recoin de ce navire mais nous n’en avons pas trouvé la moindre trace.

S’il le pouvait, Akaro les aiderait tout en accomplissant sa propre tâche. Si quelqu’un voulait s’emparer de la carte, il n’aurait aucun mal à le faire. Bien que vaillants, les hippotis n’étaient malheureusement pas assez nombreux pour lutter contre une véritable armée. La paix serait grandement menacée.

Akaro nagea jusqu’au mat encore intact. Sa recherche se ferait méticuleusement de la vigie vers la cale. Chaque coin serait fouillé même si les soldats l’avaient déjà fait à maintes reprises. Algues et coquillages s’étaient accrochés et développés sur les canons en fonte, et contrastaient avec le bois du pont encore étrangement en bon état. Depuis quand ce bateau reposait-il ici ? Il passa par-dessus bord et s’arrêta face à ce qu’il restait de la figure de proue. Le corail l’avait dévorée, il n’aurait su imaginer ce qu’elle représentait auparavant. Akaro remonta sur le pont et se dirigea vers la poupe. C’est alors qu’il aperçut un corps inconnu attaché à la barre. Cela ressemblait à de grandes arêtes. Il n’avait jamais rien vu de tel. La silhouette lui rappelait celle d’un Nuvola. Etait-ce cela qui peuplait la surface ? Son cerveau était en ébullition, essayant de percer le mystère de cette espèce. Après un long instant de réflexion, le but premier de sa présence en ce lieu lui revient à l’esprit. Il reprit son exploration et se rendit au pont inférieur où reposaient d’autres squelettes semblables à celui rencontrés sur le pont. Il fouilla les centaines de caisses de bois qui y étaient stockées une par une, à la recherche d’une piste. Sans succès. Il inspecta chaque compartiment, chaque cabine, jusqu’à la dernière située dans les entrailles du navire. Il poussa la porte vermoulue. La pièce était minuscule et vide, à l’exception d’un coffret entreposé dans un coin. Il était verrouillé mais la clé était toujours dans la serrure. Akaro la fit pivoter lentement. CLAC ! le couvercle s’ouvrit. Akaro le souleva. Il contenait un cœur qui, étant donné sa taille et sa forme, était très certainement celui de cette étrange espèce reposant dans l’épave. Lorsqu’il l’effleura de la main, une pluie de lumière en jaillit. Il fut aveuglé et se protégea les yeux avec son autre patte. Au même instant, il entendit des cris et des hennissements au-dehors. Il regagna rapidement l’extérieur en passant par l’une des brèches de la coque. Les guerriers hippocampes se battaient. Des sirènes attaquaient de toute part. Ces êtres moitié poissons, moitié démons à cornes, occupaient un territoire situé à la frontière des royaumes en paix, et ne la franchissait jamais. Elles passaient leur temps à se battre pour la domination des autres peuples. Le Mal était ancré en elles. Aucun Doyen, aussi puissant fut-il, n’avait réussi à négocier une paix avec elles. Epées et tridents se fracassaient, le combat faisait rage. Plusieurs combattants des deux camps avaient déjà perdus la vie. Akaro se précipita vers le corps inerte d’une sirène et saisit son épée.

Bien qu’il n’eut jamais combattu, ni même connu de violence, il n’éprouvait aucune peur. Il se jeta dans la mêlée avec la ferme intention de repousser les assaillantes. Il se porta au secours d’un hippotis en mauvaise posture. Akaro passa derrière la sirène aux prises avec le guerrier et la transperça de part en part. Elle poussa un dernier cri strident en relâchant son étreinte. Le guerrier le remercia et tous deux repartirent à l’assaut. D’autres antagonistes tombèrent et les partenaires d’Akaro commençaient à prendre le dessus. Le chef du bataillon guidait sa troupe dans la bataille. Une sirène le percuta sur le côté et le fît tomber de sa monture. Tandis qu’elle levait sa lame pour lui asséner le coup de grâce, Akaro bondit et lui infligea un coup à l’abdomen. Elle lâcha son arme et prit la fuite pendant que les hippotis forçaient les derniers agresseurs à battre également en retraite.

Ils avaient gagné cette bataille, mais le prix de la victoire était élevé. Une vingtaine de guerriers gisaient sans vie autour de l’épave. Les survivants remercièrent Akaro pour son aide. Ils lui expliquèrent que les sirènes étaient soudainement apparues.

- Nous avons vu une puissante lumière avant qu’elles ne surgissent de nulle part. C’est sans doute cela qui les a attirées. As-tu découvert quelque chose Akaro ? interrogea le chef.

Avant qu’il ne réponde, l’eau se refroidit brusquement, les courants se déchainèrent. L’escouade se regroupa, craignant une nouvelle attaque. L’eau tourbillonnait, faisant virevolter des poissons dans tous les sens. Les courants décrivirent d’abord une forme floue, jusqu’à dépeindre un visage. Une voix grave et assourdissante raisonna dans l’eau tout autour d’eux.

- Vous avez libéré l’ancienne magie cachée depuis des siècles dans mon cœur…

- Qui êtes-vous ? l’interrompit le chef hippotis.

- Je suis le l’âme du capitaine de ce navire. Autrefois, je naviguais sur les océans du monde.

- Le monde d’en haut ? s’empressa de demander Akaro.

- Si c’est ainsi que tu le nommes, alors ma réponse est oui.

- Comment êtes-vous arrivé ici ? reprit le chef

- Le jour de ma mort. Mon équipage et moi transportions une carte vers une contrée où nous pourrions la vendre au plus offrant. Mes mercenaires étaient sur le point de devenir les plus riches des sept mers. En chemin, nous fûmes attaqués par des sirènes. Je ne sais comment, mais elles connaissaient l’existence de ce trésor et cherchaient à s’en emparer. Mes hommes se battirent avec bravoure pour repousser leurs assauts. Voyant qu’elles ne pourraient vaincre par la force, elles se mirent à chanter. L’un après l’autre, les marins furent envoutés et déposèrent les armes, tombant dans leur piège. Ceux qui ne plongeaient pas dans l’eau pour se noyer furent massacrés. Ma volonté me quittait également peu à peu. J’ordonnais à mon second de m’attacher à la barre afin de résister à leur envoutement. Il était hors de question de mourir en esclave et de dévoiler l’emplacement de la carte. Cependant, leur pouvoir d’attraction se faisait de plus en plus irrésistible. Je savais au fond de moi que je finirai par succomber. Je commandais mon second une ultime fois. Je lui ordonnais de m’arracher le cœur et de le dissimuler dans le navire. S’il était préservé du chant des sirènes, le secret de la carte serait sauf. Si nous ne pouvions pas faire fortune, nous refusions de laisser la carte aux mains de quiconque, qui plus est, celles de ces êtres démoniaques. Mon second avait jadis fait voile avec un mage qui lui avait appris quelques enchantements. Il ensorcela mon cœur pour que mon âme puisse se réveiller un jour.

- Je ne comprends pas le sens de tout ceci, déclara Akaro.

- Rien n’est plus important pour un marin que son vaisseau. J’espérais pouvoir me venger des sirènes qui avaient causé notre perte. Je souhaitais dévoiler la cachette de la carte à celui qui me réveillerait. En échange, il lui faudrait anéantir les sirènes.

