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tome 1, Chapitre 1 « 1. A bout de course » tome 1, Chapitre 1

La peur au ventre, je courais dans cette forêt sombre. L’odeur de la terre humide ne parvenait plus à mes narines tellement je m’y étais habituée. A l’aveugle, j’esquivais les quelques obstacles qui nous séparaient de la liberté. Le vent fouettait mon visage, les branches s’accrochaient à mes cheveux, y laissant quelques brindilles et morceaux de feuilles mortes. Je ne sentais plus l’impact du sol sur la plante de mes pieds, mes jambes bougeaient sans que j’aie à leur ordonner. Pourtant, j’étais fatiguée. J’aurais aimé pouvoir m’arrêter et reprendre enfin mon souffle, celui que j’avais cessé de prendre depuis qu’on avait dû fuir. Mais lorsque je perdais espoir, je pensais à sa main dans la mienne, je savais qu’il ne la lâcherait pas. Elle me tirait et me poussait à courir plus vite.

Le silence régnait dans cette nature sauvage. Les quelques animaux nocturnes se concentrant sur leurs proies, se cachaient à présent sous le bruit de nos pas. La chasse était ouverte pour d’autres prédateurs. Ceux qui nous traquaient ne voulaient pas abandonner, nous épuisant pour mieux nous attraper.

Mais on ne s’arrêterait pas, on touchait presque à notre but. Dans quelques mètres une maison abandonnée, cachée par d’innombrables arbres et buissons, celle qu’on utilisait pour se planquer du monde devenu fou. Nos affaires y étaient, dont les clés d’une voiture qui nous attendait à la sortie de la forêt. Pas très loin de là une rivière plus déchainée que jamais s’écoulait, ils penseraient surement qu’on s’était échappé par-là. Avec un peu de chance ils se diraient qu’on était désormais noyé à cette heure.

Les derniers mètres enfin parcourus, j’étais si essoufflée que l’air ne faisait qu’un petit passage dans mes poumons en feu. Ma tête tournait maintenant que mon cerveau n’était plus oxygéné. Je n’en avais pas conscience mais ma respiration se faisait forte, je tremblais et quelques larmes coulaient le long de mes joues rougies par l’effort. Il posa ses mains en coupe sur mon visage, d’une voix apaisante, il me dit qu’il fallait que je me calme, qu’on s’en sortirait. Je le croyais, je voulais le croire. Il me sourit et respira doucement, je l’imitai et ça me détendait. Il prit le temps de m’enlacer. Son odeur, son étreinte, son visage crispé malgré son envie de se montrer fort. Tout était gravé.

— Allons-y ! dit-il sereinement, un sac sur le dos.

J’acquiesçai d’un signe de tête. Les mains toujours tremblantes. Il s’approcha et remonta la fermeture de ma veste trop grande pour moi, les manches recouvraient mes doigts, mais cela ne l’empêcha pas de les glisser entre les siens. Ce geste me rendait invincible. A deux, on pouvait tout vaincre c’était une évidence. Il m’entraina avec lui vers l’extérieur, là où notre course continua dans l’obscurité, nous avions si souvent emprunté ce chemin qu’on le connaissait par cœur, je savais que, dans seulement trois mètres, il y avait cet arbre où nous avions gravé nos initiales « L + N ». Pas très malin maintenant qu’on était recherché. Peut-être, avions-nous voulu laisser une trace avant notre disparition.

J’étais si distraite que je trébuchai sur les racines d’un autre arbre, celles que j’arrivais toujours à éviter. Mais cette fois je tombai, le ventre plaqué contre les feuilles mortes et la terre froide et humide. J’avais envie de rire. Pourtant la peur prit le dessus sur tout. Il se retourna, me regarda et leva les yeux vers les innombrables bruits de pas. Ils avaient réussi à nous rattraper. Dans la précipitation, il me releva et reprit ma main.

— Ne me lâche pas, s’écria-t-il.

Mes doigts se resserrèrent sur les siens prêts à les écraser s’il le fallait. On continua de courir côte à côte. Main dans la main, je ressentis alors cette boule dans mon ventre qui me poussa à le regarder comme si c’était la dernière fois. Ses cheveux flottaient dans le vent, ses joues rebondissaient sous l’impact de ses jambes contre le sol, ses yeux s’ouvraient davantage pour mieux voir dans la nuit et sa main glissait de la mienne. Une petite voix me hurla que c’était fini. Il fallait arrêter de lutter maintenant.

— On y est !

La voiture était là, garée sur un petit chemin. Avant qu’il puisse ouvrir la portière, il fit tomber les clés par terre, dans une injure, il les ramassa. Je regardais derrière nous, des halos de lumières s’approchaient, j’entendais des pas qui dangereusement se ramenaient.

— Dépêche, rentre !

Je m’exécutais, puis un coup de feu résonna dans mes oreilles faisant échos jusqu’au ciel.

Je me souviens de ces jours où l’on rêvait seulement de nous enfuir loin de tout. Notre naïveté, notre innocence, nos rêves insensés nous guidaient vers l’inconnu plus effrayant qu’un cauchemar. La réalité est toute autre. J’aimais tant m’allonger près de lui dans l’herbe fraichement coupé, à contempler les nuages dans le calme qu’il brisait en à peine cinq minutes. Il disait souvent que le silence est pour les morts. Il avait toujours en tête des jeux stupides comme le ‘’Et si’’ basé sur l’expression ‘’avec des si on refait le monde’’. On refaisait le monde à notre façon. Dans ces si, il y avait souvent le départ pour une autre vie. Une graine avait germé dans notre tête bien avant qu’on apprenne à se connaitre puis quand on s’est enfin trouvé, c’était une certitude : on devait partir ensemble. C’était plus tôt qu’on ne l’avait prévu…

Tout ça me manque : son rire, ses baisers, ses phrases sorties tout droit d’un film. Tous ces moments me paraissent si lointain désormais. La quiétude a été remplacé par son antonyme. Son rire par la peur et ses baisers sont devenus… amers.

Je sais que tout ça c’est ma faute. Ce départ précipité nous a valu des failles et beaucoup d’erreurs. Parfois je n’en fais tellement qu’à ma tête que je ne pense à rien d’autre qu’à ma petite personne. L’égoïsme, l’ingratitude… Mes faiblesses nous ont poussé au pire. Et maintenant, nous avons dû fuir.


Texte publié par Gwenael, 2 février 2024 à 11h28
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