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tome 1, Chapitre 9 « La valse des émotions » tome 1, Chapitre 9

Gabriela ravala sa salive. Une force inexplicable la poussait à se jeter dans ses bras. Sans qu’elle s’en rende compte, elle avait pris sa main. Sa paume était grande et douce, aussi chaude que le brasier qui vint l’animer contre son gré. Délicatement, il l’invita à s’installer près de lui. Elle se laissa faire, éberluée. Adrian lui sourit avec douceur.

― Veuillez excuser la méthode, très chère, mais il était important que je puisse m’entretenir avec vous seul à seul.

Gabriela écarquilla les yeux. Elle venait de comprendre. C’était bel et bien lui qui avait manigancé tout cela avec Lady Agatha. Sans doute pour éloigner Amélia... Elle ne savait pas comment réagir. Devait-elle s’énerver ou l’embrasser? Un tel toupet mériterait l’un ou l’autre, et elle ne saurait dire pourquoi.

― Vous auriez pu m’envoyer une missive.

― Dame Amélia se serait interposée, n’est-ce pas?

Sa voix chaude et suave lui arracha un frisson. Il l’observa longuement, ses prunelles d’ombre caressant la courbe de sa nuque, jusqu’à ses épaules dénudée, ornée de sa parure scintillante. Il se mordit la lèvre et se ressaisit.

― Je sais que tout cela va vous paraître étrange, de même que mon attitude, et j’en suis vraiment navré. Mais, nous avons un lien et il est important pour moi...de veiller sur vous.

― Je suis au courant.

Une lumière jaillit dans ses yeux d’onyx. Il ne put se départir d’un large sourire.

― Oh, voilà qui est intéressant. Vos souvenirs sont revenus?

― Mes souvenirs? Comment dire, quelqu’un m’a confirmé notre lien. Et j’ai eu d’étranges flashs.

Adrian haussa un sourcil.

― Acceptez-vous de m’en dire plus?

Gabriela retint un soupir. Ce n’était pas sa nature de se confier aussi vite à un individu qu’elle connaissait peu. Mais une voix l’incitait à s’épancher auprès de lui, comme si au final, ils étaient deux vieux amis, qui se retrouvaient après une longue absence.

― J’ai vu une lande enneigée, une jeune femme aux cheveux blancs poursuivis par un homme et une femme, ainsi que des chiens. Elle, je... elle est tombée dans un lac gelé.

La dernière phrase lui arracha une larme. Elle revoyait cette scène, revivant chaque seconde, chaque sensation avec une réalité frappante. Elle tourna son regard embué vers Adrian. Il avait attrapé sa main, retenant avec peine ses propres larmes. Une vive sensation les relia, comme un flou d’énergie, un battement de cœur à l’unisson, l’impression de retourner en arrière, ou, dans un autre monde, ils se connaissaient par cœur.

Il approcha son visage du sien. Son parfum vint effleurer ses sens, tout comme son souffle chaud. Elle allait s’approcher, mais elle cligna des yeux, reprenant pied avec la réalité.

Il plissa la commissure de ses lèvres et se recula.

― Chaque chose en son temps. Je suis heureux que tu te souviennes de cela. Le reste viendra progressivement.

― Que s’est-il passé?

Il porta sa main délicate à son visage pour y apposer ses lèvres, avant de libérer sa prise, avec une pointe de regret.

― Une réminiscence, de ce que nous sommes en réalité. Je ne vous demande pas de m’aimer à l’instant, même si mon amour traversera les âges pour vous. Laissez-moi juste vous protéger.

Gabriela eut son souffle coupé. Suspendu dans un ciel étoilé, avec pour guide, le regard d’Adrian, qui brillait malgré les ténèbres qui l’engloutissait. Elle avait tant envie de comprendre. Une mélodie pleine d’entrain brisa quelque peu cette bulle. Adrian inclina la tête.

― M’accorderiez-vous cette danse?

Elle hocha la tête, plaçant à nouveau sa paume contre la sienne. Dans un élan, ils gagnèrent la piste de danse, tourbillonnant entre les couples qui profitaient de la musique et de l’atmosphère tamisée. Lady Agatha avait fait installer une grande décoration, avec des lustres décorés d’éléments naturels, de nappes ornées de feuilles dorées agrémentées de fleurs en tissus. Dans un cadre aussi féerique, Gabriela avait un air de souveraine des terres de l’automne. Adrian ne quittait pas des yeux son regard aquatique.

― Ces couleurs te changent vraiment, lui glissa-t-elle à l’oreille, avant de la faire tournoyer.

En quelques pas, elle revint contre lui et lui répondit.

― Oh, vraiment? Apparemment, je n’en avais pas vraiment.

Il effleura sa hanche de sa main, pour la replacer dans son dos.

― Si, tu avais les couleurs du soleil, ton regard...

D’un geste délicat, il la fit pencher, rapprochant son visage du sien, avant de reprendre la valse.

― C’est comme si ton regard avait pris la teinte de l’onde.

Un petit attroupement s’agglutina autour des deux danseurs. Cette valse paraissait si aérienne et passionnelle, que les murmures se firent plus assourdissants. Amélia les observa en compagnie de Lady Agatha. Elle se trouvait partagée par l’envie d’étriper Adrian et celle de laisser son amie profiter. La voir danser aussi librement était un moment si rare qu’il serait cruel de le briser.