- Nous ne sommes pas des mercenaires ! rétorqua le chef hippotis. Notre but n’est pas de tuer ! Nous savions que l’épave abritait cette maudite carte. Nous la protégions justement pour ne pas qu’elle tombe entre de mauvaises mains.

- Si vous ne voulez pas accomplir ma vengeance, alors je ne puis vous donner la carte.

- Un instant ! s’interposa Akaro. Ce sont vos arêtes et celles de vos hommes qui reposent dans cette épave, n’est-ce pas ? Accepteriez-vous de nous indiquer l’emplacement de la carte si nous vous offrons une sépulture ? Vous reposeriez enfin en paix.

Le visage se figea dans le silence. Les courants s’étaient arrêtés… puis la voix répondit.

- Mes hommes ont été loyaux jusqu’à la fin et sont morts dans d’atroces souffrances. A défaut d’or et de femmes, leur offrir un repos mérité est une juste récompense… Soit. Si vous vous engagez à enterrer mes hommes, j’accepte de vous révéler la cache de la carte.

- Je vous promets d’offrir à vos hommes la tombe qu’ils méritent, répondit Akaro.

- Il vous suffit d’arracher la barre. Vous y trouverez ce que vous cherchez.

- Merci. Partez en paix à présent.

Les courants se déchainèrent à nouveau, effaçant le visage. Les hippotis se précipitèrent à la barre, écartèrent le squelette du capitaine et arrachèrent la pièce de bois. Un tube contenait la carte. Le chef de bataillon la confia à l’un de ses soldats avec pour ordre de la détruire. Il se tourna vers Akaro

- Nous t’aiderons à tenir la promesse faite au pirate. Sans ton intervention, nous n’aurions jamais pu détruire cette arme. Nous n’avons désormais plus besoin de protéger cet endroit. Nous pourrons être utiles ailleurs, dans des zones où la paix est menacée.

Pendant qu’ils procédaient aux rites funéraires, Akaro songeait à sa mission. Il avait certes apporté son aide aux hippotis, mais rien de tout ceci n’était utile dans sa quête. Il n’était pas plus avancé.

IV

Lorsqu’ils eurent enterré les restes des marins, Akaro s’éloigna du groupe pour se retrouver seul. Il contemplait la surface et se remémorait les mots d’Eladah.

Charge à toi de découvrir quelle sera son utilité.. En quoi la carte lui aurait-elle été utile … ? Mais bien sûr ! Ce n’était pas la carte, ni ce que contenait le bateau qui lui servirait, mais le vaisseau tout entier ! Comment avait-il pu l’omettre ? Le Doyen et lui avaient besoin d’un moyen de se rendre à la surface. L’armature constituait la base de son futur vaisseau. Elle était toutefois imposante et la transporter jusqu’à Amstelion ne serait pas une mince affaire. Il n’y parviendrait jamais seul.

- Je t’ai dit que de ne pas hésiter à demander de l’aide ! Après ce que tu as fait pour nous, c’est la moindre des choses, répondit amicalement le chef.

La troupe harnacha le bateau avec d’épais et solides cordages. L’autre extrémité était reliée aux équidés.

Le transport fut éprouvant, mais se déroula sans accroche. De retour à Amstelion, Akaro invita les hippotis à le suivre jusqu’au palais. Ils patientèrent devant la salle du Conseil, le temps que les dernières audiences de la journée prennent fin.

- Je vois que tu es de retour parmi nous, déclara Eladah en voyant Akaro s’avancer. J’en conclus que ta mission est achevée.

- Oui Maître. J’ai apporté avec moi ce qui constituera notre vaisseau.

- Je te félicite. Je constate également que tu n’es pas revenu seul de ce voyage.

- En effet. Je me suis permis de demander aux hippotis qui m’ont aidé dans ma tâche de me suivre jusqu’ici. Je pensais qu’il serait juste de les héberger pour la nuit. Le temps pour eux de se reposer avant leur voyage de retour.

- Tu as bien fait. Nous allons faire préparer leurs chambres dans la tour Nord, ainsi qu’un repas pour vous tous. Mangez, reprenez des forces et reposez-vous. Vous êtes ici chez vous, enjoignit-il aux guerriers.

Les hippotis s’inclinèrent et se retirèrent, laissant seuls élève et maître.

- Ta première tâche est achevée, reprit Eladah. Dans cet état, la coque ne te servira à rien, il te faut la réparer. Mais il est tard. Tu ferais mieux de rejoindre tes amis. Restaure-toi et profite d’une nuit de sommeil bien méritée. Reprends des forces. Le reste de ta quête peut attendre demain.

Il écarta les bras pour signifier à Akaro que leur entrevue était terminée. Ce dernier ne souffla mot et quitta la pièce pour prendre part au banquet où l’attendait déjà ses compagnons.

V

Le lendemain, les hippotis prirent congés de leur hôte et retournèrent vers leur territoire. Il n’y avait pas d’audience prévue ce jour-là. Le Doyen en profita pour rejoindre Akaro dans le jardin botanique. Ils nagèrent ensemble un long moment. Eladah demanda à son disciple de lui raconter son récent voyage dans les moindres détails. Il était passionné par les histoires.

- Tu as fait preuve de courage et de fraternité avec nos voisins. Ce sont des qualités appréciables, ainsi que des clés du maintien de la paix et de la bonne entente entre tous les peuples. Réparer et remettre en état la coque du vaisseau constitue la suite de ton initiation. Tu dois l’entreprendre dès aujourd’hui. Notre voyage en dépend.

Le Doyen laissa à Akaro le choix des moyens et des matériaux. A lui de trouver la meilleure solution. Il travailla seul pendant plusieurs jours, ne s’interrompant que pour manger et dormir. Il colmata les brèches de la coque avec un mélange de sable et d’algues. Après une semaine d’effort, le carénage était achevé. Akaro annonça la nouvelle au Doyen. Ce dernier ordonna qu’on entrepose le vaisseau dans un hangar du palais jusqu’au jour du départ.

Il confia également une nouvelle tâche à son élève.

- As-tu déjà entendu parler de la cité de Tell-Nahum ?

- La cité morte ?

- Tout à fait. Que sais-tu à son propos ?

- Je connais juste son nom et sa réputation, rien de plus, avoua l’apprenti.

- Elle porte ce nom depuis un temps fort reculé. On raconte que cette ville appartenait autrefois à la surface. Un jour, le vaisseau d’un ancien Dieu venu d’une lointaine planète se serait écrasé sur la cité. Le bâtiment était si grand et l’impact si violent que la cité fut engloutie par les eaux qui l’entouraient. Cette vieille légende n’a jamais été vérifiée, mais la cité existe bel et bien. Elle repose dans la fosse d’Atacama. Il y subsisterait une inquiétante atmosphère. Si Amstelion symbolise la lumière et la douceur de vivre, Tell-Nahum est ce que l’on pourrait appeler son double maléfique. Tu vas devoir te rendre là-bas.

- Vous pensez que la légende dit vrai et que le vaisseau du Dieu y repose également ?

Eladah acquiesça.

- Tu devrais le localiser et extraire les moteurs afin de faire fonctionner notre propre engin.

