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C'est le laboureur lui-même qui m'a conté cette histoire. Jusqu'à présent, je n'avais jamais eu de récit aussi précis. Au nom de mes recherches, je me devais donc de l'écouter jusqu'au bout malgré ses ponctuations faites de jurons. Cet homme était lié à la fille d'un des closiers voisins. Il n'avait que quelques années de plus qu'elle et ils se connaissaient depuis longtemps. C'étaient sur ces deux faits qu'avait été décidé le mariage. Qui en avait parlé le premier, les parents ou bien l'homme lui-même ? L'histoire l'avait oublié. Toujours était il que le mariage était prévu après les grands travaux de la saison chaude. Elle l'avait repoussé, prétextant avoir le devoir d'aider ses parents à préparer le repli qui suivait. Ce qui était vrai, il fallait ramasser les fruits juteux tombant des arbres, en faire des confitures ou les sécher pour le froid à venir, préparer les salaisons de viandes et poissons ou bien encore enfermer les légumes dans de grands récipients de sel.

Les jours passant, la date se faisait de plus en plus proche. Et la closière de plus en plus étrange. Elle passait son temps le nez en l'air à observer les oiseaux partir vers les pays chauds. À ramasser des baies ou des champignons dans les bois tout proches. Un des autres voisins m'a rapporté qu'il l'avait surprise à pleurer, agenouillée devant l'énorme pierre dressée de la clairière aux sorcières. Même ses parents la trouvaient plus distante. Mais tous mettaient cela sur le compte du mariage à venir. Elle avait toujours prit soin de ses aînés et éprouvait beaucoup de peine à les laisser, d'autant plus qu'elle était la dernière à quitter le foyer. Souvent, elle leur demandait « Mais qui prendra soin de vous lorsque je serais partie ? ». Et ils souriaient tendrement en guise de réponse. Les enfants devaient prendre leur envol. Et puis, elle ne serait pas si loin.

Cela se passa durant la grande nuit, celle qui n'a lieu que deux fois par an et est égale au jour. La jeune fille s'est levée et a quitté la maison. Cela, ses parents ne l'ont découvert qu'au matin. En revanche, son fiancé l'a surprise marchant vers les bois d'un pas assuré. Elle n'était vêtue que d'une chemise de nuit faite de lin. Il la suivit de loin, curieux de voir ce qu'elle pouvait bien faire. Ce faisant, il lui semblait que sa promise n'était pas seule et qu'elle était guidée par une quelconque autre personne qu'il n'arrivait pas à distinguer. Il arriva devant une scène que personne n'avait encore jamais narrée. Là, dans la clairière aux sorcières, la pierre dressée était illuminée de curieux caractères que l'homme ne put pas lire d'où il se trouvait. Autour, les cercles de cailloux semblaient eux aussi briller dans la nuit. Plusieurs animaux se trouvaient là avec un air paisible. Et surtout, il vit des femmes vêtues de feuilles danser et chanter autour de ce rocher mystique. Leurs chants étaient d'un dialecte inconnu. Celle qu'il connaissait fut accueillie chaleureusement par celles déjà présentes, et elles l'invitèrent à danser avec elles. Ce faisant, son corps se modifia peu à peu. Ce fut à ce moment-là qu'il se rendit compte que les autres femmes présentes avec elle n'en étaient pas vraiment. Elles n'étaient pas seulement vêtues de feuilles contrairement à ce qu'il avait cru en premier lieu. Plusieurs en étaient faites, et avaient ce faisant la peau verte. Pour d'autres, elles étaient plus foncées et semblaient faites d'écorce. Leurs cheveux s'apparentaient à des branches parsemées de fleurs. Leurs mouvements gracieux rappelaient la douce chute d'une plume portée par le vent.

Là, caché dans les buissons, il fut prit de panique à l'idée de perdre sa promise qui se métamorphosait sous ses yeux. Il sortit alors de sa cachette, stoppant net le ballet des dryades qui l'observèrent, figées de stupeur. Le laboureur voulut tendre la main vers sa future femme pour la faire revenir, mais elle eut un mouvement de recul. En s'approchant pour pouvoir mieux la distinguer, il se prit les pieds dans une racine et s'étendit de tout son long. Il ne mit que quelques secondes à se relever, mais ce fut suffisant pour qu'il soit désormais seul. Les pierres ne scintillaient plus. Les chants et rires avaient disparu, tout comme les animaux et les étranges femmes. Il restait seul, seul avec une chemise de lin abandonnée là.

Voilà ce que je pus tirer de cet ivrogne notoire à la table de cette taverne. Le pauvre homme n'a jamais surmonté cette épreuve, et ne s'est pas fiancé de nouveau non plus. Il passe désormais le plus clair de son temps à boire. Quant à ses parents, ils m'ont conté ne plus avoir revu leur fille, ni vraiment savoir ce qu'elle était devenue. Je les soupçonne de me cacher une part de vérité par pudeur ou pour la protéger. Toujours est-il qu'ils m'ont dit trouver régulièrement sur le pas de leur porte un panier tressé empli de trésors de la nature.

Extrait de récit d'exploration

Chercheur Aldwin Desroses


Texte publié par Anaïs, 9 novembre 2023 à 21h00
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