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Il était une fois, une jeune fille nommée Blanche. Sa peau était de porcelaine, et ses cheveux couleur corbeau. De grands yeux vifs et sombres complétaient l’ensemble, observant chaque chose avec intensité. Blanche avait deux belles-sœurs, qui s’entendaient très bien entre elles. Elles se prêtaient leurs jouets, s’amusaient ensemble, portaient même les vêtements de l’autre. Mais jamais elles ne faisaient cela avec Blanche. Oh non, jamais.

Blanche n'avait pas la même mère, mais habitait tout de même avec elles. Il se trouvait qu’elle était également la plus jeune. Elle portait donc les vieux vêtements de ses aînées, souvent abîmés voire troués ou tâchés. Il en était de même pour les jouets et avait rarement des choses neuves, encore moins qu’elle choisissait elle-même. Surtout qu’elle était régulièrement punie car ses deux belles-sœurs se liguaient contre elle pour la désigner lorsqu’elles faisaient des bêtises.

Depuis toujours, Blanche était donc malheureuse tout au long de l’année. Sauf au jour d’halloween. Là, tout le monde était déguisé. Personne ne la reconnaissait sous sa tenue, ni ne la traitait de souillon aux vêtements troués. Elle adorait cette fête, et l’attendait impatiemment en cousant elle-même ses déguisements.

Cette année, elle avait dû insister auprès de sa famille pour la fêter une dernière fois. “Tu es bien trop grande, et nous aussi !”, “Tu veux des petits bonbons, la souillon ?”, et autres remontrances. Blanche fêtait en effet ses seize ans aujourd’hui, car elle était née le jour d’halloween. Pour l’occasion, elle s’était confectionné une tenue de sorcière, composée d’une robe noire, d’une cape, et d’un chapeau pointu assorti, ainsi qu’un balai sur lequel elle avait dessiné. Ses sœurs s’étaient moquées d’elles, comme à leur habitude, mais Blanche leur avait répondu de façon énigmatique : “Ce sont les runes vues dans mes rêves”. Ce qui avait bien évidemment donné une raison de plus pour se moquer aux deux sœurs.

La jeune fille n’en avait cure. Armée de son balai et de son sac, elle lança un dernier regard à sa maison avant de sortir de chez elle. Sous le rire des deux vilaines, elle quitta leur champ de vision pour se diriger avec hésitation vers le parc le plus proche, où se trouvaient sept enfants. Ceux-ci formaient un cercle à l’intérieur duquel se tenait un loup-garou, visiblement bien embêté. Blanche prit son courage à deux mains et se dirigea vers le petit groupe en les hélant. Ils furent surpris, et s'apprêtaient à s’approcher d’elle lorsqu’elle s’adressa à eux d’une voix forte en agitant son balai.

- “Laissez le tranquille, ou je vous change en citrouille !”

Les enfants s’observèrent alors, hésitants. Le plus téméraire lui répondit :

- “N’importe quoi, c’est halloween et on est tous déguisés. Les sorcières ça n’existe pas. Et les loups-garous non plus ! On voulait juste toucher son costume, c’est tout !”

Blanche leur sourit, avant de poursuivre plus doucement :

- “Ha oui ? Qu’est-ce qui vous dit que les vrais monstres ne se mélangent pas aux faux lors d’Halloween ?”

Sur ces mots, elle agita son balai en prononçant des paroles incompréhensibles. Les enfants se mirent à courir en criant, délaissant leur victime. Le loup-garou fut soulagé et remercia la jeune fille. Il lui offrit un livre magnifiquement ouvragé. Blanche adorait lire. Ce livre ci était spécial, sur la couverture était noté le mot "Grimoire". Elle embrassa la Bête sur la joue en guise de remerciement.

Blanche quitta le cercle des nains désormais vide, et observa le ciel. Celui-ci était nuageux, mais le vent soufflant fort permettait régulièrement d'apercevoir la lune. Elle réajusta sa cape, puis avisa un lapin clair qui l’observait. Du coin de l'œil, elle vit la Bête quitter le parc sans demander son reste. Tout se déroulait comme dans le rêve. Confiante, elle suivit le lapin en ignorant les enfants et adolescents dans les rues, ainsi que leurs rires. L’un d’entre eux la complimenta sur sa tenue, puis lui lança un regard intrigué lorsqu’elle poursuivit sa route en criant “Attends moi !”. Il chercha à qui elle parlait, sans voir qui que ce soit.

Le lapin avançait vite, elle devait presque courir. Il empruntait des chemins sinueux, passait au travers de buissons épineux sans se blesser - contrairement à Blanche. Celle-ci essayait de ne pas le perdre des yeux, avançant sans regarder où elle mettait ses pieds. Le lapin, lui, traversait sans encombre tous les obstacles. En sautant par-dessus une haie dans laquelle il s’était faufilé, Blanche chuta la tête la première dans un panier empli de pommes. Le bruit de son accident attira la propriétaire du jardin, qui ouvrit sa fenêtre en hurlant. Tout en se relevant, Blanche bredouilla des excuses en se frottant le crâne. Elle reprit sa route sous les cris de la dame au nez crochu.

Cette mésaventure ne faisait pas partie de son rêve. Le loup était présent à sa place, tout comme le lapin. Mais elle avait perdu celui-ci de vue et n’osait pas l’appeler. Avait elle raté l’épreuve ? Devait elle retourner chez sa belle-famille pour être malheureuse jusqu’à la fin de ses jours ? Le désespoir commença à saisir la jeune fille, qui marchait désormais sans but sur le trottoir. Elle avait beau regarder partout, elle ne voyait plus le lapin fantomatique, et ne savait plus où aller.