Avant de se retirer, Eladah révéla l’emplacement exact de la cité dans la fosse et mit Akaro en garde sur les possibles dangers qui l’y attendaient.

Akaro prit la route deux jours plus tard. Il nageait au gré des courants chauds et froids. Soudain, l’eau se fit plus sombre, un gigantesque banc de sardines bloquait la lumière. Elles filaient à vive allure, serrées les unes contres les autres. Il vit également une demi-douzaine d’ailerons naviguer autour du banc. Des dauphins s’apprêtaient à prendre leur repas. Ils chassaient en meute pour faciliter la capture de leurs proies. Akaro profita du spectacle ainsi offert. Voir des dauphins nager avec tant de grâce était un ravissement pour les yeux. Il remarqua que l’un des dauphins devait avoir particulièrement bien mangé, car il était bien plus corpulent et imposant que ses partenaires… Il semblait d’ailleurs chasser, mais à l’écart de la meute. En effet, la créature chassait seule, ces ailerons et ce corps énorme étaient ceux d’un mégalodon ! Ce dernier devait avoir flairé les sardines, mais ne s’attendait pas à déguster du dauphin en prime. Il nageait lentement, en retrait des six dauphins, attendant le moment propice pour les attaquer. Avant qu’Akaro ne puisse émettre le moindre avertissement, le mégalodon fondit sur l’un des dauphins. Pris par surprise, il ne put esquiver la mâchoire imposante du prédateur et se retrouva bloqué entre ses dents. Le cri de douleur qu’il émit alerta ses compagnons, qui abandonnèrent aussitôt le festin pour se porter à son secours. Deux d’entre eux chargèrent le flanc droit du lamniforme avec leurs museaux et leurs crânes pour lui faire lâcher prise. Deux autres le flanc opposé. Le dernier se présenta face à lui et l’empêcha de prendre la fuite. Cette manœuvre réveilla la colère du mégalodon qui resserra son étreinte. Le prisonnier hurla une nouvelle fois et perdit connaissance. Akaro se précipita lui aussi à l’assaut du pagotrophe. Il s’agrippa à sa nageoire caudale et se hissa le long de son dos. Le mégalodon n’avait pas senti cette présence et tentait d’échapper à ses poursuivants. Il s’agitait, ballotant ainsi le jeune Nuvola dans tous les sens. Akaro parvint à atteindre le haut du crâne de l’imposant chasseur et asséna un coup de poing dans son œil droit. Dans un grognement, il desserra les mâchoires et laissa échapper sa proie. Sans perdre un instant, Akaro frappa l’autre œil. Le dauphin qui lui faisait face chargea droit sur son museau. Sonné et temporairement aveuglé, le monstre tournait sur lui-même pour se défendre. Les cétacés récupérèrent leur congénère libéré et en profitèrent pour filer, suivis par Akaro.

Hors de danger, les dauphins tentèrent de réanimer leur ami, sévèrement blessé. Les dents acérées du mégalodon l’avaient transpercé, et de profondes plaies marquaient son dos et son abdomen. Il ne survivrait pas longtemps dans cet état.

- Je peux sauver votre ami, il faut que vous m’aidiez à trouver de la cura. C’est une plante tubulaire de couleur verte qui pousse en contrefort des rochers. Elle peut stopper les hémorragies. C’est la seule façon de le sauver.

L’un des dauphins s’empressa de partir en récolter. Dans l’attente, Akaro posa ses pattes sur les plaies pour ralentir l’afflux sanguin. Les quatre autres assistaient impuissants à la scène.

- Tout va bien se passer, soyez tranquilles, les rassura Akaro.

Après quelques minutes interminables, leur comparse revint enfin avec plusieurs branches de cura dans le bec. Il les porta à Akaro qui brisa chaque tige à la base. Il répandit la sève qui s’écoulait sur toutes les lésions, puis massa délicatement les zones touchées. Quelques instants plus tard, les hémorragies avaient cessé, et le blessé reprenait lentement ses esprits. Les cinq amis étaient rassurés.

- Il est sauvé, mais il lui faudra voir un médecin pour recouvrer la totalité de ses facultés, expliqua Akaro.

- Nous ne te remercierons jamais assez pour ton aide. Comment pouvons-nous te rendre la pareille ? répondit un membre de la bande.

- Accepteriez-vous de me conduire à Tell-Nahum ?

Akaro lut la terreur sur le visage des dauphins à l’évocation de la cité morte.

- Nous détestons cet endroit, répliqua l’un d’entre eux. Nous n’osons pas nous y rendre. Une puissante magie obscure opère là-bas. Mais nous te devons bien ça. La cité est immense, il te faudrait des jours pour la parcourir. Nous allons t’aider…

Le cétacé s’allongea devant Akaro.

- Accroche-toi à moi, nous allons te conduire et parcourir la cité avec toi, cela te prendra moins de temps.

- Rien ne vous y oblige, répondit Akaro. De plus, vous ne pourrez pas tous m’aider. Deux d’entre vous doivent rester auprès de votre camarade. Il n’est pas en état de se déplacer.

- Allez-y et soyez tranquilles, nous veillerons sur lui, déclarèrent de concert deux dauphins.

Akaro s’agrippa à l’aileron et tous les quatre partirent en direction de Tell-Nahum. Ils s’enfoncèrent plus profondément dans la fosse d’Atacama. L’eau s’assombrissait au fil de leur descente. Akaro commençait à ressentir lui aussi la crainte évoquée par les dauphins. Les mammifères ralentirent la cadence, espérant arriver le plus tard possible dans la ville sans vie, et questionnèrent Akaro.

- Que vas-tu faire dans ce sinistre endroit ?

- Je suis à la recherche d’un objet.

- Quel genre d’objet ? interrogea un dauphin avec méfiance

- Je ne saurais le dire. Connaissez-vous la légende de la métropole ?

- Nous la connaissons que trop bien… Voilà pourquoi nous n’y sommes jamais allés… jusqu’à aujourd’hui, répondit un autre cétacé.

- Je dois trouver le vaisseau du Dieu qui s’y est écrasé jadis. J’ai besoin de récupérer les moteurs pour mettre en marche mon propre appareil.

- Tu as fait un tel chemin, pour te rendre dans un endroit pareil… pour ne probablement retrouver qu’une épave hors d’usage. Penses-tu réellement que les moteurs puissent encore être en état de marche après toutes ces années ?

- Je n’en ai aucune idée.

- Qu’est-ce qui peut bien te pousser à prendre de tels risques ?

- Mon Maître m’a donné cette seule piste pour mouvoir mon vaisseau et je n’ai pas d’autres options. Je lui fais confiance.

- Une immense tour dominerait la ville en son centre. Si tel est le cas, nous devrions concentrer nos premières recherches dans ce secteur, suggéra un dauphin.