Pourtant, quelqu’un osa. Plus précisément, un couple. Ils chaviraient, droit devant Adrian et Gabriela, comme un navire qui viendrait en percuter un autre. Adrian les vit venir. Il se crispa et protégea Gabriela de son corps, encaissant la force du choc de ses larges épaules. Un élan de protestation s’éleva dans la masse des convives, tandis que les musiciens stoppèrent leur mélodie sur le champ. Lady Agatha croisa les bras, tapotant de son pied le sol d’un mouvement sec. Le duo des responsables manqua de tomber à la renverse, mais le messire se rattrapa de justesse, retenant sa partenaire avant qu’elle ne chût sur son postérieur. Adrian se crispa brusquement, en voyant le visage du monsieur en question. Il s’agissait d’un homme de taille moyenne, à la silhouette assez frêle. Si sa stature n’inspirait pas la puissance, son regard acéré possédait quelque chose de perturbant, comme une lueur de fierté et d’orgueil mal placé. Ses cheveux coupés courts, ses rouflaquettes ainsi que sa tenue clinquante lui donnaient un air de jeune premier. Pourtant, ses rides affichaient l’apanage d’un homme d’âge mûr plutôt que d’un jeune éphèbe.

― Vous êtes fort maladroit! s’exclama-t-il, avec la plus grande des audaces.

La femme s’épousseta, remettant en place sa robe sophistiquée. Étriquée dans un corset brodé de fils d’or et orné de rubis, elle redressa son menton, affichant un air prétentieux malgré ses traits agréables. Ce qui marqua Gabriela, c’était ses grands yeux globuleux, qui la fixait à la manière une poupée effrayante. Au fond de ses iris, une sensation de vie l’angoissa. Gabriela serra la main d’Adrian, qui caressa sa paume du bout des doigts. Rapidement, Amélia vint à ses côtés et se mit à aboyer sur le couple maladroit.

― Vous êtes sérieux?! Tout le monde vous a vu foncer sur eux! Un minimum d’excuses serait requis en cette situation plus que flagrante!

Gabriela savait pertinemment que son amie se retenait de les insulter. Lady Agatha vint leur faire face à son tour. En cette situation, ils avaient intérêt de faire amende honorable, car mal agir devant l’hôtesse de maison, qui jouissait d’une excellente réputation dans le milieu, c’était se tirer une balle dans le pied. Le messire poussa un soupir.

― Bon, bon, puisqu’il faut le faire, veuillez nous excuser. J’espère que vous n’êtes pas blessé.

La demoiselle de l’onde secoua la tête, puis jeta son attention sur Adrian. Il ne semblait pas mal en point, mais elle sentit tous ses muscles contracturés, comme un fauve prêt à bondir. Même Amélia paraissait détendue à côté de lui.

― Nous ne sommes pas blessés, marmonna-t-il, j’accepte vos excuses.

Lady Agatha secoua son éventail d’un coup sec, poussant un long soupir.

― Bien, voilà qui est réglé. Faites attention, la prochaine fois, messire de la Richevaudie.

La masse des convives s’apaisa progressivement. La musique reprit. D’un pas timide, quelques partenaires de danse s’élancèrent. Gabriela voulut se retirer de la piste. Adrian comprit très vite son intention et la guida jusqu’à leur alcôve. Amélia les suivit.

― Mais ils ne sont pas sérieux... Je n’ai jamais vu un couple aussi maladroit.

― A ce stade, ils l’ont fait exprès, marmonna Adrian.

Gabriela s’éventa un peu, prenant quelques grandes bouffées d’air. Amélia tourna son attention sur elle.

― Tu n’es pas blessée?

― Non, grâce à Adrian. Merci infiniment.

― Allons ma chère, je n’allais pas les laisser vous malmener, intervint-il.

― Dites-moi, messire «  je m’incruste chez une dame », vous les connaissez ces larrons?

Adrian haussa un sourcil au surnom qu’Amélia venait de lui attribuer. Il se gratta la tempe.

― Ce messire de la Richevaudie me dit quelque chose, pas dans les meilleurs termes. La dame, je ne la connais pas.

Amélia se tritura le menton, comme elle le faisait souvent lorsqu’elle réfléchissait.

― À moins d’être ivre, il faut vraiment le faire exprès pour vous foncer dessus de la sorte.

― Peut-être étaient-ils éméchés?

Amélia haussa finalement les épaules.

― Je dois admettre que pour une fois, vous vous êtes conduit en gentlemen, asséna-t-elle à l’attention d’Adrian.

Il leva les yeux vers le ciel.

― Je peux vous assurer que je ne veux aucun mal à lady Gabriela.

― J’ai bien compris qu’elle vous plaisait, mais soyez plus galant, la prochaine fois, évitez d’apparaître à sa fenêtre, c’est inconvenant.

Adrian allait lui répondre, mais il se crispa à nouveau, voyant apparaître messire de la Richevaudie et son amie derrière elle.

― Noah, cracha Adrian, de façon instinctive.

Le seigneur étira un large sourire, des plus sardoniques.


Texte publié par PersephonaEdelia, 22 septembre 2024 à 22h08
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