Elle avisa un banc et prit place dessus afin de se calmer. Une longue respiration après l’autre, jusqu’à ce que son rythme redevienne normal. Qu’avait elle vu d’autre dans son rêve ? Il y avait d’abord le loup-garou, puis le lapin. Ensuite… Mais oui ! Blanche ouvrit le grimoire. Là, sous la lumière du lampadaire, elle lut la recette qu’elle cherchait. Tout cela était irréel, et pourtant ! Avait elle perdu l’esprit ? Non, tout ce dont elle avait rêvé s’était réalisé. Tout cela existait donc vraiment…

Blanche eut un petit rire nerveux, et s’éloigna quelque peu de la lumière afin de poser son balai au sol. Le grimoire en mains, elle prononça la formule magique. Quelques secondes passèrent durant lesquelles la jeune fille douta. Puis les runes qu’elle avait dessinées s’illuminèrent peu à peu, jusqu’à irradier la zone. Le manche parut se dérouler, jusqu’à former un tapis à pompons bien plus confortable. Blanche éclata de rire en voyant cela, n’y croyant guère. Mais c’était bien là, sous ses yeux ! Elle prit place sur son véhicule, en prenant bien soin de ne pas oublier son précieux livre ainsi que son sac.

Inquiète de savoir si quelqu’un la voyait, elle regarda autour d’elle. Mais personne ne faisait attention à elle. En réalité, ils semblaient ne même pas la voir. Soulagée, elle ordonna au tapis de prendre son envol. Celui-ci obéit immédiatement. Bien vite, l’apprentie sorcière se rendit compte qu’il lui suffisait de penser à l’endroit où elle désirait se rendre pour que le tapis obéisse. Elle n’avait donc pas besoin de lui donner des ordres à haute voix.

Voler au-dessus de la ville était grisant. Elle ne l’avait jamais vue de cette manière. Tout lui semblait si petit ! Là, son école, puis le collège. Ici la bibliothèque et la mairie. Elle distinguait également le parc où elle se trouvait quelques minutes plus tôt. Plus loin, elle se figea lorsqu’elle vit qu’un jeune homme lui faisait signe. Comment pouvait il la voir alors que les autres ne semblaient pas en être capables ? Puis elle reconnut son allure, sa façon de marcher. La Bête qu’elle avait aidée plus tôt ! Ravie, Blanche lui répondit. Là-bas, elle vit clairement le lapin, qui n’était autre qu’un fantôme et s’envolait vers le ciel. C’était donc pour cela qu’elle avait été seule à le voir.

Mais tout de même, pourquoi elle ? Curieuse, elle poursuivit sa route en allant devant chez sa belle famille. Quelle ne fut pas sa surprise en voyant au travers les fenêtres son ancienne famille ! L’une de ses sœurs pleurait devant son visage désormais couvert de boutons. L’autre hurlait devant la dizaine d'araignées velues qui avaient envahi sa chambre. Quant à sa belle-mère, elle dormait toute habillée en travers de son lit, son tricot encore en main.

- “Elles ne te feront plus de mal, désormais.”

Blanche se tourna vers la personne qui s’était assise à ses côtés, sur son tapis.

- “Tu as bien travaillé, bravo. Il est très confortable. Mais permets moi d’y apporter quelques améliorations…”

Sur ce, la nouvelle venue prononça quelques paroles en une langue que Blanche ne comprit pas. Les pompons des quatre coins du tapis s’élevèrent, avant de s’allonger et de passer au-dessus de leurs têtes pour se rejoindre au centre. Ils scintillèrent alors et de chaque côté des parois vinrent les protéger du vent et autres intempéries. Sous elles, des sièges confortables vinrent les soutenir. Le balai changé en tapis volant était désormais devenu un carrosse.

- “C’est bien mieux, non ? Allez, en route !”

Sur ces paroles, elles quittèrent la ville pour se diriger vers un endroit inconnu. Blanche, qui était restée interdite depuis l’arrivée de la femme, osa poser quelques questions.

- “Mais… Où allons nous ? Vous êtes une sorcière ? Et moi, qui suis-je ?”

- “Je ne suis pas une sorcière, mais une fée ! Tout comme toi. Et en tant que marraine, je suis venue te chercher pour t’emmener à l’école des fées, où tu y apprendras tout ce qu’il faut savoir. Tu es en âge d’en devenir une, désormais.”

- “Une marraine, qu’est-ce c’est ?”

- “Les marraines se penchent sur les berceaux et choisissent les meilleures âmes, afin de les désigner comme prochaines fées. Et durant toute leur croissance, nous devons les protéger jusqu’à ce qu’elles soient prêtes à franchir le voile. Celui-ci se fragilise lors de la Samain, nous permettant d’aller et venir librement chercher les plus puissantes. Nous venons également tout au long de l’année, sans que personne ne nous voie.”

Au fond, elle le savait, et l’avait toujours su. Combien de fois était elle passée au bord de la catastrophe ? Combien de fois s’était elle dit qu’il s’en était fallu d’un cheveu pour qu’il lui arrive bien pire ? Tout ce temps, l’on veillait sur elle. Tout ce temps, dans ses songes, elle s’évadait. Elle ne s’était jamais sentie à sa place ici, et savait désormais pourquoi. Alors, elle rit. Elle rit tant et tant qu’elle en pleura. Comme elle était heureuse ! Une nouvelle vie commençait, et elle serait mieux que l’ancienne.

Quelque part dans un jardin, gisait un corps inanimé déguisé en sorcière…


Texte publié par Anaïs, 9 novembre 2023 à 20h21
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