Ils poursuivirent la descente. La rare lumière qui persistait désormais émanait de curieux poissons abyssaux. Ils éclairaient faiblement les profondeurs grâce à leur lanterne frontale. Leur apparence était monstrueuse bien qu’ils eussent été absolument inoffensifs. Aucun ne prêta attention au groupe. Ils nageaient silencieusement, le regard perdu dans le vide. Cette forme de léthargie accentua le sentiment d’inquiétude des dauphins. Ils atteignaient les abords de la cité. Tout y était immobile, il n’y avait pas l’ombre d’une âme qui vive. Tell-Nahum n’était que ruines et bâtiments détruits. Une catastrophe était bien survenue en des temps reculés, aucun habitant n’avait survécu. Dans cet endroit, le temps s’était arrêté. Akaro et ses compagnons sillonnaient les sombres avenues bordées d’arcades en direction de a tour. Le dédale de voies formait un labyrinthe. Un frisson parcourut Akaro, mélangé à un étrange sentiment d’oppression. La cité était figée dans un passé oublié depuis des siècles. Aucun être ne la parcourait, exceptés eux-mêmes, mais Akaro se sentait observé, suivi. Une présence imperceptible était à l’œuvre dans cette ville. Il ne voulait pas s’attarder ici.

Le pied de la tour était profondément ancré dans le sol. Les compagnons inspectèrent les alentours à la recherche d’indices. Akaro remarqua d’étranges inscriptions gravées sur la tour, symboles d’une langue inconnue et indéchiffrable. L’un d’eux attira particulièrement son attention. L’idéogramme central était plus grand que les autres. Il représentait un cercle porteur de tentacules. Quelle sorte de créature, même divine, pouvait prendre place dans un pareil vaisseau ? Cette forme lui rappelait les pieuvres des cavernes. Il était étrange qu’un vaisseau venu d’une planète éloignée ait connaissance des créatures marines.

Les dauphins avaient parcouru le périmètre sans trouver la moindre piste. Peut-être les moteurs étaient-ils toujours à l’intérieur du vaisseau. Akaro leva les yeux vers le sommet de la tour. Son immensité le figea un instant. Plusieurs mètres plus haut, il observa une excroissance sur le flanc, comparable aux branches d’une étoile de mer. Il entreprit de l’observer de plus près. Avant d’y parvenir, il passa devant une brèche qui éventrait le vaisseau. La branche, encore intacte, mesurait une vingtaine de mètres de long et environ dix de large, pour une épaisseur d’environ trois mètres, soit environ la taille de la faille aperçue plus bas. Une autre aile se trouvait à cet endroit mais n’avait pas résisté à l’impact. Il parcourut la surface faite d’une matière inconnue du bout de ses ventouses. Elle était sillonnée de tout son long par de sombres lignes symétriques, parallèles et perpendiculaires. Certaines intersections étaient marquées de carrés. Le tracé ne suivait aucune logique. Deux autres ailes garnissaient l’autre flanc de l’édifice, et une autre était également tombée. Sous les gravats de la cité, Akaro vit une faible lueur bleutée et longiligne. Une autre ligne luisante et à peine perceptible la rejoignait perpendiculairement.

- Je crois que j’ai trouvé quelque chose ! cria-t-il à l’attention des dauphins. Aidez-moi à dégager ce qui se cache sous ces décombres !

Les bâtiments autrefois imposants n’étaient plus qu’un amas de gravats, ce qui facilita l’excavation. Ils mirent une aile au jour, qui, par un prodigieux hasard, était parfaitement intact. Malgré le cataclysme, elle ne s’était pas brisée. Elle luisait faiblement. Akaro posa sa patte sur l’une des lignes et sentit une faible quantité d’énergie la parcourir. Les empennages du vaisseau étaient des sources d’énergie assurant son déplacement. Akaro tenait le moteur qu’il était venu chercher. Cette seule source de puissance était cependant trop faible en l’état.

Akaro était obnubilé par ces lignes, à tel point qu’il en oubliait la présence de ses compagnons autour de lui. Il sentit un carré marquant le croisement de plusieurs lignes. Ce dernier n’était pas ancré dans l’empennage et était fendu symétriquement en deux, chaque partie pouvant s’emboîter avec l’autre. Il appuya de toutes ses forces sur les deux parties afin de les insérer dans le système. Leur réunification déclencha un spectacle grandiose. La lueur bleue s’intensifia et se répandit frénétiquement à travers chaque ligne. Akaro sentit immédiatement l’énergie se décupler. L’aile se souleva lentement et se maintenait en lévitation au-dessus du sol. Cette faculté exceptionnelle des cinq ailes combinées entrainait autrefois le vaisseau à travers des cieux éloignés. Sans aucune aide, la pièce poursuivait sa lente ascension. Son acheminement jusqu’à Amstelion serait plus aisée que ne l’avait été celui du galion.

La petite troupe se répartit autour de la pièce et la guida dans sa remontée de la fosse. Ils rejoignirent les deux autres dauphins, installèrent le blessé sur la plateforme et prirent la direction de la capitale Nuvola. Même si le traitement d’urgence d’Akaro lui avait sauvé la vie, il lui faudrait voir un guérisseur sans tarder.

VI

Le blessé fut confié aux bons soins de Läkare, guérisseur personnel du Doyen. Ses aptitudes dans tous les domaines de la santé avaient poussé Eladah à l’appeler à son service. Cependant, le Doyen refusait de privatiser un tel être, même si sa propre santé déclinait avec l’âge. Läkare continuait donc d’offrir ses services à quiconque en avait besoin. Après avoir pris connaissance des péripéties, il fit conduire le malheureux dans sa demeure. Il s’était établi aux frontières de la ville pour fuir le trop plein de vie du centre. Etudier et soigner les malades demandaient calme et sérénité. Il administra plusieurs essences d’algues et pansa les plaies avec des cataplasmes à base de plantes. Akaro avait réalisé un travail remarquable dans une situation aussi urgente. Après quelques jours de soins et de repos, Läkare le jugea le blessé apte à retrouver les siens. Ces cinq congénères et Akaro l’accueillirent à sa sortie, heureux de le voir tiré d’affaire. Sur ordre du guérisseur, le convalescent ne devait pas quitter Amstelion et voyager avant plusieurs semaines. C’était le même laps de temps dont avait besoin Akaro pour concevoir les plans d’aménagement de son vaisseau. La tâche s’avéra plus ardue qu’il ne l’imaginait. Il redessina les plans, les repensa, les imagina au cours de son sommeil, jusqu’à enfin trouver le moyen le plus adapté pour se rendre à la surface.

Il désossa entièrement le navire, ne laissant que sa robe extérieure en place. La source d’énergie constituant le moteur et entrainant décollage et lévitation, fut posée au fond la coque. Elle fut reliée à une hélice directionnelle fixée à la poupe. Akaro prévit un accès à partir de la future salle réservée à l’outillage au cas où une réparation s’avérerait nécessaire. Il aménagea les cloisons afin de créer deux appartements séparés, pour le Doyen et lui-même, une réserve de nourriture et un réfectoire, qui servirait également de salle d’instruction. Akaro avait la ferme intention d’apprendre au contact de son maître au cours de ce long périple.

A la fin de ces importants travaux, le bâtiment était enfin achevé et paré au départ. Akaro était épuisé mais son rêve le plus cher était sur le point de se réaliser. Il allait connaître le monde de la surface. Il sollicita un entretien avec Eladah.

- Grand Doyen, le vaisseau est terminé.

- Je te félicite Akaro. Tu as parcouru une longue route et affronté maints dangers. Je suis certain que ton navire nous conduira à destination sans encombre.

Akaro fut très touché par ce compliment. La reconnaissance témoignée par son maître le motiva d’avantage. Aussi voulut-il proposer au Doyen dès que possible, avant que celui n’ajoute

- Je te demande de m’accorder deux jours avant notre départ. Je ne peux quitter mon peuple sans laisser d’instruction et m’assurer de sa sécurité pendant notre absence. Il doit savoir que je m’en vais et je dois régler les dernières affaires courantes.

Cette déclaration refroidit quelque peu Akaro, mais après tout, un peu de repos avant le grand départ lui ferait le plus grand bien.

VII

Deux jours plus tard, le moment tant rêvé par Akaro était arrivé. Il était très excité à l’idée d’enfin contempler le monde qu’il avait tant pris plaisir à imaginer. Il allait découvrir toutes ces choses que son esprit avait façonnées. Son imagination était-elle à la hauteur de la réalité ?

Lorsque maître et disciple quittèrent l’enceinte du palais, tous ses occupants s’inclinèrent pour saluer Eladah.

A la vue du vaisseau, le Doyen félicita une fois encore son apprenti.

- Tu as fait un excellent travail. Ce navire est comme neuf. Je suis fier de toi.

Une fois à bord, Akaro aida le Doyen à s’installer dans sa chambre avant de descendre mettre le moteur en marche. Il inséra le cube dans son écrin et regarda l’énergie se répandre dans les rainures. L’hélice se mit en mouvement et lentement, l’imposante masse du bâtiment quitta le fond océanique et s’éleva dans une nuée de bulles. Après avoir dépassé les tours du palais, Akaro actionna la commande de puissance pour accélérer l’ascension, jusqu’à atteindre la vitesse de croisière. Il quitta la salle des machines pour prendre la barre sur le pont, non sans faire une halte à la chambre de son maître. Celui-ci l’attendait déjà sur le seuil.

- Nous voilà partis. Tout se passe-t-il comme prévu ? demanda le Doyen.

- Tout est en ordre.

- C’est parfait.

- Combien de temps durera l’ascension, s’empressa de questionner Akaro tout en aidant le Doyen à franchir la dernière marche qui menait au pont.

- Pas plus d’une semaine, répondit ce dernier.

Le jeune Nuvola ne put cacher sa déception et laissa échapper un soupir.

- Veuillez m’excuser pour mon impatience, se rattrapa-t-il aussitôt.

Gêné, il prit les commandes en silence. Eladah ne prêta attention ni à l’expression de son disciple, ni à ses excuses. Intérieurement, il était même plutôt amusé par sa fougue, mais ne laissa rien deviner par son attitude.

- Nous ne rendons pas à la surface, du moins ce ne sera pas notre destination finale, reprit le Doyen après un instant interminable pour Akaro. Ce vaisseau doit nous amener bien au-delà, vers un univers infiniment plus vaste.

Son disciple, abasourdi par cette déclaration, ne fut pas capable de répondre. Sa déception n’en était que plus grande. Tous ses efforts ne se voyaient pas récompenser. Le Doyen lui avait menti… ou ne lui avait peut-être pas dit toute la vérité. Il était déçu. Contrairement à son aîné, il ne savait masquer ses sentiments, ce qui amusa un peu plus le Doyen qui esquissa cette fois un sourire.

- Ta soif de découverte et ta curiosité pour ce qui t’entoure feront de toi un grand explorateur. Tes voyages et tes études profiteront à tout notre peuple, Les Nuvolas élargiront et approfondiront leurs connaissances. Nos archives seront plus fournies que jamais. Tu contribueras grandement au développement et à la transmission de notre savoir, j’en suis convaincu. Mais pour satisfaire ces désirs, il te faudra d’abord prendre ma place.

Akaro ne surveillait plus sa navigation. Son regard se perdait dans le vide, il était comme absent de son propre corps, persuadé d’être en plein rêve. Ou bien Eladah avait-il subitement perdu la raison ? Il secoua la tête pour reprendre ses esprits et formula une réponse hésitante

- Pardonnez-moi Grand Doyen. Est-ce que vous allez bien ?

- C’est plutôt à toi qu’il faudrait poser cette question, répondit Eladah qui souriait franchement.

- Je ne comprends pas où vous voulez en venir. Ce que vous dites n’a pas de sens, VOUS êtes le Doyen.

Le vieux Nuvola posa sa patte sur la tête de son disciple et reprit

- C’est à moi de m’excuser. Je ne t’ai rien dit car je souhaitais te protéger avant notre départ. Ce long voyage me donnera le temps de tout te révéler. Il marqua une pause avant de poursuivre. Autrefois, les Nuvolas vivaient en symbiose avec les habitants de deux autres mondes : la Terre, monde de la surface, peuplée principalement par les Humains, et celui du Ciel, le royaume des Suomelis, qui se trouve au-dessus… Jusqu’au jour où les éléments se déchainèrent. Un cataclysme frappa les trois mondes, et pour une raison toujours obscure aujourd’hui, les Nuvolas ne pouvaient plus respirer l’air de la surface et survivre hors de l’eau. Seul le Doyen conserva cette faculté de façon permanente. Pour autant, nos traditions séculaires n’ont pas changé. Lorsqu’un Doyen sent sa fin proche, il lui faut trouver son successeur, lequel hérite de ses pouvoirs. Pour ce faire, ils doivent se rendre sur Odarod, le Sanctuaire, une planète située bien au-delà du monde des Cieux. La traversée nous révèle et nous fait prendre conscience de l’existence des trois mondes. Le rituel ancestral accompli sur Odarod est capital pour que notre peuple continue de prospérer. Si le Doyen et son successeur n’atteignent pas le sanctuaire avant le moment fatal, le jeune Nuvola ne pourrait jamais prendre la place de son prédécesseur, et la lignée des Doyens serait brisée, entraînant fatalement l’effondrement de notre civilisation. Notre peuple serait privé de son guide. Garde à l’esprit que nous sommes les gardiens de notre peuple et des mers.

Eladah laissa à Akaro le temps d’assimiler ces informations.

- Tu es destiné à prendre ma place. Notre pérégrination nous mènera à Odarod, et lorsque je partirai, TU seras le Doyen.

Akaro n’en revenait pas. Lui, qui n’avait toujours été qu’un simple rêveur en quête de découverte, allait porter la responsabilité de ses semblables sur les épaules. Il n’était pas prêt. Etait-il seulement fait pour ce rôle ? Une vague de questions emplit son esprit. Il ne savait par où débuter. Tout se bousculait… Il interrogea le Doyen sur ses premières paroles.

- Pourquoi avoir gardé le secret jusqu’à ce jour ? En quoi ma protection justifiait-elle votre silence ?

- Excellente question, remarqua Eladah. Amstelion et ses alentours sont en paix et la plupart des peuples des profondeurs vivent en harmonie. Cependant, tu as remarqué que ce n’est pas le cas de certains.

- Les sirènes ?

- Entre autres, oui. Certains vivent pour la domination et la destruction. Imagines-tu les conséquences si des créatures avec de tels desseins avaient découvert ton identité et t’avait éliminé ?

- L’anéantissement de notre civilisation… (Akaro fut parcouru d’un frisson à l’évocation de cette possibilité, plus que par celle de sa mort). Suis-je à la hauteur de la tâche que vous me confiez ? Je ne suis absolument pas prêt à devenir un guide.

- Pas plus que je ne l’étais lorsque j’étais à ta place. Mais je sais pertinemment que tu possèdes toutes les qualités qui feront de toi un grand Doyen. Les actions que tu as menées au cours de tes voyages en témoignent. Tu n’as pas hésité à faire passer la cause des hippotis avant tes propres objectifs. Peu de créatures auraient fait de même.

Akaro écarquilla les yeux. Eladah semblait lire en lui comme dans un livre ouvert.

- Un Doyen est toujours au courant de tout, privilège de la fonction, déclara-t-il en glissant un clin d’œil, avant de reprendre plus sérieusement. Un Doyen se doit de servir son peuple, et non l’inverse. Ne te détourne jamais de ce principe. Le bien des peuples des océans doit être ta préoccupation permanente. Tes propres désirs ne doivent jamais prendre le pas sur cette charge. Je ne suis pas certain de devoir te le rappeler. Les dauphins ont affirmé que tu n’avais pas hésité à leur porter secours.

- C’est ce qu’aurait fait n’importe quelle créature, répondit humblement Akaro.

- Certains individus n’auraient pas, et ne risqueraient probablement jamais, leurs vies pour sauver un étranger, rétorqua Eladah. Le courage est une qualité primordiale pour un Doyen. Il ne doit jamais craindre d’accomplir lui-même une tâche périlleuse. Ne pas assumer ce rôle ou le déléguer à un autre laisserait penser que, de par notre fonction, nous nous sentons supérieurs aux autres. Or, chaque être vivant a la même valeur. Nous devons nous montrer les égaux de nos semblables. Nos responsabilités ne sont pas des privilèges. Sans cela, les Doyens n’auraient pas de raison d’être et le monde sous-marin ne serait dirigé que par des tyrans.

Akaro comprenait de mieux en mieux pourquoi Eladah un était un Doyen respecté même au-delà des frontières du royaume Nuvola. Etre Doyen impliquait d’aider ceux en difficulté et de toujours œuvrer dans l’intérêt général.

Tout comme son aîné, Akaro devait se montrer intègre. Il ne pouvait espérer ni légitimité ni respect s’il ne respectait pas les enseignements qu’il dispensait. Akaro devait aussi développer ses propres qualités de Doyen. Il les forgerait au fil des années, en même temps que son expérience.

- En agissant de la sorte, tu développeras la sagesse, vertu majeure des Doyens. C’est ainsi que tu seras un guide apprécié et légitime. Ne doute pas de toi Akaro, tu accompliras ton devoir envers les nôtres avec succès. Ton chemin sera semé d’obstacles, mais j’ai confiance en toi, et c’est pour toutes ces raisons que je t’ai choisi.

Akaro gravait ces précieuses instructions dans sa mémoire. Il tenait à être à la hauteur des espérances placées en lui et ne pas faillir à son devoir envers les siens.

Un détail lui revenait en tête.

- Vous avez dit que seul le Doyen pouvait respirer à la surface depuis la catastrophe. Savez-vous pourquoi ?

- Je me suis posé cette question plus d’une fois et après des nuits de réflexion, j’ai formulé une réponse, ou plutôt une hypothèse. Au cours du rituel, le pouvoir est transmis au successeur afin qu’il continue de maintenir l’interaction et l’équilibre entre les trois mondes. Je n’en suis pas certain, mais je n’ai trouvé aucune autre explication à ce mystère. Aucune de nos archives ne fait allusion à ce fait.

La première journée de voyage, riche en révélations et en explications, touchait déjà à sa fin. Akaro sentait l’immense poids peser sur ses épaules.

- Tu sauras te montrer à la hauteur, le rassura une nouvelle fois l’Ancien. Va te reposer, tu en as grandement besoin.

- Je ne peux vous laisser nous conduire à Odarod. Cette tâche me revient.

- Je suis peut-être âgé, mais je suis toujours capable d’assurer la navigation. Et pour l’instant, je suis toujours le Doyen. Ce qui signifie que je dois encore être en mesure d’apporter mon aide à un congénère.

Akaro accepta à contrecœur et abandonna Eladah sur le pont. Il se rendit dans son appartement et s’allongea. Malgré sa détermination, le sommeil ne se fit pas attendre.

VIII

Les jours suivants, Akaro poursuivit son initiation. Eladah lui apprit que nul ne se rappelait le cataclysme qui avait provoqué la scission des trois mondes. Seules les conséquences étaient connues. Au fil des siècles, les Doyens successifs se rendaient de moins en moins à la surface. Le Concile des trois peuples ne s’étaient pas réunis depuis des décennies. Les derniers Doyens, y compris Eladah, n’avaient émergé des profondeurs que deux fois, dont l’une lors du voyage initiatique vers Odarod. Les seuls déplacements de chacun d’entre eux étaient des visites de courtoisie. On s’assurait que tout allait bien, on échangeait entre Humains, Nuvolas et Suomelis, puis on retournait chez soi. Akaro considérait cela comme une erreur. Un tel don aurait dû pousser les anciens à découvrir les origines de la scission. Les cultures des autres mondes étaient des énigmes elles-aussi. Les archives Nuvolas devaient être enrichies de ces sources de savoir laissées à l’abandon. Il émergerait plus que ses prédécesseurs et collecterait d’avantage d’informations sur les autres mondes. Il ne comprenait pas que les Anciens aient laissé passer cette chance. Cependant, il ne pouvait blâmer les anciens pour cette erreur car la responsabilité des océans nécessitait une vigilance constante.

Lorsqu’Eladah fit la description anatomique des Humains, Akaro repensa au squelette du capitaine de l’épave qu’il dirigeait à présent. « Leur structure n’est pas si différente de celle des Nuvolas » songea-t-il.

Eladah s’interrompit à la vue d’un corps flasque et transparent. Les lumières de l’arc-en-ciel luisaient à travers lui. Akaro n’avait jamais vu une pareille créature, et avant qu’il ne pose la question, le Doyen murmura, plus pour lui-même que pour son compagnon

- Un ange des mers.

Au cours de ses voyages à travers les royaumes abyssaux, il n’avait croisé ces petits êtres que dans les eaux glaciales du Nord, au plus près montagnes de glace sous-marines. Ces créatures appréciaient et ne vivaient que dans les eaux froides et profondes. Il était inhabituel d’en croiser dans des eaux chaudes et si proches de la surface. Akaro lut la surprise sur le visage fatigué de son maître. Eladah anticipa une nouvelle fois la question.

- Cette créature se trouve bien loin de son espace naturel. Celui dans lequel nous évoluons est trop différent, presqu’hostile à sa survie. Quelque chose ne va pas, mais je ne saurais l’expliquer.

Une crainte l’envahissait mais il ne voulait pas alarmer Akaro, pas avant d’être certain de la cause. Contrairement à ses habitudes, Akaro ne posa pas de question supplémentaire.

Au-dessus de leurs têtes, la lumière de la surface se faisait de plus en plus intense. Le soleil réchauffait l’eau à chaque mètre parcouru.

Le jeune Nuvola se rappela subitement que seul le Doyen pouvait respirer à la surface… Mais il ne l’était pas encore ! Eladah se contenta de sourire.

- Devenir Doyen octroie des pouvoirs magiques que personne ne soupçonne. Je suis en mesure de transmettre un peu de mon pouvoir à mes frères et sœurs pour un temps limité. Sois tranquille, je ne te conduis pas à la mort.

Akaro crut percevoir un ton moqueur dans ces mots, ce qui était inhabituel chez Eladah, habituellement si respectueux. Ce voyage réservait décidément bien des surprises.

Le vaisseau émergea de l’océan et Eladah dessina un arc de cercle imaginaire de sa main, de la proue déjà à la surface à la poupe encore immergée. Lorsque le navire fut entièrement sorti de l’eau, le puissant sortilège fit apparaître une bulle aquatique protégeant le pont. Akaro était ébahi.

N’étant plus freiné par le poids de l’eau, le vaisseau gagna en vitesse et atteignit rapidement le ciel. Akaro s’autorisa à quitter le poste de pilotage pour profiter un instant du spectacle. Au début, il n’y avait que l’immensité de l’océan à perte de vue. Puis, Akaro distinguait les premiers contours des continents. La terre ferme était recouverte d’un tapis vert comparable aux champs d’algues que connaissait le jeune Nuvola. A certains endroits, le tapis semblait avoir connu une forte croissance et surplombait de vastes plaines. Il y aperçut des animaux étrangers gambader librement. De l’autre côté de ce qu’il considérait comme une forêt, d’autres animaux se dirigeaient, ou plutôt se précipitaient, vers les montagnes. A la différence des pics qu’il connaissait, ceux-ci étaient surmontés d’un chapeau blanc. Quelle était cette étrange matière fixée à ce seul endroit ? Il n’y en avait sur aucun versant. Eladah avait une fois encore lu dans ses pensées.

- La neige… murmura-t-il. Il en reste si peu. La chaleur est bien plus intense que lors de ma dernière venue. Se peut-il que ce soit le cas dans les terres du Nord ? Cela expliquerait la présence de cet ange…

Akaro n’interrompit pas la réflexion de son maître. Il regardait la courses des bêtes, qui, il ne pouvait en être sûr à cette distance, paraissaient affolées et cherchaient à fuir un danger. Cette scène lui rappela les sardines chassées par les dauphins. C’est alors qu’il vit un nuage noir s’élever du centre des bois. A sa base, un phénomène propre à la vie terrestre dévorait les arbres. Un peu plus loin, des silhouettes à l’apparence humaine abattaient la végétation et en jetaient une partie dans cette écume rougeoyante. De gros engins jaunes avançaient traversaient la flore et broyaient tout sur leur passage. Il n’avait jamais vu un tel spectacle. Il n’aurait su expliquer pourquoi, mais ces images provoquaient une douleur au plus profond de son être. Le visage d’Eladah, d’habitude si flegmatique, ne pouvait cacher sa consternation.

- Par tous nos ancêtres, marmonna-t-il.

- Vous avez ressenti cette douleur vous aussi ?

- Oui, et ce qui se passe sous nos yeux n’y est pas étranger. Lors de mon dernier voyage à la surface, le Concile des trois mondes s’était réuni en territoire Suomeli. Les Humains avaient attiré notre attention sur certains changements qui s’opéraient au sein de leur monde. Des machines remplaçaient progressivement leurs travaux autrefois manuels. Ils ne s’en plaignaient pas car cela allongeait considérablement leur durée de vie, très courte comparée à la nôtre. Cependant, ils émettaient des doutes sur l’effet de ces machines sur leur comportement et leur environnement à long terme. Cela remonte à plus d’une centaine d’années. J’étais encore un jeune Doyen, et nous, membres du Concile, ne prîmes pas cette alerte aussi sérieusement que nous l’aurions dû. Je ne suis plus remonté à la surface depuis, préoccupé à préserver la paix au sein de notre propre monde. Je me rends compte à présent que c’était une grave erreur. Les Humains qui nous ont prévenus jadis avaient raison. Cette partie de leur monde est en proie à la destruction. J’ose espérer qu’il n’en est pas de même sur les autres continents, mais cela ne laisse présager rien de bon. Il se peut même que cela se répercute sur notre propre monde.

- Comment ça ? s’étonna Akaro

- Rappelle-toi l’ange des mers que nous avons croisé. Il se peut qu’ils aient été forcés de s’adapter à vivre en eaux chaudes si leur habitat a été menacé, ou pire, détruit. Il est trop tard pour moi à présent. Je ne peux plus m’assurer de la bonne marche de ce monde. Ne commets pas la même erreur que moi. Par le passé, tout allait bien et nous n’avons pas soupçonné l’existence d’une quelconque menace. Lorsque tu auras pris ma place, rends toi régulièrement à la surface, réunis le Concile. Faites ce que nos prédécesseurs n’ont pas su faire. Veillez à ce que les trois mondes continuent d’exister en harmonie.

Akaro acquiesça et reprit la barre, tandis qu’Eladah continuait de contempler avec effroi cette scène de chaos.

IX

Le voyage vers Odarod se poursuivit. Les cieux d’un bleu azur, parsemés de nuages où vivaient en secret les Suomelis, avaient laissé place à un ciel d’un noir éternel derrière les étoiles scintillantes. L’immensité de l’espace fascinait Eladah comme lors de son premier voyage vers le sanctuaire. Les océans, dont il connaissait presque chaque recoin, étaient bien insignifiants en comparaison. L’empire céleste était infini. Pourtant, il n’avait croisé aucune forme de vie au cours de ses deux ascensions. Un univers aux frontières si vastes pouvait-il n’abriter aucune vie ? Il méditait sur le sens de ce dernier périple. Pourquoi les Doyens accomplissaient-ils le rituel si loin du royaume Suomeli ? Quelle découverte le premier de la lignée avait-il faite pour établir le Sanctuaire au-delà des trois mondes ? Beaucoup de questions auxquelles il ne pourrait apporter de réponse, faute de temps. Il avait enseigné les bases essentielles à son successeur, il n’avait plus rien à lui révéler. Il décida donc de mettre à profit le temps qui lui restait pour tenter de trouver des réponses. Il s’isola à l’avant du vaisseau pour méditer. Il se perdit dans ses pensées, laissa son esprit vagabonder dans les souvenirs de ses jeunes années d’érudition, jusqu’au jour de sa propre initiation et se rappela que son prédécesseur, sage parmi les sages, n’avait fait aucune allusion à ces sujets. Eladah contemplait la sphère terrestre. Plus ils s’élevaient vers Odarod, plus elle rétrécissait. Trois mondes, un céleste, un terrestre et un marin. L’air, la terre et l’eau.

A cet instant, les éléments étaient visibles ensemble…

Ensemble…

Ce n’était pas trois mondes distincts qu’il fallait considérer; mais trois royaumes, trois parties qui n’en composent qu’un seul ! Un Doyen ne devait pas simplement prendre conscience de leur existence, mais de l’unité qu’ils constituaient. Si l’un d’eux venait à s’effondrer, il entrainerait la chute des deux autres. Son prédécesseur n’y avait pas fait allusion car en cet âge reculé, les royaumes vivaient indépendamment les uns des autres, dans une relative autarcie. Aucun acte des habitants de l’un des royaumes n’impactait de manière significative les deux autres. Le danger que représentaient certains Humains risquait d’impacter non seulement la terre, mais aussi le ciel et la mer. Le pouvoir de respirer hors de l’eau était octroyé au Doyen dans cet unique but : s’assurer de l’unité du Monde. Il se sentait affreusement coupable de ne pas l’avoir compris au cours de ces longues années. Mais peut-être n’était-il pas encore trop tard…

Il rejoignit Akaro. Du voyage à Odarod dépendait la survie des Nuvolas. De cette découverte dépendait la survie de tous.

X

Odarod n’était plus très loin. Eladah désigna une petite planète obscure, inhabitée, dépourvue d’eau et de végétation. Seul un faible point lumineux brillait dans les ténèbres.

- Pose toi à proximité de cette lueur, elle marque l’emplacement du temple.

Akaro fit pivoter la barre dans la direction indiquée. Il demanda à Eladah de prendre sa place et de maintenir le cap, le temps pour lui de descendre à la sale des machines et de retirer le cube d’énergie du moteur. Ils devaient ralentir l’allure pour garantir un atterrissage en douceur. A travers un hublot, il constata la petite taille de la planète. Il était aisé d’en faire le tour en une demi-journée.

De la planète émanait une puissante magie, une force invisible qui attira doucement le vaisseau dans son orbite. C’était comme si elle connaissait la raison de sa venue. Revenu sur le pont, Akaro porta son regard sur Eladah. Ce dernier tendait les pattes en avant, paumes vers le sol. Il psalmodiait une étrange incantation. Le navire poursuivait son atterrissage. A son entrée en contact avec le sol, la bulle d’eau créée par le Doyen éclata en une fine bruine scintillante qui resta suspendue en l’air, permettant ainsi d’éclairer le vaisseau. Akaro retint brusquement sa respiration. Son seul moyen de survivre hors de l’eau venait de disparaître !

- Tu peux respirer sans crainte. Les Nuvolas sont les seuls êtres à pouvoir survivre sur cette planète. Nous sommes d’ailleurs les seuls à pouvoir nous y poser, rassura Eladah.

- C’est donc à cela qu’a servi votre incantation ? questionna Akaro en relâchant son souffle.

- Une barrière magique protège Odarod de toute autre forme de vie. Même si elle a toujours été déserte, nous ne pouvons prendre le risque d’y voir pénétrer des étrangers. Le premier Doyen a créé une formule et fait en sorte que seul notre peuple puisse entrer dans l’orbite de cette planète sacrée. Retiens bien ces mots Akaro :

Des profonds abysses nous avons émergé

Pour accomplir le rituel sacré

Dans les étoiles éternelles

Sous la mer comme au ciel

Ils sont la clé pour accéder à notre sanctuaire. Nous devons à présent revêtir la tenue cérémonielle. J’aurais besoin de ton assistance pour passer la mienne. Je crains que les années n’aient affecté mon corps plus que je ne voudrais l’admettre.

Dans la chambre du Doyen, Akaro aida son maître à revêtir une simple toge blanche avant d’enfiler la même tenue. Ce vêtement symbolisait la sagesse dont devait avoir fait preuve le Doyen au cours de son existence et l’humilité de son successeur. Tous deux relevèrent la capuche qui complétait la tenue sur leurs têtes avant de quitter le vaisseau et de prendre la direction de la seule source de lumière permanente de la planète.

La procession se fit en silence. Eladah méditait sur sa vie et son action. Ne pas avoir visité la surface plus souvent était une faute; mais sans fausse modestie, la dévotion pour son peuple compensait cette défaillance. Il était en paix avec lui-même et se sentait prêt à être jugé. De son côté, Akaro regardait la créature qui marchait devant lui. Son prédécesseur avait tant fait pour son peuple. Mais il restait encore tant de choses à accomplir. Il devait poursuivre l’œuvre des Anciens tout en apportant sa pierre à l’édifice. Il devait initier le retour du Concile des trois royaumes. Il avait toujours en tête ces affreuses images de terres massacrées. Il fallait mettre fin à ces agissements et protéger les trois royaumes de la destruction.

A leur arrivée au temple, Akaro constata que la lumière émanait d’une goutte d’eau en forme de larme qui flottait au-dessus du sol, la plus grande qu’Akaro n’ait jamais vue. Son diamètre à la base était d’environ deux mètres et elle mesurait près de quatre mètres de haut. Elle était illuminée de l’intérieur par des points virevoltants, tels des étoiles filantes emprisonnées. Eladah se prosterna devant elle, et sans le lui demander, Akaro l’imita, respectant un instant de recueillement.

- Nous y voici, mon successeur. Voici le temple sacré des Nuvolas. A l’origine, c’était une toute petite goutte d’eau de notre océan, amenée ici par le premier Doyen. Ces lumières flottantes sont les âmes de tous les Doyens. Chacune d’elle a agrandit l’atome au fil des millénaires. Nous nous présentons à elle pour que notre âme soit jugée. Si nous avons agi en Bien au cours de notre existence, note âme est absorbée pour reposer aux côtés de nos glorieux prédécesseurs. Dans le cas contraire, et bien… je n’en sais rien… puisque cela ne s’est jamais produit. Tant que cette bulle brillera sur Odarod, notre civilisation prospérera.

Subermgé par la tristesse, Akaro était incapable de prononcer la moindre parole. Le Doyen qu’il admirait depuis toujours était sur le point disparaître. Il l’avait si peu connu. Son initiation lui semblait bien trop rapide. Il avait encore tant de choses à apprendre.

Eladah prit une profonde inspiration pour retenir ses larmes. Il se retourna et regarda Akaro une dernière fois.

- Je te souhaite bonne chance. Je sais que tu réussiras, ne doute pas de toi. Veille sur notre peuple. Adieu, mon ami.

A ces mots, les âmes s’agitèrent. La luminosité s’intensifia, aveuglant Akaro un instant. Il cligna frénétiquement des yeux et vit des volutes de lumière s’échapper de la bulle. Elles entourèrent le corps d’Eladah, qui disparut progressivement jusqu’à devenir un point lumineux qui rejoignit les autres à l’intérieur de l’orbe. Akaro s’agenouilla pour saluer la mémoire du défunt et de ses ancêtres. De nouveaux volutes lumineux, accompagnés d’eau cette fois-ci, quittèrent leur enclave et enveloppèrent le corps du nouveau Doyen. La bulle d’eau brilla intensément une nouvelle fois avant de retrouver son éclat originel. Il était désormais investi des pouvoirs du Doyen.

Le voyage d’Eladah avait pris fin. Celui d’Akaro ne faisait que commencer.

XI

Ayant regagné le vaisseau, Akaro ôta sa tenue de cérémonie, la plia et la rangea avec soin. Il se rendit ensuite dans l’ancienne chambre d’Eladah, rassembla ses dernières affaires et les ajouta aux siennes. Il s’arrêta un instant, laissant le silence lui rappeler l’immensité de la tâche qui l’attendait.

Tandis que le vaisseau quittait l’orbite d’Odarod, Akaro jeta un dernier regard sur le temple et promit aux Anciens de rétablir l’équilibre du Monde avec l’aide des Humains et des Suomelis.

Mais ceci est une autre histoire du légendaire peuple Nuvola…


Texte publié par Alcée Levantin, 3 février 2024 à 16h03
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